Intervention de Delphine Meillet

Réunion du 6 octobre 2015 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Delphine Meillet, avocate au barreau de Paris :

Oui, et il a même été rétrogradé. Il est maintenant affecté en Seine-Saint-Denis où il fait autre chose, mais il fait toujours partie de l'administration des impôts. Un membre des services fiscaux était d'ailleurs présent à l'audience et suivait l'affaire. Il se trouve que cet individu est vraiment néfaste parce qu'il a usé de toutes les astuces de la procédure pénale pour retarder le jugement. Je vous passe les détails, mais je peux vous dire qu'il s'en est extrêmement bien sorti. Quatre ans plus tard, il vient d'être condamné à une peine d'emprisonnement – trois mois ferme et six mois de sursis – et à 4 000 euros d'amende. Il a fait appel. Quand bien même la décision est exécutoire, c'est vraiment epsilon par rapport aux dégâts commis dans la vie de cette femme.

Une autre de mes clientes est une jeune femme de vingt-sept ans qui est brodeuse dans une maison de couture . Son ex-compagnon avait pris des photos d'elle, seins nus. Dix ans plus tard, il a diffusé ces photos qu'elle avait oubliées. Atterrée, elle lui a demandé – en vain – de les supprimer. Elle a alors sollicité – sans succès – Facebook. C'est alors qu'elle est venue me voir. Le problème c'est que nous n'avions pas l'adresse de ce monsieur qui, entre-temps, a déménagé.

Le troisième cas, que je voulais vous soumettre, est celui d'une mère de trente-quatre ans qui vit en région parisienne avec son mari. J'ai été contacté par le mari qui a trouvé des photos de sa femme sur des sites pornographiques amateurs. Il y a quinze ans, alors qu'elle vivait aux États-Unis, elle avait eu une aventure avec un Canadien. Ils s'étaient pris en photo. Ce monsieur avait conservé les clichés qu'il diffuse, on ne sait pas pourquoi, quinze ans plus tard. Dévastée, elle m'a demandé d'écrire aux hébergeurs pour faire supprimer ces images. Nous y sommes parvenus dans une certaine mesure mais pas totalement. Dans les poursuites engagées contre l'auteur des faits, nous nous sommes heurtés à un problème : nous n'avons pas trouvé son adresse. J'ai sollicité une avocate américaine mais, pour l'instant, nous n'avons pas obtenu le résultat escompté.

Les démarches que doivent entreprendre les victimes de vengeances pornographiques se déroulent en effet en deux temps : obtenir la suppression des images par tous les moyens ; poursuivre la personne à l'origine des divulgations.

Comment obtenir la suppression des images ? Dans les vingt-quatre heures, il faut appeler un huissier pour qu'il établisse un constat des images, et prendre attache avec l'éditeur du site ou, si ce dernier ne réagit pas, avec l'hébergeur du site. Ensuite, il faut aller voir un avocat et lui demander de faire une action en référé d'heure à heure pour supprimer les contenus litigieux.

Comment poursuivre l'auteur ? On peut engager des poursuites pénales ou civiles. Si on opte pour le pénal, car on ressent une atteinte si violente à son intimité et à son intégrité que l'on veut une sanction radicale, on intervient sur le fondement de l'article 226-1 du code pénal. Cet article, qui se rapporte à la vie privée, prévoit une peine maximale d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Deux options se présentent : soit on a besoin des services de polices pour identifier l'auteur et faire supprimer les contenus ; soit on peut faire une citation directe quand l'auteur est identifié et qu'on peut le poursuivre directement devant le tribunal correctionnel. Et c'est long, très long.

Au terme d'une réflexion avec notre client, on peut opter pour des poursuites au civil. L'action en référé visant à supprimer les contenus litigieux se fonde alors sur l'article 809 du code de procédure civile ou sur l'article 9 du code civil, qui aboutissent à peu près au même résultat. Lorsqu'il y a urgence et absence de contestation sérieuse, un jugement en référé peut prescrire des mesures conservatoires de base : la suppression immédiate des images, avec une astreinte de 150 euros par jour.

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