Le budget dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur pour avis porte sur des fonctions dont l'agrégation est cohérente : les soutiens, auxquels sont traditionnellement rattachées les provisions pour surcoût des opérations extérieures et des opérations intérieures. Les programmes concernés sont le 212 « Soutien à la politique de défense » et, pour partie, le 178 « Préparation et emploi des forces ».
Si l'on agrège les dépenses de personnel qui s'y rapportent, certains crédits consacrés au soutien bénéficient de la relative embellie budgétaire de 2016 ; bien que leur évolution soit contrastée d'un service à l'autre, ils augmentent de 5,4 % en autorisations d'engagement pour le programme 178 et baissent de 4 % pour le programme 212, tandis que les crédits de paiement sont globalement en hausse.
Au-delà de l'examen de ces crédits, dont on comprend que le niveau résulte d'une équation globale pour la mission défense un peu moins défavorable que l'an dernier, les auditions que j'ai menées, ainsi que mes déplacements, me conduisent à appeler votre attention sur deux sujets.
Premièrement, les crédits d'infrastructures immobilières. Comme mon collègue Alain Marty l'avait montré il y a deux ans, les infrastructures ont trop longtemps servi de variable d'ajustement budgétaire. Résultat : on a tant retardé les travaux d'entretien courant, pas toujours coûteux, que les emprises de la défense sont aujourd'hui très dégradées et appellent des rénovations importantes, souvent très onéreuses. Il s'est constitué là une dette physique qu'il faudra bien régler un jour.
J'ai pu aussi observer que, dans certains cas, les bases de défense disposent des crédits nécessaires à tel ou tel chantier, mais que ce sont les moyens de maîtrise d'ouvrage du service des infrastructures de la défense qui sont insuffisants. En effet, dans ce service, les réductions d'effectifs ont été telles qu'il s'est créé un véritable goulot d'étranglement administratif, ce qui est aussi surprenant que regrettable.
Enfin, toujours au sujet des infrastructures, je ne suis pas certain que l'actualisation de la loi de programmation militaire ait tiré toutes les conséquences, en matière de soutien, du renforcement de notre posture de protection du territoire national. En effet, au fil des dissolutions et des regroupements d'unités, engagés sous plusieurs gouvernements, nos armées voyaient depuis plusieurs années leur empreinte territoriale se concentrer, ce qui était cohérent avec un modèle d'armée expéditionnaire. Mais, à l'heure de l'opération Sentinelle, et alors que vous nous présentez le déploiement des armées sur le territoire national comme durable, la logique s'inverse : la protection du territoire suppose un maillage militaire plus dense, y compris dans des zones comme Paris. D'où ma question, monsieur le ministre : comment votre politique immobilière pourra-t-elle traiter à la fois cette dette physique et Sentinelle ?
Second sujet sur lequel j'appelle votre attention : le financement de Sentinelle précisément, qu'un de nos collègues a déjà soulevé. La provision inscrite dans le budget est en hausse de 15 millions d'euros, mais ce montant paraît limité et, en tout état de cause, rien n'est réglé pour les 200 millions d'euros 2015. L'enjeu est de taille : 200 millions par an, c'est un milliard d'ici la fin de la programmation ; le volume concerné représente peu ou prou la totalité de l'effort capacitaire de l'actualisation de la loi de programmation militaire. Or, selon le ministère des finances, ou plutôt ses représentants que j'ai entendus, il n'y aurait pour l'heure, aucun accord de principe entre les finances et la défense pour une prise en charge interministérielle de ces surcoûts.
On a beau jeu à Bercy de dire que même l'actualisation de la loi de programmation militaire n'a pas explicitement prévu un tel financement interministériel. Et pourtant, nos collègues sénateurs avaient introduit une clause dans ce sens dans la loi de programmation militaire. N'est-il pas regrettable que cette clause ait été supprimée en commission mixte paritaire, contre l'avis de mon groupe parlementaire ?
Sous toutes ces réserves, je m'en remets, pour le vote des crédits, à la sagesse de la Commission.