Pour la deuxième année consécutive, le budget de la recherche est en baisse, tant en termes de crédits de paiement que d'autorisations d'engagement. En réalité, un effort conséquent est à nouveau demandé à la recherche cette année, ce qui nous conduit à nous interroger sur la « sanctuarisation » de ce budget, que vous affichez pourtant publiquement. C'est de la pure communication. Votre ton triste et morose, madame la ministre, en est d'ailleurs une preuve flagrante. (Exclamations de plusieurs commissaires de la majorité.)
Après les réductions budgétaires déjà opérées en cours d'année par votre gouvernement – la recherche a connu des annulations de crédits importantes –, c'est une fragilisation supplémentaire pour l'ensemble des organismes de recherche de notre pays. Dans un contexte de concurrence internationale accrue, alors que le déploiement souhaité des activités de recherche des grands instituts et, surtout, des universités supposerait un plan de croissance continu, afin que les uns et les autres soient mieux à même de répondre aux dix défis de la stratégie nationale de recherche, ce budget pour la recherche manque décidément d'ambition, hélas ! Est-il nécessaire de rappeler l'enjeu que représentent les crédits de la mission interministérielle que vous nous présentez ? Ils constituent un investissement majeur, qui conditionne l'avenir. Répétons-le : augmenter le budget de la recherche ne revient pas à aggraver les déficits publics ; au contraire, de telles dépenses constituent des bénéfices, tant en termes de croissance que de perspectives pour l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des jeunes, des étudiants, des enseignants ou des chercheurs.
Ce cadre budgétaire est, on le voit, assez éloigné de la volonté affichée par le Gouvernement depuis 2013 de rééquilibrer le financement de la recherche en faveur des crédits récurrents. D'autre part, les moyens de la recherche sur projets, matérialisés par les dotations de l'ANR, continuent de baisser, en application des politiques menées depuis trois ans. Comme vous le savez, la diminution constante des financements que peut mobiliser l'Agence et, donc, du nombre de projets qu'elle peut soutenir devient extrêmement décourageante pour l'ensemble des acteurs de la recherche, particulièrement pour les petites structures et les jeunes laboratoires. Rappelons que l'agence gère également les appels à projets des programmes d'investissements d'avenir, qui ne sont pas du même ordre et ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Quelle place attribuez-vous aujourd'hui à la recherche sur projets dans notre pays ? Quel avenir fixez-vous à l'ANR, alors que la démission de plusieurs scientifiques de haut niveau membres de comités de l'agence devrait vous alerter ?
La recherche privée forte que nous appelons de nos voeux doit s'adosser à une recherche publique forte, elle aussi. Or les emplois statutaires des principaux opérateurs de la recherche publique n'évoluent plus, alors que la démographie des chercheurs et des diplômés progresse. Il faut mettre fin à la précarisation croissante des jeunes chercheurs, doctorants et post-doctorants. Aujourd'hui, plus largement, se pose la question des perspectives offertes aux étudiants en formation tant initiale que continue et, donc, de l'attractivité même de l'enseignement supérieur et de la recherche pour les nouvelles générations.
Dans son rapport public annuel de 2015, la Cour des comptes a souligné que « le recrutement des chercheurs statutaires était toujours déconnecté des priorités stratégiques nationales ». Ne pensez-vous pas nécessaire de promouvoir un grand plan de recrutement dans la recherche tant privée que publique afin de lui rendre son attractivité ?
La reconnaissance du doctorat et l'insertion des docteurs dans les entreprises doivent être une priorité. En effet, la place des jeunes chercheurs dans les entreprises reste notoirement insuffisante. Des objectifs ont été fixés, en particulier à la suite de l'adoption de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche en 2013. Pouvez-vous nous présenter les actions engagées et les résultats obtenus, tant en termes de recrutement par les entreprises que de reconnaissance du diplôme dans les conventions collectives et de prise en compte de celui-ci dans les carrières de la fonction publique ?
Une nouvelle stratégie nationale de recherche a succédé à la stratégie nationale de recherche et d'innovation mise en oeuvre à partir de juillet 2009. Si cette dernière avait été fortement soutenue par la programmation de moyens en faveur de la recherche – celle-ci ayant été définie par la loi de programme pour la recherche de 2006 –, tel n'est pas le cas de la stratégie actuelle et de ses dix défis, qui peuvent, au mieux, s'appuyer sur les programmations classique et triennale des lois de finances. Or, une fois les crédits votés, celles-ci sont remises en cause par les multiples annulations de crédits, ainsi que nous l'avons vu cette année encore.
En conclusion, ce budget en baisse n'a ni le souffle ni l'ambition que nous sommes en droit d'attendre. Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2016 au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».