Je me réjouis de la qualité de ce débat. Si l'on entend parfois certains, par tribune interposée, réclamer que l'on modifie les règles d'entrée à l'université pour en renforcer la sélectivité ou que l'on multiplie par trois ou quatre les droits d'inscription, tel n'a pas été le cas dans cette enceinte. En dépit de quelques oppositions, nos positions sont relativement convergentes sur l'originalité du modèle français d'organisation de l'enseignement supérieur qui vise à conjuguer la démocratisation et la qualité sans barrières à l'entrée – modèle que l'on retrouve d'ailleurs dans d'autres pays européens.
M. Bréhier a insisté à juste titre sur l'intérêt du dispositif CIFRE qui représente aujourd'hui 10 % des doctorants et nous invite à étudier les conditions de son élargissement aux collectivités territoriales. Sauf à être mieux informé de difficultés, il me semble que c'est déjà possible puisqu'au moins trois entités locales en bénéficient : Marseille Provence Métropole, la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest et la compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne. Je suis prêt à étudier précisément comment faciliter l'ouverture de ce dispositif aux collectivités intéressées.
M. Hetzel a tenu des propos généraux n'appelant pas de réponse particulière de ma part mais aussi évoqué le modèle SYMPA. Ce dernier a évolué puisque, aujourd'hui, les écoles d'ingénieurs sont passées à un système différent appelé modèle d'allocation des moyens aux établissements d'enseignement supérieur (MODAL). Le système SYMPA continue d'être utilisé par les universités même s'il reste à l'étude. Nous pouvons tempérer les résultats de ce modèle en faisant évoluer les modalités d'allocation des mille emplois pour tenir compte des évolutions d'effectifs qui touchent inégalement les universités selon les matières enseignées et en opérant des rééquilibrages en matière de taux d'encadrement dans un certain nombre de disciplines. Avant d'entamer une évolution plus profonde du système, nous souhaitons le moduler au regard de ces deux facteurs.
M. Rudy Salles a posé la question générique des relations entre l'université et l'entreprise. Je ne suis pas certain que les possibilités offertes par l'état actuel de la législation soient partout optimisées comme il serait opportun de le faire. Ainsi, la présence d'un représentant du monde économique dans les conseils d'administration des universités, aujourd'hui permise par la loi, me paraît très utile, ne perturbe en rien l'image que l'on peut se faire des missions de l'université et peut améliorer l'adéquation de certaines formations professionnalisantes aux bassins d'emploi.
Mme Attard estime que ce budget manque d'ambition, avis que je ne partage nullement. Je me réjouis pour ma part de la progression de 165 millions d'euros des crédits dédiés aux universités, qui ne fut pas simple à obtenir dans le contexte actuel. Depuis 2012, les programmes 150 et 230 ont progressé de l'ordre de 750 millions d'euros, dont 450 pour la vie étudiante et 300 pour les établissements. Cette progression est d'autant plus significative que notre système d'enseignement supérieur est davantage confronté à un problème de modèle économique global que de dotations de l'État. La démocratisation et l'exigence de qualité qui doit l'accompagner mettent sous tension notre système universitaire. Il serait vain de croire qu'il suffit d'augmenter les moyens budgétaires de l'État pour résoudre ce problème de modèle économique, qui se pose tant en recettes qu'en dépenses. En recettes, les ressources propres des établissements et le rôle à jouer en matière de formation professionnelle continue sont des variables importantes sur lesquelles il faut mettre l'accent. En dépenses, il n'est pas vrai que la progression de la démographie étudiante doive mécaniquement s'accompagner d'une augmentation des mètres carrés disponibles à due proportion : la transformation numérique influera sur les modes d'innovation pédagogique, les méthodes d'enseignement et les modalités d'accueil des étudiants, bien plus profondément que les acteurs du système ne le pensent aujourd'hui. Ne nous faisons pas d'illusions sur les gains de productivité que permettra la transformation numérique mais elle nous conduira à l'évidence à nous poser autrement la question du modèle économique. Ayons donc ces éléments à l'esprit.
L'immobilier, sur quoi Mme Gilda Hobert et d'autres m'ont interrogé, est une question majeure. Aussi les prochains mois devront-ils être frappés du sceau de l'imagination et de l'innovation.
Je ne reviens pas sur les sommes consacrées à la réhabilitation, à la rénovation des bâtiments universitaires, tant dans le budget et dans les CPER que dans les différents dispositifs du plan Campus – Mme la ministre les a déjà donnés – mais, convenons-en, au regard des besoins, ces montants sont tout à fait insuffisants. Convenons-en aussi, notre perspective est la dévolution du patrimoine, mais elle ne peut être généralisée aujourd'hui, eu égard aux sommes absolument considérables qui sont en jeu. Telles sont donc les données du problème : des besoins considérables, un système qui, en l'état actuel, ne permet pas la dévolution et la nécessité de consolider l'autonomie des établissements pour que cette dévolution puisse être envisagée à court ou moyen terme. Je lirai donc avec intérêt les rapports consacrés à ce sujet, notamment celui d'Anne-Christine Lang, et m'investirai pleinement dans une réflexion sur un nouveau modèle qui nous permette de surmonter ce blocage. Nous aurons donc l'occasion, au cours des prochains mois, de nous livrer à une sorte de brainstorming et d'examiner plusieurs pistes.
Mme Buffet, Mme Olivier, Mme Corre, à qui l'évolution des autorisations d'engagement inspire des inquiétudes, m'ont interrogé sur la situation du CNOUS et des CROUS. Les moyens annuels pour le réseau du CNOUS et des CROUS sont composés d'une part de 279 millions d'euros de subventions pour charges de service public, qui permettent de couvrir totalement la masse salariale et, d'autre part, de 93 millions d'euros de dotations en fonds propres, qui permettent le financement des nouveaux logements étudiants et des projets de réhabilitation des restaurants universitaires. Les crédits de paiement connaissent une baisse de 50 millions d'euros sur le titre VII, tandis que les autorisations d'engagement sont maintenues. Pourquoi cette baisse ? Nous avons tout simplement procédé à un ajustement aux nécessités de trésorerie. Compte tenu de la montée en régime des différents programmes, les montants inscrits au budget correspondent aux besoins du CNOUS, mais nous travaillerons naturellement avec CNOUS et CROUS pour que ce pilotage fin de trésorerie soit le plus efficace possible et ne conduit pas au report de programmes envisagés.
Nous ne subissons pas le mouvement de démocratisation de l'enseignement supérieur : nous le souhaitons, nous le revendiquons. Dès lors, je souscris aux propos tenus sur les oeuvres universitaires, d'autant que l'expérience de pays étrangers montre combien il est nécessaire, quand on démocratise, de trouver des dispositifs innovants. Cet accompagnement social a déjà commencé, avec un effort considérable sur les bourses et le logement étudiant, mais aussi avec la réorganisation du système d'enseignement supérieur autour de COMUE, qui permettent, par la mutualisation d'un certain nombre de fonctions, de se poser autrement les questions de la vie étudiante, de l'accueil des étudiants, de l'accueil des étudiants étrangers, voire de la stratégie immobilière et de la réorganisation d'un certain nombre de campus. En tout, cas, les programmes d'accompagnement social de la démocratisation doivent être notre première préoccupation.
Si les crédits du CNRS, d'un montant supérieur à 2,5 milliards d'euros, diminuent d'environ 8 millions d'euros, cette baisse correspond strictement à des redéfinitions de périmètres liées au fonctionnement d'un certain nombre d'équipements de recherche, qui ne nécessitent pas cette année les moyens envisagés les années précédentes. En fait, ces effets de périmètres mis de côté, le budget du CNRS est reconduit.
M. Yves Durand évoque la question majeure de la liaison entre le baccalauréat et le premier grade universitaire. Ce lien trouve une raison d'être nouvelle dans les objectifs que la nation se fixe d'accompagner 60 % d'une classe d'âge jusqu'à à un diplôme de l'enseignement supérieur.
Trois types de questions nous sont posés, auxquelles nous répondrons dans les prochains jours.
Premièrement, comment, dès le lycée, assurer une meilleure préparation des futurs étudiants ? Tout ce qui peut améliorer une meilleure information des lycéens sur la réalité des filières de l'enseignement supérieur est bienvenu – voilà qui répond à une question posée par M. Chevrollier. De ce point de vue, nous devons sophistiquer l'outil d'information et améliorer la transparence des données relatives aux perspectives offertes par les différentes filières universitaires en termes d'emploi et de salaire moyen, un an, deux ou trois ans après la fin des études, car ces éléments orientent nécessairement les choix que peuvent faire les étudiants et leurs familles. Or, aujourd'hui, l'information disponible présente un caractère trop général. De mon point de vue, elle n'est pas satisfaisante. Des travaux sont en cours, dont nous aurons l'occasion de parler dans les prochaines semaines, mais il est indispensable que les futurs étudiants soient, dès le lycée, beaucoup mieux informés qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Deuxièmement, qu'en est-il de l'accueil à l'université ? Qu'en est-il des premiers pas d'un étudiant à l'université ? Nous devons travailler sur l'ensemble des éléments d'information qui peuvent lui être donnés, mais aussi sur la rénovation pédagogique des licences, voire l'évolution de l'offre pédagogique d'un certain nombre de licences – les licences professionnelles doivent ainsi être renforcées.
Troisièmement, nous devons examiner la question de la liaison qui doit être assurée par les acteurs concernés entre institutions de l'enseignement scolaire et institutions de l'enseignement supérieur. Je songe notamment à une co-organisation de l'orientation active avec de nouveaux modes de coopération des enseignants du scolaire et du supérieur. De nombreuses expériences sont menées sur tout le territoire, avec succès. Il s'agit de les transposer à grande échelle. Nous ferons donc des annonces importantes dans les prochaines semaines.
Mme Dalloz a parlé d'une université française « en ruines ». Ces propos portent préjudice à nos universités. Quel intérêt y a-t-il à proférer de tels énoncés, qui ne sont pas vrais ? Certes, nos universités connaissent des difficultés, mais elles ne sont pas « en ruines », comme en témoigne leur attractivité – c'est tout de même un bon indicateur. Si tant d'étudiants étrangers veulent étudier en France, c'est parce que nos universités sont d'une très grande qualité. J'étais encore il y a quelques jours au Japon : eh bien, je peux vous assurer que les premières puissances mondiales ne considèrent pas que notre système universitaire est « en ruines ». Il faudrait qu'il soit perfectionné, évidemment, mais je ne peux pas laisser passer des propos comme ceux qu'a tenus Mme Dalloz.
Les moyens alloués à l'INRA ne sont pas sacrifiés : ils sont quasi stables par rapport à l'année dernière. Là encore, on peut juger qu'ils sont insuffisants, ce qui est un point de vue tout à fait légitime, mais nous avons intérêt à nous accorder au moins sur les diagnostics : cela donnera plus de force à nos débats sur les réponses qu'il convient d'apporter.
Madame Allain, les COMUE, notamment les COMUE interrégionales, sont tout à fait adaptées aux régions à faible densité démographique. Elles ont été en partie pensées comme une réponse à cette problématique. Elles permettent une mutualisation des moyens qui favorise le développement de formations pluridisciplinaires de qualité et facilitent le parcours des étudiants dans l'enseignement supérieur. Les établissements universitaires situés dans les territoires ruraux sont souvent en pointe en matière d'innovations pédagogiques. C'est aussi dans ces établissements de petite taille que le taux de réussite des étudiants est le plus élevé. Cela vaut donc la peine d'aller voir sur place les raisons de ces bons résultats. Dans le cadre des réflexions préparatoires au troisième programme d'investissements d'avenir, nous travaillons sur un certain nombre d'idées autour de l'innovation pédagogique.
Monsieur Charasse, vous avez fait un plaidoyer sur la place des IUT. Comme vous, le Gouvernement est convaincu que les IUT sont un outil merveilleux, qu'il faut soutenir. Nous leur accordons ce soutien dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens que nous signons avec eux et avec leur université de rattachement, conformément à ce que prévoit la loi de 2013. Les IUT ont désormais une perspective pluriannuelle et, surtout, sont en mesure de coordonner leur offre de formation.
En outre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'implique beaucoup dans la démarche d'orientation prioritaire des bacheliers professionnels et technologiques vers les STS et les IUT. Lors de la rentrée de 2015, nous avons enregistré, à ce titre, une augmentation de 5 % de l'orientation vers les STS et de 11 % vers les IUT pour les deux premières années. Nous souhaitons aussi la mise en place de passerelles plus nombreuses afin de favoriser la poursuite d'études des titulaires de DUT qui le souhaitent, notamment dans le cadre des contrats de sites.
Non seulement nous portons, comme vous, un regard positif sur les IUT, mais nous pensons qu'ils peuvent jouer un rôle très utile pour favoriser la réussite des jeunes, dans un contexte où le choix des parcours après le diplôme de l'enseignement secondaire est libre.
Mesdames Corre, Nachury et Olivier, j'ai répondu précédemment aux questions concernant la dévolution, le modèle SYMPA, le CNOUS et les CROUS.
Plusieurs d'entre vous, notamment Mme Olivier et M. Grandguillaume, ont estimé qu'il était difficile d'y voir clair dans les dispositifs de soutien à l'innovation, de valorisation de la recherche et de liaison entre la recherche publique et le monde industriel. Nous en sommes, nous aussi, tout à fait convaincus.
Il y a dix ans, il n'existait presque pas d'outils en la matière. La loi Allègre de 1999 en avait créé un certain nombre pour développer l'innovation, mais il s'agissait principalement de permettre à des chercheurs du public de créer leur entreprise ou de participer au développement d'une start-up et, si les choses ne se passaient pas bien, de reprendre leur parcours professionnel antérieur.
Depuis dix ans, les outils nationaux, auxquels il faut ajouter ceux des régions, des départements et des agglomérations, se sont considérablement développés. Le résultat est, lui aussi, considérable : aujourd'hui, l'idée que la recherche publique et les entreprises doivent collaborer et que cela peut leur être mutuellement profitable est acquise. De ce point de vue, les dispositifs ont fait la preuve de leur utilité. En revanche, nous devons réfléchir aux améliorations possibles, en nous interrogeant sur plusieurs points : les résultats concrets de ces dispositifs, leur superposition, la lisibilité générale du système, mais aussi le « retour » pour la recherche publique. Nous allons le faire, avec le ministère de l'industrie.
J'aborde cette question non pas dans une logique d'économies, mais d'un double point de vue. Premièrement, il faut simplifier profondément le système pour le rendre plus lisible. Les établissements consacrent beaucoup trop de temps à répondre aux différents appels à projets pour décrocher tel ou tel morceau de subvention. Les chercheurs du public ou du privé sont ainsi distraits de leur activité de recherche, qui est pourtant leur raison d'être. Deuxièmement, j'y insiste, le retour pour la recherche publique est insuffisant : certaines réussites industrielles, françaises ou autres, sont le résultat direct du travail de qualité fourni par nos organismes de recherche ou nos laboratoires, mais ceux-ci ne bénéficient pas d'un juste retour.
Pour résumer, la culture du rapprochement entre organismes de recherche et entreprises s'étant diffusée, c'est désormais la « récolte » qui compte, tant pour les acteurs du public que pour ceux du privé.
Monsieur Morel-A-L'Huissier, j'ai déjà apporté une réponse sur le rôle des implantations universitaires très décentralisées.
Madame Langlade, dans le cadre des CPER, le Gouvernement a prévu une enveloppe de 1,2 milliard d'euros, répartie entre le volet « enseignement supérieur » et le volet « recherche et innovation ». D'autres moyens sont mobilisés au profit des régions et des territoires : le plan campus a été complété par les opérations « campus prometteurs » et « campus innovants » ; le programme d'investissements d'avenir (PIA) participe, lui aussi, des efforts de soutien aux infrastructures.
Madame Berger, le taux d'intérêt appliqué à la part non consommable des investissements d'avenir est fixé pour dix ans. Les choses sont donc « sécurisées » pour dix ans, mais seulement pour dix ans. Dans le cadre du PIA1, 22 milliards d'euros avaient été mobilisés, dont 7 milliards de dotations consommables et 15 milliards de dotations non consommables. Ces 15 milliards produisent 450 millions d'intérêts par an, soit quelque 4,5 milliards sur la période de 2011 à 2020. Dans le cadre du PIA2, le mécanisme est le même : les dotations non consommables produisent 100 millions d'euros d'intérêts supplémentaires par an, soit 1 milliard sur la période de 2015 à 2025. Bien sûr, ces crédits sont utilisés conformément aux règles du PIA. Il n'y a d'ailleurs pas d'inquiétude à avoir, madame Rohfritsch : les programmes en cours seront poursuivis, et l'argent ne servira pas à autre chose.
Le partenariat public-privé qui pose problème à l'université Paris 7 porte non pas sur une bibliothèque, mais sur un centre de documentation et de recherche ouvert uniquement aux chercheurs. Il y a en effet un contentieux entre l'établissement et l'opérateur – tel est le risque que présentent les partenariats public-privé –, que nous suivons de près.
Actuellement, dix partenariats public-privé sont en cours. Ils représentent 84,8 millions d'euros de crédits de paiement inscrits au projet de loi de finances pour 2016. En outre, sept contrats de partenariat public-privé sont en cours d'attribution. Ils seront signés en 2016 ou dans les années qui suivent. Nous avons confié à M. Stéphane Pellet, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, une mission de réflexion sur la forme juridique des contrats à venir : convient-il de privilégier la maîtrise d'ouvrage publique ou les partenariats public-privé ? Il ne faut pas être dogmatique en la matière, mais examiner les choses très précisément, afin d'être le plus efficace possible.
Monsieur Juanico, le soutien à la vie sportive dans les établissements universitaires est une dimension que l'on a trop longtemps sous-estimée dans la vie des campus. Dans certains pays étrangers, tels que les États-Unis et les pays nordiques, tous les campus accordent une grande place au sport qui, loin d'être relégué à l'arrière-plan, fait pleinement partie de la vie étudiante. Le Gouvernement a donc décidé d'affirmer l'importance du sport à l'école et à l'université et d'en favoriser la pratique en développant les partenariats avec les fédérations sportives, en valorisant les projets sportifs dans le cadre de notre communication et en mobilisant des moyens supplémentaires dans le programme consacré à la vie étudiante pour que les campus s'adaptent à la pratique sportive.
Monsieur de Mazières, je suis surpris de votre interrogation puisque le projet de déménagement de l'INRIA a commencé en 2007. Il est impossible que des élus aussi compétents que vous aient ignorés ces perspectives pendant huit ans. Nous vous transmettrons tous les éléments qui vous permettront de le vérifier. La raison de fond de ce déménagement est d'ordre scientifique. Le centre Paris-Rocquencourt, qui est l'un des huit centres de recherche de l'INRIA, développe depuis plusieurs années des partenariats fondés sur l'excellence et la complémentarité avec les universités parisiennes que sont l'École normale supérieure (ENS), le Collège de France, l'École des Mines ParisTech. La plupart de ses équipes sont communes à ces universités. Il participe à trois initiatives d'excellence (IDEX) parisiennes et est membre de trois communautés d'universités parisiennes. Par ailleurs, l'INRIA s'est fortement engagé dans le tissu économique parisien au travers des pôles de compétitivité – et notamment de Cap Digital dont il est un membre très actif. À ce titre, la proximité de la French Tech parisienne sera pour l'INRIA le catalyseur de nombreux projets et un atout majeur de développement de l'écosystème économique. Bref, ce déménagement fait absolument partie de la stratégie de développement de l'établissement et suscite l'adhésion d'une majorité très large des 630 scientifiques et des 85 personnels de services de support et de soutien. Il est légitimé sur le plan académique et scientifique, et porté par une grande partie des membres de l'établissement. Je pense donc que ce déménagement a du sens, raison pour laquelle ce projet a fait son chemin depuis 2007 et aboutira prochainement.
Je partage complètement le souci, exprimé par Laurent Grandguillaume, de renforcer l'impact du volet innovation de notre recherche publique et, dans le même temps, de resituer cette nécessité dans la réflexion globale qui s'impose aujourd'hui – façon de répondre aussi à Lionel Tardy.
M. Gagnaire va plus loin en soulevant la question des pôles de compétitivité qui, s'ils ne relèvent pas de mon ministère mais de celui de l'économie, permettent l'articulation entre les écosystèmes qu'ils gèrent et les différentes structures de l'innovation émergeant à partir de l'univers de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette notion d'articulation fera partie du périmètre de la réflexion que nous allons prochainement engager sur les dispositifs d'innovation.
M. Heinrich est parti de la question des droits d'inscription des écoles d'ingénieurs pour élargir ensuite à juste titre son propos à la question du modèle économique particulier de ces écoles. Il est vrai que celles-ci sont fortement perturbées par l'évolution de la taxe d'apprentissage et même précarisées. C'est pourquoi j'ai proposé à ces établissements d'engager avec eux une réflexion dans les semaines qui viennent. Il ne faudrait pas se contenter d'évoquer les droits d'inscription, en laissant croire que ces derniers constitueraient une recette miracle alors que ce problème de modèle économique doit être appréhendé globalement. Des études internationales et nationales montrent qu'il est difficile de poursuivre des objectifs de démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur, quel qu'il soit, tout en envoyant un signal contraire en termes de droits d'inscription. Dans une étude réalisée en 2013, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) démontre, mathématiquement, qu'annoncer des augmentations des droits d'inscription dissuadera les personnes appartenant à certaines couches sociales de suivre un parcours d'enseignement supérieur. La nation n'a-t-elle pas plutôt intérêt à diplômer beaucoup plus de ses jeunes ? Je rappelle que, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un jeune diplômé de l'enseignement supérieur rapporte 70 000 euros à la nation.
Enfin, MonsieurPremat, il me semble préférable de parler de démocratisation que de massification car la notion de flux démographique sous-tend celles de disparités et d'hétérogénéité des parcours des étudiants. La massification est un terme à proscrire : il donne l'illusion que l'on pourrait élaborer un modèle tayloriste d'université et traiter de plus en plus d'étudiants de la même façon. Or, c'est exactement l'inverse : plus la démographie étudiante sera importante, plus la diversité le sera également et plus il faudra de méthodes pédagogiques adaptées à cette diversité. De ce point de vue, les potentialités du numérique sont à prendre en compte dans les évolutions de moyen terme de notre système d'enseignement supérieur. Les innovations pédagogiques, qu'elles soient liées ou pas au numérique, sont l'une des priorités que nous souhaitons mettre en avant dans le prochain programme d'investissements d'avenir. Une compétition gigantesque, aux enjeux économiques considérables, se prépare en effet au niveau mondial quant aux nouvelles façons d'apprendre. Grâce à la puissance et à l'organisation publiques de l'enseignement supérieur, la France a la capacité d'apporter des réponses innovantes et spécifiques dans cette bagarre économique qui commence. Cela constitue aussi à moyen terme une solution au problème de modèle économique que la démographie étudiante pose à notre système d'enseignement supérieur.
J'espère avoir répondu à Mme Louwagie et à M. Chevrollier.
En conclusion, je me réjouis que nous puissions poursuivre ces débats dans quelques jours dans l'hémicycle. Je retiens de ces trois heures d'échange un autre point de convergence entre celles et ceux qui se sont exprimés, quant au fait qu'un nouvel âge commence pour l'enseignement supérieur. Dès lors que nous nous fixons des objectifs et que la société souhaite être beaucoup plus apprenante, initialement et tout au long de la vie, nous sommes contraints de repenser en profondeur notre modèle d'enseignement supérieur et de recherche. La ministre de l'éducation nationale et moi-même sommes convaincus que nous pouvons le faire en consolidant les bases de ce modèle : la démocratisation, l'accès libre mais organisé de tous les diplômés de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur, la prise en compte de la nécessité d'accompagner socialement celles et ceux qui font ce choix et l'exigence de qualité en tous points. Nous annoncerons dans les semaines à venir de nouveaux dispositifs contribuant à cette articulation entre la démocratisation et la qualité – que nous appelons la démocratisation exigeante de notre système d'enseignement supérieur et de recherche.