Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 20 décembre 2012 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Aucun facteur structurel ne permet, hélas, d'espérer une croissance de 2 % par an à partir de 2014.

Puisque vous n'atteindrez pas cet objectif de croissance, les problèmes de réformes structurelles telles que les retraites ou l'assurance-maladie ne vont pas se poser dans deux ans, mais ils se posent d'ores et déjà puisque le déficit est de 14 milliards d'euros.

J'ai été de ceux, dans l'opposition comme dans la majorité, qui ont dit la vérité, à savoir que cette réforme, que j'ai votée lorsque j'étais dans la majorité, était insuffisante. Elle a résolu à peu près la moitié du problème. Je l'ai dit, et M. le président de la commission des finances peut en témoigner : nous ne sommes pas allés assez loin. Ce n'est pas à 62 ans qu'il faut remonter, mais à 65 ans. Il faut le dire ! Cela ne fait pas plaisir, ce n'est pas par masochisme que je vous dis cela, mais si nous voulons maintenir des niveaux de revenus corrects pour nos retraités, il faut continuer à augmenter la durée de cotisation. D'ailleurs, regardez ce qui se passe ailleurs : même si les situations démographiques sont très différentes selon les pays, la tendance est partout la même.

Si vous ne voulez pas faire cela, vous allez continuer à faire baisser le pouvoir d'achat des retraités. Vous commencez d'ailleurs dès l'année prochaine, car en fait les retraites vont baisser de 0,3 % du fait de la cotisation supplémentaire que vont payer tous les retraités imposables, et comme vous ne revalorisez les retraites que de la valeur de l'inflation, le pouvoir d'achat va baisser.

Vous ne voulez pas affronter cette réalité. Il en va de même pour l'assurance maladie : il n'était pas nécessaire de changer de majorité pour faire passer l'augmentation de 0,1 à 0,2 point, à supposer que l'objectif soit tenu, comme nous avons à peu près su le faire. Mais derrière cette question se pose le problème de la réforme et la restructuration des hôpitaux. Vous y serez contraints et vous verrez, monsieur le ministre, que vous aurez alors tous vos amis sur le dos pour vous expliquer qu'il ne faut pas toucher à leur hôpital, mais à celui d'à-côté. C'est humain, c'est ainsi.

En surestimant la croissance, vous sous-estimez les efforts à faire. Si vous voulez mon sentiment, votre problème de fond est que vous n'avez pas de majorité sociologique dans ce pays pour vous soutenir, pour deux raisons : la composition de votre corps électoral, et celle de vos effectifs militants. N'oubliez jamais, chers collègues socialistes, que votre drame est que deux tiers de vos militants sont dans le secteur public. C'est une anomalie en Europe, et un énorme problème de la gauche française.

Réformer la France, c'est donc s'attaquer à votre corps de bataille. C'est d'ailleurs pour cela que vous n'avez jamais voulu vous attaquer aux régimes spéciaux. Je fais partie d'une famille politique qui répète depuis quinze ans qu'il faut mettre en extinction tous les régimes spéciaux. Vous ne pourrez pas le faire, c'est ainsi.

Voilà donc la première critique.

La deuxième critique concerne votre stratégie budgétaire. Réduire la dépense est la priorité des priorités. Vous prétendez qu'en 2013 vous réduisez la dépense de 10 milliards d'euros et augmentez la fiscalité de 20 milliards : c'est tout le contraire de ce qu'il y a dans ce projet de loi de programmation ! L'augmentation des recettes fiscales n'est pas de 20 milliards, mais de 28 milliards d'euros, lesquels pèseront pour moitié sur les entreprises et pour moitié sur les ménages. S'agissant de ces derniers, arrêtez de dire que ce sont les riches qui paient ! Je pourrais égrener les sept ou huit mesures qui touchent y compris les Français les plus modestes.

Je pense donc que vous commettez une énorme erreur : même votre présentation d'un effort de 10 milliards d'euros sur la dépense est erronée. Il n'y a pas 10 milliards d'économies ! Il faut raisonner de façon très simple : la dépense publique baisse-t-elle par rapport à la croissance potentielle de la richesse nationale ? Non, elle ne baisse pas ! En fait, les quelques économies que vous avez faites servent à éviter l'augmentation de la dépense en 2013. Si le taux de croissance n'est pas de 0,8 %, mais de 0,2 % ou 0,3 %, la dépense augmentera de nouveau. Les années suivantes, avec une croissance qui ne sera, hélas, pas de 2 % mais plus faible sur une moyenne période, la dépense publique augmentera de façon continue. De ce fait, vous allez tuer la compétitivité française, malgré tout ce que vous dites. Voilà l'un des drames de notre pays ; c'est la deuxième raison pour laquelle nous ne sommes pas d'accord avec votre projet de loi de programmation.

Il y a des chiffres qui ne trompent pas : la réduction de 1,5 point de PIB – soit 30 milliards d'euros – des déficits publics en 2013 est financée par une augmentation de 28 milliards d'euros des prélèvements obligatoires. Il n'y a pas de politique de réduction de la dépense publique !

Une autre critique, qui vous fait très mal, concerne votre incohérence dans la gestion de la fonction publique. Vous ne pouvez pas maintenir, pour ce qui concerne l'État, la masse salariale de la fonction publique en euros courants tout en maintenant les effectifs. Si vous voulez faire ces deux choses à la fois, vous devez baisser le pouvoir d'achat des fonctionnaires de l'ordre de 1,2 ou 1,3 point en moyenne chaque année. Si vous faites cela, vous paupériserez la fonction publique et vous démoraliserez les fonctionnaires. Au contraire, il faut admettre que le pays connaît de graves problèmes et baisser les effectifs,…

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