Au sein du présent projet de loi de finances, avec 13,82 milliards d'euros, la part de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » consacrée à la recherche est placée sous le signe de la stabilité. En cette période d'efforts budgétaires, la préservation de ces crédits est une bonne nouvelle, qu'il faut saluer.
Néanmoins, à la suite des auditions auxquelles j'ai procédé, j'évoquerai principalement quatre sujets.
Premièrement, malgré la stabilisation globale de l'emploi, la baisse considérable du nombre de départs à la retraite, qui devrait rester très bas jusqu'en 2020, a entraîné une diminution très importante du recrutement. À titre d'exemple, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) recrutera 44 chercheurs en 2016, contre 140 il y a quelques années.
Du fait de cette situation conjoncturelle, les jeunes docteurs embauchés comme contractuels sur un projet de recherche ne peuvent pas trouver de poste stable au-delà de deux contrats de trois ans. Cette situation, navrante pour eux, est par ailleurs dommageable pour la recherche : certains projets, notamment ceux qui relèvent des investissements d'avenir, étant conduits sur dix ans, nous allons perdre en cours de route les chercheurs qui ont été recrutés pour les mener à bien, au moment même où ils arrivent à maturité.
Des remèdes ne pourraient-ils pas être trouvés ? Ne pourrait-on pas, par exemple, permettre aux grands organismes, qui disposent de ressources propres abondantes, de créer sur ces ressources des contrats à durée indéterminée ? Une telle solution, qui devrait bien sûr être négociée avec les organisations syndicales et serait le cas échéant provisoire, ne permettrait-elle pas de pallier une situation du recrutement néfaste à la recherche et dramatique pour les chercheurs, lesquels se trouvent sans solution au moment où leurs talents et leurs compétences atteignent leur maturité ?
Ma deuxième préoccupation concerne la recherche sur projets. Au début de la législature, un rééquilibrage légitime a été opéré entre les crédits récurrents de la recherche et les crédits de l'ANR. Mais n'arrive-t-on pas à un point limite ? L'ANR ne dispose plus que de 560 millions d'euros de crédits d'intervention, et le taux de succès des projets est inférieur à 10 %.
Je suis aussi préoccupé par la situation de la trésorerie de l'ANR. Le caractère pluriannuel des contrats a entraîné des décalages d'exercice entre engagement et paiement. L'ANR s'est ainsi trouvée dotée d'une trésorerie pléthorique. S'il était raisonnable de remettre celle-ci à un niveau cohérent avec les paiements, il semble que nous soyons arrivés à un point où la situation de la trésorerie peut faire courir des risques à des projets déjà votés. Quelle action pensez-vous conduire pour sécuriser les paiements de l'ANR ?
Dans mon rapport, j'ai aussi évoqué la question des coûts complets et des coûts indirects, sur laquelle vous souhaiterez peut-être revenir, monsieur le secrétaire d'État.
Troisièmement, en élaborant notre rapport sur la gestion des investissements d'avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur », Patrick Hetzel et moi-même avons constaté l'effet structurant des IDEX sur le regroupement par site des entités qu'elles fédèrent. Une IDEX, c'est une gouvernance et un projet. La politique des COMUE va, elle aussi, dans le sens du regroupement par site. Dès lors, ne faut-il pas veiller tout particulièrement à la qualité de la gouvernance des COMUE et à l'élaboration d'un projet commun ? Les COMUE sans projet commun bien défini et sans gouvernance solide ne risquent-elles pas de s'étioler rapidement ?
Quatrièmement, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir ont été créées les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT). Or le transfert de la propriété intellectuelle des découvertes aux SATT semble parfois incompatible avec les modes de valorisation développés avec succès par de grands organismes tels que l'INSERM ou, plus encore, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), lequel estime que le mode opératoire des SATT met en danger son modèle économique. Pour permettre une cohabitation harmonieuse des SATT avec les outils existants, ne faudrait-il pas diversifier leur modèle ?
Enfin, si l'État stratège est unique, l'allocation des crédits de recherche est désormais placée sous l'autorité de deux instances : le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le Commissariat général à l'investissement. La coordination entre les deux vous paraît-elle satisfaisante ? Si tel n'est pas le cas, comment devrait-elle être améliorée ?
Pour conclure, eu égard à la situation si délicate de la recherche, il me paraît désormais essentiel de sanctuariser les crédits qui y sont affectés. C'est ce que vous avez fait dans le cadre de ce projet de loi de finances. J'émets donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.