Intervention de Franck Reynier

Réunion du 21 octobre 2015 à 9h00
Commission élargie : finances - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Reynier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les grands organismes de recherche :

Comme l'année dernière, je constate une stabilisation des moyens dédiés à la recherche, dans un contexte budgétaire général, il est vrai, extrêmement dégradé. Il est important que nous apportions les moyens financiers nécessaires pour maintenir les recrutements et l'emploi scientifique dans les organismes de recherche. Cependant, alors même que l'innovation figure au premier plan de la Nouvelle France industrielle récemment recentrée sur « l'industrie du futur », vous n'avez pas été en mesure, monsieur le ministre, de concrétiser votre ambition pour la recherche, ainsi que cela apparaît à la lecture du projet de loi de finances pour 2016.

L'ANR, principal opérateur du financement de la recherche sur projets en France, voit ses crédits reconduits en 2016, mais sa situation budgétaire n'en demeure pas moins difficile, ainsi que notre collègue Alain Claeys l'a souligné. Au-delà de ce contexte, je me dois de vous alerter sur la méthode qui a été utilisée à l'égard de l'ANR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 : un amendement a amputé son budget de 20 millions d'euros. Si de telles méthodes devaient à nouveau être employées, je souhaiterais une plus grande transparence et une meilleure information des organismes concernés, car cela rend très complexe la construction de leur budget.

La France connaît un retard grandissant par rapport à ses partenaires étrangers en matière de financement de la recherche sur projets. Dans un monde concurrentiel qui demande souplesse et réactivité, comment notre pays peut-il continuer à soutenir efficacement ses recherches, alors que vous amputez ainsi l'un des leviers de la compétitivité en France de sa capacité d'action ? En outre, comment endiguer la désaffection des industriels vis-à-vis des projets de l'ANR, qui sont pourtant l'outil privilégié de la recherche partenariale ?

Au-delà de ces questions fondamentales pour l'équilibre de la recherche française, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur certaines difficultés rencontrées plus globalement par les organismes de recherche.

En premier lieu, je souhaite que les établissements publics à caractère scientifique et technologique, auxquels sont demandés des efforts substantiels, continuent à bénéficier de taux réduits de mise en réserve de précaution, sans quoi ils seront contraints de diminuer encore les dotations affectées à leurs unités de recherche.

En deuxième lieu, je reviens sur les difficultés liées à la trop faible prise en compte des coûts indirects induits pour les établissements hébergeurs de projets par les contrats conclus avec l'ANR. Celle-ci prend en compte une part de coûts indirects de 19 %. Une évolution vers un taux global de 25 %, conformément à ce que pratique l'Union européenne, est-elle envisageable ?

En troisième lieu, la question du renouvellement de l'emploi scientifique et du recrutement des jeunes chercheurs inquiète de nombreux organismes : c'est la permanence des savoirs et des compétences qui est en jeu et, de ce fait, le rayonnement et la compétitivité de la France. Votre budget ne donne que peu de perspectives d'embauche aux jeunes chercheurs et risque de décourager les candidats au doctorat. En dix ans, les recrutements à l'INSERM et au CNRS ont diminué de 25 à 40 %. Le Gouvernement compte-t-il revoir son effort en faveur de l'emploi scientifique pour les années à venir ?

Dans le contexte actuel de profonde transformation de la société par le numérique, j'insiste plus particulièrement sur la situation de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). L'excellence et l'attractivité de l'INRIA sont reconnues internationalement en matière de recherche en sciences du numérique. Or le budget de l'INRIA pour 2016, bien que stable, ne correspond pas aux attentes placées dans le développement de ce secteur. Au moment où la filière numérique connaît une croissance exponentielle, l'Europe constituant le deuxième marché mondial en la matière, la France dispose, avec ses organismes de recherche, d'un atout de premier plan. Aussi, je souhaiterais que le Gouvernement renforce les moyens de l'INRIA, y compris en termes d'emplois, afin que l'Institut puisse notamment développer des programmes de recherche transversaux ou pluridisciplinaires, qui sont la clé d'innovations et de progrès dans les années à venir.

En conclusion, dans un contexte général de maîtrise des dépenses publiques, j'alerte le Gouvernement sur la nécessité de faire des choix stratégiques de long terme, sur des thématiques plus ciblées. Ces choix sont seuls à même de permettre à la France de préserver ses atouts sur des sujets d'avenir et, donc, porteurs d'innovation. Au vu des éléments que je viens d'évoquer, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.

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