Cette initiative serait d'autant plus judicieuse si le fichier ne concernait pas seulement des données personnelles. Il pourrait notamment permettre de faire une veille sur les sites qui publient fréquemment ce type de contenus illicites.
Une disposition de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de 2004 devait permettre aux victimes de demander au juge des requêtes d'interdire l'accès à une adresse IP, mais cela coûte une fortune. Pour demander l'interdiction de l'accès à une adresse IP en France, il faut instaurer un débat judiciaire avec tous les opérateurs de télécommunication, et chacun d'eux demande ensuite à être remboursé des coûts que représente le blocage d'une adresse. Sauf quand le procureur de la République agit de lui-même, c'est la personne qui demande la mesure qui doit payer les opérateurs. Un particulier ne le fait pas.
L'existence d'un fichier permettrait à l'institution publique de surveiller les sites et d'ordonner elle-même, lorsqu'elle le juge utile, le blocage des accès. Malgré les techniques de contournement, cette mesure serait suffisamment efficace pour que toute une myriade de contenus illicites disparaisse.
Il faudrait aussi revoir les méthodes curatives. On nous oblige maintenant à passer par des procédures judiciaires contentieuses contradictoires pour demander des retraits de contenus : il faut assigner quelqu'un en justice et, même en référé d'heure à heure, cela implique un certain nombre de diligences. Les frais d'avocat, d'huissier et de constats représentent un budget pour nos clients, ce qui est contradictoire avec la loi de 2004. Celle-ci devait permettre d'obtenir un retrait assez facilement, sur requête et même par courrier.
La difficulté est que l'on s'adresse à des personnes qui sont en dehors du territoire et qui se fichent complètement des lois nationales. C'est là que l'on rejoint les préoccupations de la future loi sur le numérique, notamment celles qui concernent la gouvernance de l'internet. Comment faire respecter la loi française ? Le premier moyen est de donner des outils aux avocats afin de leur permettre, dans un maximum d'hypothèses possibles, de faire retirer les contenus.
Nous n'ignorons pas la problématique de la liberté d'expression et la nécessité d'un contrôle par le juge. La liberté d'expression concerne un avis donné sur quelqu'un. Dès lors que l'on est dans l'injure ou que l'on diffuse la photo de quelqu'un, on ne se situe plus dans le cadre de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. D'où l'utilité d'une législation spécifique qui nous permettrait de dire au juge : la loi spéciale déroge au droit commun. Il nous faut des mesures sur le droit à l'image, tant au pénal qu'au civil, pour que nous puissions dire que nous avons le droit de demander le retrait des contenus. Tant que l'on ne m'apporte pas la preuve qu'il y a un consentement, je dois avoir le droit de demander le retrait des contenus. Le retrait est tout aussi important que la peine et la réparation du préjudice.