Je tiens à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail, mais avant d'aborder le budget 2016, je ferai un point sur l'exécution du budget 2015, conformément à l'article 8 de la LPM.
Les prévisions d'exécution pour le second semestre 2015 font apparaître que la trajectoire fixée par la LPM actualisée est strictement respectée, et ce dans trois domaines.
Pour ce qui est de la trajectoire dans le domaine des ressources humaines, la manoeuvre 2015 est complexe, y compris du point de vue de l'impact psychologique sur le personnel. La loi de finances initiale pour 2015 prévoyait, conformément à la LPM d'origine, une déflation de 7 500 postes ; la loi du 28 juillet 2015 actualisant la LPM a substantiellement modifié cette trajectoire, le schéma d'emploi – le solde des suppressions et des créations d'emploi – s'établissant désormais en 2015 à zéro. Autrement dit, les suppressions de postes sont maintenues, mais intégralement compensées par des créations qui bénéficient particulièrement à l'armée de terre, dans le cadre du renforcement de la force opérationnelle terrestre (FOT), mais également aux services de renseignement et à la cyberdéfense. Les recrutements en cours, notamment dans l'armée de terre, se déroulent conformément à nos prévisions et nous devrions tenir nos objectifs. En termes de masse salariale, l'actualisation de la LPM se traduit, au deuxième semestre 2015, par des dépenses supplémentaires liées notamment à l'annulation de la réduction des effectifs et au renforcement de la réserve opérationnelle, ainsi qu'à la poursuite des dysfonctionnements du logiciel Louvois, qui nécessitent une mobilisation financière supplémentaire. Si la masse salariale du ministère reste maîtrisée, ces facteurs exogènes engendrent un déficit d'ici la fin 2015 sur le périmètre de la LPM – c'est-à-dire hors pensions et hors surcoûts OPEX et Sentinelle – d'environ 150 millions d'euros : 60 millions liés à la suppression de la déflation d'effectifs initialement prévue en 2015, 11 millions au renforcement de la réserve opérationnelle, et pour plus de 70 millions d'euros aux indus nets et aux mesures de trésorerie de fin de gestion à la suite des problèmes de Louvois.
La trajectoire capacitaire et industrielle est elle aussi totalement respectée. Nous poursuivons nos efforts pour maintenir la qualité et le niveau de la préparation et de l'activité opérationnelle. En effet, depuis mon arrivée, j'ai décidé d'enrayer la diminution de l'activité opérationnelle qui était devenue, comme les infrastructures, une variable d'ajustement. En 2015, le niveau global d'activité est comparable à celui de 2014 ; la diminution est donc stoppée depuis 2013. La seule exception a été évoquée par M. Lamy : le nombre de journées de préparation opérationnelle (JPO) de l'armée de terre a été revu à la baisse du fait du déclenchement de l'opération Sentinelle, mais les recrutements et les formations permettront de l'augmenter au cours de l'année 2016. Nous ne sommes pas encore – et nous ne le serons pas non plus en 2016 – à un niveau satisfaisant, mais la progression sera réelle. Depuis le début de la LPM, l'augmentation des crédits liés à l'EPM atteint 4,3 % par an ; j'ai fait engager les réformes nécessaires pour diminuer le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans les différents domaines, notamment l'aéronautique. Par ailleurs, la LPM actualisée a fait de la régénération des matériels employés en OPEX – dont l'usure, due à une utilisation massive, inquiète plusieurs d'entre vous – une priorité, avec 500 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le budget 2016. La réalisation des programmes d'armement se poursuit. D'ici fin 2015, on prévoit ainsi, conformément aux engagements que j'avais pris, de commander le troisième satellite MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation), d'acquérir sept hélicoptères Tigre et les munitions associées, ainsi que six NH90, et de mener les travaux de définition de la frégate de taille intermédiaire (FTI). S'agissant du drone tactique, madame Bruneau, la compétition est en cours et malgré un retard dû aux règles juridiques à l'échelle européenne, je prendrai la décision avant la fin de l'année, car il s'agit d'une nécessité. Je vous confirme par ailleurs que deux systèmes de drones tactiques devraient être acquis, ce qui représente une trentaine de vecteurs aériens qui seront essentiellement utilisés par l'armée de terre.
Enfin, en matière de trajectoire financière, à ce stade, l'exécution 2015 est conforme aux prévisions de la LPM actualisée. Je veux vous rassurer, monsieur Cornut-Gentille : je ne me sens pas en situation de faiblesse, mais bien en situation de vigilance sur ce sujet… Vous connaissez ma détermination à respecter les engagements pris et je sais que je suis soutenu par l'ensemble des parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique. Comme vous-même et M. Launay l'avez souligné, le bon déroulement de la fin de l'année 2015 suppose effectivement de pallier les risques de tension de trésorerie et de couvrir, comme chaque année, les besoins non budgétés initialement – en premier lieu les surcoûts OPEX et Sentinelle – tout en essayant de maîtriser le report de charges. S'agissant de la trésorerie des programmes de la mission « Défense », les problèmes viennent du fait que c'est dans la loi de finances rectificative que seront inscrits les crédits destinés à remplacer les ressources exceptionnelles, soit 2 144 millions d'euros qui seront essentiellement affectés à des engagements capacitaires. La capacité de la direction générale de l'armement (DGA) à les mobiliser ces crédits en deux jours est acquise : elle le fera même dans l'allégresse, une fois votée la loi de finances rectificative. Je préfère cette solution à l'attente de la vente des fréquences… Nous aurions pu attendre longtemps. Nous restons vigilants, mais je n'ai pas d'inquiétude particulière sur ce point.
Quant aux dépenses OPEX, elles seront financées par des arbitrages de fin de gestion, comme c'est le cas chaque année. Je ne reprends pas le débat, que nous avons déjà eu plusieurs fois : la loi de finances prévoyait un budget de 450 millions alors que le surcoût en 2014 avait été de 650 millions. Le coût prévisionnel des OPEX, réactualisé il y a quelques jours, s'élève à 1,128 milliard d'euros, les deux tiers de cette somme étant imputables aux opérations de la bande sahélo-saharienne. Je vous fournirai le détail des coûts de chaque opération, si vous le souhaitez ; ils sont bien sûr provisoires, et peu à peu affinés en prévision de la préparation du prochain décret d'avance. Le surcoût net prévisionnel des OPEX – puisqu'il y a déjà 450 millions inscrits en loi de finances pour 2015, et 54 millions de remboursements attendus d'organisations internationales – s'élève à 624 millions d'euros, qui doivent faire l'objet de dispositifs de fin de gestion.
Pour les OPINT et notamment de l'opération Sentinelle, le surcoût jusqu'à la fin du mois de septembre est estimé aujourd'hui à 170 millions d'euros : 55 millions de dépenses de personnel, liées notamment aux indemnités supplémentaires versées en sus de la solde – il était naturel de prévoir un système de primes –, et 118 millions d'euros de fonctionnement, équipement, infrastructures supplémentaires. Ces surcoûts feront l'objet d'une discussion interministérielle, en vue des arbitrages de fin de gestion.
En ce qui concerne les questions de trésorerie, la levée anticipée de réserve de précaution a, comme je l'avais annoncé, été effectuée. Les trésoreries dormantes ont été mobilisées. L'arrivée des crédits de la loi de finances rectificative nous permettra d'exécuter complètement les engagements capacitaires de l'année 2015.
Le report de charges sera, à la fin de l'année 2015, inférieur à 3 milliards : nous sommes en progrès alors même que la loi de programmation militaire est strictement respectée. Bien sûr, un report de charge n'est jamais très satisfaisant, mais il peut être nécessaire : ce n'est pas un péché en soi. Celui-ci est un peu plus lourd que nous ne le souhaiterions ; les perspectives dépendent évidemment de la fin de gestion. Comme tous les ans, des discussions un peu sportives vont commencer, en particulier sur les OPINT et les OPEX ; pour ces dernières, la loi précise les conditions de prise en charge du surcoût. Je souhaite évidemment qu'elle soit respectée.
J'aborde maintenant la question du budget pour 2016.
J'ai déjà rappelé devant la commission de la défense que la loi de programmation militaire actualisée définit sept nouvelles orientations principales : le nouveau contrat de protection et accroissement de la capacité de la force opérationnelle terrestre (FOT), qui passe de 66 000 à 77 000 personnels ; l'allégement significatif de la déflation des effectifs de la défense ; le budget de la mission « Défense » revu à la hausse et la fin, unanimement attendue, du recours aux ressources exceptionnelles, qui contribuait certes largement à l'animation de nos débats budgétaires ; l'effort supplémentaire de 500 millions d'euros au profit de la régénération des matériels pour soutenir l'activité opérationnelle ; les acquisitions nouvelles dans le domaine des équipements critiques, notamment la composante « hélicoptères », mais aussi la capacité de projection aérienne tactique et le renseignement ; l'appel renforcé à la réserve et rénovation du dispositif permettant d'accroître le nombre de jours d'activité des réservistes ; la concertation rénovée avec la création des associations professionnelles nationales de militaires (APNM).
De plus, l'ensemble de la trajectoire financière a été rehaussée de 3,8 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. Nous constatons cette année les premiers effets de ces décisions, puisque le projet de loi de finances pour 2016 porte notre budget à 32 milliards d'euros toutes ressources confondues, contre 31,4 milliards si nous avions suivi la LPM initiale.
M. Lamy et M. Teissier ont abordé le même sujet : le nouveau contrat de protection du territoire.