Intervention de Général Pierre de Villiers

Réunion du 15 octobre 2015 à 15h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées (CEMA :

Monsieur Rouillard, vous m'avez interrogé sur le Liban. Comme vous, je pense que nous avons adopté la bonne stratégie en aidant les Forces armées libanaises (FAL) qui sont le principal pilier stable du pays. Notre coopération avec les Libanais est très ancienne et elle s'est renforcée au cours des derniers mois. Nous avons plus d'une dizaine de détachements d'instruction opérationnelle (DIO) dont ils sont très satisfaits. Après avoir eu une réunion avec eux, je peux témoigner que la capacité opérationnelle des FAL n'a rien à voir avec ce qu'elle était il y a cinq ans. Ils sont en guerre contre le terrorisme au quotidien puisqu'ils sont confrontés à Daech et à Jabhat al-Nosra (JAN) qui est l'incarnation d'Al-Qaïda, tous ces groupes ayant à peu près les mêmes modes d'action.

Pour l'avenir du pays, je crois qu'il faut aider au maximum les FAL, et surmonter les lenteurs administratives ou politiques actuelles pour que le contrat DONAS soit mis en oeuvre le plus vite possible. C'est ce qui nous permettra de maintenir le Liban dans l'état le plus stable possible. Rappelons que les réfugiés représentent un tiers de la population libanaise. C'est colossal, imaginez la même proportion de réfugiés en France ! Plus que jamais, il faut rester en contact avec ce pays et c'est pour cela que j'y suis allé. 850 soldats français y sont déployés, principalement dans la FINUL qui remplit sa mission de fort belle manière. Comme j'ai pu le constater avec le général Grintchenko, nous arrivons à contrôler la zone concernée sans qu'il y ait, pour le moment, des tensions supplémentaires.

Monsieur Fromion, nous n'avons jamais communiqué sur le nombre de blessés et de morts mais les citoyens français doivent avoir conscience que nous sommes en guerre. Je puis vous dire que les armées françaises sont organisées de manière assez exceptionnelle pour suivre chaque famille concernée. Leur style de commandement est axé sur les valeurs humaines. La réussite de nos armées tient notamment à cette caractéristique.

J'en profite pour saluer la performance de notre chaîne santé : la France et les États-Unis sont les deux seuls pays au monde à disposer d'une telle capacité d'intervention sanitaire. Les trois blessés au Nord-Mali ont été soignés par un infirmier, puis par un médecin – il y en a toujours un quand une force est engagée au contact – avant d'être évacués par hélicoptère jusqu'à Tessalit puis Gao et rapatriés à Paris. Le tout en moins de vingt-quatre heures. On peut le faire sur chaque théâtre d'opération. Tous nos soldats savent qu'ils peuvent bénéficier de ce système dès lors qu'ils sont engagés et que leur vie en dépend.

C'est la force de l'armée française. Depuis dix ans, je me suis beaucoup battu pour garder cette spécificité, menacée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) parce que, évidemment, pour un comptable, des médecins qui n'interviennent qu'une fois de temps en temps ne sont pas « rentables ». Mais ce service de santé exceptionnel, doté d'une compétence incroyable, sauve la vie de nos soldats. Au Nord-Mali, nos soldats combattent parfois les yeux dans les yeux avec les terroristes. Il y a quelques semaines à Percy, un adjudant-chef remarquable m'a dit : j'ai vu le regard du terroriste à un mètre cinquante.

Serait-il raisonnable d'envisager une intervention au sol en Syrie ? Non. En tout cas, je ne le conseillerai pas. En Syrie, il y a 1 500 groupes terroristes, les katibats, et la situation est extraordinairement complexe. Comment envoyer une force internationale au sol et pour y faire quoi ? Seul le temps permettra à la diplomatie et à la politique de faire leur oeuvre, pour qu'une solution raisonnable soit trouvée avec l'ensemble des protagonistes. Intervenir au sol aujourd'hui en Syrie me paraît à la fois inopportun et infaisable. Il ne faut pas tout confondre : se contenter de bombarder ne suffit pas, mais l'intervention sur le terrain doit être réalisée par des forces locales et régionales.

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