Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 27 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, en guise d’introduction, dans ce débat relatif au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, je voudrais insister sur le fait qu’il est plus que jamais nécessaire d’affirmer l’autonomie des universités.

En 2007, le Gouvernement avait décidé d’aller dans cette voie en faisant voter la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Hélas, le gouvernement actuel va dans le sens inverse. Il a ainsi décidé, par exemple, d’opérer des prélèvements sur les fonds de roulement de certaines universités, de surcroît les plus vertueuses – ce qui, vous en conviendrez, est une bien curieuse manière d’entrevoir l’autonomie. Sans compter que c’est un très mauvais signal que de pénaliser la vertu et la performance.

Pour que les universités et les établissements d’enseignement supérieur soient vraiment autonomes, il faut leur donner des moyens de lever des fonds, les inciter à capter les ressources de la formation professionnelle, faciliter le développement de partenariats avec les entreprises, aussi bien en matière de formation que de recherche. Et il faut que l’enseignement supérieur et la recherche soient véritablement considérés comme prioritaires, ce qui n’est, hélas, pas le cas, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement.

En effet, le Gouvernement a annoncé la mobilisation de 100 millions d’euros supplémentaires pour le budget 2016 – nous en parlerons à l’occasion de l’examen d’un amendement – et devrait renoncer, à l’avenir, à ponctionner les fonds de roulement des universités. Mais cette annonce est un trompe-l’oeil, d’autant que les plus grandes incertitudes continuent de peser sur l’exécution budgétaire 2015. Ainsi, à quoi cela sert-il d’annoncer des hausses budgétaires si, lors de l’exécution du budget, on procède à des annulations de crédits à hauteur de plusieurs millions d’euros ? J’appelle cela, au mieux une mauvaise stratégie de communication gouvernementale, au pire une gigantesque tromperie.

Les prélèvements sur les fonds de roulement des établissements ne doivent pas être banalisés. Il ne s’agit pas ici d’une mobilisation de 100 millions d’euros supplémentaires mais de la sauvegarde des fonds de roulement, qui sont à la fois une sécurité financière pour les établissements et, même si ce n’est pas leur fonction première, permettent des investissements.

Par ailleurs, le Gouvernement a mentionné les fonds de roulement des universités et non ceux des écoles. Or ces dernières, au même titre que les universités, ont besoin de leurs fonds de roulement pour exercer leurs missions et ne doivent pas être une variable d’ajustement voulue par Bercy.

Ainsi, la volonté de préserver les fonds attribués est louable mais clairement insuffisante, du fait des besoins mais également de l’augmentation du nombre d’étudiants. De plus, cela concerne uniquement le budget dit de fonctionnement, alors que des investissements sont nécessaires pour développer les missions et améliorer leur mise en oeuvre.

Un autre poids financier pèse sur l’enseignement supérieur et la recherche à plus long terme : le patrimoine immobilier des établissements, géré par les différents acteurs, est vieillissant. Certes, d’importants investissements ont été engagés dans le cadre de la mise en oeuvre du programme d’investissements d’avenir, mais il est indispensable que des investissements soient effectués dans les années à venir en direction du patrimoine immobilier de l’enseignement supérieur et de la recherche et que la réfection de ce patrimoine soit enfin anticipée, pilotée et priorisée.

Les solutions n’existent pas seulement à l’échelle nationale : un travail en vue de développer les capacités de financement propre de chaque établissement doit impérativement être conduit. Pour cela, il faut donner davantage de liberté aux établissements – ce qui est tout le contraire de ce que vous semblez faire.

Différents leviers sont déjà à notre disposition et doivent être encouragés. La formation tout au long de la vie, l’apprentissage, les fondations – notamment partenariales –, les réseaux d’anciens, ou encore les partenariats avec le privé constituent de nombreuses sources de financement propre et répondent aux besoins de formation et d’insertion professionnelle des étudiants.

Par ailleurs, je veux insister sur les conséquences financières potentielles de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur. Cette stratégie, qui sera discutée dans les prochains mois, demandera beaucoup plus d’investissements que ceux qui seront dégagés par les leviers financiers qu’elle propose.

Enfin, le Gouvernement nous annonce depuis plus d’un an que le modèle d’allocation qui répartit les moyens en fonction de l’activité et de la performance des établissements d’enseignement supérieur va être revu. Nous n’avons toujours pas de précisions, pourtant promises par votre prédécesseur, sur les orientations retenues.

Vous l’aurez compris : aujourd’hui, l’enseignement supérieur a besoin que le Gouvernement traduise ses promesses budgétaires en actes. Ce n’est pas le cas, raison pour laquelle le groupe Les Républicains ne votera pas ce budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion