Pour vous présenter mon rapport, je vais m'efforcer d'adopter le ton enjoué qui sied aux élus de la Nation enthousiastes que nous sommes ! (Exclamations de plusieurs commissaires de l'opposition.) Il faut mettre un peu d'ambiance, car je vous sens moroses, chers collègues de l'opposition !
Le 7 juillet dernier, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire m'a désigné rapporteur pour avis pour les crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », rattaché à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».
Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons actuellement, je ne peux que me réjouir du sort relativement propice réservé à la mission interministérielle, dont le budget est maintenu à un niveau quasi identique à celui de l'année dernière. La préservation des moyens alloués à cette mission traduit bien la priorité accordée à la recherche par le Gouvernement, ce qui m'amènera à proposer tout à l'heure à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Concernant le programme 190, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une hausse de 2,18 % des autorisations d'engagement et une augmentation de 2,02 % des crédits de paiement. Cette évolution est tout à fait satisfaisante compte tenu des efforts budgétaires actuels.
J'appelle néanmoins votre attention sur deux points qui me semblent préoccupants.
Premièrement, tous les opérateurs du programme vont voir leur dotation baisser, à l'exception notable du CEA, qui va bénéficier d'une hausse de sa subvention de 5,36 %. Au cours des dernières années, la plupart d'entre eux ont déjà subi des diminutions importantes, en particulier le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dont la dotation a été amputée de 25 % en 2015 et qui va encore devoir faire face à une baisse de 3,29 % en 2016.
Au cours des auditions que j'ai conduites, j'ai pu constater que les réductions budgétaires appliquées au programme 190 sont perçues comme inévitables par les opérateurs et que les efforts qu'ils sont contraints de fournir pour y faire face leur semblent légitimes, qu'il s'agisse de la réorganisation de leurs équipes de chercheurs ou de la révision de leurs programmes de recherche. Je dois cependant me faire l'écho de leur préoccupation concernant l'avenir proche : s'ils estiment avoir réussi, jusqu'à présent, à préserver leur capacité de recherche, ils sont aujourd'hui persuadés d'avoir atteint les limites en termes de réorganisation – beaucoup d'entre eux m'ont dit « être à l'os », expression certes un peu triviale, mais qui dit bien ce qu'elle veut dire. La hiérarchisation drastique des priorités qu'ils ont imposée à leurs programmes a d'ores et déjà entraîné une diminution notable de la part de la recherche fondamentale, pourtant essentielle pour l'avenir.
D'autre part, si les crédits de recherche provenant de l'État continuent à baisser, les organismes se verront obligés de recourir encore plus largement qu'ils ne le font déjà aux fonds privés, afin de maintenir un niveau constant de recherche. Cela risquerait de les rendre plus dépendants des demandes de recherche du privé, et l'on pourrait craindre une dérive du modèle français de recherche publique, qui vise à soutenir des politiques publiques d'avenir telles que la transition énergétique, vers un modèle « à l'américaine », ce qu'il faut éviter selon moi. Ne serait-il pas souhaitable de relâcher la pression budgétaire sur les opérateurs du programme 190, compte tenu du rôle crucial qu'ils sont censés jouer dans le domaine de la transition énergétique ?
Deuxièmement, les subventions allouées aux programmes incitatifs ont été supprimées. Ces programmes permettaient au ministère de l'écologie de mobiliser les acteurs de la recherche en amont de ses politiques publiques, sur des thématiques émergentes qui n'étaient pas encore traitées par les organismes scientifiques ou prises en compte par les agences de financement de la recherche. Or les subventions octroyées à ces programmes, qui se situaient à hauteur de 20 millions d'euros par an avant 2010 – ce qui permettait une intervention efficace sur une vingtaine de thématiques prioritaires –, puis autour de 9 millions entre 2011 et 2013, ont été réduites à zéro en 2015 et ne seront pas rétablies en 2016. Monsieur le secrétaire d'État, une telle suppression, qui entrave la mise au point des innovations techniques nécessaires à la réussite de la transition énergétique, ne risque-t-elle pas fortement d'obérer l'avenir ?
Je suis parfaitement conscient de la nécessité de contribuer au redressement budgétaire de notre pays. Mais, si la transition énergétique constitue une des priorités du quinquennat – pour ma part, je le souhaite –, ne serait-il pas envisageable de répartir différemment les efforts budgétaires, afin de préserver les programmes de recherche amont nécessaires à la réalisation de ce grand projet ?