Je le sais bien…
Je vous redis ma ferme détermination : je souhaite l'organisation d'un débat au Parlement, au mois de janvier prochain, sur ce nouveau contrat de protection et ses conséquences. C'est une nouvelle donne, et il convient effectivement, comme vous l'avez fait l'un et l'autre, de s'interroger.
Monsieur Teissier, il faudrait, à vous entendre, créer une sorte de garde nationale renforcée ou de gendarmerie bis pour répondre aux nouvelles menaces contre notre pays. C'est ce que souhaiteraient certains ; je respecte cette position, même si ce n'est pas la nôtre. Je vous l'ai dit, je souhaite que ce débat ait lieu. Il se déroulera sur la base d'un rapport en cours de préparation par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui permettra d'aborder la question de la redéfinition du contrat de protection, et ses conséquences pour les différents concepts opérationnels.
Dans mon esprit en tout cas, dans celui de l'état-major, dans celui du Président de la République, il n'y a qu'une armée. Il n'y a pas de spécialisation « planton »… Il y a une seule armée, avec des unités qui sont à la fois des unités de projection et des unités de protection du territoire. Ce sont les mêmes qui pendant une partie de l'année mènent l'opération Barkhane, puis qui reviennent et sécurisent des gares, des aéroports ou d'autres sites menacés. Ce sont les mêmes, parce que c'est le même adversaire : Daech, les mêmes velléités terroristes. Les risques sont forts, vous l'avez dit : il ne faut pas croire qu'une fois qu'une alerte s'est tue, on navigue sur une mer tranquille. Ce n'est pas le cas ; chaque semaine presque, nous sommes prévenus d'un danger.
C'est donc le même combat à l'intérieur et à l'extérieur, mené par la même armée pour assurer la sécurité des Français. Ce choix pose d'autres problèmes dont je suis, encore une fois, tout à fait prêt à débattre avec vous. Rappelons que le contrat de protection n'est pas une nouveauté ; il existait déjà, mais il prévoyait une mobilisation plus restreinte.
Monsieur Guilloteau, vous avez raison d'insister sur la place de l'armée de l'air. Certes, on parle beaucoup de Sentinelle, mais il faut aussi évoquer la marine, ainsi que l'armée de l'air, qui effectue des missions permanentes de sécurité aérienne, avec une impressionnante réactivité : j'ai pu constater que nos avions sont prêts à décoller en sept minutes de jour et quinze minutes de nuit. Ce sont 900 militaires qui oeuvrent à ces opérations de sécurité aérienne. Toutes les composantes de l'armée contribuent à la protection du territoire.
S'agissant des aspects plus strictement budgétaires évoqués par MM. Launay, Cornut-Gentille et Bridey, l'essentiel des ressources extrabudgétaires ont, je l'ai dit, été budgétisées ; nous disposons cette année de 600 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires par rapport à l'an dernier. La part des recettes issues de cessions n'est plus en 2016 que de 250 millions d'euros : 200 millions d'euros provenant de cessions immobilières, principalement en région parisienne – ces ressources ne seront donc pas affectées par la décote dont certains s'inquiétaient, et nous avons prévu large –, et 50 millions d'euros de ventes de matériel militaire. Au total, les recettes extrabudgétaires représentent moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense ».
S'agissant du coût des facteurs, je redis que je veux faire preuve de la plus grande transparence. La LPM actualisée contient d'ailleurs une disposition qui le permet – grâce à un amendement dû, si ma mémoire est bonne, à M. Jean-François Lamour. L'effet de l'évolution du coût des facteurs a été calculé par une mission conjointe de l'inspection générale des finances et du contrôle général des armées : il s'élève à 2,4 milliards d'euros, c'est-à-dire un milliard de plus que les gains déjà pris en compte par le ministère dans ses travaux internes pour couvrir des charges additionnelles non incluses dans la trajectoire financière, mais qui s'étaient imposées – nouveau système de surveillance de l'atoll de Mururoa, remplacement de Louvois.
Nous voulons affecter ce milliard supplémentaire aux opérations d'armement. La LPM, je le rappelle, prévoyait 1 milliard d'euros de recettes grâce à la baisse du coût des facteurs, et 500 millions d'euros d'investissements – je laisse de côté les 500 millions destinés à l'entretien programmé des matériels.
Ce milliard d'euros réalloué aux opérations d'armement proviendra du programme 146 « Équipement des forces » pour 461 millions d'euros, et d'un transfert de 394 millions d'euros de gains constatés sur les autres agrégats de dépenses – carburant, fonctionnement, travaux d'infrastructure, etc.
Pour 2016, le gain prévu grâce à l'évolution du coût des facteurs est de 200 millions d'euros, notamment à partir du fonctionnement ou d'autres agrégats d'équipement ; nous espérons également réaliser 44 millions d'euros d'économie sur les dépenses prévues pour l'entretien programmé des matériels (EPM), mais ces sommes conserveront leur destination, car l'EPM est une priorité. Au total, nous gagnerions ainsi 244 millions d'euros : c'est bien la somme que je vous indiquais. Je suis, je le redis, prêt à faire preuve sur ce sujet de la plus grande transparence.
Les effectifs de la force opérationnelle terrestre gagneront 11 000 postes d'ici à la fin de l'année 2016. Nous devrions réussir cette montée en puissance. Nous renforçons également les effectifs du renseignement et de la cyberdéfense, avec la création en 2016 de 560 postes. Pour la première fois depuis longtemps – et je serais même tenté de dire : depuis très longtemps, vraiment très longtemps – les effectifs des armées vont augmenter en 2016 de 2 300 personnes. Le solde était nul en 2015.
J'en viens à quelques observations et réponses dont vous me pardonnerez le caractère épars.
M. Rouillard s'est inquiété du moral de la marine et des problèmes de carrière, mais aussi d'habillement. Je suis au courant de ces problèmes d'habillement ; ce sont des questions récurrentes, et nullement secondaires, car elles influent sur le moral des troupes. C'est deuxième crise de l'habillement que je vis depuis mon entrée en fonction… Les raisons en sont un peu techniques. Un plan d'urgence doit m'être proposé le 17 novembre prochain. J'ai pris trois mesures à effet immédiat : renforcement des personnels d'accueil dans les salons d'habillement et extension des plages horaires d'ouverture ; ouverture d'une permanence téléphonique destinée à informer les militaires de leurs droits, ainsi qu'à les aider si ces droits ne sont pas immédiatement satisfaits ; enfin, j'ai demandé au service du commissariat des armées (SCA) d'achever la modernisation de la fonction « habillement », particulièrement sensible dans la marine. C'est une réelle préoccupation.
L'expérimentation du service militaire volontaire se met en place. Les premiers recrutements sont en cours à Montigny-lès-Metz ; l'objectif est d'atteindre mille volontaires pour la période d'expérimentation, ce que le PLF rend possible. Certains d'entre vous, je le sais, sont très attachés à ce dispositif ; c'est également le cas de votre serviteur. Je constate déjà un engouement. Le Président de la République devrait rendre visite aux premiers volontaires avant la fin de l'année. Ce dispositif est un symbole fort de notre esprit de défense ; il pourra aussi contribuer à la formation et à l'insertion de jeunes.
Le budget pour 2016 est marqué par un effort spécifique en faveur de la réserve opérationnelle. J'ai souhaité une augmentation de 1 538 postes, qui s'ajouteront aux 28 000 postes existants. Cela permettra de mieux assurer la sécurité du territoire national, mais pas uniquement : des militaires de la réserve sont présents sur certains théâtres extérieurs.
J'ai évoqué tout à l'heure l'activité opérationnelle et l'entretien programmé des matériels : c'est bien là, je le répète, une de nos priorités. Les conditions d'emploi des matériels nous imposent une grande vigilance pour rejoindre progressivement le niveau de l'activité opérationnelle OTAN et donc du niveau d'entretien nécessaire pour permettre notre activité opérationnelle.
J'ai bien noté les observations de M. de La Verpillière sur le soutien et les bases de défense. Lorsque j'ai pris mes fonctions en 2012, les bases de défense étaient en crise, car la réforme avait été menée de façon très précipitée, sans expérimentation. Je n'ai pas voulu rajouter une réforme à la réforme non encore mise en oeuvre, et j'ai préféré tout faire pour qu'elle devienne efficace. J'ai donc pris des mesures correctrices dès 2013 ; le dispositif de soutien « de bout en bout » commence à porter ses fruits. Les dysfonctionnements majeurs disparaissent peu à peu et la qualité du soutien est en très forte progression. Je vous remercie d'y veiller, car le soutien n'est pas souvent mis en avant, alors qu'il est tout à fait essentiel pour nos soldats.
Le budget pour 2016 marque un effort significatif pour le renouvellement de l'équipement de nos forces : 17 milliards d'euros lui sont consacrés, contre 16,4 milliards en 2014 et 16,7 milliards en 2015. Nous tenons ainsi les engagements tenus pris par la LPM actualisée. Je vous avais indiqué lors de la discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire mon souhait de renforcer l'acquisition dans les domaines des hélicoptères de combat et de transport, de l'aviation de transport tactique, et des moyens de renseignement, sans oublier certains bâtiments navals.
En 2016 auront lieu plusieurs livraisons majeures. Ainsi, nos capacités de projection-mobilité et de soutien seront maintenues grâce à la livraison de trois avions A400M et de six hélicoptères NH90. Nos capacités d'engagement et de combat seront renforcées par la livraison de neuf Rafale, dont trois Rafale Marine rétrofités, de cinq hélicoptères Tigre et d'une FREMM. Enfin, nos capacités de protection-sauvegarde seront renforcées par la livraison des deux premiers bâtiments multimissions (B2M) et d'un patrouilleur léger guyanais (PLG).
Vous m'avez interpellé sur l'A400M. La situation n'est pas satisfaisante, c'est exact. Trois A400M doivent nous être livrés à la fin de l'année 2016 ; mais nous avons mis du temps à recevoir les livraisons 2015. Il y a des manques – sur le largage, l'autodéfense ou encore le ravitaillement en vol des hélicoptères. Ces problèmes doivent être corrigés par Airbus, mais les démarches que j'ai pu entreprendre n'ont pas, à ce jour, trouvé de réponse satisfaisante. J'espère que les livraisons seront faites en temps et en heure – je dis cela en particulier pour M. Guilloteau, que je sais soucieux de cette question.
M. Rouillard m'a interrogé sur le porte-avions. Le Charles de Gaulle sera en arrêt technique majeur à partir du 1er février 2017, pour une période de dix-huit mois. Ce bâtiment représente pour nous une capacité tout à fait essentielle. Le groupe aéronaval a été mobilisé dans le Golfe pour l'opération Chammal ; il le sera à nouveau, car il contribue fortement à notre action. Je ne dispose pas ici des coûts comparés des différentes missions, mais un porte-avions effectue régulièrement des missions, quoi qu'il arrive : qu'elles aient lieu en opération est plutôt une bonne chose.
S'agissant des frégates de taille intermédiaire (FTI), l'une d'elles est passée du pavillon français au pavillon égyptien, mais cela ne remet pas en cause l'objectif des quinze frégates de premier rang prévu dans la LPM. Ce qui est nouveau, c'est que nous disposerons de huit FREMM, dont deux FREMM à capacité antiaérienne renforcée, les deux frégates Horizon déjà en activité. Nous avons avancé de deux ans la date de livraison de cinq nouvelles frégates de taille intermédiaire, afin d'atteindre notre cible de quinze frégates de premier rang le plus rapidement possible, mais aussi afin de permettre la montée en puissance des bureaux d'études de DCNS, et ainsi de disposer d'un produit très innovant, au service de la marine, mais également exportable. Le travail doit commencer en 2016.
Monsieur Guilloteau, je veux vous rassurer : je vous confirme avoir lancé l'étude de l'acquisition de quatre C-130 supplémentaires, afin de pallier les retards des capacités tactiques de l'A400M dont j'ai parlé tout à l'heure. Deux pourront ravitailler des hélicoptères. Je ne sais pas encore s'il s'agira d'avions neufs ou d'avions d'occasion rétrofités.
J'ai déjà répondu sur l'A400M…