Intervention de Gaby Charroux

Séance en hémicycle du 20 décembre 2012 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaby Charroux :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, à l'heure où nous achevons l'examen du présent projet de loi de programmation des finances publiques, il n'est pas inutile de rappeler que les lois de programmation ont vocation à mettre en exergue les choix clefs en matière de politique économique. Avec l'adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire et de la loi organique sur la gouvernance des finances publiques, le Gouvernement a fait le choix de donner la priorité à la réduction des déficits.

Nous ne croyons pas, pour notre part – nous l'avons dit à plusieurs reprises –, que la réduction des déficits soit le meilleur moyen de réduire la dette. La politique d'austérité qui nous est proposée n'aura de fait, nous le craignons, que peu d'incidences. Au terme de cinq années d'effort, de coupes drastiques dans les dépenses publiques, la dette publique de notre pays sera ramenée à environ 80 % du PIB ; elle sera donc encore de 20 % supérieure au seuil de déclenchement des procédures pour déficits excessifs. Il faut nous rendre à l'évidence : le meilleur moyen de réduire les déficits, c'est encore la croissance.

Nous ne nions pas qu'après dix ans de politique de droite et de gestion calamiteuse des deniers publics, il était impératif de redresser la barre, de remettre notre système fiscal sur pied, de combattre la fraude, de s'attaquer à l'épineux dossier de la taxation du capital, qui a capté ces trente dernières années une part sans cesse croissante de la richesse produite. Nous avons soutenu sans ambiguïté l'ensemble des propositions que le Gouvernement a faites en ce sens, que ce soit la suppression ou le plafonnement de niches fiscales, le rétablissement de l'ISF, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, et nous continuerons de soutenir tout ce qui va dans le sens d'une plus grande justice fiscale, du soutien au pouvoir d'achat des ménages modestes et moyens, de la lutte contre l'évasion et la fraude.

Si nous ne nous satisfaisons pas de cette loi de programmation des finances publiques, c'est parce qu'elle s'inscrit dans une logique d'austérité que nous jugeons dangereuse. Elle programme la stagnation des effectifs de la fonction publique, le gel des investissements et la baisse des crédits, notamment en matière de logement, de politique de la ville et d'action sociale. Quant aux collectivités locales, cette loi les condamne à contraindre toujours plus leurs dépenses, avec une baisse drastique de leurs dotations dès l'année prochaine. Il y a plus que jamais urgence à engager une réforme, pour ne pas dire une refonte du financement des collectivités. De même, alors que les établissements hospitaliers du pays n'ont plus les moyens de répondre aux attentes de leurs patients, que les personnes âgées dépendantes ne peuvent être correctement prises en charge, la loi de programmation organise le quasi-gel des dépenses de santé et de sécurité sociale.

C'est bel et bien parce que nous estimons que la gauche doit porter une autre politique et changer de braquet, en répondant aux attentes sociales, que nous ne pouvons vous suivre dans cette voie. L'exigence est aujourd'hui de faire des salaires et de l'emploi, de la croissance et de la transition écologique les grandes priorités. Cela suppose d'actionner d'autres leviers : réhabiliter l'impôt en permettant à nos concitoyens d'en voir les fruits dans les dépenses publiques utiles, développer l'investissement public et privé avec l'appui d'un pôle financier public, moduler l'imposition des entreprises en fonction de l'usage qu'elles font de leurs bénéfices.

L'alternative, c'est de donner enfin à l'État et aux collectivités les moyens de faire face à leurs missions au service et dans l'intérêt de tous. Nous formulons depuis des mois, sans être toujours entendus, des propositions alternatives qui pourraient faire consensus à gauche, qu'il s'agisse de la modulation de l'imposition des entreprises, de la création d'un pôle financier public, esquissée avec la création de la Banque publique d'investissement, de l'augmentation des salaires et des retraites, afin de soutenir la demande qui seule, pour l'instant, nous évite un nouveau repli économique.

Enfin, comment ne pas souligner le risque que nous manquions le rendez-vous de la réforme bancaire, alors que la séparation stricte des activités est un outil incontournable si nous souhaitons que les banques fassent de nouveau leur métier, fût-il « terriblement ennuyeux », pour paraphraser Keynes ?

Dans l'attente de changements plus en profondeur, que tant de nos concitoyens appellent de leurs voeux, les députés du Front de gauche voteront contre le présent projet de loi de programmation, pour des raisons, on l'aura compris, radicalement différentes de celles exprimées à droite.

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