commission élargie
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Commission de la défense nationale et des forces armées
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mercredi 21 octobre 2015
Présidence de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, et de Mme Patricia Adam, présidente de la Commission de la défense nationale.
La réunion de la commission élargie commence à seize heures quinze.
projet de loi de finances pour 2016
Défense
Mes chers collègues, nous sommes heureux, avec Mmes Patricia Adam, présidente de la Commission de la défense nationale et des forces armées et Odile Saugues, vice-présidente de la Commission des affaires étrangères et moi-même, d'accueillir le ministre de la défense pour examiner l'un des principaux budgets de l'État, celui de la défense nationale pour 2016.
Je me bornerai à rappeler nos procédures pour les commissions élargies, nous avons la chance d'avoir deux rapporteurs de la Commission des finances qui interviendront sur le fond, un de la majorité, un de l'opposition, mais qui font un excellent travail collectif.
La Conférence des présidents a décidé de reconduire la procédure appliquée l'année dernière, particulièrement lourde puisque nous devons réunir une trentaine de commissions élargies, et cet exercice doit être recommencé en séance plénière. En conséquence, nous devons observer quelques règles d'organisation assez strictes : le ministre ne se livre pas à un exposé liminaire ex cathedra, la parole est donnée aux rapporteurs des différentes commissions pour cinq minutes, afin que le ministre puisse ensuite répondre aux questions et aborder les sujets qu'il souhaite. Les orateurs des groupes auront, à leur tour, la parole pour deux minutes chacun, puis tous ceux d'entre nous qui le souhaiteront pourront intervenir.
Je vous prie d'excuser Élisabeth Guigou qui m'a demandé de la suppléer pour coprésider cette commission élargie. La Commission des affaires étrangères entend régulièrement le ministre de la défense dans le cadre du suivi des actions extérieures de notre pays ; il est important qu'elle puisse veiller à ce que nos forces disposent de crédits suffisants.
La révision de la loi de programmation militaire (LPM) a, fort heureusement, permis de dégager des moyens supplémentaires pour tirer les conséquences des attentats de janvier 2015 et de la multiplication des engagements. Je me réjouis que cette discussion nous permette de vérifier la conformité du projet de loi de finances (PLF) à cette programmation.
Je laisserai la parole à mes rapporteurs : ils sont six pour la Commission de la défense, et deux pour celle des finances…
Je ne pense pas utiliser tout le temps qui m'est imparti : j'irai à l'essentiel. L'essentiel c'est de constater que le débat budgétaire, doit être un moment de vérité et de transparence, a fortiori pour ce budget de la défense, alors que nos armées sont engagées dans des opérations extérieures et intérieures que chacun connaît. Malheureusement, je crains que, pour les raisons que je vais exposer, nous ne puissions pas donner aux Français et à nos armées ce moment de vérité auquel ils ont droit.
La première cause est imputable à nos procédures parlementaires, qui ne se sont pas véritablement améliorées en dépit tentatives des uns et des autres ; nous avons seulement quinze jours pour travailler sur ce budget extrêmement lourd. Ce ne sont pas des conditions satisfaisantes – cela vaut pour tous les budgets et singulièrement pour celui de la défense.
Nous sommes aussi confrontés à des problèmes de nomenclature budgétaire. Les majorités, à juste titre, ont des priorités, et, à juste titre, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à donner des moyens suffisants au renseignement. Mais le renseignement est éclaté dans quatre programmes, et tenter de vérifier ce qui est réellement fait en sa faveur n'est pas simple : cela n'apparaît pas clairement dans la présentation de nos budgets.
Je suis rapporteur du programme 146, consacré en particulier aux équipements : nous savons bien que ce qui importe n'est pas le coût d'achat mais le coût d'emploi. Quelles sont les infrastructures nécessaires, où est la maintenance qui va avec ? Le rapporteur spécial a du mal à reconstituer les montants qui permettraient une analyse fine du budget. Voilà pour les inconvénients classiques du débat parlementaire, qui ne sont pas négligeables.
Le problème majeur, c'est que ce budget 2016 restera très virtuel tant que l'on ne disposera pas de la loi de finances rectificatives et des ajustements budgétaires auxquels il sera procédé en fin d'année, qui seuls permettront d'apprécier vraiment la crédibilité de ce que vous présentez. Ce budget est-il conforme ou non à la LPM ? Nous ne le saurons qu'en fin d'année, nous ne pouvons le savoir aujourd'hui, à moins qu'il ne s'agisse de vous faire des procès d'intention ou des compliments, ce qui n'est pas mon but.
Je souhaiterais simplement appeler l'attention sur le fait que nous sommes extrêmement tendus cette année. La Direction générale de l'armement (DGA) ne dispose plus d'aucune trésorerie ; c'est peut-être la première fois que nous avons ce sentiment d'être au bout de toute solution. Habituellement, on va chercher un peu d'argent en loi de finances rectificative, mais, cette fois, ce n'est pas un peu d'argent qu'il faut aller chercher d'ici à la fin de l'année, mais plus de 3 milliards : 2,2 milliards sur les recettes exceptionnelles de crédits budgétaires et plus d'un milliard qui se décompose en 650 millions pour les opérations extérieures (OPEX), 180 millions pour Sentinelle et diverses questions relevant du titre 2 pour 200 à 300 millions… Ce n'est pas une mince affaire.
Je m'attends à votre réponse, monsieur le ministre : vous allez nous parler d'autres engagements que nous connaissons, vous aller nous parler des arbitrages du Président de la République : j'entends bien, mais la situation est particulièrement tendue. Votre engagement personnel et les arbitrages précédents du Président de la République n'ont pas empêché, au cours des années passées, une ponction annuelle d'environ 500 millions d'euros sur le programme 146. Nous sommes donc déjà probablement en retard de 1 milliard pour les crédits d'équipement, telle est la réalité des chiffres aujourd'hui, et vous voyez bien, qu'avec la pression économique actuelle, les choses ne vont sans doute pas s'améliorer.
J'ajoute que des facteurs plus accessoires seront susceptibles de peser sur les négociations qui se dérouleront aux mois de novembre et décembre : le Président de la République sera mobilisé par la 21e Conférence des parties (COP21), vous-même serez engagé dans la campagne pour les élections régionales… et pendant ce temps, Bercy ne sera engagé dans rien du tout ! Un débat très âpre va avoir lieu autour des arbitrages définitifs et, de mon point de vue, le ministère de la défense sera en position de faiblesse.
Un certain nombre de mes amis ne ménagent pas leurs critiques à votre encontre, la majorité vous tresse des couronnes et vous charge de louanges ; j'ai entendu hier le Premier ministre parler d'homme d'État. Pour ma part, je considère que, lorsque l'on est en guerre, on ne peut pas laisser les services à leur jeu habituel. Celui de Bercy et de la défense est classique ; les majorités précédentes l'ont connu, mais il faut savoir y remédier. L'homme d'État sera celui qui saura mettre un terme à cette querelle des services qui dure depuis des années.
Je me réjouis de constater que les choix effectués lors de l'actualisation de la loi de programmation militaire en juin dernier trouvent leur traduction dans le budget qui nous est soumis cette année. À cet égard, je rappelle que la dépense de défense a été augmentée de 3,8 milliards d'euros et la déflation des effectifs du ministère, atténuée de 18 750 postes au regard de la LPM initiale. Il s'agit de tirer toutes les conséquences des attentats de janvier 2015 sur notre territoire, de l'intensité des engagements de nos armées dans les théâtres extérieurs et de la nécessité de renforcer la protection du territoire national, l'équipement des armées ou, encore, le renseignement.
En conséquence, les crédits budgétaires de la mission défense pour 2016 atteignent 31,7 milliards d'euros contre 31,4 milliards en loi de finances initiale pour 2015, hors contribution au compte d'affectation spécial (CAS) pensions, auxquels viennent s'ajouter 250 millions de recettes exceptionnelles, qui ne représentent donc plus que 0,8 % des recettes totales, essentiellement à travers les cessions de type immobilier. L'inquiétude qui planait sur ces recettes exceptionnelles, et qui tenait essentiellement aux incertitudes sur la vente de bandes 700 mégahertz, n'a plus lieu d'être ; nous ne pouvons que nous en réjouir.
Cet effort budgétaire permettra notamment la création nette de 2 300 postes en 2016, élément inédit dans l'histoire récente de la défense et nécessaire au redimensionnement du format de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes.
En ma qualité de rapporteur spécial et malgré ces nouvelles plutôt bonnes, je souhaite cependant appeler l'attention sur l'enjeu de la fin de gestion 2015 qui pourrait comporter une menace potentielle pour l'équilibre de la loi de programmation militaire réactualisée. En effet, le remplacement, pour l'année 2015 de 2,2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires est prévu en loi de finances rectificative. Il est également prévu que l'ensemble de ces crédits bénéficient au programme 146 « Équipement des forces », largement sollicité en cours d'année, notamment du fait de la levée anticipée de la réserve au mois d'août afin de procéder au remboursement de la Russie du fait de l'annulation du contrat des bâtiments de projection et de commandement (BPC).
Toutefois, d'autres surcoûts, non couverts par la prévision de dépenses initiale peuvent poser problème : il s'agit notamment – auquel cas, ils deviendraient des aléas – du surcoût lié aux OPEX, à hauteur de 620 millions d'euros environ, du surcoût en termes d'infrastructures et de personnels pour financer l'opération Sentinelle, pour 180 millions d'euros, du surcoût de dépenses de personnel, soit 150 millions d'euros, du surcoût dû au renforcement de la protection des sites, notamment après l'épisode malheureux de Miramas, de l'incertitude au sujet de l'étendue réelle des économies permises par la baisse du coût des facteurs et enfin de la pénalité de 56 millions d'euros, conséquence de l'annulation des contrats portant sur les BPC.
Dès lors, il pourrait être tentant de recourir à la loi de finances rectificative pour financer une partie de ces surcoûts, alors que l'arbitrage du Président de la République a porté sur l'actualisation de la LPM, que nous avons votée, qui doit être respectée et dont la trajectoire doit être tenue. Si tel n'était pas le cas, cela entraînerait une réduction de la part affectée à la DGA pour financer les dépenses d'équipement et aggraverait le report de charges du programme 146 alors que celui-ci devait être réduit de 1,7 milliard d'euros en 2007, avant de remonter au cours des dernières années de la programmation sous l'effet de nouveaux programmes d'armement prévus. Tout dérapage pourrait constituer un risque pour les dépenses d'équipement, la LPM actualisée reposant sur l'hypothèse d'un report de charges non dégradé.
En conséquence, ma première question portera sur la fin de gestion 2015 et la répartition envisagée entre les différents programmes de ces 2,2 milliards d'euros de crédits budgétaires. Cela est important car, si les douze programmes d'équipement n'étaient pas engagés au 31 décembre 2015 – deux seulement le sont actuellement – la trajectoire de la LPM actualisée ne serait pas respectée.
Je souhaiterais également appeler votre attention sur les dépenses relatives aux opérations intérieures (OPINT) car la protection du territoire entraîne de nouvelles charges pour les armées dont toutes ne sont pas encore financées, notamment celles qui touchent aux infrastructures.
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une enveloppe globale de 1,1 milliard d'euros, identique à celle de 2015, néanmoins, ces crédits d'infrastructure vont devoir financer non seulement les mises à niveau des installations militaires pour l'accueil des nouveaux équipements, mais également des dépenses nouvelles pour le casernement des personnels déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle et du renforcement de la force opérationnelle terrestre (FOT).
Une couverture interministérielle des surcoûts liés aux opérations intérieures est-elle envisagée ? Je le dis clairement : les OPINT, compte tenu du contexte géostratégique international, du développement du terrorisme et de la nécessité de le combattre, relèvent de la même logique que les OPEX.
Les crédits d'infrastructure sont-ils suffisants pour faire face à l'ensemble des dépenses nouvelles liées aux équipements et aux personnels déployés sur le territoire, sans compter la nécessaire remise à niveau de certaines casernes pour laquelle vous avez déjà adopté un plan d'urgence l'an passé ?
Après avoir défendu l'idée de la loi de programmation militaire, toute la loi de programmation militaire, rien que la loi de programmation militaire, je crois qu'il est temps de dire de la voix la plus forte : toute la loi de programmation militaire actualisée, et rien que la loi de programmation militaire actualisée. Elle doit permettre de donner à chaque arme ce qui a été défini comme sa priorité, elle résulte de l'arbitrage du Président de la République, chef des armées, ainsi que du vote de notre assemblée. Elle doit donc être respectée dans sa cohérence et son entièreté ; il n'est pas conforme au souhait du Président de la République et à la parole de l'État que ce qui a été donné d'une main en loi de programmation puisse être retiré de l'autre en gestion.
Le programme 144 est d'une importance capitale pour la Défense. Entièrement voué à la préparation de l'avenir, il prévoit aujourd'hui les instruments de la sécurité demain. Modeste, puisqu'il représente seulement 4 % du budget de la mission défense, il rassemble trois domaines principaux : le renseignement, la prospective de défense et enfin la diplomatie de défense et les relations internationales.
En cette année de révision de la loi de programmation militaire, les crédits de ce programme subissent une légère baisse qui n'est pas répercutée de façon homogène sur tous les postes. Le retour à la trajectoire budgétaire prévue par la LPM entraîne par exemple une diminution de 13 % des crédits de paiement alloués au renseignement mais il s'agit d'une mesure attendue après deux années marquées par une hausse exceptionnelle des crédits d'investissements. Dans le même temps, l'entrée en vigueur du nouveau traité de coopération en matière de défense avec la République de Djibouti entraîne le versement d'une contribution plus lourde en raison d'une nouvelle répartition fiscale et fait mécaniquement augmenter de 15 % les crédits consacrés aux relations internationales. Je tiens à ce propos à saluer le rôle de nos forces prépositionnées dans la conduite des opérations extérieures en cours.
Les crédits du coeur du programme, « prospective de défense », n'enregistrent qu'une légère diminution de 1,97 %. Cependant, cette diminution semble s'imputer essentiellement sur les crédits alloués aux études amont qui sont pourtant les moteurs de la recherche et du développement des technologies futures. Vous nous avez assuré régulièrement, monsieur le ministre, que vous veilleriez personnellement à leur maintien dans une moyenne annuelle de 730 millions d'euros. Je ne doute donc pas de voir les crédits d'études amont remonter légèrement en 2017.
Quant aux crédits consacrés aux écoles de la défense et aux établissements de recherche sous tutelle, ils enregistrent une augmentation globale de 14 %, bénéficiant surtout à l'École polytechnique en raison de l'intégration de la masse salariale des élèves, à l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE) en raison de travaux et, en apparence, à l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA). Je dis en apparence car, si la subvention allouée en 2015 était de 98 millions d'euros, elle a été complétée par un versement de 7 millions d'euros, soit un montant de 105 millions qui est exactement celui proposé pour 2016. Étant entendu qu'une subvention exceptionnelle du ministère de la défense de 9 millions d'euros a dû être versée en cours d'année 2015, je crains que le soutien accordé à l'ONERA en 2016 ne soit de fait inférieur de 8 % à celui dont l'office bénéficie cette année.
Ce constat m'amène au thème de mon avis : l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace, un acteur majeur et historique de la prospective de défense et de la préparation de l'avenir.
L'ONERA est en effet une réelle pépite dans le paysage de la recherche aérospatiale française et même mondiale. Rien de ce qui vole ne lui est étranger et l'équipement de nos forces doit beaucoup à ses recherches, souvent conduites très en amont, ainsi qu'à ses techniques d'essais parmi les plus abouties au monde. Le Rafale, les missiles M51 et SCALP, les missiles ASMP-A, pour ne citer qu'eux, recèlent tous une part de gènes de l'ONERA.
Pourtant, l'Office demeure un acteur inconnu du grand public et il fait depuis plusieurs années – c'est du moins le sentiment que j'ai acquis – l'objet d'un moindre intérêt de la part des instances publiques.
Il est vrai que l'ONERA a connu une longue phase de repli sur lui-même que la tutelle, assurée par la DGA, n'a pas pu, ou su, enrayer. Des problèmes de gouvernance, relevés par un récent rapport de la Cour des Comptes, ont en outre jeté une sorte de discrédit sur l'Office et l'ont empêché d'occuper pleinement sa place au sein du secteur aérospatial, ce que tous les acteurs de la filière s'accordent à regretter.
Mais aujourd'hui l'Office entend mettre en oeuvre la majorité des recommandations de la Cour des comptes et retrouver un bon fonctionnement et son rayonnement. L'ONERA s'implique ainsi dans de nombreux projets de recherche importants pour les technologies du futur au niveau national, européen et international.
Mais, pour maintenir ce niveau d'excellence, que personne ne met en doute, l'ONERA doit être soutenu et accompagné par les pouvoirs publics. L'office assure par son activité contractuelle plus de 50 % de ses ressources. L'État lui consacre une des subventions les plus faibles par chercheur. Je le dis simplement : une augmentation limitée, pour atteindre une contribution du ministère de la Défense égale à 50 % du budget de l'ONERA, me paraît à terme, inéluctable. Elle devrait bien sûr avoir comme corollaire un effort de rationalisation et d'adaptation de l'Office à la nouvelle donne scientifique et industrielle de la filière. L'ONERA a déjà amorcé ce mouvement et vit une période charnière de son histoire. Cette dynamique doit impérativement être soutenue, faute de quoi, l'Office se verrait menacé d'un décrochage probablement irrattrapable face à ses concurrents étrangers. Il en va de notre souveraineté.
À la lumière de ces observations, monsieur le Ministre, mes questions sont les suivantes.
La soufflerie de Modane est actuellement en danger en raison d'un affaissement des sols. Les travaux de renforcement sont estimés à 20 millions d'euros, que l'ONERA ne peut financer sur sa subvention. Quelles dispositions pensez-vous prendre pour la réalisation de ces travaux particulièrement urgents après l'épisode d'affaissement brutal de cet été ?
Au cours de mes travaux, j'ai entendu mentionner à plusieurs reprises un organe de réflexion appelé « groupe de haut niveau ONERA 2020 » ? Or, aucun des interlocuteurs que j'ai rencontrés n'en a connaissance. Quand ce groupe verra-t-il le jour, quels seront ses objectifs et son calendrier ?
Pour rester dans l'aéronautique, pouvez-vous faire un point d'étape sur le projet de drone de combat franco-britannique et sur le drone MALE européen ? Quand la consultation relative à l'acquisition de drones tactiques doit-elle aboutir ?
En conclusion, j'émets un avis favorable sur ce budget conforme aux orientations de la loi de programmation militaire que nous avons votée en juillet dernier.
Le budget dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur pour avis porte sur des fonctions dont l'agrégation est cohérente : les soutiens, auxquels sont traditionnellement rattachées les provisions pour surcoût des opérations extérieures et des opérations intérieures. Les programmes concernés sont le 212 « Soutien à la politique de défense » et, pour partie, le 178 « Préparation et emploi des forces ».
Si l'on agrège les dépenses de personnel qui s'y rapportent, certains crédits consacrés au soutien bénéficient de la relative embellie budgétaire de 2016 ; bien que leur évolution soit contrastée d'un service à l'autre, ils augmentent de 5,4 % en autorisations d'engagement pour le programme 178 et baissent de 4 % pour le programme 212, tandis que les crédits de paiement sont globalement en hausse.
Au-delà de l'examen de ces crédits, dont on comprend que le niveau résulte d'une équation globale pour la mission défense un peu moins défavorable que l'an dernier, les auditions que j'ai menées, ainsi que mes déplacements, me conduisent à appeler votre attention sur deux sujets.
Premièrement, les crédits d'infrastructures immobilières. Comme mon collègue Alain Marty l'avait montré il y a deux ans, les infrastructures ont trop longtemps servi de variable d'ajustement budgétaire. Résultat : on a tant retardé les travaux d'entretien courant, pas toujours coûteux, que les emprises de la défense sont aujourd'hui très dégradées et appellent des rénovations importantes, souvent très onéreuses. Il s'est constitué là une dette physique qu'il faudra bien régler un jour.
J'ai pu aussi observer que, dans certains cas, les bases de défense disposent des crédits nécessaires à tel ou tel chantier, mais que ce sont les moyens de maîtrise d'ouvrage du service des infrastructures de la défense qui sont insuffisants. En effet, dans ce service, les réductions d'effectifs ont été telles qu'il s'est créé un véritable goulot d'étranglement administratif, ce qui est aussi surprenant que regrettable.
Enfin, toujours au sujet des infrastructures, je ne suis pas certain que l'actualisation de la loi de programmation militaire ait tiré toutes les conséquences, en matière de soutien, du renforcement de notre posture de protection du territoire national. En effet, au fil des dissolutions et des regroupements d'unités, engagés sous plusieurs gouvernements, nos armées voyaient depuis plusieurs années leur empreinte territoriale se concentrer, ce qui était cohérent avec un modèle d'armée expéditionnaire. Mais, à l'heure de l'opération Sentinelle, et alors que vous nous présentez le déploiement des armées sur le territoire national comme durable, la logique s'inverse : la protection du territoire suppose un maillage militaire plus dense, y compris dans des zones comme Paris. D'où ma question, monsieur le ministre : comment votre politique immobilière pourra-t-elle traiter à la fois cette dette physique et Sentinelle ?
Second sujet sur lequel j'appelle votre attention : le financement de Sentinelle précisément, qu'un de nos collègues a déjà soulevé. La provision inscrite dans le budget est en hausse de 15 millions d'euros, mais ce montant paraît limité et, en tout état de cause, rien n'est réglé pour les 200 millions d'euros 2015. L'enjeu est de taille : 200 millions par an, c'est un milliard d'ici la fin de la programmation ; le volume concerné représente peu ou prou la totalité de l'effort capacitaire de l'actualisation de la loi de programmation militaire. Or, selon le ministère des finances, ou plutôt ses représentants que j'ai entendus, il n'y aurait pour l'heure, aucun accord de principe entre les finances et la défense pour une prise en charge interministérielle de ces surcoûts.
On a beau jeu à Bercy de dire que même l'actualisation de la loi de programmation militaire n'a pas explicitement prévu un tel financement interministériel. Et pourtant, nos collègues sénateurs avaient introduit une clause dans ce sens dans la loi de programmation militaire. N'est-il pas regrettable que cette clause ait été supprimée en commission mixte paritaire, contre l'avis de mon groupe parlementaire ?
Sous toutes ces réserves, je m'en remets, pour le vote des crédits, à la sagesse de la Commission.
Avec une augmentation de 2 % en autorisations d'engagement et de 1,43 % en crédits de paiement, ce budget 2016 est en tout point conforme aux orientations de la loi de programmation militaire telle que nous l'avons actualisée en juillet dernier. C'est donc sans surprise que je dévoile tout de suite ma conclusion en émettant un avis favorable au projet de loi de finances pour 2016 pour les crédits de l'armée de terre, tout simplement parce que ce budget est un bon budget.
En ce qui concerne les personnels c'est, comme vous le savez, le déploiement massif de l'armée de terre sur le territoire national après les attentats de janvier 2015 qui a conduit le Gouvernement à anticiper l'actualisation de la LPM, avec une mesure qui revoit à la hausse le format de l'armée de terre pour l'adapter à son nouveau contrat opérationnel, bien sûr pour pourvoir aux besoins de l'opération Sentinelle, mais également afin de répondre aux menaces extérieures. C'est la première fois, après des années de baisse continue, que nous assistons à un renforcement aussi significatif de la force opérationnelle terrestre : d'ici à la fin de l'année 2016, ses effectifs vont augmenter de plus de 15 % pour atteindre 77 000 hommes. Les opérations de recrutement ont commencé, et constituent d'ores et déjà un succès : les candidats sont nombreux et le niveau ne baisse pas. Les recrutements continueront l'an prochain, et le PLF 2016 finance cette augmentation d'effectifs.
Davantage d'hommes suppose davantage de matériels et des équipements plus performants. À cet égard, le projet de loi de finances pour 2016 tient là aussi les promesses de la loi de programmation militaire : les crédits de matériels augmentent, et les commandes prévues par la LPM pour 2016 pourront être passées. En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des matériels existant, je note que si les crédits d'entretien programmé des matériels sont également en hausse, ce sujet doit être l'objet d'une extrême vigilance compte tenu du vieillissement des matériels et de leurs conditions d'utilisation extrêmement dures en opération extérieure.
Ce projet de loi de finances prévoit également les crédits nécessaires à un retour à la normale en matière de préparation opérationnelle. En 2015, nombre d'activités de préparation opérationnelle avaient dû être reportées, non faute de crédits, mais faute d'hommes disponibles : pour assurer Sentinelle sans désarmer nos OPEX, il fallait mobiliser une large part des personnels disponibles. À ce propos, pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que l'évolution des effectifs en 2016 permettra bien de retrouver des taux de rotation compatibles avec 83 journées de préparation opérationnelle par soldat ?
Vous le savez : Sentinelle a bouleversé beaucoup de choses pour l'armée de terre, principale force engagée. C'est pourquoi j'ai choisi d'y consacrer la partie thématique de mon rapport. Sans reprendre ici tout le raisonnement, j'aimerais faire rapidement quelques observations.
Tout d'abord, Sentinelle est un succès pour l'armée de terre qui a réussi à déployer 10 308 militaires en six jours, et les soutiens ont tenu. C'est aussi une inflexion dans nos plans de protection du territoire. Certes, le déploiement de 10 000 hommes en urgence était inscrit dans les contrats opérationnels, mais il n'avait jamais été prévu de tenir cette posture dans la durée : la décision du Président de la République décide de pérenniser Sentinelle, le 29 avril dernier, a marqué un changement profond. Sans attendre les résultats des différentes études tant gouvernementales que parlementaires prévus pour la fin de l'année, j'ouvrirai quelques pistes de réflexion résultant de mes auditions.
Si, sans conteste, le déploiement massif de nos armées sur le territoire national est dans la continuité de leurs actions à l'extérieur – l'adversaire étant le même – il convient cependant de s'interroger sur le concept même « d'opération intérieure », tout autant du point de vue politique que du point de vue juridique. Nos armées sont sur le territoire national, au milieu de leur population et pas sur un d'opérations. Si j'ai bien compris que dans l'urgence, et par ailleurs certainement pour entamer les discussions sur les financements interministériels de Sentinelle, cet intitulé « d'opération intérieure » a été trouvé, je pense qu'il contient trop d'ambiguïtés sur la nature même de la mission et sur son évolution dans la durée.
De même, il faut bien analyser les conséquences pour l'armée de terre d'une mission dont nous savons qu'elle sera forcément longue, voire très longue : je pense là, entre autres, à la lassitude de la mission, même si la posture est aujourd'hui plus dynamique, ou à l'éloignement des familles, peut-être moins bien compris que lorsqu'il s'agit d'une opération extérieure.
Il faut également réorganiser le dispositif pour que Sentinelle intervienne bien en complémentarité des forces de sécurité intérieure, pas pour pallier leur manque d'effectifs. Enfin, dans le cadre de la réflexion sur l'évolution de Vigipirate entamée par le Secrétariat général de défense et de sécurité nationale (SGDSN), il est impérieux que le gouvernement se donne les moyens de moduler avec souplesse l'utilisation de nos armées, tout particulièrement en 2016, année plus compliquée pour l'armée de terre tant que tous les recrutements n'ont pas eu lieu.
Je tiens à souligner avec satisfaction que ce budget est consolidé et adapté au contexte sécuritaire et opérationnel, conformément à la loi actualisant la LPM que le Parlement a adoptée en juillet dernier. Tous financements compris et hors dépenses de personnel, les crédits de paiement seront supérieurs à 2 milliards d'euros et les autorisations d'engagement proches de 2,95 milliards d'euros.
En matière de capacités, 2016 sera une année de bascule, marquée par le franchissement de jalons importants : la livraison de la frégate multimissions (FREMM) Languedoc, le passage de l'ensemble de la chasse embarquée au standard Rafale, la mise en service du missile de croisière naval (MdCN), le renforcement de la mission de dissuasion avec le M51, la poursuite des livraisons de NH90 Caïman, la commande de deux bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH), la livraison d'un bâtiment multimissions (B2M), ou encore le chargement du coeur combustible du premier Barracuda.
Du point de vue opérationnel, la marine restera durablement engagée, au-delà du contrat prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Nous devons donc rester vigilants aux points de tension, même si certains sont identifiés de longue date. Dans le domaine des ressources humaines, je pense notamment au recrutement et à la fidélisation du personnel, ainsi qu'à l'efficacité du soutien. Dans le domaine capacitaire, l'attention doit porter en particulier sur la remontée de la disponibilité de certains matériels, notamment des Atlantique 2 et des NH90. Nous devons également surveiller l'état de la flotte logistique et de celle d'hélicoptères légers, ainsi que celui de nos forces de souveraineté. Quant à notre capacité de lutte anti-sous-marine, les programmes FREMM et « frégate de taille intermédiaire » (FTI) devraient permettre de la moderniser et de la renforcer. Je formule d'ailleurs le voeu que le document d'orientation (DOR) relatif au programme FTI soit signé d'ici la fin de l'année.
Monsieur le ministre, vous avez sans doute noté que le déploiement du groupe aéronaval (GAN) dans le golfe arabo-persique avait récemment fait l'objet d'interrogations de la part de collègues de la commission des finances. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet en précisant le surcoût que représente un déploiement du GAN pour une durée classique dans cette zone, dans le cadre d'une OPEX, et sa plus-value opérationnelle ? Je suis personnellement convaincu chaque jour davantage de l'intérêt de cet outil, d'autant que l'ensemble des grandes marines du globe cherche à disposer d'une telle capacité ou à la renforcer. Sans parler de la Navy américaine, loin devant avec ses onze porte-avions, les flottes chinoise et indienne compteront à terme quatre bâtiments de ce type. À moins de considérer que tous ces pays sont frappés du même syndrome d'aveuglément stratégique collectif, il s'agit de preuves concrètes de l'intérêt opérationnel, mais également diplomatique, du porte-avions.
Vous connaissez mon intérêt pour les forces de souveraineté et ma préoccupation quant à nos ruptures temporaires de capacités, notamment outre-mer. Le sujet est très actuel : le mois dernier, l'extension de notre plateau continental a créé l'équivalent d'une nouvelle France sous-marine. Or nous avons besoin de capacités pour surveiller et protéger ces zones, et faire respecter nos droits souverains sur les ressources qui y sont associées. L'actualisation de la LPM a permis des avancées salutaires, avec la livraison des BSAH et l'acquisition d'un quatrième B2M. Ma question est prospective et ne relève pas de l'immédiat, mais ne faudrait-il pas faire du programme « bâtiment de surveillance et d'intervention maritime » (BATSIMAR) une priorité afin d'assurer des livraisons dès la première année de la prochaine loi de programmation ?
Lors de mon déplacement sur nos bases de Brest, Cherbourg et Toulon, j'ai entendu certains marins exprimer leur préoccupation dans le domaine de l'habillement : les conditions d'approvisionnement sont manifestement loin d'être optimales. Ces difficultés ont-elles été signalées au service du commissariat des armées (SCA) ? Quelles mesures ont été ou seront prises pour y faire face ?
Je tiens enfin à remercier l'ensemble des militaires et du personnel civil de la marine que j'ai rencontrés au cours des derniers mois. Ils sont, au quotidien, au service de l'ambition maritime de la France que j'appelle de mes voeux.
Ce projet de loi de finances pour 2016 traduit bien les décisions prises dans le cadre de la récente actualisation de la LPM. Relevons, sans esprit polémique, que c'est bien le moins pour un texte adopté en juillet dernier… Les augmentations de crédits au profit de l'entretien programmé des matériels (EPM) et d'acquisitions destinées à faire face aux besoins opérationnels sont donc au rendez-vous.
Ces besoins opérationnels sont en effet urgents, compte tenu du très fort rythme d'emploi de nos forces, en OPEX mais aussi sur le territoire national. C'est pourquoi mon avis budgétaire traite cette année en détail le rôle de l'armée de l'air dans la protection du territoire, tâche souvent méconnue du grand public, mais qui constitue de facto le coeur historique de la mission de cette force. La posture permanente de sûreté aérienne et l'ensemble des mesures de service public associées emploient environ 3 500 aviateurs. Je note par ailleurs une forte tension sur la fonction de protection des bases aériennes ; comme pour les autres armées, la mise en oeuvre du plan Cuirasse montre que nous avons probablement atteint un seuil trop bas en la matière, qu'il conviendra de corriger.
L'intensité du rythme des OPEX est mieux connue, notamment au travers des opérations Barkhane et Chammal. Les contrats opérationnels ont été largement dépassés, le niveau d'engagement étant, depuis septembre 2014, très supérieur aux hypothèses initiales relatives à la gestion de crise dans la durée. On le constate principalement au vu du volume des appareils concernés, avec jusqu'à quarante aéronefs de tous types déployés actuellement, soit près du double de la situation de référence retenue par le Livre blanc de 2013.
Comme nous tous, je rends hommage au professionnalisme et au sens de la mission dont les aviateurs font preuve sur les théâtres d'opération, dont chacun mesure le danger. Il n'en demeure pas moins que l'outil opérationnel efficace dont nous disposons, patiemment construit, pourrait être déséquilibré par les efforts très importants qu'il doit consentir. Le premier effet du rythme des opérations est d'augmenter le coût de l'entretien des matériels. Il faudra veiller à ce que le surcroît de crédits prévu soit bien proportionné à l'effort engagé par notre aviation, faute de quoi la disponibilité des appareils en métropole continuera à être affectée. On en connaît la conséquence principale : un entraînement insuffisant de nos pilotes, ces derniers volant environ 15 % de moins que leurs homologues britanniques et américains. De fait, nos pilotes font actuellement l'objet de ce que l'on pourrait appeler une « différenciation subie », les plus jeunes ne pouvant acquérir toutes les qualifications nécessaires pour relever leurs aînés déployés en OPEX. À terme, il y a là un risque de perte de compétence inquiétant.
Mes questions découlent largement de ces observations. Tout d'abord, monsieur le ministre, vous avez engagé un effort louable en faveur d'une aviation de transport en situation difficile, notamment en décidant d'acquérir quatre C-130 supplémentaires. Les acteurs concernés par ce dossier font toutefois entendre des échos différents quant à l'évaluation du coût de l'opération et de l'opportunité d'acheter des appareils neufs ou d'occasion, C-130J ou C-130H. Pourriez-vous nous faire part de votre analyse à ce sujet ?
Toujours dans le domaine de l'aviation de transport, on connaît les difficultés du programme A400M. Comment jugez-vous la capacité de l'industriel à faire face à ses obligations contractuelles, dont quatre ne sont à ce jour pas remplies, notamment en matière de largage de parachutistes et de ravitaillement d'hélicoptères ?
Pour ce qui est des ravitailleurs en vol, les responsabilités politiques semblent partagées. Sans revenir sur le calendrier du programme MRTT (Multi Role Tanker Transport), qui fait peser des risques sur le maintien de notre capacité stratégique de ravitaillement, notons que si le format de l'aviation de combat à 225 appareils, fixé par le Livre blanc, est parfois jugé insuffisant, celui de la flotte de ravitailleurs ne l'est pas moins.
Enfin, monsieur le ministre, le général Denis Mercier avait prévu un plan très pertinent, dit « Cognac 2016 » – devenu « Formation modernisée et d'entraînement différencié des équipages de combat » (FOMEDEC) –, qui instaurait une « différenciation choisie ». Les retards qu'il a subis font malheureusement peser des incertitudes sur la cohérence d'ensemble du modèle. Quelles assurances pouvez-vous nous donner sur la date de mise en oeuvre de ce plan ?
Lors du débat budgétaire de l'année dernière, vous aviez rappelé, monsieur le ministre, combien l'année 2015 serait décisive pour la bonne exécution de la LPM : des programmes clés pour la modernisation de notre armée, notamment MRTT et Scorpion, devaient être lancés et les ressources exceptionnelles (REX) issues des ventes de fréquences devaient venir abonder le budget de l'équipement des forces à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Sur ce dernier point, je vous avais fait part de mon inquiétude, largement partagée sur ces bancs, quant au calendrier des cessions, qui semblait bien optimiste pour 2015 et laissait planer une grande incertitude sur la trajectoire financière de la LPM. Je m'interrogeais à l'époque sur le bien-fondé de la création des fameuses sociétés de projet que vous envisagiez. Un an après, cette inquiétude n'a plus lieu d'être : l'actualisation de la programmation militaire, votée en juillet dernier, a levé l'hypothèque que représentaient les REX en leur substituant des crédits budgétaires, non seulement pour 2015, mais pour le reste de la période de la LPM. Le montant des REX demeure aujourd'hui tout à fait résiduel : moins de 1 milliard d'euros sur les 162 milliards de ressources attendues pour les années 2015 à 2019, soit 0,57 % du budget global.
Parallèlement, l'année 2015 a vu les hypothèses d'exportation de Rafale – sur lesquelles était également bâtie la LPM – se réaliser, sécurisant la trajectoire financière pour les années à venir. Elle ouvre ainsi des perspectives nouvelles pour toute la chaîne de production, de Dassault à Thalès en passant par tous les sous-traitants. Les industriels m'ont confié en audition se préparer à augmenter leurs cadences de production pour passer rapidement à deux avions par mois, puis à trois à partir de 2018. Ces contrats viennent conforter les excellents résultats enregistrés à l'exportation par l'industrie de défense française depuis trois ans.
Non seulement aucune des briques de la programmation n'a donc pour le moment été retirée, mais les décisions courageuses prises par le Président de la République pour tenir compte du nouveau contexte stratégique ont accentué l'effort en faveur de la défense de 3,8 milliards d'euros pour la durée restante de la programmation. Pour la première fois depuis longtemps, une loi de programmation militaire est donc en passe d'être intégralement respectée.
Pour l'année 2016, les crédits de paiement du programme 146 s'élèvent à 9,9 milliards d'euros que viendront compléter 63 millions d'euros de fonds de concours et attributions de produits, portant le total des ressources disponibles à un peu plus de 10 milliards d'euros. Ces montants se situent dans la continuité des deux premières années de la programmation, mais se composent désormais quasi exclusivement de crédits budgétaires.
La majorité des programmes nouveaux prévus par la LPM ayant été lancés en 2014 et 2015, conformément au calendrier, 2016 est avant tout une année de consolidation du modèle d'armée en train de se mettre en place et de concrétisation des choix opérés par la LPM actualisée. Parmi les événements notables de l'année à venir, retenons la poursuite de l'effort en matière de renseignement, avec la montée en puissance des programmes « Capacité de renseignement électromagnétique spatiale » (CERES) et Comsat NG, et la commande d'un nouveau système de drones « Moyenne altitude longue endurance » (MALE) – le troisième en attendant le quatrième –, ainsi que l'attention portée à la composante hélicoptères, avec des commandes supplémentaires de Tigres et de NH90, ou encore la commande de nouveaux B2M et BSAH.
Au-delà de ces bons chiffres, plusieurs enjeux soulèvent des interrogations. Le premier sujet d'inquiétude porte aujourd'hui sur la poursuite du programme A400M. L'industriel rencontre de grandes difficultés dans la mise au point des capacités tactiques des avions, qui doivent notamment permettre le largage de parachutistes – par les deux portes – et de charges. L'équipe industrielle a été entièrement remaniée en cours d'année, mais le programme a pris beaucoup de retard et les livraisons ne seront pas au rendez-vous cette année. C'est d'autant plus regrettable que les besoins opérationnels de nos forces sont aujourd'hui particulièrement importants. Vous avez rencontré le président du groupe Airbus cet été et lui avez fait part de nos exigences : la livraison de six avions dotés de capacités tactiques avant la fin de l'année 2016. La réponse était, je crois, attendue ces jours-ci ; que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Que se passerait-il si Airbus n'était pas capable de répondre à ces exigences ? Comment voyez-vous l'avenir de ce programme ?
La loi actualisant la LPM, que nous avons votée cet été, prévoit un effort supplémentaire en faveur de l'équipement de 1,5 milliard d'euros, dont 1 milliard viendrait des gains de pouvoir d'achat potentiels à la suite d'une évolution favorable du coût des facteurs. La commission de la défense a déjà effectué, en juillet dernier, un contrôle sur pièces et sur place dans les locaux du ministère des finances ; nous serons évidemment très attentifs dans les mois qui viennent à ce que ces économies potentielles se traduisent effectivement par des commandes supplémentaires. Quel suivi comptez-vous faire de cette évolution du coût des facteurs ? Quelles discussions avez-vous engagées à ce sujet avec les industriels, notamment sur les programmes futurs ? Quelles marges de manoeuvre avez-vous identifiées pour l'année prochaine ?
Nous suivrons de près la fin de l'exécution 2015, notamment le surcoût des OPEX et le financement des OPINT, et nous serons attentifs à ce que les 2,2 milliards d'euros de crédits budgétaires, essentiels à la bonne poursuite de notre effort en matière de défense, soient bien au rendez-vous en loi de finances rectificative.
J'émets évidemment un avis favorable sur ce projet de budget.
La révision de la LPM fut l'occasion d'entamer le débat – toujours d'actualité – sur le déploiement de notre armée de terre sur le territoire national. Après le choc et l'émotion des attentats de janvier, il était normal de voir l'armée de terre partager le poids du fardeau qui échoyait à nos forces de sécurité. Vous avez donc décidé, par une sorte d'excroissance du plan Vigipirate, de créer l'opération Sentinelle. Je comprends cette décision ; il s'agissait alors de rassurer la population face à un terrorisme multiforme aux ramifications nationales, voire internationales, en faisant surveiller les lieux de culte pour l'essentiel. Ce déploiement de plus de 10 000 hommes a certainement été positif ; mais il a aggravé les tensions entre l'insuffisance des moyens alloués à nos armées et les exigences de la situation, qui apparaissaient déjà avec la multiplication et l'allongement de nos OPEX. Une révision de la LPM était nécessaire ; avec ce que vous avez entamé, elle me paraît aujourd'hui indispensable.
Vous avez profité de l'actualisation de la programmation pour réduire la déflation de nos armées, mais l'essentiel des effectifs supplémentaires est dédié à la pérennisation du contrat opérationnel de protection – autrement dit, de Sentinelle. Certes, la majorité vous a suivi, mais j'ai entendu quelques voix discordantes. Le débat n'est pas clos. Je partage vos arguments : la défense du sol de la patrie étant le fondement de l'armée dans une République, je comprends le souhait du chef de l'État de lui confier cette tâche, ainsi que le désir des chefs d'états-majors d'y prendre part. Cette nécessité est d'autant plus pressante que nous attendons, avec crainte, le retour des djihadistes d'origine française, qui augmentera le risque d'actes terroristes. Mais ces éléments ne sauraient masquer une réalité : alors que nous avions construit ensemble une armée à caractère expéditionnaire, ou du moins capable de se projeter jusqu'aux sources du mal pour le stopper avant qu'il n'arrive à nos frontières, près du quart de nos soldats en opération – 7 000 sur un total de 30 000 – sont aujourd'hui employés à un travail de garde statique, bien loin de leur coeur de métier. Les hommes et les femmes qui s'engagent comme voltigeurs de pointe, qui intègrent des écoles de sous-officiers ou Saint-Cyr, ne le font pas pour exercer un métier de planton ou de surveillant de porte, mais pour porter une mission bien supérieure ! À très court terme, vous risquez de décevoir ces hommes et ces femmes qui se font une autre idée du métier des armes. Qui plus est, vous vous éloignerez fatalement du trinôme magique – préparation, déploiement et entraînement – qui fait depuis longtemps merveille dans nos armées.
J'estime personnellement que la pérennisation du dispositif n'est pas souhaitable ; même si l'on améliore l'organisation de l'opération, qu'on lui donne un contenu hiérarchique et davantage de dynamisme, il s'agira toujours d'une mission de police ou de gendarmerie. Pourquoi avoir recruté des soldats plutôt que des policiers ou des gendarmes ?
En effet, il s'agit probablement d'un tour de passe-passe politique, nos soldats étant tenus au devoir de réserve.
Ce budget réalise les objectifs capacitaires de moyen terme. Plutôt que de réclamer de l'argent à Bercy – qui vous le refuse avec obstination –, il faudrait, dans les années à venir, au fur et à mesure de la rotation des contrats, passer des crédits du titre 2 sur des postes correspondants.
Enfin, pour nous donner les moyens de notre politique, il faudrait 2 ou 3 milliards d'euros de plus ; à défaut, il faudra revoir nos missions à la baisse. C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai de voter ce budget.
Je tiens à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail, mais avant d'aborder le budget 2016, je ferai un point sur l'exécution du budget 2015, conformément à l'article 8 de la LPM.
Les prévisions d'exécution pour le second semestre 2015 font apparaître que la trajectoire fixée par la LPM actualisée est strictement respectée, et ce dans trois domaines.
Pour ce qui est de la trajectoire dans le domaine des ressources humaines, la manoeuvre 2015 est complexe, y compris du point de vue de l'impact psychologique sur le personnel. La loi de finances initiale pour 2015 prévoyait, conformément à la LPM d'origine, une déflation de 7 500 postes ; la loi du 28 juillet 2015 actualisant la LPM a substantiellement modifié cette trajectoire, le schéma d'emploi – le solde des suppressions et des créations d'emploi – s'établissant désormais en 2015 à zéro. Autrement dit, les suppressions de postes sont maintenues, mais intégralement compensées par des créations qui bénéficient particulièrement à l'armée de terre, dans le cadre du renforcement de la force opérationnelle terrestre (FOT), mais également aux services de renseignement et à la cyberdéfense. Les recrutements en cours, notamment dans l'armée de terre, se déroulent conformément à nos prévisions et nous devrions tenir nos objectifs. En termes de masse salariale, l'actualisation de la LPM se traduit, au deuxième semestre 2015, par des dépenses supplémentaires liées notamment à l'annulation de la réduction des effectifs et au renforcement de la réserve opérationnelle, ainsi qu'à la poursuite des dysfonctionnements du logiciel Louvois, qui nécessitent une mobilisation financière supplémentaire. Si la masse salariale du ministère reste maîtrisée, ces facteurs exogènes engendrent un déficit d'ici la fin 2015 sur le périmètre de la LPM – c'est-à-dire hors pensions et hors surcoûts OPEX et Sentinelle – d'environ 150 millions d'euros : 60 millions liés à la suppression de la déflation d'effectifs initialement prévue en 2015, 11 millions au renforcement de la réserve opérationnelle, et pour plus de 70 millions d'euros aux indus nets et aux mesures de trésorerie de fin de gestion à la suite des problèmes de Louvois.
La trajectoire capacitaire et industrielle est elle aussi totalement respectée. Nous poursuivons nos efforts pour maintenir la qualité et le niveau de la préparation et de l'activité opérationnelle. En effet, depuis mon arrivée, j'ai décidé d'enrayer la diminution de l'activité opérationnelle qui était devenue, comme les infrastructures, une variable d'ajustement. En 2015, le niveau global d'activité est comparable à celui de 2014 ; la diminution est donc stoppée depuis 2013. La seule exception a été évoquée par M. Lamy : le nombre de journées de préparation opérationnelle (JPO) de l'armée de terre a été revu à la baisse du fait du déclenchement de l'opération Sentinelle, mais les recrutements et les formations permettront de l'augmenter au cours de l'année 2016. Nous ne sommes pas encore – et nous ne le serons pas non plus en 2016 – à un niveau satisfaisant, mais la progression sera réelle. Depuis le début de la LPM, l'augmentation des crédits liés à l'EPM atteint 4,3 % par an ; j'ai fait engager les réformes nécessaires pour diminuer le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans les différents domaines, notamment l'aéronautique. Par ailleurs, la LPM actualisée a fait de la régénération des matériels employés en OPEX – dont l'usure, due à une utilisation massive, inquiète plusieurs d'entre vous – une priorité, avec 500 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le budget 2016. La réalisation des programmes d'armement se poursuit. D'ici fin 2015, on prévoit ainsi, conformément aux engagements que j'avais pris, de commander le troisième satellite MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation), d'acquérir sept hélicoptères Tigre et les munitions associées, ainsi que six NH90, et de mener les travaux de définition de la frégate de taille intermédiaire (FTI). S'agissant du drone tactique, madame Bruneau, la compétition est en cours et malgré un retard dû aux règles juridiques à l'échelle européenne, je prendrai la décision avant la fin de l'année, car il s'agit d'une nécessité. Je vous confirme par ailleurs que deux systèmes de drones tactiques devraient être acquis, ce qui représente une trentaine de vecteurs aériens qui seront essentiellement utilisés par l'armée de terre.
Enfin, en matière de trajectoire financière, à ce stade, l'exécution 2015 est conforme aux prévisions de la LPM actualisée. Je veux vous rassurer, monsieur Cornut-Gentille : je ne me sens pas en situation de faiblesse, mais bien en situation de vigilance sur ce sujet… Vous connaissez ma détermination à respecter les engagements pris et je sais que je suis soutenu par l'ensemble des parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique. Comme vous-même et M. Launay l'avez souligné, le bon déroulement de la fin de l'année 2015 suppose effectivement de pallier les risques de tension de trésorerie et de couvrir, comme chaque année, les besoins non budgétés initialement – en premier lieu les surcoûts OPEX et Sentinelle – tout en essayant de maîtriser le report de charges. S'agissant de la trésorerie des programmes de la mission « Défense », les problèmes viennent du fait que c'est dans la loi de finances rectificative que seront inscrits les crédits destinés à remplacer les ressources exceptionnelles, soit 2 144 millions d'euros qui seront essentiellement affectés à des engagements capacitaires. La capacité de la direction générale de l'armement (DGA) à les mobiliser ces crédits en deux jours est acquise : elle le fera même dans l'allégresse, une fois votée la loi de finances rectificative. Je préfère cette solution à l'attente de la vente des fréquences… Nous aurions pu attendre longtemps. Nous restons vigilants, mais je n'ai pas d'inquiétude particulière sur ce point.
Quant aux dépenses OPEX, elles seront financées par des arbitrages de fin de gestion, comme c'est le cas chaque année. Je ne reprends pas le débat, que nous avons déjà eu plusieurs fois : la loi de finances prévoyait un budget de 450 millions alors que le surcoût en 2014 avait été de 650 millions. Le coût prévisionnel des OPEX, réactualisé il y a quelques jours, s'élève à 1,128 milliard d'euros, les deux tiers de cette somme étant imputables aux opérations de la bande sahélo-saharienne. Je vous fournirai le détail des coûts de chaque opération, si vous le souhaitez ; ils sont bien sûr provisoires, et peu à peu affinés en prévision de la préparation du prochain décret d'avance. Le surcoût net prévisionnel des OPEX – puisqu'il y a déjà 450 millions inscrits en loi de finances pour 2015, et 54 millions de remboursements attendus d'organisations internationales – s'élève à 624 millions d'euros, qui doivent faire l'objet de dispositifs de fin de gestion.
Pour les OPINT et notamment de l'opération Sentinelle, le surcoût jusqu'à la fin du mois de septembre est estimé aujourd'hui à 170 millions d'euros : 55 millions de dépenses de personnel, liées notamment aux indemnités supplémentaires versées en sus de la solde – il était naturel de prévoir un système de primes –, et 118 millions d'euros de fonctionnement, équipement, infrastructures supplémentaires. Ces surcoûts feront l'objet d'une discussion interministérielle, en vue des arbitrages de fin de gestion.
En ce qui concerne les questions de trésorerie, la levée anticipée de réserve de précaution a, comme je l'avais annoncé, été effectuée. Les trésoreries dormantes ont été mobilisées. L'arrivée des crédits de la loi de finances rectificative nous permettra d'exécuter complètement les engagements capacitaires de l'année 2015.
Le report de charges sera, à la fin de l'année 2015, inférieur à 3 milliards : nous sommes en progrès alors même que la loi de programmation militaire est strictement respectée. Bien sûr, un report de charge n'est jamais très satisfaisant, mais il peut être nécessaire : ce n'est pas un péché en soi. Celui-ci est un peu plus lourd que nous ne le souhaiterions ; les perspectives dépendent évidemment de la fin de gestion. Comme tous les ans, des discussions un peu sportives vont commencer, en particulier sur les OPINT et les OPEX ; pour ces dernières, la loi précise les conditions de prise en charge du surcoût. Je souhaite évidemment qu'elle soit respectée.
J'aborde maintenant la question du budget pour 2016.
J'ai déjà rappelé devant la commission de la défense que la loi de programmation militaire actualisée définit sept nouvelles orientations principales : le nouveau contrat de protection et accroissement de la capacité de la force opérationnelle terrestre (FOT), qui passe de 66 000 à 77 000 personnels ; l'allégement significatif de la déflation des effectifs de la défense ; le budget de la mission « Défense » revu à la hausse et la fin, unanimement attendue, du recours aux ressources exceptionnelles, qui contribuait certes largement à l'animation de nos débats budgétaires ; l'effort supplémentaire de 500 millions d'euros au profit de la régénération des matériels pour soutenir l'activité opérationnelle ; les acquisitions nouvelles dans le domaine des équipements critiques, notamment la composante « hélicoptères », mais aussi la capacité de projection aérienne tactique et le renseignement ; l'appel renforcé à la réserve et rénovation du dispositif permettant d'accroître le nombre de jours d'activité des réservistes ; la concertation rénovée avec la création des associations professionnelles nationales de militaires (APNM).
De plus, l'ensemble de la trajectoire financière a été rehaussée de 3,8 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. Nous constatons cette année les premiers effets de ces décisions, puisque le projet de loi de finances pour 2016 porte notre budget à 32 milliards d'euros toutes ressources confondues, contre 31,4 milliards si nous avions suivi la LPM initiale.
M. Lamy et M. Teissier ont abordé le même sujet : le nouveau contrat de protection du territoire.
Je le sais bien…
Je vous redis ma ferme détermination : je souhaite l'organisation d'un débat au Parlement, au mois de janvier prochain, sur ce nouveau contrat de protection et ses conséquences. C'est une nouvelle donne, et il convient effectivement, comme vous l'avez fait l'un et l'autre, de s'interroger.
Monsieur Teissier, il faudrait, à vous entendre, créer une sorte de garde nationale renforcée ou de gendarmerie bis pour répondre aux nouvelles menaces contre notre pays. C'est ce que souhaiteraient certains ; je respecte cette position, même si ce n'est pas la nôtre. Je vous l'ai dit, je souhaite que ce débat ait lieu. Il se déroulera sur la base d'un rapport en cours de préparation par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui permettra d'aborder la question de la redéfinition du contrat de protection, et ses conséquences pour les différents concepts opérationnels.
Dans mon esprit en tout cas, dans celui de l'état-major, dans celui du Président de la République, il n'y a qu'une armée. Il n'y a pas de spécialisation « planton »… Il y a une seule armée, avec des unités qui sont à la fois des unités de projection et des unités de protection du territoire. Ce sont les mêmes qui pendant une partie de l'année mènent l'opération Barkhane, puis qui reviennent et sécurisent des gares, des aéroports ou d'autres sites menacés. Ce sont les mêmes, parce que c'est le même adversaire : Daech, les mêmes velléités terroristes. Les risques sont forts, vous l'avez dit : il ne faut pas croire qu'une fois qu'une alerte s'est tue, on navigue sur une mer tranquille. Ce n'est pas le cas ; chaque semaine presque, nous sommes prévenus d'un danger.
C'est donc le même combat à l'intérieur et à l'extérieur, mené par la même armée pour assurer la sécurité des Français. Ce choix pose d'autres problèmes dont je suis, encore une fois, tout à fait prêt à débattre avec vous. Rappelons que le contrat de protection n'est pas une nouveauté ; il existait déjà, mais il prévoyait une mobilisation plus restreinte.
Monsieur Guilloteau, vous avez raison d'insister sur la place de l'armée de l'air. Certes, on parle beaucoup de Sentinelle, mais il faut aussi évoquer la marine, ainsi que l'armée de l'air, qui effectue des missions permanentes de sécurité aérienne, avec une impressionnante réactivité : j'ai pu constater que nos avions sont prêts à décoller en sept minutes de jour et quinze minutes de nuit. Ce sont 900 militaires qui oeuvrent à ces opérations de sécurité aérienne. Toutes les composantes de l'armée contribuent à la protection du territoire.
S'agissant des aspects plus strictement budgétaires évoqués par MM. Launay, Cornut-Gentille et Bridey, l'essentiel des ressources extrabudgétaires ont, je l'ai dit, été budgétisées ; nous disposons cette année de 600 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires par rapport à l'an dernier. La part des recettes issues de cessions n'est plus en 2016 que de 250 millions d'euros : 200 millions d'euros provenant de cessions immobilières, principalement en région parisienne – ces ressources ne seront donc pas affectées par la décote dont certains s'inquiétaient, et nous avons prévu large –, et 50 millions d'euros de ventes de matériel militaire. Au total, les recettes extrabudgétaires représentent moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense ».
S'agissant du coût des facteurs, je redis que je veux faire preuve de la plus grande transparence. La LPM actualisée contient d'ailleurs une disposition qui le permet – grâce à un amendement dû, si ma mémoire est bonne, à M. Jean-François Lamour. L'effet de l'évolution du coût des facteurs a été calculé par une mission conjointe de l'inspection générale des finances et du contrôle général des armées : il s'élève à 2,4 milliards d'euros, c'est-à-dire un milliard de plus que les gains déjà pris en compte par le ministère dans ses travaux internes pour couvrir des charges additionnelles non incluses dans la trajectoire financière, mais qui s'étaient imposées – nouveau système de surveillance de l'atoll de Mururoa, remplacement de Louvois.
Nous voulons affecter ce milliard supplémentaire aux opérations d'armement. La LPM, je le rappelle, prévoyait 1 milliard d'euros de recettes grâce à la baisse du coût des facteurs, et 500 millions d'euros d'investissements – je laisse de côté les 500 millions destinés à l'entretien programmé des matériels.
Ce milliard d'euros réalloué aux opérations d'armement proviendra du programme 146 « Équipement des forces » pour 461 millions d'euros, et d'un transfert de 394 millions d'euros de gains constatés sur les autres agrégats de dépenses – carburant, fonctionnement, travaux d'infrastructure, etc.
Pour 2016, le gain prévu grâce à l'évolution du coût des facteurs est de 200 millions d'euros, notamment à partir du fonctionnement ou d'autres agrégats d'équipement ; nous espérons également réaliser 44 millions d'euros d'économie sur les dépenses prévues pour l'entretien programmé des matériels (EPM), mais ces sommes conserveront leur destination, car l'EPM est une priorité. Au total, nous gagnerions ainsi 244 millions d'euros : c'est bien la somme que je vous indiquais. Je suis, je le redis, prêt à faire preuve sur ce sujet de la plus grande transparence.
Les effectifs de la force opérationnelle terrestre gagneront 11 000 postes d'ici à la fin de l'année 2016. Nous devrions réussir cette montée en puissance. Nous renforçons également les effectifs du renseignement et de la cyberdéfense, avec la création en 2016 de 560 postes. Pour la première fois depuis longtemps – et je serais même tenté de dire : depuis très longtemps, vraiment très longtemps – les effectifs des armées vont augmenter en 2016 de 2 300 personnes. Le solde était nul en 2015.
J'en viens à quelques observations et réponses dont vous me pardonnerez le caractère épars.
M. Rouillard s'est inquiété du moral de la marine et des problèmes de carrière, mais aussi d'habillement. Je suis au courant de ces problèmes d'habillement ; ce sont des questions récurrentes, et nullement secondaires, car elles influent sur le moral des troupes. C'est deuxième crise de l'habillement que je vis depuis mon entrée en fonction… Les raisons en sont un peu techniques. Un plan d'urgence doit m'être proposé le 17 novembre prochain. J'ai pris trois mesures à effet immédiat : renforcement des personnels d'accueil dans les salons d'habillement et extension des plages horaires d'ouverture ; ouverture d'une permanence téléphonique destinée à informer les militaires de leurs droits, ainsi qu'à les aider si ces droits ne sont pas immédiatement satisfaits ; enfin, j'ai demandé au service du commissariat des armées (SCA) d'achever la modernisation de la fonction « habillement », particulièrement sensible dans la marine. C'est une réelle préoccupation.
L'expérimentation du service militaire volontaire se met en place. Les premiers recrutements sont en cours à Montigny-lès-Metz ; l'objectif est d'atteindre mille volontaires pour la période d'expérimentation, ce que le PLF rend possible. Certains d'entre vous, je le sais, sont très attachés à ce dispositif ; c'est également le cas de votre serviteur. Je constate déjà un engouement. Le Président de la République devrait rendre visite aux premiers volontaires avant la fin de l'année. Ce dispositif est un symbole fort de notre esprit de défense ; il pourra aussi contribuer à la formation et à l'insertion de jeunes.
Le budget pour 2016 est marqué par un effort spécifique en faveur de la réserve opérationnelle. J'ai souhaité une augmentation de 1 538 postes, qui s'ajouteront aux 28 000 postes existants. Cela permettra de mieux assurer la sécurité du territoire national, mais pas uniquement : des militaires de la réserve sont présents sur certains théâtres extérieurs.
J'ai évoqué tout à l'heure l'activité opérationnelle et l'entretien programmé des matériels : c'est bien là, je le répète, une de nos priorités. Les conditions d'emploi des matériels nous imposent une grande vigilance pour rejoindre progressivement le niveau de l'activité opérationnelle OTAN et donc du niveau d'entretien nécessaire pour permettre notre activité opérationnelle.
J'ai bien noté les observations de M. de La Verpillière sur le soutien et les bases de défense. Lorsque j'ai pris mes fonctions en 2012, les bases de défense étaient en crise, car la réforme avait été menée de façon très précipitée, sans expérimentation. Je n'ai pas voulu rajouter une réforme à la réforme non encore mise en oeuvre, et j'ai préféré tout faire pour qu'elle devienne efficace. J'ai donc pris des mesures correctrices dès 2013 ; le dispositif de soutien « de bout en bout » commence à porter ses fruits. Les dysfonctionnements majeurs disparaissent peu à peu et la qualité du soutien est en très forte progression. Je vous remercie d'y veiller, car le soutien n'est pas souvent mis en avant, alors qu'il est tout à fait essentiel pour nos soldats.
Le budget pour 2016 marque un effort significatif pour le renouvellement de l'équipement de nos forces : 17 milliards d'euros lui sont consacrés, contre 16,4 milliards en 2014 et 16,7 milliards en 2015. Nous tenons ainsi les engagements tenus pris par la LPM actualisée. Je vous avais indiqué lors de la discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire mon souhait de renforcer l'acquisition dans les domaines des hélicoptères de combat et de transport, de l'aviation de transport tactique, et des moyens de renseignement, sans oublier certains bâtiments navals.
En 2016 auront lieu plusieurs livraisons majeures. Ainsi, nos capacités de projection-mobilité et de soutien seront maintenues grâce à la livraison de trois avions A400M et de six hélicoptères NH90. Nos capacités d'engagement et de combat seront renforcées par la livraison de neuf Rafale, dont trois Rafale Marine rétrofités, de cinq hélicoptères Tigre et d'une FREMM. Enfin, nos capacités de protection-sauvegarde seront renforcées par la livraison des deux premiers bâtiments multimissions (B2M) et d'un patrouilleur léger guyanais (PLG).
Vous m'avez interpellé sur l'A400M. La situation n'est pas satisfaisante, c'est exact. Trois A400M doivent nous être livrés à la fin de l'année 2016 ; mais nous avons mis du temps à recevoir les livraisons 2015. Il y a des manques – sur le largage, l'autodéfense ou encore le ravitaillement en vol des hélicoptères. Ces problèmes doivent être corrigés par Airbus, mais les démarches que j'ai pu entreprendre n'ont pas, à ce jour, trouvé de réponse satisfaisante. J'espère que les livraisons seront faites en temps et en heure – je dis cela en particulier pour M. Guilloteau, que je sais soucieux de cette question.
M. Rouillard m'a interrogé sur le porte-avions. Le Charles de Gaulle sera en arrêt technique majeur à partir du 1er février 2017, pour une période de dix-huit mois. Ce bâtiment représente pour nous une capacité tout à fait essentielle. Le groupe aéronaval a été mobilisé dans le Golfe pour l'opération Chammal ; il le sera à nouveau, car il contribue fortement à notre action. Je ne dispose pas ici des coûts comparés des différentes missions, mais un porte-avions effectue régulièrement des missions, quoi qu'il arrive : qu'elles aient lieu en opération est plutôt une bonne chose.
S'agissant des frégates de taille intermédiaire (FTI), l'une d'elles est passée du pavillon français au pavillon égyptien, mais cela ne remet pas en cause l'objectif des quinze frégates de premier rang prévu dans la LPM. Ce qui est nouveau, c'est que nous disposerons de huit FREMM, dont deux FREMM à capacité antiaérienne renforcée, les deux frégates Horizon déjà en activité. Nous avons avancé de deux ans la date de livraison de cinq nouvelles frégates de taille intermédiaire, afin d'atteindre notre cible de quinze frégates de premier rang le plus rapidement possible, mais aussi afin de permettre la montée en puissance des bureaux d'études de DCNS, et ainsi de disposer d'un produit très innovant, au service de la marine, mais également exportable. Le travail doit commencer en 2016.
Monsieur Guilloteau, je veux vous rassurer : je vous confirme avoir lancé l'étude de l'acquisition de quatre C-130 supplémentaires, afin de pallier les retards des capacités tactiques de l'A400M dont j'ai parlé tout à l'heure. Deux pourront ravitailler des hélicoptères. Je ne sais pas encore s'il s'agira d'avions neufs ou d'avions d'occasion rétrofités.
J'ai déjà répondu sur l'A400M…
Aujourd'hui, je n'ai surtout pas de réponse à la nouvelle demande que j'ai formulée : nous souhaiterions disposer, à la fin de l'année 2016, de onze A400M, dont six dotés de capacités tactiques – autoprotection, largage, atterrissage sur terrain sommaire… J'espère que ce sera possible. Les difficultés existent, et j'entretiens avec l'industriel des relations quelque peu toniques… C'est mon rôle.
Quant aux bâtiments de surveillance et d'intervention maritime, c'est-à-dire le programme BATSIMAR, sur lequel vous m'interrogez, monsieur Rouillard, c'est un concept global de renouvellement de l'action hauturière, contribuant aux missions de sauvegarde maritime outre-mer. Nous avons décidé d'aller plus vite que prévu et de commander quatre B2M – trois commandés en 2013, et un dans la LPM actualisée, je l'ai dit – et deux PLG, commandés en 2014. Les commandes du reste de la flotte BATSIMAR dépendront du développement anticipé de ces navires, qui permettront de rationaliser la flotte actuelle, hétérogène et vieillissante. Ces bâtiments auront différentes fonctions tout en conservant conserveront une cohérence de gestion.
Mme Bruneau m'a interrogé sur l'ONERA. En 2016, le ministère de la défense apportera 105 millions d'euros au budget de cet organisme, c'est-à-dire la moitié : cela montre notre intérêt. Je suis très sensible au sort de l'ONERA, et notamment aux questions qui touchent à la soufflerie de Modane, dont je suis directement informé. J'ai demandé à la direction un rapport stratégique, à partir duquel j'espère pouvoir établir un contrat d'objectifs avant la fin de l'année. Cela permettra d'assurer le développement de ce très bel outil, qu'il faut quelque peu réorienter – mais je sais que la nouvelle direction s'y attelle. J'ajouterai que nous avons réabondé le budget de l'ONERA de 9 millions d'euros en 2015.
MM. de La Verpillière, Cornut-Gentille et Launay m'ont interrogé sur les infrastructures utilisées dans le cadre de l'opération Sentinelle. Celles-ci doivent véritablement faire l'objet d'adaptations, en particulier dans la région parisienne. J'ai ainsi décidé d'interrompre la vente de la caserne Lourcine, dont le produit devait initialement être intégré aux recettes immobilières, afin que les militaires participant à l'opération Sentinelle à Paris bénéficient de conditions de logement convenables. Nous avons en outre affecté un financement de 20 millions d'euros à la mise aux normes des logements et à l'acquisition des équipements nécessaires pour que les sites d'accueil puissent offrir minimum de confort, notamment en Ile-de-France. Les débuts ont été difficiles car il a fallu agir dans l'urgence, mais la situation s'améliore progressivement. L'état-major et moi-même, nous sommes très vigilants sur ce point, car la situation pourrait devenir préoccupante si nous n'y étions pas suffisamment attentifs.
En ce qui concerne les drones MALE, nous disposons actuellement de trois drones Reaper d'observation, basés à Niamey, et nous allons en acquérir neuf autres pour atteindre l'objectif inscrit dans la loi de programmation militaire ; nous disposerons alors de quatre systèmes commandant chacun trois vecteurs. Quant à ce qui pourrait être demain l'eurodrone, amené à succéder au drone MALE Reaper, il est actuellement en phase de définition. Les discussions sont en cours, mais nos amis allemands et italiens ont la volonté politique de voir ce dossier aboutir. Ce sera difficile : il faut éviter que la définition ne soit trop éclatée et que ne se reproduise le scénario de l'A400M, chacun ayant ses propres préconisations. Nous devons aboutir à un seul modèle d'eurodrone MALE. Participent aux discussions Finmeccanica, Dassault et Airbus, pour les industriels, et la France, l'Allemagne et l'Italie. C'est moi qui suis à l'initiative de ce projet, car il me paraissait indispensable d'évoir une maîtrise technologique dans ce domaine. Nos partenaires semblent me suivre, mais nous devons exercer une grande vigilance politique. En tout cas, mon homologue allemande est tout à fait favorable au développement de ce programme.
Quant au drone de combat futur, il fait l'objet d'un partenariat avec les Britanniques pour l'élaboration du concept. Les discussions se déroulent bien ; une série de décisions devraient être prises dans un an environ, au terme du travail préparatoire nécessaire à la définition du projet.
M. le président Gilles Carrez Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
Nous examinons la première annuité de la loi de programmation militaire actualisée ; ce budget est la traduction concrète des priorités affichées dans la loi, qu'il s'agisse du renforcement de la posture de protection nationale, grâce au déploiement dans la durée sur le territoire national de 7 000 militaires – ce nombre pouvant monter jusqu'à 10 000 hommes pour un mois – et à la consolidation de la réserve opérationnelle, de l'effort réalisé en faveur des équipements à travers l'entretien programmé des matériels – qui permet la régénération des équipements particulièrement sollicités en opération extérieure – ou des opérations d'armement permettant le renforcement de capacités critiques telles que les avions de transport tactique et le renseignement ou les hélicoptères.
Le budget 2016 continue, par ailleurs, d'accorder une place majeure à la connaissance et à l'anticipation, en particulier à la cyberdéfense et au renseignement, en amplifiant l'effort engagé en matière d'effectifs, d'acquisition d'équipements spécialisés et de développement des capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement.
Les moyens alloués à la recherche et au développement témoignent de l'attention portée à la préparation de l'avenir, gage de la préservation de notre base industrielle et technologique, qui participe à la souveraineté et à l'autonomie stratégique de la France.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le groupe Socialiste, républicain et citoyen unanime soutiendra le budget que vous nous présentez.
Nous avons appris aujourd'hui la conclusion d'un contrat de vente d'hélicoptères Caracal au Koweït. Le groupe Les Républicains se félicite de cette réussite industrielle que nous devons à l'ensemble des acteurs – et vous y avez pris votre part, monsieur le ministre – qui s'y sont impliqués ; elle renforce tout à la fois notre potentiel industriel et la crédibilité de la loi de programmation militaire.
J'en viens à mes questions. À la page 10 du « bleu » budgétaire, figure une information étonnante : selon l'indicateur « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France », la capacité nominale de l'armée de terre, qui était de 88 % en 2015, est passée à 50 % fins 2015 et devrait être, selon les prévisions, de 60 % en 2016. Que faut-il penser d'un tel effondrement ? Ce point mériterait d'être explicité.
Les réservistes prennent-ils une part significative dans l'opération Sentinelle et envisagez-vous d'accroître leur participation ?
Par ailleurs, ne pourrait-on pas envisager d'armer certains des neuf drones d'observation supplémentaires qui doivent nous être livrés, ne serait-ce que pour acquérir une compétence qui sera utile lorsque le drone MALE européen sera mis en service ? Certes, c'est compliqué : l'accord des Américains est nécessaire. Mais la question mérite d'être posée lorsqu'on sait que, pour délivrer une charge dans le nord du Mali, un avion doit effectuer deux heures de vol depuis N'Djamena.
L'an dernier, monsieur le ministre, je vous ai interrogé sur la situation de notre filière artillerie, car aucune commande de canons Caesar n'est prévue dans la loi de programmation militaire. Vous aviez alors reconnu qu'on ne pouvait pas laisser cette situation perdurer et m'aviez indiqué que nous en reparlerions l'année prochaine. Nous y sommes : qu'envisagez-vous de faire pour que cette filière ne soit pas réduite à néant ? Nous avons le devoir de conserver une artillerie performante, que ce soit pour les canons des chars Leclerc ou pour ceux des Caesar.
Ma dernière question sera plus politique. Lors de son audition par la commission de la défense, nous avons interrogé le chef d'état-major des armées sur l'éventualité d'une intervention terrestre en Syrie, certains esprits échauffés ayant évoqué cette hypothèse dans la presse. Il nous a répondu qu'il n'était pas très responsable d'imaginer une telle éventualité. Estimez-vous, quant à vous, que nos armées sont capables d'intervenir au sol en Syrie, compte tenu des charges qui pèsent déjà sur elle ?
Notre pays mène des combats difficiles à l'extérieur du territoire national, des combats justes, pour la liberté et les droits de l'homme. La France est en effet engagée au Mali, en Centrafrique, ainsi qu'en Irak et, depuis peu, en Syrie. Saluons ici l'action exemplaire de nos militaires et honorons la mémoire des soldats tombés au champ d'honneur. Vous le savez, monsieur le ministre, les députés du groupe UDI ont soutenu ces opérations dès leur lancement, dans un esprit de responsabilité.
Les menaces insidieuses, le terrorisme nous guettent à chaque instant sur notre propre sol. Pour continuer à lutter pour la liberté, notre pays doit donc impérativement allouer des crédits suffisants à notre défense. C'est pourquoi, depuis le début du quinquennat, les députés de mon groupe se sont élevés contre les coupes budgétaires et les baisses d'effectifs drastiques qui l'ont affectée. Nous avons ainsi voté contre les budgets 2013, 2014 et 2015 et contre la loi de programmation militaire.
Les événements tragiques de janvier dernier et le niveau particulièrement élevé de la menace terroriste ont cependant conduit le Gouvernement à actualiser cette dernière afin de renforcer les moyens de la défense. Il était temps de le faire ! Nous avons soutenu cette actualisation, qui a permis, sans pour autant les faire disparaître, de réduire les nombreux aléas qui pesaient sur la réalisation de la LPM. C'est un progrès, et, fidèles à l'attitude constructive qui a toujours été la nôtre, nous tenons à saluer votre effort, monsieur le ministre, dans un contexte que chacun sait contraint.
Toutefois, tout le monde s'accorde à reconnaître que la France a atteint sa capacité maximale, tant en opérations extérieures qu'en opérations intérieures. Il est aujourd'hui nécessaire de nous adapter à un monde toujours plus instable et dangereux, où existent de nombreux risques asymétriques. Les moyens prévus dans le présent texte sont tout juste suffisants : ils ne sont pas encore à la hauteur de nos ambitions ni des enjeux. C'est pourquoi, malgré des avancées indéniables, que le groupe UDI salue, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Le budget que nous examinons aujourd'hui est conforme aux orientations arrêtées dans le cadre de l'actualisation de la loi de programmation militaire votée au mois de juillet dernier. Il concrétise la décision du Président de la République d'accorder aux armées des moyens humains et financiers supplémentaires en raison des menaces qui pèsent sur notre pays. Concrètement, ce choix se traduit par une augmentation des crédits d'environ 600 millions d'euros et par une pause dans la réduction des effectifs, qui permettra le recrutement de 2 300 personnes en 2016. C'est une rupture par rapport à la situation qui a prévalu ces huit dernières années, mais l'opération Sentinelle, on l'a dit, suscite des interrogations sur les nouvelles missions de sécurisation du territoire national dévolues à l'armée de terre.
S'agissant des grandes orientations stratégiques de ce budget, nous exprimerons, et cela ne vous surprendra pas, un désaccord majeur sur la question de la dissuasion nucléaire. Les crédits qui lui sont alloués restent significativement élevés : notre arsenal, qui nous coûtera cette année encore près de 4 milliards d'euros, représente 29 % des crédits dédiés à l'équipement. Ainsi, au-delà de nos désaccords philosophiques et stratégiques sur la dissuasion, force est de constater qu'un risque d'éviction pèse sur nos forces conventionnelles en raison du niveau d'engagement de notre dissuasion nucléaire – je vous proposerai tout à l'heure deux amendements à ce sujet. J'ajoute que les choses ne vont pas aller en s'améliorant, puisque les autorisations d'engagement sont nettement plus élevées que les crédits de paiement dans les programmes 178 « Préparation et emploi des forces » et 146 « Équipement des forces », ce qui laisse présager des dépenses à la hausse dans les années à venir.
Je veux néanmoins saluer les choix qui ont été opérés dans le domaine des ressources humaines, notamment le rééquilibrage du nombre d'officiers et d'officiers supérieurs rapporté à l'ensemble des effectifs de soldats, et dans le domaine des équipements, avec la montée en puissance des parcs de nouvelle génération, qui répondent précisément aux besoins des soldats français en opération.
Monsieur le ministre, votre intervention apaise les inquiétudes qui se sont exprimées et facilite, si besoin est, l'approbation de la politique budgétaire menée en matière de défense du territoire national et d'opérations extérieures. Hausse des crédits de 600 millions d'euros, création nette de 2 300 emplois, accroissement de la contribution de la réserve opérationnelle grâce à une hausse des crédits de l'ordre de 88 millions d'euros, dotation supplémentaire de l'ordre de 500 millions d'euros sur la période 2016-2019 au profit des matériels les plus sollicités en opération, prolongation de l'expérimentation du service militaire volontaire : autant d'éléments qui conduisent le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste à voter les crédits de la mission « Défense » pour 2016.
Je souhaiterais répondre dès à présent à M. Fromion sur le premier point de son intervention : l'accord auquel il a fait référence et que j'ai signé tout à l'heure avec mon homologue koweïtien porte sur trente hélicoptères. Ce contrat de 1 milliard d'euros, qui avait été préparé lors d'un déplacement que j'ai effectué au Koweït au mois de juin dernier, est une bonne nouvelle pour Airbus Helicopters et Marignane. Le montant total de nos exportations s'élève donc désormais à 16 milliards d'euros, soit le double de celui des exportations de l'année dernière, qui avaient elles-mêmes doublé par rapport à l'année précédente.
Monsieur le ministre, l'entretien programmé des matériels joue un rôle pivot dans le maintien du haut niveau de performance de nos armées. En contribuant à la disponibilité technique des équipements, il conditionne la bonne réalisation de la préparation et de l'activité opérationnelle et garantit aux militaires les moyens matériels nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. Pendant plusieurs années, les crédits dédiés à l'entretien programmé des matériels ont été sous-évalués par rapport aux crédits d'équipement. Ainsi, sous la précédente LPM, correspondant à la période 2009-2014, le déficit des crédits d'activité par rapport aux besoins exprimés s'était élevé à plus d'un milliard d'euros. La LPM initiale 2014-2019 prenait déjà la mesure de ces difficultés en faisant de l'inversion de cette dynamique une priorité majeure, concrétisée par un effort financier substantiel. Cet effort est amplifié par la récente actualisation, afin de tenir compte de la forte sollicitation de nos matériels en opérations extérieures et par le besoin de régénération qui en découle.
Cela se traduit dans le budget 2016 par une augmentation des crédits de près de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette dotation permettra la montée en puissance des nouveaux équipements et la régénération des parcs anciens ; je tenais à le saluer.
Ma question a trait à un domaine capacitaire particulièrement concerné par cette nouvelle dynamique, celui de l'aéro-combat et plus, précisément, aux Caracal. Dans le rapport annexé à la LPM actualisée, il est affirmé que l'ensemble de la flotte de Caracal du ministère de la défense sera en mesure d'effectuer dès 2015 des missions au profit du Commandement des opérations spéciales (COS). Pouvez-vous nous expliquer comment s'organise désormais la chaîne de commandement entre le COS et les états-majors de l'armée de terre et de l'armée de l'air ? Par ailleurs, a-t-on une visibilité calendaire quant au regroupement à terme des Caracal sur un site unique, également évoqué dans le rapport annexé à la LPM ?
Monsieur le ministre, j'aurais pu vous poser des questions d'ordre macro-budgétaire sur le coût des facteurs, le report de charges, les financements interministériels ou le surcoût des OPEX, mais vous y avez déjà répondu lors de votre audition par la commission de la défense.
Ma première question portera donc sur le soutien à l'exportation de nos Rafale. Il ressort du compte rendu d'exécution des crédits de la mission « Défense » que la hausse de 1,5 milliard des prévisions d'engagement résulte notamment des opérations de soutien aux exportations du Rafale en Égypte et au Qatar sur le programme 178. Quel est le montant précis de nos engagements budgétaires dans le cadre de ces deux opérations ? Et quel est le montant budgété dans le PLF pour 2016 ?
Ma seconde question a trait au versement transport. Bon nombre de collectivités organisatrices de transports nous font part des difficultés qu'elles rencontrent pour obtenir des informations précises sur les critères appliqués par le ministère de la défense en la matière. Opacité, exonérations d'office et unilatérales, multiplicité des interlocuteurs : autant de pratiques qui nuisent aux bonnes relations entre les bases de défense et les collectivités et au rayonnement de nos armées et qui contribuent à l'exaspération des collectivités locales, en proie à d'énormes difficultés budgétaires. Quelles mesures entendez-vous prendre pour assurer davantage de transparence en 2016 ? Quelle est l'évolution des crédits consacrés au paiement du « versement transport » par rapport à 2015 ? Enfin, allez-vous donner des directives précises à vos services pour améliorer leur collaboration dans ce domaine avec les collectivités territoriales ?
Tout d'abord, je me félicite d'autant plus de la vente des Caracal au Koweït qu'Airbus Helicopters est implanté dans ma circonscription et que cette bonne nouvelle s'ajoute à la confirmation, dans le projet de loi de finances, de la commande de NH et de Tigre.
Les délais du maintien en condition opérationnelle des hélicoptères sont parfois un peu longs ; cela coûte cher et peut avoir des conséquences sur leur disponibilité pour nos forces en OPEX. Les moyens techniques et financiers prévus seront-ils suffisants pour assurer le MCO des hélicoptères ?
Monsieur le ministre, vous exercez un art noble, la politique ; vous servez votre chef, le Président de la République. Mais le gouvernement auquel vous appartenez s'est lancé dans des réformes qui coûtent cher au pays – réforme des rythmes scolaires, contrats aidés multiples –, de sorte que le budget de la défense est notoirement insuffisant pour les années à venir. Tant qu'il n'atteindra pas 2 % du PIB, la cohérence de notre modèle, qui exige que nous soyons pleinement souverains, tant en ce qui concerne le renseignement que l'infanterie ou le sous-marin nucléaire lanceur d'engins, sera remis en cause. L'effort est donc, une fois encore, insuffisant ; vous reportez les difficultés à plus tard, et ce sont vos successeurs, quels qu'ils soient, qui devront y remédier.
Nous allons devoir consentir d'importants efforts en matière de recherche et développement pour maintenir notre force opérationnelle océanique stratégique. Ainsi les crédits de recherche concernant le nouveau sous-marin nucléaire lanceur d'engins doivent être décidés très prochainement. Or, je ne vois rien dans le budget sur cette nouvelle génération de bâtiments qui, seule, nous permettra d'assurer la sécurité de la nation sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Par ailleurs, vos prédécesseurs nous ont fait perdre la compétence de fabrication du fusil d'assaut. Il est scandaleux de voir, pour la première fois depuis le XVIIIe siècle, la France dépendre d'une nation étrangère pour la fourniture de cette arme. Toutefois, une entreprise française est capable de réaliser des cartouches de petit calibre, et exporte même les machines-outils qui permettent de les fabriquer. Pouvons-nous espérer que, moyennant quelques millions d'euros, au lieu de se lancer dans des réformes sociétales suscitées, la France retrouve un jour sa souveraineté en matière de fabrication de cartouches de petit calibre ?
Monsieur le ministre, en décembre 2013, vous annonciez le remplacement du calculateur Louvois après le désastre causé par les multiples dysfonctionnements de ce système de gestion de la solde. Les erreurs de paiement ont été perçues par les personnels militaires comme révélatrice d'un profond manque de considération, voire de reconnaissance. Pour mettre un terme à ce désastre, vous avez donc fait le choix d'un nouveau système de rémunération des militaires, faisant appel à la DGA pour mener le projet Source Solde à la manière d'un programme d'armement et à la société Sopra-Steria en tant que maître d'oeuvre. Le SI Source Solde entrera en phase de test en 2016, puis sa mise en service se déroulera de façon incrémentale : la marine au premier semestre 2017, puis l'armée de terre un an plus tard et enfin le service de santé et l'armée de l'air en 2019.
On pourrait cependant s'interroger sur le choix qui consiste à commencer par la marine, car la comparaison de la solde produite par Louvois avec celle produite par ce nouveau logiciel, lui-même en phase de test, comporte un risque. Comment celle-ci se déroulera-t-elle, et quels seront les moyens financiers et humains déployés pour maintenir Louvois en condition opérationnelle jusqu'à la fin du test et assurer le nécessaire calcul de la solde en double pour la marine ?
Je veux tout d'abord saluer le professionnalisme et le dévouement des soldats de nos armées, en particulier de l'armée de l'air. Entre ses frappes en Syrie et sa présence militaire en Afrique, la France est actuellement engagée sur plusieurs théâtres d'opérations. La question se pose donc de sa capacité financière et militaire à assumer un tel engagement. Conformément à l'actualisation de la loi de programmation militaire votée en juillet, les crédits de la mission « Défense » sont en légère augmentation. Néanmoins, on peut s'inquiéter de sa dimension s'agissant des opérations intérieures et extérieures.
Le financement des opérations intérieures nécessite une clarification. Par ailleurs, le surcoût des OPEX, véritable serpent de mer du budget de la défense depuis des années, devrait dépasser, en 2015, le milliard d'euros alors que la provision initiale était de 450 millions d'euros. La tradition veut que le surcoût soit financé sur l'interministériel – il est à souligner qu'il est d'ailleurs financé à hauteur de 20 % par le ministère de la défense. Sous-estimer le coût des OPEX est certes une tradition ancienne, mais la Cour des comptes le déplore et, dans son rapport publié au mois de mai, elle a dénoncé le dérapage du coût des OPEX, qui s'est avéré trois fois supérieur au budget initialement prévu pour 2014. Évaluer le surcoût lié à des opérations imprévisibles par nature est difficile, mais n'est-il pas possible d'inscrire des crédits un peu plus réalistes ?
Il y a quelques mois, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que des discussions étaient en cours avec les autorités européennes afin d'exclure le coût des opérations extérieures du calcul des déficits publics. Pouvez-vous nous dire où en sont ces échanges ?
Le projet de budget pour 2016 permettra de consacrer les ressources nécessaires aux priorités définies par le Gouvernement : renforcement des effectifs, renouvellement des matériels et des équipements, entretien programmé. Cet effort est indispensable pour permettre non seulement à nos soldats d'accomplir leurs missions, mais aussi à notre pays de jouer un rôle conséquent sur le plan international. Il s'agit donc d'un bon budget, compte tenu de la conjoncture économique et financière.
Ce budget prévoit également un renforcement de la réserve opérationnelle et citoyenne ainsi que l'adaptation à la métropole du service militaire adapté, sous le nom de service militaire volontaire. Je ne reviendrai pas sur l'intérêt de ces dispositifs, qui permettent à des jeunes de recevoir une formation comportementale et professionnelle sous encadrement militaire. Pour remplir ses objectifs, le service militaire volontaire aura besoin de toutes les bonnes volontés – je pense notamment aux collectivités territoriales et aux entreprises –, mais aussi de moyens. Il est donc important que ce dispositif soit accompagné et que son budget soit suffisant durant les deux années de son expérimentation, mais également dans le futur. Pourriez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la mobilisation des collectivités et des entreprises ?
Par ailleurs, la loi de programmation militaire prévoit un quasi-doublement de la réserve opérationnelle, le nombre des réservistes étant porté de 27 500 à 40 000, ce qui représente un effort considérable sur le plan budgétaire, puisque le coût de cette mesure s'élève à 88 millions d'euros pour 2016. Toutefois, les réservistes que j'ai rencontrés, avec ma collègue Marianne Dubois, lors de nos déplacements sur le terrain ont souligné la nécessité d'inciter les entreprises et les services à laisser les personnels assumer leur mission. Comptez-vous utiliser une méthode particulière dans ce domaine ?
En conclusion, je veux, une nouvelle fois, vous féliciter pour ce bon projet de budget pour 2016.
Monsieur le ministre, l'actualisation de la loi de programmation militaire a desserré l'étau de la LPM originelle, dont on voyait bien qu'elle se trouvait dans l'incapacité d'être productive en matière de déflation des contingents et en matière budgétaire. Cependant, je rejoins les interrogations de Jean Launay et François Cornut-Gentille sur l'exécution 2015. À vous entendre, la DGA sera en mesure de générer, fin décembre, 2,140 milliards de commandes. C'est un peu difficile à admettre, dès lors que, l'année dernière, vous aviez vous-même annoncé la commande du premier Airbus A330 Multi Role Tanker Transport (MRTT) à la fin du mois de novembre, en précisant qu'il s'agissait de la dernière limite pour commander un tel matériel. Si je comprends bien, on peut désormais commander jusqu'à pratiquement la fin de l'année sans que cela pose problème…
En ce qui concerne l'exécution du budget 2016, dont les crédits augmentent de 600 millions, je formulerai deux interrogations. La première concerne les coûts des facteurs, qui s'élèvent à environ 250 millions par an. Or, j'ai interrogé le chef d'état-major des armées et le secrétaire général de l'administration : le premier évoque le chiffre de 300 millions étalés sur les quatre exercices, soit 75 millions par exercice, le second estime, quant à lui, possible de générer des coûts des facteurs à hauteur de 13 millions pour l'exercice 2016. Il manque donc 237 millions pour atteindre les 250 millions qui vous semblent nécessaires. Où sont-ils ?
Enfin, vous avez évoqué la vente d'emprises dans la région parisienne – l'hôtel de l'Artillerie et sans doute l'îlot Saint-Germain. À ce propos, je m'étonne d'avoir vu passer, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, un amendement qui remet en cause ce dont nous avions convenu, droite et gauche réunies, lors de la CMP sur l'actualisation de la LPM : la limitation de la décote des emprises à hauteur de 30 %. Le président Carrez lui-même s'en est d'ailleurs ému lors de l'examen de cet amendement. Pourquoi revenir dès maintenant sur cette mesure consensuelle, au risque de remettre en question l'abondement du compte d'affectation spéciale qui doit contribuer au financement de la fin de la LPM.
La France a repris place dans les structures du commandement intégré de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) et y dispose désormais de postes tant au sein du Commandement allié des opérations (Allied Command for Operations-ACO), basé à Mons, en Belgique, qu'au sein du Commandement allié pour la transformation (Allied Command Transformation-ACT) – présidé d'ailleurs par un général français –, basé à Norfolk, aux États-Unis d'Amérique. Voilà qui est bien et joue en faveur de notre influence.
Reste néanmoins un problème non négligeable : nous ne pourvoyons que 70 à 72 % des quelque 800 postes que nous nous sommes engagés à pourvoir – et davantage à l'ACT qu'à l'ACO. Nous sommes donc, en la matière, les derniers de la classe des vingt-huit alliés ; il faut savoir que l'avant-dernier, lui, fournit 86 % de ses postes tandis que la moyenne générale est de 90 %.
Pour ce qui est des généraux, des amiraux et des officiers supérieurs, la France pourvoit certes ses contingents, mais c'est loin d'être le cas des postes destinés aux moins gradés. Nous avons donc un problème de crédibilité. Je vous rappelle qu'à chaque étoile OTAN correspondent 35,5 postes. Aussi, si nous persistons dans notre attitude, nos partenaires vont nous demander soit de lâcher des étoiles, soit de pourvoir les postes correspondants… Ne pas respecter nos engagements serait contre-productif vis-à-vis de nos alliés et réduirait notre influence au sein de l'Alliance.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de faire en sorte que nous respections au plus vite notre référentiel d'effectifs OTAN ?
Notre armée intervient seule dans l'opération Barkhane pour la défense de la bande sahélo-saharienne. Nous protégeons une zone très importante et différents territoires. Cette intervention, qui mobilise environ 3 000 hommes, coûte très cher à la France. Or cette action est fondamentale pour réduire les nids du terrorisme islamiste et plus particulièrement du terrorisme de Daech.
Ces charges sont-elles toujours partagées ?
Si tel n'est pas le cas, pourquoi la France est la seule à payer et que font les pays européens pour la défense du territoire concerné ?
Vous avez évoqué la conférence dont vous étiez à l'initiative. Pourquoi, monsieur le ministre, n'organiseriez-vous pas une conférence avec tous les pays européens et autres pour les sensibiliser et les inciter à participer à la défense contre les islamistes, contre Daech ? Ce serait important pour l'avenir, pour la défense de nos territoires.
Je salue le courage des femmes et des hommes de notre armée qui se trouvent actuellement sur des terrains d'opération.
Je reviens sur le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », essentiel en matière stratégique. Les crédits qui lui sont alloués sont importants et doivent permettre le développement de notre base industrielle et technologique de défense. Dans le contexte économique actuel, il ne faut pas négliger la compétitivité, l'accès aux marchés ainsi que, plus largement, le développement de nos petites et moyennes entreprises (PME) et de nos très petites entreprises (TPE). C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite que soient rappelés les dispositifs prévus par le projet de loi de finances pour 2016, destinés à soutenir l'industrie et les entreprises. Nous savons bien, en effet, le poids économique considérable de l'industrie de la défense et le nombre important d'emplois qui lui sont liés.
Je soutiens par ailleurs l'amendement d'Isabelle Bruneau visant à augmenter les autorisations d'engagement et les crédits de paiement destinés à soutenir cet acteur majeur qu'est l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA).
Pouvez-vous, monsieur le ministre, revenir sur le rayonnement et la grande diversité de nos entreprises de défense qui maillent le territoire national aussi bien dans les centres urbains que dans les zones rurales ?
Je souhaite pour ma part vous interroger, monsieur le ministre, sur le format de nos armées et en particulier sur celui de l'armée de l'air.
La France est appelée à s'engager soit seule sur des théâtres d'opérations extérieures comme le Mali ou la République centrafricaine, soit dans des coalitions internationales comme actuellement sur le théâtre irako-syrien sous l'égide des Nations unies (ONU). Notre armée aérienne est ainsi très sollicitée et souvent en première ligne. Le général Mercier, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, avait évoqué, au printemps dernier, devant la commission de la défense, le risque d'usure des hommes ainsi que des matériels alors que la menace n'avait jamais été aussi élevée. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
Par ailleurs, la transformation des formations au sein de l'armée de l'air implique une réorganisation en profondeur avec, notamment, le projet de formation modernisée et d'entraînement différencié des équipages de combat, (FOMEDEC). Vous avez d'ores et déjà annoncé des fermetures de bases – certes, pour l'heure, à petites doses. Vous avez également évoqué des regroupements, en particulier celui des bases qui assurent la formation des officiers et des sous-officiers de l'armée de l'air. Or vous savez que la base aérienne 721, de Rochefort Saint-Agnant, dans le département de la Charente-Maritime, assure cette fonction. Pouvez-vous par conséquent, dans la perspective de la réorganisation des écoles de formation au sein de l'armée de l'air, nous rassurer sur l'avenir de cette base qui demeure le premier employeur du pays rochefortais, déjà touché par un chômage élevé ?
Le projet de budget pour 2016 est bon en ce qu'il répond bien aux nombreux défis qui nous attendent et que vous avez évoqués, monsieur le ministre. Je reviendrai en particulier sur les attaques cyber. Le Livre blanc les désigne comme une menace majeure pour la sécurité nationale. Ainsi que vous l'avez déclaré lors de l'ouverture du premier colloque international de cyberdéfense, le combat numérique, c'est la guerre de demain. La cybersécurité est devenue une question éminemment stratégique.
Vendredi dernier, le Premier ministre a présenté plusieurs mesures pour lutter contre les attaques informatiques visant entreprises, administrations et particuliers. Le présent budget concerne le volet défense de cette stratégie cyber et reprend en partie le Pacte Défense Cyber que vous avez conçu et lancé en février 2014 et qui propose cinquante mesures concrètes. D'autre part, la loi de programmation militaire actualisée prévoit de consacrer à la cyberdéfense plus de 1 milliard d'euros et de créer mille emplois dédiés – militaires et civils.
Pour désigner les personnels affectés à la cyberdéfense, vous avez parfois employé l'expression de « quatrième armée » tant l'enjeu est fort. Aussi l'application du Pacte Défense Cyber et les recrutements doivent-ils faire l'objet d'une attention particulière ? Où en êtes-vous en la matière ?
Enfin, nous nous félicitons que le présent projet de loi de finances prévoie la consolidation de la réserve opérationnelle dont les effectifs vont passer de 27 000 à 40 000 personnes, ainsi que le recours aux réservistes dans des domaines déficitaires ou sensibles. Dans cette perspective, vous avez annoncé la nécessité de réorganiser les réserves sur le territoire. Avez-vous progressé sur la question ?
Avec la présidente de la commission de la défense, nous sommes allés visiter la brigade franco-allemande (BFA) à Müllheim, en Allemagne. La BFA était une priorité puisque citée dans le Livre blanc comme étant une unité importante. Or nous avons constaté qu'après vingt-cinq ans de fonctionnement des progrès en matière de coopération et d'interopérabilité restaient à accomplir. Aussi ne conviendrait-il pas de chercher des pistes afin de confier des missions de plus grande ampleur à la BFA, un peu dans l'esprit de sa participation à la mission de formation de l'Union européenne au Mali (European Union Training Mission-EUTM) ?
Le programme 144 prévoit une baisse assez significative des crédits alloués à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) – moins 33 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Je m'étonne d'autant plus de cette diminution que le futur projet de loi relatif aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales devrait, sauf erreur de ma part, nécessiter plus de moyens pour le renseignement extérieur.
En ce qui concerne le renouvellement du parc de véhicules, je reviens sur l'achat, en mai dernier, de mille 4x4 américains de la marque Ford. Si aucun équivalent adéquat n'existe chez les constructeurs français, cela n'est pas très choquant ; encore faut-il s'en assurer. La vraie question est celle de la procédure suivie : si je comprends bien, la gestion passe par l'union des groupements d'achat public (UGAP), centrale d'achat interministérielle, plutôt que par des appels d'offres. Comment donc, dans ce cadre, prévoir une vraie gestion du parc – avec une préférence pour les véhicules propres et de marque française ? Quelle économie espérez-vous tirer de la mutualisation du parc automobile de l'État décidée en février 2015 ?
Je commencerai par les questions de M. Fromion – que je ne vois pas…
Vous étiez dans mon angle mort.
Je réponds donc à vos interrogations. Il n'y a pas assez de réservistes dans l'opération Sentinelle : ils sont au nombre de 300 et je souhaite qu'il y en ait 1 000 afin de donner plus de souplesse au dispositif.
Pour ce qui est des canons Caesar, aux termes du marché conclu en 2011, 77 ont été livrés aux armées. Le nouveau plan de l'armée de terre, « Au contact », n'impose pas de nouvelles commandes françaises. Toutefois, pour maintenir l'activité de production du Caesar et garantir, à l'avenir, nos propres ressources, il faut accentuer l'effort à l'exportation. Nous avons déjà exporté 132 Caesar au Moyen Orient, essentiellement pour la garde nationale saoudienne, 37 en Indonésie et j'ai dès à présent plusieurs pistes pour le futur. Nous allons poursuivre dans ce sens.
Vous avez évoqué l'armement du drone dès la livraison des Reaper, c'est cela ?
La question reste posée. Je n'en dirai pas plus.
La France envisage-t-elle une intervention terrestre en Syrie ? Non. Seule ? Non. Avec d'autres ? A priori non, non plus. La réponse à la crise syrienne est politique et une éventuelle intervention au sol pour garantir l'application de la réponse politique devra être mise en oeuvre par les pays de la région pour, en particulier, sécuriser le gouvernement de transition syrien. Dans une telle hypothèse, que la France et d'autres pays assurent une super-sécurité ou un soutien tactique ou logistique, pourquoi pas ? Mais, à ma connaissance, les éléments ne sont pas encore réunis pour que nous nous placions dans cette perspective : la situation actuelle ne semble pas de nature à favoriser une solution politique !
Madame Récalde, je n'ai pas pris de décision concernant le regroupement en un seul site de l'entretien et du positionnement des hélicoptères Caracal. La seule décision que j'ai prise pour le moment, et que je ne regrette pas, est d'avoir mis à la disposition des forces spéciales les 16 Caracal de l'armée de terre, à Pau, et de l'armée de l'air, à Cazaux. Ils sont mobilisables sur les deux sites et les deux états-majors travaillent à l'amélioration de la disponibilité opérationnelle de l'ensemble de cette force. La question de savoir s'il faut regrouper ces hélicoptères sur un seul site sera examinée en 2016 après divulgation des résultats de l'expérimentation engagée pour les mobilisations croisées des Caracal de Pau et de ceux de Cazaux.
J'ai engagé, monsieur Dhuicq, les études concernant le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération.
Le montant, confidentiel, n'est pas identifiable dans le programme 144, mais je puis vous assurer que j'ai pris la décision de lancer ces études. Je suis donc à l'heure sur le sujet.
Pour ce qui est de l'arme individuelle du futur (AIF), je regrette qu'il n'y ait plus d'entreprise susceptible de répondre directement à notre demande, mais je ne suis pas du tout opposé à ce que, au moment de lancer l'appel d'offres pour le successeur du FAMAS,…
…nous puissions bénéficier de la sous-traitance ou de la co-traitance sur le territoire national.
Ma question portait également sur les cartouches, monsieur le ministre. Il existe une entreprise française qui exporte dans le monde entier les machines-outils nécessaires à leur fabrication, à savoir le groupe Manurhin dont le tandem public Giat Industries-BPI France Financement détient 43 % des parts.
J'ai rencontré les représentants du groupe Manurhin et je veille à ce qu'il puisse continuer ses activités.
Mme Gosselin-Fleury m'a interrogé sur le logiciel Source Solde. J'ai décidé de confier à la marine nationale, plus précisément au centre d'expertises des ressources humaines (CERH) de Toulon, la mise en oeuvre du dispositif qui va remplacer le système Louvois. Les tests vont démarrer au printemps 2016 et dureront jusqu'au printemps 2017. Afin de vérifier que le calculateur fonctionne correctement, il sera procédé au versement d'une partie des soldes à blanc, puis de l'ensemble des soldes en double, enfin des soldes « en vrai ». En fonction du résultat, le dispositif sera étendu à l'armée de terre, à l'armée de l'air et à la gendarmerie selon un calendrier précis. Particulièrement échaudé par le désastre de Louvois, je serai des plus vigilants quant à l'application du système Source solde. Et si nous commençons par la marine, c'est qu'il est plus facile d'entamer les tests sur une population restreinte, tests réalisés de surcroît par une équipe très performante – que j'ai rencontrée déjà à deux reprises à Toulon.
Je ne suis pas d'accord avec M. Foulon à propos des surcoûts des OPEX, et je pense ne pas être le seul. Je le dis et le redis : il est de l'intérêt du budget de la défense que les surcoûts OPEX fassent l'objet d'un règlement à la fin de l'année.
Ce n'est peut-être pas conforme à la doxa de la Cour des comptes, mais c'est l'intérêt du budget de la défense.
Quoi qu'il en soit, il est toujours difficile d'anticiper une OPEX. Comment faire ?
Aucune restructuration n'est envisagée à Rochefort, monsieur Quentin, et je n'ai pas du tout prévu d'unifier les écoles d'officiers et les écoles de sous-officiers. À Salon-de-Provence, nous unifions les écoles d'officiers de l'armée de l'air, mais la formation des sous-officiers se poursuivra à Rochefort.
Nous sommes sur le point d'acquérir un nouvel appareil de formation censé remplacer l'Alpha Jet. L'état-major de l'armée de l'air a mis en place un dispositif très performant, vous l'avez mentionné, la FOMEDEC, qui formera les pilotes de chasse à deux niveaux.
Vous avez raison, monsieur Le Bris…
Nous ne pourvoyons pas tous les postes qui nous sont dévolus à l'OTAN et nous sommes bel bien les derniers de la classe. Mais nous sommes les premiers de la classe ailleurs.
J'assiste aux réunions ministérielles de l'OTAN où je fais valoir sereinement que nous menons l'opération Barkhane, que nous menons l'opération Sangaris, que nous menons l'opération Chammal. Et quand je dis : « Levez le doigt, ceux qui sont avec nous », là, un ange passe…
Certes nous devons sans doute faire un effort supplémentaire, mais nous avons nos propres contraintes et la priorité reste tout de même d'être opérationnels ailleurs. En effet, dans les missions de l'OTAN comme dans les missions de l'UE, nous sommes toujours là. Quand on lance l'opération Sophia contre les passeurs de migrants en mer Méditerranée, par exemple, nous sommes là…
Cela m'amène à la question de M. Moyne-Bressand sur la participation européenne à certaines opérations et sur leur financement. Nous pouvons nous montrer un peu plus optimistes aujourd'hui sur l'engagement d'un certain nombre de pays européens dans la bande sahélo-saharienne que je ne l'étais moi-même hier ou avant-hier. Au Mali et dans la bande sahélo-saharienne, la force Barkhane lutte contre le terrorisme à la demande des cinq États concernés. Là, nous sommes seuls. En revanche, si nous étions presque seuls à assurer la formation de l'armée malienne, nous ne représentons plus que 10 % des effectifs ; le reste est totalement européen. La brigade franco-allemande y a d'ailleurs participé durant un temps.
La mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) comprend des Suédois, des Néerlandais, bientôt, sans doute, des Allemands… Aussi, que ce soit sous l'égide des Nations unies ou sous la houlette de l'UE, la présence des Européens, si elle reste insuffisante, est-elle de plus en plus significative. De plus, leur présence ne se limite plus à celle d'instructeurs : nos amis néerlandais ont essuyé des pertes.
Vous indiquerez à M. Moyne-Bressand que nous menons une bataille pour modifier la configuration du financement du dispositif Athena ainsi qu'une bataille – dont le principe a été avalisé par le conseil des chefs d'État et de gouvernement de juin dernier – pour faire en sorte que le dispositif Train and Equip permette aux interventions européennes de ne plus se limiter à la formation des armées. Une fois formées, il faut les équiper – je ne parle pas d'équipements létaux, mais d'équipement de base. Je pense au Mali, puisque le président Ibrahim Boubacar Keïta est aujourd'hui à Paris, mais aussi à la République centrafricaine où il va falloir instituer un système de re-formation de l'armée. Or l'Union européenne pourrait peu à peu prendre en charge un tel dispositif et, à force de vigilance et de ténacité, les choses avanceront.
Vous m'avez interrogé sur la brigade franco-allemande, monsieur Marty. L'état d'esprit de mon homologue allemande et le mien est de faire en sorte que l'on puisse engager la BFA le mieux possible et dès que possible. Ce fut le cas dans le cadre de la mission EUTM.
En effet, jamais la BFA n'avait jusqu'alors été utilisée pour une opération extérieure. L'expérience sera renouvelée, toujours dans le cadre de l'EUTM. Si d'aventure d'autres opérations devaient être lancées, permettant l'utilisation de tout ou partie de la BFA, nous l'engagerons car l'état d'esprit est excellent sur la nécessité d'agir ensemble et notre volonté politique commune tout à fait affirmée en la matière.
Il est vrai, monsieur Ciot, que le MCO des hélicoptères souffre d'insuffisances du fait notamment des conditions d'utilisation des appareils sur les théâtres d'opération – du sable en particulier. Des modifications ont été apportées au MCO, mais il faut impérativement améliorer la disponibilité des appareils ; c'est pourquoi j'ai commandé un plan Hélicoptères que l'état-major est en train de préparer et qui me sera soumis avant la fin de l'année. Il intégrera de nouvelles acquisitions, je les ai évoquées, ainsi qu'un plan d'accompagnement pour l'entretien et la maintenance. C'est pour nous un réel souci : certaines données atmosphériques n'ont peut-être pas été suffisamment prises en compte par les industriels. C'est pour moi une priorité, c'est aussi une urgence pour le chef d'état-major des armées.
Monsieur Lamour, concernant la DGA, les chiffres que j'ai donnés doivent être considérés non en commande mais en paiement ; dans le cas des MRTT, auquel vous avez fait référence, c'était en commande. Il s'agit ici de cash qui se dépense en deux jours : cela, la DGA sait faire. Du coup, nous serons en mesure de payer toutes les entreprises et les livraisons de l'année 2015 à la fin de l'année.
En ce qui concerne les coûts des facteurs, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà dit : ils sont identifiés.
Enfin, pour ce qui est de la décote, elle ne concerne pas Paris ; les recettes en seront d'autant moins affectées que nous avons prévu large. Nous pouvons certes avoir un désaccord politique sur la question de la décote – qui ne correspond pas à notre souhait. Elle résulte du vote d'un amendement lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2016. La mobilisation des recettes immobilières attendues pour l'année 2016 n'en sera toutefois pas perturbée. Le CAS Immobilier est solide. Il y aura au minimum 150 millions d'euros disponibles sur le CAS en entrée de gestion pour 2016 et le complément viendra de cessions d'emprises, je pense notamment au site de Saint-Thomas d'Aquin.
Monsieur Pueyo, le déploiement du SMV se déroule très bien ; le ministère de la défense a lancé la phase d'expérimentation sur trois sites, à l'issue de laquelle le relais sera transmis, comme pour le service militaire adapté (SMA), à un ou plusieurs autres ministères.
Afin d'anticiper les appels de réserves opérationnelles, nous avons assoupli la loi et discuté avec le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) pour allonger les mises à disposition et accroître la réactivité du système. Le budget augmente, mais le développement des réserves s'apparente à un combat, que nous menons avec le chef d'état-major des armées : c'est une volonté partagée, mais ce n'est malheureusement pas trop dans nos habitudes, notre histoire, notre culture. Le contrat opérationnel de protection du territoire représente une opportunité supplémentaire de renforcer notre action en faveur des réserves. Nous avons mis en place les dispositifs les plus incitatifs possibles, mais nous devons tous nous employer à les faire connaître pour que nos concitoyens s'y intéressent. Il est bon que d'anciens militaires participent à ces réserves, mais le recrutement doit dépasser le simple cercle de l'armée.
Monsieur Tardy, le projet de loi de finances ne diminue pas les moyens de la DGSE : les crédits alloués comme les effectifs, augmentent. Quant aux 4x4 américains, ils me restent également en travers de la gorge ; j'ai appris cette information dans le journal, et j'ai fait en sorte que l'on revoie les procédures afin de ne plus connaître ce genre de mésaventure.
Les crédits dédiés au soutien aux exportations (SOUTEX) s'élèvent à 24 millions d'euros. Il n'y a pas lieu, monsieur Audibert Troin, de nourrir d'inquiétudes sur la formation des personnels : lorsque l'on passe un contrat – par exemple de Rafale – qui nécessite de la formation, la facture globale intègre ce coût, même lorsque c'est DCI qui fait le travail. La loi de programmation militaire (LPM) actualisée prévoit le recrutement d'agents de soutien aux exportations, afin d'accompagner l'accroissement de nos efforts en la matière.
S'agissant des versements de transport, le ministère de la défense s'acquitte strictement de ses obligations auprès des collectivités locales et calcule lui-même le montant des paiements, contrairement à la règle de droit commun. Le processus est transparent et répond aux instructions données il y a trois ans ; mais je peux demander que l'on examine la possibilité d'améliorer le dispositif.
Madame Gueugneau, la capacité d'investissement de la défense – et donc le potentiel de développement des entreprises d'armement françaises – se monte à 17 milliards d'euros dans le budget de la défense, plus à 16 milliards pour l'exportation. Mais ce potentiel, vous avez raison, ne doit pas être réservé aux grands groupes, Élu local pendant plusieurs années, je sais que les PME voudraient y être parties prenantes, à un moment où l'investissement dans la défense et les commandes passées aux entreprises sont porteurs de croissance, et nous devons veiller à ce que celle-ci soit féconde. Dans cette optique, j'ai lancé le Pacte Défense PME qui comporte cent quarante actions, dont l'adaptation des procédures d'acquisition pour permettre aux PME d'être candidates à l'obtention de certains contrats, la signature de conventions avec des grands groupes et l'élaboration de partenariats entre les régions, les groupes et les PME soutenus financièrement par le régime d'appui aux PME pour l'innovation duale (RAPID). Ce mécanisme rencontre un succès considérable car il fournit aux PME développant un projet civil ou militaire innovant un soutien significatif du ministère de la défense. J'ai donc régulièrement augmenté le niveau de son financement et j'ai répondu aux nombreuses sollicitations des PME en créant le « club RAPID », qui regroupe l'ensemble des entreprises ayant bénéficié du dispositif, afin qu'elles puissent partager leur expérience. La capacité de création duale s'avère exceptionnelle, et le ministère de la défense doit contribuer à faire en sorte que l'innovation dans la défense irrigue notre pays.
Monsieur Villaumé, si j'ai lancé dès 2013 le Pacte Défense cyber, c'est bien que je considère que c'est une priorité. Dans la période couverte par la LPM, nous recruterons 1 000 personnes civiles et militaires et nous consacrerons 1 milliard d'euros aux investissements en équipements dans le domaine cyber. La sécurisation des réseaux est une préoccupation civile et militaire, partagée par les grands donneurs d'ordre – y compris la SNCF, la Poste et EDF –, qui redoutent d'être la cible d'une attaque cyber. La défense se trouve aux premières loges, mais le ministère agit bien entendu dans le cadre du plan annoncé par le Premier ministre.
Malheureusement, nous éprouvons de grandes difficultés pour trouver suffisamment de personnes compétentes. Cette pénurie ne nous est pas propre : le cyber-commandeur américain, que j'ai reçu il y a dix jours à l'occasion du Forum sur la cybersécurité, se heurte au même obstacle. Nous engageons donc un important effort de formation autour du pôle d'excellence cyber, que le ministère de la défense pilote et auquel participent quatorze grands groupes civils qui eux aussi ont le plus grand mal à recruter des personnels capables d'assurer la sécurité de leurs réseaux.
Monsieur le ministre, pourquoi le bleu budgétaire évalue-t-il à seulement 50 % la capacité de l'armée de terre à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France ?
La diminution de la capacité de l'armée de terre que vous pointez est un effet de l'opération Sentinelle. Nous n'avons pas pu disposer en 2015 du même niveau d'activité opérationnelle que les années précédentes à cause de Sentinelle.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-neuf heures vingt-cinq.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale