La séance est ouverte à 17 heures 05.
Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l'audition de M. Matthieu Cordelier, avocat au barreau de Paris, spécialisé notamment dans le droit des technologies de l'information et de la communication et de la « e-réputation », de Mme Delphine Meillet, avocate au barreau de Paris, spécialisée notamment dans les atteintes à la vie privée, et de Mme Aurélie Latourès, chargée d'étude à l'Observatoire régional des violences faites aux femmes d'Île-de-France, du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l'égalité femmes-hommes, sur les cyberviolences faites aux femmes et aux jeunes filles.
Comme vous le savez, la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a décidé d'engager des travaux sur les femmes et le numérique, dans la perspective notamment de l'examen par le Parlement du projet de loi sur le numérique, qui sera présenté par Axelle Lemaire – que nous auditionnerons –, à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine.
Nous nous intéressons aux effets du numérique dans l'institution scolaire et dans le monde du travail. Dans ce dernier domaine, nous avons eu l'occasion de dresser un double constat. D'une part, nous remarquons que les jeunes filles ne s'orientent pas suffisamment vers ces nouveaux métiers – perçus comme scientifiques et masculins – alors qu'elles pourraient trouver des opportunités de carrière très intéressantes dans un secteur où les inégalités salariales sont, pour l'instant, moins prononcées que dans d'autres. D'autre part, le numérique va transformer tous les métiers de médiation et d'accueil, notamment dans le commerce et les banques, où les femmes sont très présentes : les grandes surfaces hésitent à remplacer toutes leurs caissières, mais il existe déjà des caisses sans contact, et je ne vous demande pas, chers collègues, combien de fois par mois vous vous rendez dans votre agence bancaire…
Un autre aspect du sujet nous préoccupe. Dans un rapport dont la traduction française a été publiée le 29 septembre dernier, une commission des Nations Unies alerte sur le phénomène de cyberviolence, « pandémique » et machiste. Ce rapport indique que 73 % des femmes ont déjà été confrontées, d'une manière ou d'une autre, à des violences en ligne ou en ont été victimes. Ce phénomène à la fois mondial et massif touche plus particulièrement les jeunes femmes de dix-huit à vingt-quatre ans, qui sont les principales victimes de harcèlement criminel ou sexuel. Dans les vingt-huit pays de l'Union européenne, 18 % de femmes ont subi une forme grave de violence sur internet, et certaines avaient seulement quinze ans.
Ces violences ont des répercussions sociales et psychologiques graves, et peuvent pousser certaines de leurs victimes au suicide. Le phénomène dessine des rapports entre les filles et les garçons qui suscitent des interrogations. Au cours de nos auditions, et en particuliers celle d'aujourd'hui où nous avons convié deux avocats qui ont eu à plaider dans ce genre de dossiers, nous cherchons à savoir si notre législation est suffisante, sachant que nous avons introduit des dispositions relatives au cyber-harcèlement dans la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014.
Je suis très heureuse d'accueillir aussi Aurélie Latourès, chargée d'étude à l'observatoire régional des violences faites aux femmes, du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l'égalité femmes-hommes. Votre centre, qui a lancé un concours de courts-métrages défendant l'égalité entre les filles et les garçons dont la remise des prix a eu lieu récemment, avait organisé, le 25 novembre 2014, un grand colloque dont les actes sont disponibles en ligne, sur le thème : « Les cyberviolences sexistes et sexuelles : mieux les connaître, mieux les prévenir ». Pouvez-vous nous en parler et nous rappeler les raisons pour lesquelles votre centre s'est emparé de ce sujet ?
Mais avant de vous donner la parole, je voudrais dire un mot du glossaire réalisé par le Centre Hubertine Auclert sur les pratiques de cyberviolence. À mon avis, c'est un tort de reprendre tous les noms anglais de ces violences qui s'en trouvent comme atténuées : happy slapping, revenge porn, sexting, slut shaming ne font pas forcément frémir, contrairement à leur explication en français. Les Québécois sont plus vigilants.
Tout d'abord je vous remercie pour votre invitation à participer à vos travaux sur les femmes et le numérique. L'Observatoire régional des violences faites aux femmes (ORVF) a été créé en 2013 pour remplir principalement trois missions : renforcer la connaissance et l'expertise sur les violences faites aux femmes, notamment en Île-de-France ; mieux accompagner et protéger les femmes victimes de violences par la mise en réseau des actrices et des acteurs franciliens agissant dans ce champ ; renforcer l'information et la sensibilisation sur les violences faites aux femmes.
Depuis sa création, l'observatoire a identifié le cybersexisme comme un sujet émergeant et prioritaire. Le Centre Hubertine Auclert explore depuis près de deux ans les questions de l'usage des outils numériques au prisme du genre et des nouvelles technologies de l'information et de la communication comme outils d'empowerment féministe, à travers un cycle de conférences. La première portait sur le genre dans les jeux vidéo et elle est intégralement en ligne sur notre chaîne YouTube. Une autre était intitulée « L'open data au service du féminisme ». Au printemps dernier, dans le cadre du festival Futur en Seine, nous avons organisé une conférence autour du thème : le Web est-il sexiste ?
La semaine prochaine, nous organisons deux autres événements. Le 15 octobre, nous parlerons des cyberactivismes féministes à travers le monde, en montrant que le numérique peut être un outil puissant pour défendre le droit des femmes. Le lendemain, dans le cadre du colloque intitulé « Femmes et numérique, y a-t-il un bug ? », nous nous intéresserons à l'accès des femmes à ce secteur, ce qui rejoint les préoccupations que vous exprimiez en préambule. Ces deux événements s'inscrivent dans une semaine d'hommage à Ada Lovelace, première programmeuse informatique, qui aurait eu 200 ans.
C'était une mathématicienne. On considère qu'elle est la première personne à avoir imaginé un codage qui peut s'assimiler à de la programmation informatique. Il est intéressant de noter que c'était une femme.
Le Centre Hubertine Auclert a donc mené toute une réflexion sur le numérique qui est à la fois une chance pour les femmes et un espace de diffusion du sexisme. Dans ce contexte, en avril 2014, un groupe de travail a été organisé avec les acteurs de l'éducation et du secteur de la jeunesse – institutions et associations – sur les violences et comportements sexistes chez les adolescents. Il a fait émerger le sujet des cyberviolences, c'est-à-dire perpétrées via les téléphones portables, les sites internet, les réseaux sociaux, les forums et les jeux vidéo. Face à ces phénomènes, les professionnels se sentent démunis car ils manquent de données et d'outils. Nous sommes sortis de cette réunion en nous disant qu'il fallait explorer ce sujet.
Un colloque a été organisé en novembre 2014 pour dresser un premier état des connaissances et identifier les moyens d'action en France et à l'international face au cybersexisme, à savoir l'ensemble de comportements et propos sexistes via les outils numériques, qu'il s'agisse de smartphones, de sites internet, de réseaux sociaux ou de jeux vidéo en ligne.
Le concept est assez récent et flou. Il est emprunté à des recherches anglo-saxonnes plus anciennes sur le cyberbullying que l'on pourrait traduire par cyber-harcèlement. Nous disposons de quelques études et de quelques données, principalement à l'échelle internationale, qui ignorent le plus souvent la dimension du genre.
En France, l'éducation nationale a intégré récemment des questions sur les cyberviolences dans son enquête « climat scolaire et victimation ». L'enquête de 2014 montre que ces violences, qui ont progressé par rapport à 2011, concerneraient un collégien sur cinq. Ce mode de diffusion des insultes, brimades et humiliations touche davantage les filles : 21 % déclarent avoir connu au moins une forme de violences, contre 15 % des garçons. Les filles sont beaucoup plus victimes d'insultes que les garçons, en particulier quand ces insultes portent sur la tenue vestimentaire : 5,6 % contre 2,6 % chez les garçons.
D'après un sondage réalisé par IPSOS pour le Centre Hubertine Auclert en novembre 2014, une lycéenne sur quatre a déclaré avoir été victime d'humiliations et de harcèlement en ligne concernant notamment son apparence physique ou son comportement sexuel ou amoureux.
Les études internationales et européennes avancent des taux de prévalence très hétérogènes en fonction de la définition donnée du phénomène de cyberviolence. Dans tous les cas, les jeunes filles et les femmes sont davantage victimes que les garçons et elles sont exposées à des violences spécifiques : sollicitation à caractère sexuel, commentaires basés sur des stéréotypes sexistes, sur leur manière de s'habiller, sur leur apparence ou sur leur comportement sexuel ou amoureux.
Face à ces premiers constats, une grande campagne de sensibilisation baptisée « Stop cybersexisme » à destination des jeunes a été lancée en avril 2015, avec des affichages pendant quinze jours dans le métro et RER, ainsi que des envois d'affiches, de prospectus et de brochures dans l'ensemble des collèges et lycées d'Île-de-France. Cette campagne a été relayée par la presse et sur les réseaux sociaux. Un mini-blog a été réalisé spécialement à destination des jeunes, et des actions de prévention ont été organisées via les délégués de classes de cinquième et de quatrième de l'académie de Paris.
Les premiers retours de cette campagne sont assez impressionnants : près de 100 établissements ont demandé des documents supplémentaires pour continuer à mener des actions, ce qui montre que le besoin existe.
Cette campagne visait à rendre visible le sexisme en ligne auquel les jeunes filles sont exposées. Elle s'appuyait sur trois messages : faire prendre conscience que certains actes et propos en ligne ont un fondement sexiste, qu'ils sont motivés par des croyances sur les filles et les garçons qui n'auraient pas les mêmes rôles, comportements et devoirs ; faire prendre conscience que certains actes et propos constituent des violences et qu'ils peuvent être illicites ; en appeler à la responsabilité individuelle de chacun, et notamment des témoins qui peuvent être des co-auteurs de ces violences, afin de les inciter à ne pas relayer ou diffuser des propos ou images sexistes.
Il est nécessaire d'approfondir la connaissance de ces phénomènes pour pouvoir concevoir des actions de prévention proches du vécu négatif des jeunes filles. Le Centre Hubertine Auclert a lancé un appel d'offres pour la réalisation d'une étude qualitative exploratoire, menée en partenariat avec les trois académies franciliennes, et qui vise à mieux connaître le phénomène à travers le prisme du genre. Elle va être réalisée par l'Observatoire universitaire international éducation et prévention (OUIEP), un organisme de recherche et de formation qui est rattaché à la fois à l'université Paris-Est et à l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE) de Créteil.
Elle va être lancée dans douze établissements en Île-de-France auprès d'environ 1 600 élèves de cinquième, quatrième, troisième, et seconde. Nous avons choisi de l'étendre à une classe de lycée pour voir s'il y avait une bascule dans les formes de violence et s'il fallait adapter les outils de prévention en conséquence. Les questionnaires seront complétés par des entretiens collectifs et individuels.
L'objectif est de mieux comprendre les cyberviolences à caractère sexiste et sexuel en les replaçant dans leur contexte : pratiques et usages numériques des jeunes ; sexisme ordinaire. Comment ces violences se manifestent-elles ? À travers quels supports, quelles applications, quels sites ? Quelles conséquences peuvent-elles avoir ? Quel est leur lien avec les violences dans la vie réelle ? Nous voulons pouvoir formuler des recommandations opérationnelles – que ce soit en termes de repérage et de protection des victimes que de prévention – à destination de la communauté éducative mais aussi des opérateurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Voilà pour les chantiers en cours.
Depuis un an, le Centre Hubertine Auclert, à travers son observatoire, a engagé cette réflexion autour du cybersexime. Il a capitalisé des connaissances empiriques à travers des revues de littératures pour mieux comprendre ce phénomène. Nous attendons avec impatience les résultats de notre étude, qui paraîtra au printemps prochain. En attendant, je vous propose d'échanger avec vous sur la manière de caractériser le cybersexime.
Parmi les cyberviolences, on peut distinguer les violences sexistes et sexuelles qui prennent différentes formes via les outils numériques. Il peut s'agir d'agressions et de harcèlement sous forme d'injures, d'insultes, de commentaires humiliants sur l'apparence physique, la sexualité, le comportement amoureux, principalement des filles mais aussi des garçons qui ne se conforment pas aux normes de virilité hétérosexuelle. Dans d'autres cas, ce sont des messages ou des images à caractère sexuel – les sexting ou sextos.
Ces violences sexistes et sexuelles peuvent aussi s'exercer par la diffusion d'images via le compte Facebook ou le téléphone portable d'une personne à son insu. Dans ce dernier cas, le procédé s'assimile à une usurpation d'identité. Il s'agit de diffuser des images ou des propos à connotation sexuelle en vue de nuire à la victime. Enfin, elles peuvent se manifester à travers la diffusion d'images intimes prises à l'insu de jeunes filles, notamment dans des sanitaires ou des vestiaires, et diffusées dans un établissement scolaire.
Parfois, les images ont été prises dans le cadre intime d'une relation amoureuse ou amicale et sont ensuite diffusées à l'occasion d'une rupture, par vengeance, désir d'humilier et de blesser. Même prises dans l'intimité, les images peuvent résulter de pressions, notamment lorsque des relations amoureuses sont particulièrement violentes. Les images sont ensuite diffusées, commentées, annotées. Elles peuvent étayer la réputation sexuelle des garçons : c'est à qui aura le plus de ce genre d'images en magasin. L'agresseur peut aussi s'en servir pour exercer un chantage à l'égard de jeunes filles.
Le cybersexisme englobe et prolonge également le slut shaming qui signifie littéralement « honte aux salopes » et qui consiste à rabaisser les jeunes femmes en raison de leur apparence, de leur maquillage ou de leur attitude générale, jugés comme trop ouvertement sexuels. Ces agressions peuvent être le fait d'autres jeunes femmes qui pensent ainsi préserver leur propre réputation sexuelle. Le slut shaming constitue un puissant outil de contrôle social des jeunes filles et en particulier de leur sexualité. Isabelle Clair et Virginie Descoutures ont réalisé une étude très intéressante sur les relations entre les filles et les garçons dans plusieurs quartiers parisiens en 2010. Elles y expliquent que l'enjeu est d'être « un vrai mec », c'est-à-dire d'avoir une sexualité active, ou « une fille bien », c'est-à-dire d'avoir une sexualité invisible.
Le slut shaming se poursuit en ligne par la stigmatisation des filles qui postent des photographies d'elles, sexy ou interprétées comme telles, ou qui parlent ouvertement d'activité sexuelle. À l'inverse, les garçons gagnent en réputation en se vantant de leur expérience sexuelle et en cumulant les photos dites sexy. Ainsi, on constate qu'une jeune femme sera systématiquement culpabilisée lorsqu'une photographie intime d'elle se retrouve diffusée publiquement, même contre son gré. C'est un mécanisme d'inversion de la culpabilité que l'on retrouve dans le contexte des agressions sexuelles dans la vie réelle, avec des discours sur la longueur de la jupe de la victime.
C'est d'ailleurs ce qu'il est ressorti des interventions pilotes menées auprès de délégués de classe de quatrième et cinquième : ils ne parvenaient ni à sortir de cette logique de culpabilisation des filles, ni à percevoir ou à dénoncer une quelconque responsabilité des garçons dans ces phénomènes dont ils avaient pourtant bien conscience. Jessica Ringrose et Emma Renold, deux chercheuses britanniques présentes au colloque de novembre 2014, ont mené des recherches sur les « sextos », c'est-à-dire les messages à caractère sexuel. Leurs travaux ont montré la banalisation des violences sexuelles par les jeunes filles britanniques, et on peut les extrapoler au contexte français.
Dans toutes ces formes de cyberviolence, la dimension sexiste s'exprime par la réduction permanente des jeunes femmes à leur sexualité et à leur corps, mais aussi par les injonctions qui leur sont faites quant à leur comportement amoureux et sexuel. Les garçons construisent leur masculinité et leur virilité en multipliant librement leurs expériences amoureuses et sexuelles, à la différence des filles dont la sexualité est en permanence observée et jugée, voire contrôlée par leur petit ami, leurs amis ou leur père. Le fonctionnement même des réseaux sociaux renforce cette dimension.
Comprendre ces cyberviolences nécessite de les replacer dans le contexte de la culture sexuelle des jeunes qui est fondée sur un double standard impliquant, pour les jeunes garçons, la libre expression de leur sexualité, et, pour les jeunes femmes, l'impossibilité d'accéder à cette même liberté. Notons que ces exemples de cyberviolences sexistes et sexuelles s'appliquent également aux garçons, notamment homosexuels, dont le comportement sexuel n'est pas jugé conforme aux normes de masculinité dictées socialement pour un homme hétérosexuel.
En France, peu d'études permettent de creuser ces phénomènes. Pourtant, si cette analyse n'est pas prise en compte, les actions de prévention des cyberviolences risquent de renforcer les stéréotypes sexistes et hétéro-normatifs, les violences de genre ainsi que le contrôle social sur la sexualité des jeunes filles. Ils risquent même de contribuer à les exclure de ces espaces jugés dangereux pour elles, alors que ce sont aussi de formidables lieux d'expression et de sociabilisation.
Je souhaitais partager avec vous une dernière réflexion : les outils numériques n'ont pas fait apparaître de nouveaux comportements mais ils leur ont donné une nouvelle visibilité et des moyens pour se renforcer. Ces violences sexistes et sexuelles présentent des spécificités par rapport à celles qui existent dans la vie réelle : elles peuvent être diffusées à une très vaste audience en quelques secondes et rester publiques pendant très longtemps, voire à jamais, tant il est difficile de les faire retirer ; elles sont favorisées par l'anonymat qui facilite le passage à l'acte ; elles échappent au contrôle et à la vigilance des adultes qui ne sont pas toujours éduqués aux pratiques numériques qui évoluent rapidement ; l'agresseur ressent un sentiment d'impunité plus fort et une empathie plus faible avec la victime du fait de la distance créée par l'outil ; il y a une dilution de la responsabilité avec une multiplication des agresseurs dans un phénomène qui devient viral.
Selon nous, les réseaux sociaux, qui contribuent à la surexposition de soi, constituent un terreau particulièrement fertile pour ces mécanismes qu'ils viennent renforcer. En analysant les recherches internationales et nos échanges avec les partenaires ou avec les délégués de classe, nous constatons que les violences à caractère sexiste et sexuel sont le plus souvent banalisées et minimisées, aussi bien par les jeunes que par les adultes, car les conséquences ne sont pas perçues comme réelles. Il faut veiller à rendre visibles les conséquences réelles de ces violences virtuelles – stress, anxiété, perte d'estime de soi, échec scolaire, etc. – et à faire le lien avec les violences dans la vie réelle, qu'elles soient physiques ou sexuelles.
Ces violences sont aussi considérées comme pouvant être rapidement résolues : les jeunes filles sont incitées à fermer leur compte Facebook ou Instagram si elles y sont harcelées, donc à s'extraire de cette possibilité de se sociabiliser en ligne. Il est important de réfléchir à l'impact de cette attitude sur la place des filles dans les réseaux sociaux et dans le monde numérique qui deviennent finalement des espaces réservés aux garçons.
Mais nous attendons les résultats de notre étude pour vous en dire un peu plus sur ces phénomènes.
Merci pour cet intéressant exposé.
Je vais maintenant donner vous donner la parole, madame Delphine Meillet. Avocate au barreau de Paris, vous avez défendu plusieurs victimes d'atteintes à la vie privée. Vous avez retenu notre attention car vous avez publié un article intitulé « Face au porno vengeur, il faut légiférer » dans le Huffington Post. C'est précisément notre préoccupation.
Les dispositions du code civil et du code pénal sur la protection de la vie privée sont-elles suffisantes face à la croissance exponentielle de ces violences sexistes qui viennent de nous être décrites ? Nous avons introduit des dispositions relatives au cyber-harcèlement dans la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. De quelle façon ont-elles été mises en oeuvre ?
Je suis très émue d'être en ces lieux où j'ai été attachée parlementaire pendant trois ans. Je suis ravie d'y revenir dans d'autres circonstances et de constater que mon article, jeté comme une bouteille à la mer, a atteint son but : je suis là pour essayer de faire en sorte que la législation évolue.
Vous m'interrogez sur le revenge porn ou « vengeance pornographique » dont le principe est celui-ci : l'ex-compagnon – dans 95 % des cas, les victimes sont des femmes – diffuse sur des supports numériques, sites pornographiques amateurs ou autres, des photos ou des vidéos intimes qui ont été prises avant la rupture. Après avoir défendu plusieurs victimes de ce type de violence, j'ai trouvé que la loi était inadaptée et que la réponse judiciaire était très loin d'être à la hauteur du tsunami qu'elles vivaient. Dans mon bureau, j'ai pu constater le désarroi de mes clientes, qui venaient le plus souvent accompagnées de leur mari. D'où la publication de cet article qui tendait à vous interpeller.
En faisant un tour d'horizon des législations étrangères, j'ai constaté que dix-sept États américains sur cinquante avaient légiféré dans ce domaine, chacun à sa manière : les faits peuvent être qualifiés d'agression sexuelle ou de harcèlement sexuel, mais il y a toujours des peines de prison à la clef. Pour ce type d'infraction, la loi canadienne prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans maximum. Je sais que la peine de prison n'empêche par le meurtre. Pour autant, le quantum de la peine peut avoir un effet dissuasif ou au moins contribuer à la prise de conscience que ces faits constituent une infraction. Au Japon et en Australie, la peine de prison encourue est de trois ans. Les Israéliens ont inventé le concept de viol virtuel, qui me paraît très juste, et prévu une peine de cinq ans de prison et l'inscription des auteurs de ces infractions au registre des agresseurs sexuels. L'Angleterre a aussi légiféré dans ce domaine, après la mort d'une jeune fille.
Vu l'ampleur du phénomène, pour pallier les carences des États, Google a instauré un droit à l'oubli dont peuvent se prévaloir les personnes qui n'arrivent pas à détruire des contenus – images ou propos – qui leur portent atteinte, ou à les faire supprimer par l'éditeur ou l'hébergeur du site. Il est désormais possible de solliciter Google via un formulaire qui se trouve en ligne : vous adressez une requête en expliquant les raisons pour lesquelles vous voulez voir oublié ce qui est encore diffusé sur internet ; elle peut être acceptée ou refusée. Depuis juin 2015, Google a prévu un formulaire spécifique pour les vengeances pornographiques qui laminent une vie. Le dispositif a été repris par Twitter et Redit.
Pour rester dans l'actualité, je peux vous citer deux affaires que j'ai lues dans la presse et qui m'ont interpellée. Une jeune Martiniquaise de quinze ans vient de tenter de se suicider après que son ex-compagnon a diffusé leurs ébats sexuels sur Facebook. La deuxième affaire a été jugée à Metz et concerne une femme qui avait quitté son mari et qui était retournée vivre chez ses parents avec ses enfants. Son ex-conjoint l'a immédiatement inscrite sur un site de rencontres. Il y a publié des photos et la nouvelle adresse de son ex-femme, invitant les hommes à se présenter chez elle. Condamné une première fois, il a réitéré. Début septembre, un nouveau jugement l'a condamné à un an de prison ferme – je ne sais pas s'il exécutera ou non cette peine – et 13 500 euros d'amende. Quoi qu'il en soit, la vie de son ex-femme a été d'autant plus bouleversée qu'elle était enseignante dans un collège : ses élèves ont su ce qui s'était passé et elle a dû changer d'établissement.
Pour ma part, en septembre dernier, j'ai plaidé devant le tribunal correctionnel de Bobigny l'affaire d'une inspectrice des impôts qui est sortie avec l'un de ses collègues. Un jour qu'il était chez elle, il a fait semblant de recharger son téléphone sur l'ordinateur de ma cliente. En fait, il a subtilisé toutes les photos de madame. Trois jours plus tard, des photos intimes d'elle avec son ancien compagnon sont arrivées sur sa messagerie électronique et sur celle de ses collègues. D'abord, elle n'a pas compris ce qui se passait. Elle a pensé que c'était son ancien compagnon qui lui portait ce mauvais coup. Elle a déposé plainte au commissariat. Il a fallu beaucoup de temps pour remonter à l'auteur de l'infraction, et je reviendrai sur ce point. Les conséquences ont été dramatiques pour ma cliente, d'autant que la direction générale des impôts a été informée de l'affaire et l'a changée d'établissement. Alors que les faits remontent à 2011, il vient seulement d'être condamné pour la première fois, quatre ans plus tard.
Oui, et il a même été rétrogradé. Il est maintenant affecté en Seine-Saint-Denis où il fait autre chose, mais il fait toujours partie de l'administration des impôts. Un membre des services fiscaux était d'ailleurs présent à l'audience et suivait l'affaire. Il se trouve que cet individu est vraiment néfaste parce qu'il a usé de toutes les astuces de la procédure pénale pour retarder le jugement. Je vous passe les détails, mais je peux vous dire qu'il s'en est extrêmement bien sorti. Quatre ans plus tard, il vient d'être condamné à une peine d'emprisonnement – trois mois ferme et six mois de sursis – et à 4 000 euros d'amende. Il a fait appel. Quand bien même la décision est exécutoire, c'est vraiment epsilon par rapport aux dégâts commis dans la vie de cette femme.
Une autre de mes clientes est une jeune femme de vingt-sept ans qui est brodeuse dans une maison de couture . Son ex-compagnon avait pris des photos d'elle, seins nus. Dix ans plus tard, il a diffusé ces photos qu'elle avait oubliées. Atterrée, elle lui a demandé – en vain – de les supprimer. Elle a alors sollicité – sans succès – Facebook. C'est alors qu'elle est venue me voir. Le problème c'est que nous n'avions pas l'adresse de ce monsieur qui, entre-temps, a déménagé.
Le troisième cas, que je voulais vous soumettre, est celui d'une mère de trente-quatre ans qui vit en région parisienne avec son mari. J'ai été contacté par le mari qui a trouvé des photos de sa femme sur des sites pornographiques amateurs. Il y a quinze ans, alors qu'elle vivait aux États-Unis, elle avait eu une aventure avec un Canadien. Ils s'étaient pris en photo. Ce monsieur avait conservé les clichés qu'il diffuse, on ne sait pas pourquoi, quinze ans plus tard. Dévastée, elle m'a demandé d'écrire aux hébergeurs pour faire supprimer ces images. Nous y sommes parvenus dans une certaine mesure mais pas totalement. Dans les poursuites engagées contre l'auteur des faits, nous nous sommes heurtés à un problème : nous n'avons pas trouvé son adresse. J'ai sollicité une avocate américaine mais, pour l'instant, nous n'avons pas obtenu le résultat escompté.
Les démarches que doivent entreprendre les victimes de vengeances pornographiques se déroulent en effet en deux temps : obtenir la suppression des images par tous les moyens ; poursuivre la personne à l'origine des divulgations.
Comment obtenir la suppression des images ? Dans les vingt-quatre heures, il faut appeler un huissier pour qu'il établisse un constat des images, et prendre attache avec l'éditeur du site ou, si ce dernier ne réagit pas, avec l'hébergeur du site. Ensuite, il faut aller voir un avocat et lui demander de faire une action en référé d'heure à heure pour supprimer les contenus litigieux.
Comment poursuivre l'auteur ? On peut engager des poursuites pénales ou civiles. Si on opte pour le pénal, car on ressent une atteinte si violente à son intimité et à son intégrité que l'on veut une sanction radicale, on intervient sur le fondement de l'article 226-1 du code pénal. Cet article, qui se rapporte à la vie privée, prévoit une peine maximale d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Deux options se présentent : soit on a besoin des services de polices pour identifier l'auteur et faire supprimer les contenus ; soit on peut faire une citation directe quand l'auteur est identifié et qu'on peut le poursuivre directement devant le tribunal correctionnel. Et c'est long, très long.
Au terme d'une réflexion avec notre client, on peut opter pour des poursuites au civil. L'action en référé visant à supprimer les contenus litigieux se fonde alors sur l'article 809 du code de procédure civile ou sur l'article 9 du code civil, qui aboutissent à peu près au même résultat. Lorsqu'il y a urgence et absence de contestation sérieuse, un jugement en référé peut prescrire des mesures conservatoires de base : la suppression immédiate des images, avec une astreinte de 150 euros par jour.
En effet. Concrètement, je rédige tout de suite ma requête avec une ordonnance et je vais devant le président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris car, dans ce genre d'affaires où la diffusion des contenus est très large, il existe une sorte de compétence universelle des tribunaux. Je sollicite une date de référé : si je vais le voir jeudi, il va me programmer le mardi suivant, par exemple. Le délai peut paraître court sauf pour les victimes qui vivent un enfer. Lors de l'audience, si j'ai l'identité de l'auteur, je vais plaider pour qu'il soit condamné le plus rapidement possible. Si je n'ai pas l'identité de l'auteur, je vais demander des requêtes IP, pour Internet Protocol, afin que tous les fournisseurs d'accès – Orange, SFR et autres – soient sollicités dans le cadre de la recherche de l'adresse internet de l'auteur des faits. Une fois que nous avons l'adresse IP, le fournisseur doit être de nouveau sollicité pour que nous puissions avoir accès aux données personnelles attachées à cette adresse. C'est long et compliqué.
Revenons à l'article 226-1 du code pénal, aux termes duquel : « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de volontairement porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui ». Vient ensuite un alinéa sur la captation d'enregistrements, auquel je ne me suis pas intéressée : l'affaire Bettencourt a donné le « la » en ce domaine. Je vous lis le deuxième alinéa : « En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. » Et là, vous avez un petit alinéa supplémentaire qui dit ceci : « Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. » Les choses ont évolué depuis la rédaction de cette loi.
Je me permets de détailler les cinq éléments constitutifs de l'infraction : la fixation, l'enregistrement ou transmission de l'image d'une personne, dans un lieu privé, par l'emploi d'un procédé quelconque, sans le consentement de cette personne, avec l'élément intentionnel de nuire.
Premier problème : le lieu privé. Les questions que vous nous avez adressées dans la perspective de cette audition me laissent penser que vous en aviez bien conscience, et il faudrait faire évoluer le texte sur ce point. Dans mes dossiers, le lieu privé était absolument établi puisque les photos étaient prises dans une chambre, mais le problème peut se poser à l'avenir. Un lieu est considéré comme public lorsqu'il est accessible à toute personne sans autorisation particulière – une rue, par exemple – ou lorsqu'il est accessible à certaines heures ou sous certaines conditions – une salle de restaurant ou de spectacle, par exemple. A contrario, un lieu privé est celui où quiconque ne peut pénétrer ou accéder sans le consentement de l'occupant. Se pose la question de la piscine ou de la plage. Les juges ont eu notamment à se prononcer dans une affaire où une femme avait été photographiée seins nus sur une plage. Dès lors que cette plage était accessible à tous les estivants, ils ont considéré qu'il ne s'agissait pas d'un lieu privé et que les faits ne tombaient pas sous le coup de la loi.
Si l'élément intentionnel – la volonté de porter atteinte à la vie privée d'autrui – ne pose pas de difficulté, il n'en va pas de même avec la question du consentement. Le texte n'est pas clair et certains magistrats se sont déjà fourvoyés là où il ne fallait pas qu'ils aillent. De quel consentement s'agit-il ? De la captation de l'image, de la diffusion de l'image ? À l'époque, les rédacteurs de la loi devaient penser à la captation de l'image. La preuve du consentement doit être apportée par le prévenu et elle peut être établie par tout moyen, comme toujours au pénal.
En outre, à la fin de l'article, il y a ce fameux aliéna qui établit une présomption de consentement : « Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. » J'ai cherché le fondement de cette mesure. J'ai compris qu'en introduisant cette restriction, le législateur a voulu montrer que le consentement n'est pas souvent donné de manière expresse et écrite, ce qui peut se comprendre.
Mais il faut vraiment clarifier cette question de présomption de consentement, et pour vous en convaincre, je vous ai apporté un exemple de décision. Certes, il s'agit d'un arrêt de la cour d'appel de Montpellier et non pas de la Cour de cassation, et il date de 2006, mais tout de même. On peut lire : « Le tribunal correctionnel a relaxé M. B. au motif que les photos litigieuses ont été prises avec l'accord de Mme S. et que dès lors il ne pouvait être fait application des dispositions de l'article 226-2 du code pénal qui sanctionne la conservation et diffusion d'images obtenues sans l'accord de la personne photographiée. » Elle était d'accord pour que les photos soient prises, donc elle était d'accord pour qu'elles soient diffusées. Voilà ce qu'ont compris les magistrats de la cour d'appel de Montpellier en confirmant la décision de relaxe.
Si cette femme porte plainte, c'est qu'elle n'est pas d'accord. S'agissant du lieu privé et du consentement, il faut clarifier les choses pour que ce soit très évident pour le juge.
Pour conclure, je voudrais préciser que je ne mène pas de combat ni d'études sociologiques, que je ne suis pas engagée. Mais dans mon bureau, je vois que les femmes concernées vivent un drame absolu. En cherchant les solutions ailleurs, j'ai été assez convaincue par la notion de viol virtuel retenue en Israël : elle correspond à ce que ressentent ces femmes qui sont terrorisées. À tout âge, c'est dévastateur ; à quinze ans, c'est un enfer.
Le rôle du législateur est de légiférer mais je pense qu'il doit aussi éduquer, à sa manière. Comme le disait Mme Aurélie Latourès, il faudrait mener des campagnes de sensibilisation à l'instar de ce que font la Nouvelle-Zélande, l'Australie et d'autres pays. Ces violences ont pris aux États-Unis une ampleur phénoménale. En France nous n'en sommes qu'aux prémices, au moins sur le plan judiciaire : à ce jour, seulement cinq ou six affaires ont fait jurisprudence.
Avant que vous n'arriviez, j'avais cité le récent rapport d'une commission des Nations Unies qui alerte sur le phénomène de cyberviolence qu'elle qualifie de pandémique : 73 % des femmes y ont déjà été confrontées dans le monde, particulièrement les jeunes femmes de dix-huit à vingt-quatre ans.
Je vous donne maintenant la parole, monsieur Matthieu Cordelier. Vous êtes avocat au barreau de Paris, spécialisé notamment dans le droit des technologies de l'information et de la communication et de la « e-réputation ». Que proposez-vous pour que les textes soient plus efficaces et plus protecteurs dans ce domaine ?
Il me semble important de souligner trois facteurs qui jouent un rôle en matière de cybercriminalité et notamment de cyberviolence à l'égard des femmes. Il y a tout d'abord un paramètre moral. Internet n'a introduit aucune nouveauté dans le comportement des hommes et des femmes mais il peut en faire une publicité immédiate à l'échelle planétaire. Internet met en exergue des comportements qui ont toujours existé. Ce que l'on entendait dire à propos d'une victime de viol « trop courtement vêtue », les gens l'écrivent désormais sur internet à propos d'une victime de vengeance pornographique. Si je partage totalement l'avis de mon confrère sur la législation israélienne, je soulignerais toutefois que le terme de viol est impropre : la définition juridique de ce crime est très particulière en France, faisant appel à la notion de pénétration, et il faut probablement s'en éloigner pour rester dans le registre de l'agression sexuelle virtuelle. Quoi qu'il en soit, on rencontre cette difficulté d'ordre moral dans la population, parmi les gens qui vont relayer l'information sur Facebook sans avoir la conscience de la gravité des faits qu'ils sont en train de commettre. On retrouve également ce jugement moral, de manière silencieuse, sur le visage des magistrats et des magistrates dont l'attitude peut parfois laisser pantois. C'est vrai qu'elles nous accordent la mesure, mais les lèvres pincées.
Oui, plus les magistrates que les magistrats, madame la présidente, vous avez raison de le souligner. Au vu des contenus diffusés, la moralité du comportement de la victime est directement mise en cause. On le constate quotidiennement dans nos cabinets.
Au passage, je signale que les personnes qui viennent s'asseoir devant nous sont majoritairement des femmes mais que les hommes peuvent aussi être victimes de cyberviolence à caractère sexuel. Ces derniers sont le plus souvent piégés dans des arnaques à la webcam, des délits un peu différents qui impliquent des femmes vivant en Côte d'Ivoire et un peu partout sur la planète, en tout cas loin de la justice française. Mais je tiens à souligner que les hommes peuvent être aussi victimes d'actes cybercriminels concernant leur sexualité en ligne.
Quoi qu'il en soit, il y a toujours cette question du jugement moral porté par l'entourage de la personne, ce qui va la freiner. Veuillez m'excuser si mes propos n'ont rien de juridiques alors que vous m'avez invité en ma qualité d'avocat. Je vous relaie les sentiments éprouvés par mes clientes : franchir les portes d'un cabinet d'avocat représente un véritable combat personnel. Les moeurs de la victime, du couple, des amis et proches du couple vont poser problème et je vais vous en citer quelques exemples à la fin de mon exposé.
Revenons sur la spécificité d'internet. Le législateur est déjà intervenu dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) adoptée en 2004, afin de prendre en compte le caractère ineffaçable des informations publiées : elles demeurent toujours sur la toile, contrairement à celles qui paraissent dans des publications périodiques comme Voici ou Gala. Le fonctionnement des réseaux sociaux tend même à assurer une popularité croissante à ces contenus : les gens les partagent, les affichent sur des murs. Certes, cette popularité s'émousse avec le temps – sur les réseaux Facebook, Twitter et autres Vine, elle dure entre quelques semaines et quelques mois – mais certains cas oubliés peuvent ressurgir, relancés par une personne qui les découvre après une longue absence, par exemple, et qui les renvoie vers un autre groupe d'amis. Des faits anciens peuvent donc revenir à la surface en raison de ce caractère cyclique des réseaux sociaux.
Le législateur est intervenu pour corriger le tir, mais il s'est un peu trop focalisé sur le droit de la presse et la prescription des délits de presse, et de surcroît d'une manière qui lui a valu d'être sanctionné par le Conseil constitutionnel. Depuis, il n'est revenu sur le sujet que pour modifier la prescription des infractions de presse concernant les injures et diffamations envers des personnes en raison de leur origine ou d'un handicap.
En revanche, rien n'est venu encadrer l'activité impulsive des internautes : n'importe qui publie n'importe quoi à la vitesse de l'éclair et sans réfléchir. Vous parliez de campagnes d'information destinées à faire réfléchir les gens sur la portée de leurs actes. C'est bien ce qui est en cause. Avec mon mobile, je peux prendre une photo ou une vidéo et la publier sur internet dans la seconde, sans prendre le temps de réfléchir. Même si je décide de la retirer rapidement, elle a pu avoir été déjà relayée et reprise sur d'autres sites. Non seulement il n'est pas toujours aisé de remonter jusqu'à l'auteur des faits, comme l'a expliqué ma confrère Delphine Meillet, mais on se heurte à cette difficulté supplémentaire : des tiers, qui ne sont pas directement auteurs de l'infraction, vont la relayer et la faire perdurer parfois au-delà de ce que voudrait l'auteur lui-même.
Passons à présent aux difficultés juridiques et judiciaires déjà évoquées par ma confrère, et qui se manifestent à toutes les étapes : effacement des données, recherche de l'auteur, réparation des dommages occasionnés. Sur ce dernier point, je constate que la victime reçoit rarement une réparation à la hauteur de ce qu'elle a subi, d'abord parce que le préjudice est difficilement quantifiable en espèces sonnantes et trébuchantes. À quel niveau évaluer les conséquences de ce qui est perçu comme un viol ? Nos clientes se comportent comme des victimes de viol. Un jour que je faisais part de cette observation à une journaliste, elle m'a dit avoir interviewé des psychiatres et psychologues qui établissaient, en l'analysant, ce même parallèle. Même si elles n'ont pas été physiquement touchées, les victimes de cyber-harcèlement ou de cyberviolence sur internet sont atteintes dans leur intimité.
Permettez-moi un aparté sur ces termes : intimité et vie privée. On les emploie souvent en référence à des stars, prises en photo sur une plage de Key West ou d'ailleurs, avec leur jeune petit ami. En fait, certaines cherchent seulement à faire remonter leur cote de popularité pour éviter de perdre leur emploi à la télévision… avec plus ou moins de succès.
Toujours est-il que, pour les victimes de cyber-harcèlement ou de cyberviolence sur internet, la réparation est difficile. Même quand on attrape l'auteur et qu'on arrive à le faire condamner à des dommages et intérêts, va-t-il pouvoir payer ? Pour faire appel à la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), il faut être partie au pénal et avoir obtenu la condamnation définitive de l'auteur des faits. Étant donné la longueur des procédures, cela peut prendre du temps. En outre, les victimes d'infraction doivent invoquer un préjudice corporel. Dans les cas qui nous intéressent, le préjudice est moral et doit être évalué par un psychiatre. Peut-être la campagne de sensibilisation que vous évoquez devrait-elle aussi s'intéresser au corps médical ?
S'agissant de l'application de la LCEN, je voulais vous signaler que la pratique judiciaire est très loin de ce que le texte est supposé nous apporter comme outils juridiques et judiciaires pour agir soit pour retirer les contenus, soit pour poursuivre les auteurs.
Pour ma part, j'ai plus tendance à me situer comme un nettoyeur de contenus que comme un poursuivant, compte tenu de la difficulté déjà évoquée à remonter à l'identification de l'auteur des faits. Sans trop entrer dans les détails techniques, il nous faut bien constater qu'il est devenu moins complexe de dissimuler son identité sur la toile. Or il y a souvent une dimension de préméditation dans ces actes, même si cette notion est réservée au droit criminel. Cette préméditation est assez gênante, et c'est pourquoi il me paraît intéressant de retenir l'idée de cyber-viol qui permettrait de passer du délit au crime.
En tant qu'avocat, je cherche donc d'abord à nettoyer les contenus et à supprimer le préjudice, d'autant que c'est la première volonté de la victime : ne plus voir ces choses en ligne, faire disparaître le déshonneur. Pour ce faire, on utilise le dispositif de 2004 : on envoie une mise en demeure à l'éditeur, qui rencontre plus ou moins de succès ; on va voir le juge soit en référé soit sur requête, cette dernière option étant plus économique et rapide pour la victime parce que le juge rend son ordonnance sur le siège. Or, bien que la loi n'ait pas évolué, certains juges des requêtes commencent à refuser de nous accorder le retrait des contenus, et nous demandent de saisir le juge du fond ou le juge des référés. Apparemment, ils estiment qu'il faut un débat contradictoire. Pourtant, la loi de 2004 dispose très clairement qu'une personne qui demande le retrait d'un contenu illicite, en justifiant de motifs factuels et juridiques, doit pouvoir l'obtenir y compris par voie de requête sur ordonnance devant le juge. On m'a opposé ce genre de refus dans le courant de l'été 2015, pendant une période de vacation. Peut-être était-ce exceptionnel ? J'avoue avoir été si stupéfait de cette décision que j'ai failli faire appel avant d'y renoncer parce que cela n'aurait servi à rien.
Par ailleurs, la loi n'impose pas aux victimes de commencer par une mise en demeure à l'éditeur ou à l'hébergeur avant de saisir le juge des requêtes. Il est théoriquement possible de saisir directement le juge des requêtes mais ce n'est pas la pratique. Dans la pratique, le juge des requêtes demande que soit effectuée cette première étape, ce qui est une pure perte de temps. La plupart du temps, Google, Facebook et les autres ne répondent pas car ils n'ont pas le temps de traiter toutes les demandes qui leur arrivent. Parfois, ils refusent de supprimer certains contenus. C'est pourquoi je suis un peu sceptique à l'égard de ces nouveaux formulaires numériques qu'ils proposent. Est-ce à Google de se poser en juge du retrait des contenus ? Comment seront traités tous ces formulaires ? À la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur les données, un premier formulaire avait été proposé. Si on se réfère à cette expérience, il est à craindre que les réseaux ne soient rapidement submergés par les requêtes, et qu'ils ne se mettent à envoyer des refus systématiques faute de temps et de ressources humaines pour les traiter.
Pour terminer, je vais vous parler de plusieurs de mes clientes.
L'une d'entre elles a trente-cinq ans. Un jour, en tapant son nom et son prénom dans Google, elle a vu apparaître une photo où elle était nue. Elle s'est effondrée, n'a plus parlé à personne, a demandé à son médecin de la mettre en arrêt en maladie. Puis, comme c'est une femme cultivée, instruite, intelligente et forte, elle s'est décidée à réagir. Elle est venue me voir. Comme toutes les victimes de ce type d'infractions, elle balbutiait, cherchait ses mots. Je l'ai rassurée, lui expliquant que je ne la jugerais pas.
Nous avons d'abord fait établir un constat d'huissier. Signalons au passage que l'opération peut représenter un certain budget : un constat coûte entre 200 et 350 euros hors taxes et il faut parfois en faire plusieurs parce que des contenus ont été mal identifiés ou qu'ils sont difficiles à faire ressortir. Elle m'a expliqué qu'elle avait porté plainte et m'a montré le courrier qu'elle avait reçu de la part du procureur de la République – dans les quarante-huit heures, c'est le mérite que l'on peut reconnaître au parquet.
Voici ce que lui a répondu la substitut du procureur de la République : « Madame, comme suite à votre plainte formée auprès de mon parquet par courrier en date du 8 avril 2013, j'ai l'honneur de porter à votre connaissance que les faits que vous dénoncez ne sont pas constitutifs d'une infraction pénale. En effet, le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée exige que la captation de l'image d'une personne soit réalisée dans un lieu privé et sans le consentement de cette dernière, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce. Par conséquent, je procède au classement de votre plainte, décision que vous pourrez contester selon les modalités décrites dans les documents joints au présent. Le préjudice que vous évoquez pouvant le cas échéant se résoudre en dommages et intérêts civils, un avocat saurait sans doute utilement vous orienter. Je vous prie de croire, madame, à l'expression de ma considération distinguée. »
Reprenons l'article du code pénal qui punit l'utilisation d'une image ressortant de la vie privée d'une personne, et qui a été cité par Delphine Meillet : « En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. » Les lois pénales sont d'interprétation stricte, et ce sont les juges qui prennent des libertés vis-à-vis de cette interprétation. Dans le texte, l'utilisation du « ou » indique l'absence d'effet cumulatif dans les éléments constitutifs de l'infraction. Par conséquent, le consentement doit être donné pour chaque élément constitutif de l'infraction : la fixation, l'enregistrement et la transmission. C'est du français.
Pour ma part, je lis ce courrier avec mes yeux d'avocat et je pense que c'est une question politique car les magistrats du parquet nous disent qu'ils ont trop à faire. Sans vous plaider l'affaire, je vais vous en donner des éléments clés. Sur deux des clichés qui sont dans le dossier, cette femme regarde l'objectif ; elle sait donc qu'elle est prise en photo. En fait, son petit ami de l'époque l'a surprise alors qu'elle sortait de la salle de bain. Et dans ce genre d'affaires, il peut y avoir une contrainte morale, voire de la violence. Précisément, ce monsieur était connu des services de la justice comme auteur de plusieurs infractions de coups et blessures sur elle. Plutôt que de vérifier quelle était la personnalité de l'homme visé par la plainte, le procureur a classé le dossier de manière automatique en faisant du copier-coller.
Ce courrier a en effet été envoyé à plusieurs victimes, comme le montre le cas d'une autre femme. Dans ce dossier, il n'était pas question de nudité mais de piratage de compte Viadeo et d'atteinte à la vie privée. La plainte a également fait l'objet d'un classement sans suite rapide, et cette femme a reçu le même type de lettre l'invitant à aller consulter un avocat.
Je ne les remercie pas de nous priver d'une action et de nous obliger à intervenir par la suite. Dans le premier cas que j'évoquais, nous avons été obligés de rechercher l'identité numérique de ce monsieur qui, à peine sorti de prison où il était allé purger une peine pour les violences commises à l'encontre de son ex-conjointe, s'est vengé à la fois pour la rupture et la détention, en publiant ces photos. Nous n'avons pas retrouvé la moindre trace. Informaticien, il a publié les photos sur des sites étrangers dont les noms de domaine sont domiciliés dans un pays exotique.
Une autre femme, d'une vingtaine d'années, a quant à elle été victime sur Facebook de multiples injures qui concernaient sa vie intime et privée avec un garçon, et aussi d'une invitation à la commission d'une agression sexuelle à son encontre. Après le classement sans suite rapide de sa plainte, elle est venue me voir. Nous avons fait une citation directe devant la dix-septième chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Dès l'audience de fixation de consignation, le procureur s'est positionné à charge contre ma cliente : se fondant sur l'article 53 du code de procédure civile, il a requis la nullité de ma citation, au motif que j'avais engagé l'action sur le terrain de l'incitation à la commission d'une infraction, ce qui relève de la compétence du parquet et non de la partie civile. Ma responsabilité professionnelle était directement mise en cause, et j'ai trouvé une pirouette en allant devant le tribunal de police puisque c'était une liste Facebook fermée. Mais j'étais stupéfait. D'ordinaire, sauf pour des raisons d'ordre public, les procureurs ne soulèvent aucun argument contre la partie civile lors de l'audience de fixation de consignation. Ils attendent l'audience et ne cassent pas d'emblée les poursuites. J'ai trouvé le procédé injurieux pour ma cliente qui était aussi dévastée que j'étais stupéfait.
En fait, ma fréquentation de la dix-septième chambre correctionnelle m'a appris que le parquet ne veut plus entendre parler des affaires concernant des injures, des attaques et des cyber-violences entre jeunes adultes, qui polluent les audiences correctionnelles. Il faut reconnaître que la justice manque de moyens et que les audiences sont surchargées. À la dix-septième chambre correctionnelle, qui traite d'affaires qui opposent des écrivains juifs à des penseurs musulmans ou des journaux à des stars telles que Johnny Hallyday, nos dossiers peuvent paraître encombrants et pas très sexy. Nous ne sommes peut-être pas aussi importants que la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) et, dans les tribunaux correctionnels, nous dérangeons. Alors, pour un problème concernant une liste restreinte sur Facebook, on s'adresse au tribunal de police. C'est plus simple et les parquets nous soutiennent, ce qui est beaucoup plus agréable.
Il est quand même dommage de constater qu'une partie de notre action est doublement détruite. La plaignante qui emprunte la voie traditionnelle se voit redirigée vers trois options : une citation directe ; une réitération de sa plainte devant le doyen des juges d'instruction, ce qui demande l'assistance d'un avocat parce que l'exercice ne s'improvise pas totalement ; une action au civil. Il y a ce passage que je trouve formidable dans le courrier du parquet du TGI : « Le préjudice que vous évoquez pouvant le cas échéant se résoudre en dommages et intérêts civils, un avocat saurait sans doute utilement vous orienter. » Ajoutons : et vous prendre de copieux honoraires parce que c'est lui qui devra tout faire, il ne faudra pas compter sur le parquet pour vous aider.
En évoquant deux autres cas, je vais sortir un peu de l'exercice qui nous a été suggéré, pour parler de la problématique de l'autorisation d'utiliser l'image d'une personne, en particulier si cette personne est dénudée. À dix-huit ans, alors qu'elles entamaient leur vie d'étudiante et qu'elles se trouvaient en situation de détresse sentimentale et financière, elles ont arrondi leurs fins de mois en faisant ce que font beaucoup de jeunes femmes : l'une a joué dans des vidéos de pornographie amateur, l'autre a posé dénudée.
Si j'affirme que ces jeunes femmes sont légion, c'est parce que je travaille intensément avec une société de e-réputation. Lorsque je ne suis pas arrivé à nettoyer judiciairement des contenus, elle passe derrière moi pour faire ce qu'on appelle de l'enfouissement : elle enfouit les données sous le tapis en utilisant le référencement de Google et en créant de nouveaux contenus positifs. Cette agence me consulte régulièrement au sujet de jeunes femmes qui veulent effacer des contenus. Les femmes qui ont fait des photos de nu sont très nombreuses, même au sein de ma profession. Or une avocate nue sur internet risque d'être sanctionnée car ce n'est pas tout à fait dans les moeurs du milieu. Est-ce que le risque est plus grand parce que les ordres sont majoritairement dirigés par des hommes ? Je ne sais pas. Pour moi, il est totalement inacceptable de juger une personne sur des agissements qu'elle a pu avoir dans l'intimité de sa vie privée.
Les jurisprudences rendues en matière de ce qui a été judicieusement appelé le droit de repentir sont très salutaires. Dans la série de questions qui m'a été adressée, vous parliez de droit à l'oubli. Pour moi, le droit à l'oubli concerne des auteurs d'infraction qui veulent voir oublié leur passé judiciaire, alors que le droit de repentir correspond à ces jeunes femmes qui veulent voir effacés des contenus pour lesquels elles ont donné un consentement trop hâtif.
Il faudrait aussi mettre des limites temporelles, géographiques et de rémunération à l'utilisation de l'image d'une personne. À une époque, des auteurs avaient comparé le droit à l'image et le droit d'auteur, et je trouve que l'idée est intéressante. Si une personne donne un consentement alors qu'elle est en situation de faiblesse, il n'y a pas de raison que des individus en profitent pour utiliser ces contenus sans fin et sans freins. Une fois qu'ils ont obtenu des droits sur une photo ou sur une vidéo, les exploitants de sites internet pornographiques se conduisent comme certains adolescents qui insultent une jeune femme sur Facebook : ils partagent ce contenu et s'en servent comme publicité sur des sites diffusés gratuitement sur internet, surtout s'ils l'ont acheté à bas prix. Sur internet, il y a pléthore de ce genre de sites.
En négociant à l'amiable avec les exploitants, on obtient assez facilement le retrait des photos et vidéos, y compris quand on se trouve face à des confrères spécialistes du droit à l'image : ils savent très bien que la jurisprudence est vacillante dans les deux sens, et qu'ils courent toujours le risque de perdre. Le problème, c'est que l'on n'obtient pas un retrait total. Dès que l'on parle de pornographie – et même de photos de nu qui prennent un caractère pornographique dès qu'elles se retrouvent sur des sites dédiés –, les contenus sont piratés et circulent sur des sites sur lesquels l'exploitant lui-même n'a plus de maîtrise. C'est un commerce.
Merci pour vos interventions mais l'ampleur du sujet nous écrase un peu.
Je remarque que les deux praticiens que vous êtes n'abordent que quelques types des cyber-violences recensées dans le glossaire mis en ligne par le Centre Hubertine Auclert. Vous nous avez parlé essentiellement de vengeance pornographique et de cyber-harcèlement. Dans un entretien que vous aviez accordé à l'Express, monsieur Cordelier, vous expliquiez d'ailleurs que les victimes de vengeance pornographique réagissent comme le font encore trop souvent les femmes violées, que « la honte les empêche de parler » et que, circonstance aggravante, « neuf fois sur dix, les procureurs estiment que le délit n'est pas constitué, puisque la femme était consentante au moment du tournage, puisqu'elle regardait la caméra. »
Qu'en est-il du vidéo-lynchage, qui est plutôt le fait d'adolescents qui filment ou photographient l'agression d'une personne à l'aide d'un téléphone portable et qui diffusent les images ? Qu'en est-il de ceux qui envoient des messages à caractère sexuel par texto ? Qu'en est-il de ceux qui prétendent faire « honte aux salopes » en s'en prenant à des filles dont ils n'aiment pas la tenue ? Y a-t-il des poursuites à leur encontre ?
Je n'ai pas eu l'occasion de poursuivre des auteurs de sexting ou de vidéo-lynchage, mais j'ai eu quelques cas de slut shaming où les auteurs des faits prétendaient donc faire honte aux salopes. C'était en particulier le cas d'une des jeunes femmes que j'évoquais tout à l'heure qui s'était retrouvée injuriée copieusement sur Facebook pour des choses qu'elle n'avait même pas commises. C'était un mélange d'injures, de diffamation et d'invitation à commettre une infraction à son encontre.
Mais, je le répète, ce type de cas ennuie considérablement les magistrats. Un petit référé pour demander le retrait du contenu, passe encore. Mais une action au fond qui va mobiliser des magistrats pendant des mois et qui va nécessiter une composition collégiale pendant une audience de jugement qui va durer une heure ou une heure et demie, non. C'est dérangeant. Cela étant, je ne fustige pas les magistrats, encombrés d'affaires, qui trouvent ces petites affaires privées peu intéressantes.
Il y a même quelques cas de suicide mais – c'est horrible ce que je vais dire – peut-être pas assez pour éveiller les consciences. Peut-être n'y a-t-il pas assez de morts ? Je mesure bien mes propos.
Comme vous le disiez, il est plus difficile d'apprécier un dégât moral que des séquelles physiques qui se mesurent en jours d'interruption totale de travail (ITT) accordés par le médecin.
Tout d'abord, je voulais vous remercier pour vos exposés très intéressants qui nous permettent de mesurer l'ampleur du problème. Pour naviguer de temps en temps sur les réseaux sociaux, je me demande parfois comment on en arrive à certains dérapages de la part de parents, par exemple, qui diffusent des photos ou des vidéos douteuses de leurs jeunes enfants. Comment protéger ces enfants ?
Ma deuxième question porte sur la difficulté d'application des textes existants, notamment en raison de l'interprétation du consentement. Comment les améliorer ?
Enfin, n'y a-t-il pas un manque général de prévention et de sensibilisation en ce domaine ? Ne faudrait-il pas créer des messages de prévention à l'instar de ceux qui concernent le tabac ou l'alcool ?
On parle de droit à l'oubli, mais peut-être faudrait-il commencer par éviter de s'exposer, tout simplement ? Certes, quand on a dix-huit ans… Peut-être faudrait-il obliger les éditeurs et hébergeurs de ces sites à mettre des messages de prévention ? Est-ce envisageable ? Cela ne pourrait-il pas contribuer à mieux sensibiliser les gens, notamment ces parents qui prennent leurs jeunes enfants en train de danser, légèrement vêtus, sans prendre conscience que ces images peuvent être réutilisées, partagées, etc.
Pour compléter cette question, je voudrais citer le témoignage d'un professeur. Quand on parle de ces sujets avec les lycéens, ils ne voient pas où est le problème, me disait-il. C'est la manière dont ils vivent. Ils mettent toute leur vie sur internet : leurs fêtes, leurs soirées, etc. En outre, les garçons, qui valorisent tant leur virilité sur internet, considèrent que le corps des filles leur appartient. Nous nous interrogeons toujours sur l'éducation à la sexualité, en principe obligatoire depuis 2003, car il semble que nous ayons fait de grands pas en arrière.
Je pense que vous devriez auditionner des enfants et des adolescents. Nous n'avons pas du tout le même fonctionnement qu'eux qui sont tous sur Facebook, Snapchat et autres. Nous n'y pourrons rien. Le maître mot c'est « éducation ». J'adhère aux propos de mon confrère sur la limite de l'autorisation de diffusion d'une image. Un adolescent peut publier une image de lui s'il le souhaite mais toute autorisation donnée à quelqu'un d'autre de l'utiliser devrait être limitée dans le temps. Ce n'est pas le cas actuellement et c'est un vrai souci.
Il faut vraiment que vous rencontriez des jeunes, y compris des enfants de dix ans. À notre époque les enfants sont sur Facebook à dix ans et ils ont un téléphone portable à onze ans. Je ne vous l'apprends pas. En fait, il faudrait des messages de sensibilisation à outrance, une sorte de campagne choc, quelque chose qui montrerait que l'État se réveille. Et vous êtes l'incarnation de l'État. Il faut que les gens réalisent que l'État a pris conscience d'un danger qu'ils n'avaient pas vu eux-mêmes, pour qu'ils en viennent à comprendre que leur comportement peut être dangereux. Dans d'autres pays, il y a des campagnes fortes.
Quant au droit à l'image de l'enfant mineur, il appartient à ses parents. Qui pourrait engager des poursuites contre les parents à part le procureur de la République ? Il ne le fera que dans des cas de pédopornographie. En fait, dans les cas que vous évoquez, il s'agit encore une fois d'une question d'éducation : il faudrait, dans une autre campagne de sensibilisation, éduquer les parents à ne pas utiliser l'image de leurs enfants. C'est vrai que c'est extrêmement choquant.
Arrivés à l'âge adulte, ces enfants vont se retrouver avec ces photos d'eux dans des positions diverses et variées.
À propos de ce droit à l'image des enfants, j'indique qu'en début d'année scolaire, les parents sont invités à signer une autorisation annuelle permettant à l'école à utiliser des photos de leurs enfants prises en classe. On m'a indiqué que ces autorisations étaient nulles et non avenues. Pour être valides, il faudrait qu'elles indiquent le jour précis, la durée et le site de diffusion.
C'est précisément ce sur quoi nous appelons le législateur à faire preuve de vigilance. La validité de ces autorisations est appréciée par le juge. Le droit à l'image est uniquement jurisprudentiel et les jurisprudences des cours d'appel sont très disparates, voire totalement contradictoires. C'est pourquoi il faut imposer une durée d'utilisation et de conservation des données.
Selon la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « loi CNIL », une image personnelle est celle sur laquelle la personne est identifiable. Il existe donc des dispositions légales qui permettraient d'agir. Mais quand un avocat agit pour demander des dommages et intérêts, il n'est plus question de la loi CNIL mais des articles 9 et 1382 du code civil ou de l'article 420-6 du code pénal.
Nous avons besoin d'outils, de fondements juridiques car nous avons besoin d'assise. C'est ce que nous attendons de vous. Si vous nous donnez le bon fondement juridique, il sera bien appliqué.
Encore faut-il que nous soyons sûrs de donner le bon fondement. Voyez les difficultés que nous rencontrons pour définir des notions telles que le viol ou le harcèlement.
Il ne faut pas aller vers un tout répressif, mais corriger les difficultés d'application de la loi en la matière et alourdir le quantum des peines encourues. Quand on arrive à mettre en oeuvre l'action pénale – soit par voie de citation directe, soit par réitération de plainte devant le doyen des juges d'instruction – on se confronte au fait que l'auteur des faits n'encoure qu'une peine d'un an de prison. Or ces courtes peines sont aménagées par le juge de l'application des peines qui les transforme en jours-amendes ou autres.
Il serait utile de prévoir des facteurs d'aggravation de l'incrimination lorsque les faits ont entraîné des suicides ou des tentatives de suicide, et donc des peines plus lourdes. Il faut savoir que le délit initial peut rapporter beaucoup d'argent à des sociétés qui profitent de tout ce que ces petits jeunes publient parfois de manière non lucrative, dans le seul but d'humilier une personne, sur internet. Ces contenus sont repris par des sociétés commerciales qui en font de l'argent. Le nerf de la guerre sur internet, c'est la publicité. Qu'est-ce qui suscite la publicité ? Le trafic. Qu'est-ce qui alimente le trafic ? Le contenu. Et qu'est-ce qui intéresse le plus les gens ? La pornographie, la violence, l'argent. Suivez l'argent, comme disent les Américains, quand vous vous intéressez aux questions des violences faites aux femmes sur internet. Il faut donc prévoir des facteurs d'aggravations, au regard des préjudices subis par la victime, exactement comme dans le cas des dommages corporels qui s'évaluent en fonction du nombre de jours d'ITT.
Il faudrait aussi créer un fichier des agresseurs sexuels sur internet, consultable assez facilement, pour conserver une trace ailleurs que sur le casier judiciaire de l'auteur des faits.
Cette initiative serait d'autant plus judicieuse si le fichier ne concernait pas seulement des données personnelles. Il pourrait notamment permettre de faire une veille sur les sites qui publient fréquemment ce type de contenus illicites.
Une disposition de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de 2004 devait permettre aux victimes de demander au juge des requêtes d'interdire l'accès à une adresse IP, mais cela coûte une fortune. Pour demander l'interdiction de l'accès à une adresse IP en France, il faut instaurer un débat judiciaire avec tous les opérateurs de télécommunication, et chacun d'eux demande ensuite à être remboursé des coûts que représente le blocage d'une adresse. Sauf quand le procureur de la République agit de lui-même, c'est la personne qui demande la mesure qui doit payer les opérateurs. Un particulier ne le fait pas.
L'existence d'un fichier permettrait à l'institution publique de surveiller les sites et d'ordonner elle-même, lorsqu'elle le juge utile, le blocage des accès. Malgré les techniques de contournement, cette mesure serait suffisamment efficace pour que toute une myriade de contenus illicites disparaisse.
Il faudrait aussi revoir les méthodes curatives. On nous oblige maintenant à passer par des procédures judiciaires contentieuses contradictoires pour demander des retraits de contenus : il faut assigner quelqu'un en justice et, même en référé d'heure à heure, cela implique un certain nombre de diligences. Les frais d'avocat, d'huissier et de constats représentent un budget pour nos clients, ce qui est contradictoire avec la loi de 2004. Celle-ci devait permettre d'obtenir un retrait assez facilement, sur requête et même par courrier.
La difficulté est que l'on s'adresse à des personnes qui sont en dehors du territoire et qui se fichent complètement des lois nationales. C'est là que l'on rejoint les préoccupations de la future loi sur le numérique, notamment celles qui concernent la gouvernance de l'internet. Comment faire respecter la loi française ? Le premier moyen est de donner des outils aux avocats afin de leur permettre, dans un maximum d'hypothèses possibles, de faire retirer les contenus.
Nous n'ignorons pas la problématique de la liberté d'expression et la nécessité d'un contrôle par le juge. La liberté d'expression concerne un avis donné sur quelqu'un. Dès lors que l'on est dans l'injure ou que l'on diffuse la photo de quelqu'un, on ne se situe plus dans le cadre de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. D'où l'utilité d'une législation spécifique qui nous permettrait de dire au juge : la loi spéciale déroge au droit commun. Il nous faut des mesures sur le droit à l'image, tant au pénal qu'au civil, pour que nous puissions dire que nous avons le droit de demander le retrait des contenus. Tant que l'on ne m'apporte pas la preuve qu'il y a un consentement, je dois avoir le droit de demander le retrait des contenus. Le retrait est tout aussi important que la peine et la réparation du préjudice.
Je voulais revenir sur le droit à l'image de l'enfant parce que cela me tient à coeur. Quand on me dit qu'il appartient aux parents, cela me choque.
À l'enfant sauf qu'il n'est pas en mesure de donner son consentement. À sa majorité, il peut très bien dire qu'il ne voulait pas faire ces vidéos.
Dès l'âge de seize ans, un enfant peut commencer à agir contre ses parents au pénal. Des enfants plus jeunes encore vont parfois voir des associations pour des problèmes de pédophilie ou de pédopornographie. C'est très difficile pour ces enfants qui sont bien souvent dans des carcans psychologiques. Mais qui exerce les droits de l'enfant ? Ce sont les parents. Si ces derniers sont suffisamment naïfs – pour ne pas employer un autre terme – pour mettre en ligne des images qui ne devraient pas s'y trouver, ils portent eux-mêmes préjudice à leur enfant. Ils en porteront la responsabilité toute leur vie. C'est un problème d'éducation comme le disait Delphine Meillet.
C'est aussi de la responsabilité du procureur de la République car il s'agit d'une forme de violence faite aux enfants.
Quand elles se retrouvent sur des réseaux sociaux, les vidéos sont dans l'espace public. Ne pourrait-on pas mettre des limites, à l'instar de ce qui a été fait pour les « mini-miss ». Les enfants de moins de treize ans ne peuvent plus participer à ce genre de concours.
Vous voudriez interdire aux parents de publier des vidéos de leurs enfants âgés de moins de treize ans ? Cela me semble compliqué et contraire à la liberté d'expression.
À mon sens, les dispositions pénales existent déjà puisque vous citiez le cas d'enfants qui sont exposés, à la piscine ou ailleurs, dans des tenues et des positions inappropriées. On touche quasiment à la pédopornographie.
S'agissant d'éducation, l'initiative de l'association Calysto me semble très intéressante. Cette association, dirigée par Thomas Rohmer, fait le tour des écoles et mène des campagnes de sensibilisation et de formation du corps enseignant, des élèves et de leurs parents. Peut-être avez-vous prévu de l'auditionner ? Calysto est de ces associations qui font bouger Google tous les jours.
Google fait partie des bons élèves de la classe, même s'il ne faut pas lui abandonner toute la gouvernance de l'internet. Quand il s'agit d'enfants, Google réagit très vite, à la moindre demande d'une association. La photo ou la vidéo est retirée dans la demi-heure. Cela étant, il ne faut pas confondre la désindexation par Google et la donnée elle-même qui peut continuer à être hébergée et visible sur d'autres moteurs de recherche tels que Bing, Qwant et autres. La désindexation ne signifie pas le retrait complet de l'information mais celle-ci est un peu moins visible.
L'Observatoire universitaire international éducation et prévention (OUIEP), l'organisme de recherche et de formation qui va réaliser l'étude qualitative que j'ai mentionnée précédemment, a déjà travaillé avec Calysto. Nous avons donc noué un partenariat avec cette association car il nous semblait intéressant de les avoir à nos côtés, notamment en ce qui concerne le volet sur les recommandations opérationnelles et l'analyse des résultats de l'étude.
Nous avons aussi noué un partenariat avec l'association e-Enfance qui nous a aidés à faire nos plaquettes de sensibilisation. L'une est plutôt à destination des jeunes et porte sur les différentes formes de violence sexiste et sexuelle, que ce soit des agressions, du harcèlement, du voyeurisme ou de l'usurpation. Nous leur expliquons comment ils peuvent agir pour retirer des contenus et nous leur donnons des contacts. Une autre plaquette s'adresse aux professionnels et détaille le cadre de la loi. Nous avons travaillé avec la brigade de gendarmerie qui s'occupe de la cybercriminalité pour identifier tous les textes de loi existants.
Il nous semble essentiel de rappeler, notamment aux jeunes, que certains comportements tombent sous le coup de la loi et que celle-ci protège les victimes. Mais il est vrai que son application laisse parfois à désirer. Je voudrais vous en donner un exemple qui nous a été rapporté par une association qui accueille et héberge des femmes victimes de violence. L'une de ces jeunes femmes, victime de violence de la part de son ex-compagnon, a vu un jour circuler une photo d'elle dans son groupe d'amis. L'association l'a encouragée à porter plainte et l'a accompagnée au commissariat. Précisons que cette association a, dans son réseau de partenaires, des commissariats un peu sensibilisés aux violences conjugales. Elle s'est donc adressée à un commissariat qui sait accueillir les victimes de violences conjugales dans un cadre approprié et qui est vraiment très aidant pour les dépôts de plainte. Mais dans ce cas-là, les policiers ont répondu qu'il ne servait à rien de porter plainte. Peut-être faudrait-il former aussi les professionnels dans ce domaine ?
Que peut-on faire en tant que législateur ? Quand les images sont diffusées vers un groupe d'amis, est-ce que l'on considère qu'il s'agit d'un groupe privé ?
Elle peut porter plainte devant le tribunal de police car la diffusion a un caractère privé.
Avez-vous des propositions à nous faire concernant les évolutions souhaitables du code pénal ?
Nous allons y travailler. Nous pouvons le faire en binôme ?
Nous allons demander au ministère de la justice si une étude a été faite sur les jurisprudences qui existent dans ce domaine, et nous allons auditionner la secrétaire d'État chargée du numérique, Mme Axelle Lemaire, puisque le projet de loi pour une République numérique est le véhicule législatif qui nous permettra d'intervenir. Le Centre Hubertine Aubert peut évidemment nous faire aussi des propositions.
Nous avons fait un groupe de travail sur les dispositifs sur lesquels nous pouvions nous appuyer, afin de les recenser dans cette plaquette. Nous sommes tout à fait disposés à accompagner la démarche, sachant que nous ne sommes pas spécialisés sur les aspects juridiques.
En revanche, je me permets de rebondir sur la prévention : si elle doit aider à changer les normes sociales et à renverser la culpabilisation des victimes, elle doit aussi contribuer à ne pas diaboliser les outils numériques. Toute la vie des jeunes est sur internet, disiez-vous, mais pour les filles et les garçons cela n'entraîne pas les mêmes conséquences. C'est sur ce point qu'il faut travailler, mais ne pas en arriver à ce que cet espace devienne réservé aux garçons. Diaboliser les outils numériques reviendrait à se couper des jeunes et à passer totalement à côté du sujet. D'où cette étude que nous menons et qui va nous permettre de leur donner la parole.
Nous n'avons pas parlé de cyber-féminisme. Le numérique peut aider le féminisme, comme l'illustre par exemple la campagne lancée par l'association Georgette Sand, et à la suite de laquelle nous avons réussi à parler de la taxe rose dans l'hémicycle. Le numérique permet de lancer des sujets via les réseaux.
Les outils numériques peuvent aussi servir à prévenir les violences. Le 15 octobre, dans le cadre du cycle « Hubertine est une geek », nous allons inviter plusieurs activistes féministes du monde entier à présenter leur travail. Une Égyptienne va nous parler d'une application destinée à lutter contre le harcèlement sexuel au Caire, par exemple : ce système permet de géolocaliser les situations en temps réel, ce qui aide à rendre visibles des violences banalisées et à redonner du pouvoir aux femmes. C'est pourquoi nous insistons sur le fait que les messages de prévention ne doivent pas diaboliser l'outil numérique.
Information relative à la Délégation
La Délégation a désigné Mme Catherine Coutelle, rapporteure d'information sur les femmes et le numérique.
La séance est levée à 19 heures 15.