Ce projet de loi de finances pour 2016 traduit bien les décisions prises dans le cadre de la récente actualisation de la LPM. Relevons, sans esprit polémique, que c'est bien le moins pour un texte adopté en juillet dernier… Les augmentations de crédits au profit de l'entretien programmé des matériels (EPM) et d'acquisitions destinées à faire face aux besoins opérationnels sont donc au rendez-vous.
Ces besoins opérationnels sont en effet urgents, compte tenu du très fort rythme d'emploi de nos forces, en OPEX mais aussi sur le territoire national. C'est pourquoi mon avis budgétaire traite cette année en détail le rôle de l'armée de l'air dans la protection du territoire, tâche souvent méconnue du grand public, mais qui constitue de facto le coeur historique de la mission de cette force. La posture permanente de sûreté aérienne et l'ensemble des mesures de service public associées emploient environ 3 500 aviateurs. Je note par ailleurs une forte tension sur la fonction de protection des bases aériennes ; comme pour les autres armées, la mise en oeuvre du plan Cuirasse montre que nous avons probablement atteint un seuil trop bas en la matière, qu'il conviendra de corriger.
L'intensité du rythme des OPEX est mieux connue, notamment au travers des opérations Barkhane et Chammal. Les contrats opérationnels ont été largement dépassés, le niveau d'engagement étant, depuis septembre 2014, très supérieur aux hypothèses initiales relatives à la gestion de crise dans la durée. On le constate principalement au vu du volume des appareils concernés, avec jusqu'à quarante aéronefs de tous types déployés actuellement, soit près du double de la situation de référence retenue par le Livre blanc de 2013.
Comme nous tous, je rends hommage au professionnalisme et au sens de la mission dont les aviateurs font preuve sur les théâtres d'opération, dont chacun mesure le danger. Il n'en demeure pas moins que l'outil opérationnel efficace dont nous disposons, patiemment construit, pourrait être déséquilibré par les efforts très importants qu'il doit consentir. Le premier effet du rythme des opérations est d'augmenter le coût de l'entretien des matériels. Il faudra veiller à ce que le surcroît de crédits prévu soit bien proportionné à l'effort engagé par notre aviation, faute de quoi la disponibilité des appareils en métropole continuera à être affectée. On en connaît la conséquence principale : un entraînement insuffisant de nos pilotes, ces derniers volant environ 15 % de moins que leurs homologues britanniques et américains. De fait, nos pilotes font actuellement l'objet de ce que l'on pourrait appeler une « différenciation subie », les plus jeunes ne pouvant acquérir toutes les qualifications nécessaires pour relever leurs aînés déployés en OPEX. À terme, il y a là un risque de perte de compétence inquiétant.
Mes questions découlent largement de ces observations. Tout d'abord, monsieur le ministre, vous avez engagé un effort louable en faveur d'une aviation de transport en situation difficile, notamment en décidant d'acquérir quatre C-130 supplémentaires. Les acteurs concernés par ce dossier font toutefois entendre des échos différents quant à l'évaluation du coût de l'opération et de l'opportunité d'acheter des appareils neufs ou d'occasion, C-130J ou C-130H. Pourriez-vous nous faire part de votre analyse à ce sujet ?
Toujours dans le domaine de l'aviation de transport, on connaît les difficultés du programme A400M. Comment jugez-vous la capacité de l'industriel à faire face à ses obligations contractuelles, dont quatre ne sont à ce jour pas remplies, notamment en matière de largage de parachutistes et de ravitaillement d'hélicoptères ?
Pour ce qui est des ravitailleurs en vol, les responsabilités politiques semblent partagées. Sans revenir sur le calendrier du programme MRTT (Multi Role Tanker Transport), qui fait peser des risques sur le maintien de notre capacité stratégique de ravitaillement, notons que si le format de l'aviation de combat à 225 appareils, fixé par le Livre blanc, est parfois jugé insuffisant, celui de la flotte de ravitailleurs ne l'est pas moins.
Enfin, monsieur le ministre, le général Denis Mercier avait prévu un plan très pertinent, dit « Cognac 2016 » – devenu « Formation modernisée et d'entraînement différencié des équipages de combat » (FOMEDEC) –, qui instaurait une « différenciation choisie ». Les retards qu'il a subis font malheureusement peser des incertitudes sur la cohérence d'ensemble du modèle. Quelles assurances pouvez-vous nous donner sur la date de mise en oeuvre de ce plan ?