Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du 20 décembre 2012 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, cette première loi de programmation des finances publiques définit le cadre budgétaire et les axes stratégiques du quinquennat. Nous savons que cette période sera à la fois déterminante pour l'avenir de notre économie et relativement courte pour impulser un changement de modèle de développement.

Si nous partageons, monsieur le ministre, votre volonté de réduire l'endettement, nous souhaitons en revanche souligner les risques inhérents au rythme rapide de réduction des déficits que vous avez adopté. En effet, ce projet de loi de programmation fixe l'obligation de parvenir à un déficit de 3 % dès 2013 et à un équilibre structurel en 2016. Ce rythme compromet notre capacité à investir dans l'avenir et à impulser les efforts nécessaires à la préparation de l'économie et de l'industrie de demain, une économie et une industrie qui devront être à la fois sobres en énergie et riches en emplois.

Ce rythme semble d'autant plus difficilement tenable que les prévisions de croissance sur lesquelles il s'appuie nous semblent, malgré les interventions que j'ai entendues dans cet hémicycle, encore trop optimistes. En effet, la loi de programmation repose sur des prévisions de croissance de 0,8 % en 2013 et 2 % à partir de 2014 alors que, selon l'INSEE, le PIB sera déjà amputé de 0,8 point cette année du fait des mesures budgétaires. Un tel rythme impose 60 milliards d'économies en cinq ans, dont 10 milliards pour financer le crédit d'impôt compétitivité. Avec les 24,4 milliards de hausse de prélèvements obligatoires que vous annoncez pour 2013, c'est donc une modification profonde de la fiscalité qui est mise en oeuvre ; et pourtant, à ce stade, la transition écologique n'est pas au coeur de cette réforme fiscale. L'annonce de 3 milliards d'euros de fiscalité écologique en 2016 est un point positif, plus encore le comité permanent mis en place par Delphine Batho sur le sujet, mais les enjeux environnementaux auxquels nous devons faire face sont importants et nous aimerions qu'ils ne soient pas soulignés que par le seul groupe écologiste. C'est en effet le mode de vie, le mode de production et de consommation des générations actuelles et futures, qu'il faut faire évoluer pour faire face à l'épuisement des ressources que nous constatons déjà, et cela ne doit pas concerner seulement notre groupe politique !

Pourtant, vous prévoyez pour la mission « Écologie, développement et aménagement durable » l'une des plus fortes baisses entre 2012 et 2015 : moins 11,5 %. L'écologie aurait dû faire partie des priorités, au même titre que celles que vous avez définies et que nous approuvons : la jeunesse, l'emploi, la sécurité et la justice. Si, pour les années à venir, les crédits de nombre de missions sont gelés ou diminués, ceux alloués à ces missions prioritaires augmentent, et de façon significative. Ces augmentations sont salutaires car ces missions ont été trop longtemps délaissées par les gouvernements précédents. Ainsi, en trois ans, les crédits de la jeunesse augmenteront de 14,3 %, ceux de la justice de 4,9 %, ceux de l'enseignement scolaire de 2,6 % et ceux de la solidarité de 9,6 %. De même, les crédits dévolus à la sécurité bénéficieront d'une hausse de 3,3 %. Mais nous aurions souhaité pouvoir ajouter à cette liste ceux de la mission consacrée à l'écologie.

Enfin, nous nous félicitons de l'abandon de la RGPP. L'évaluation de chacune des politiques publiques sur l'ensemble du quinquennat permettra en effet de les rendre plus efficientes tout en restant attentif à la préservation du service rendu à nos concitoyens, évitant ainsi le sabrage généralisé, sans évaluation et aveugle du quinquennat précédent, qui a mené à la dégradation des services publics que nous constatons aujourd'hui.

Si nous partageons les axes stratégiques de cette loi de programmation que sont la réduction des déficits et la définition de priorités budgétaires, notre groupe se doit de vous faire part de son inquiétude quant au rythme que vous proposez car nous craignons qu'il n'ait des conséquences négatives sur l'activité économique. Ce n'est pas qu'un pays seul prenne des mesures conjoncturelles de réduction des déficits, comme l'Allemagne il y a quelques années, qui pose problème, c'est la conjonction des politiques d'austérité en Europe car elle risque de plonger l'ensemble de nos pays dans une crise durable. Nous vous avions alerté sur ce point lors du débat sur le TSCG et nous sommes inquiets de voir que les prévisions de recul du PIB en Allemagne pour le dernier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013, en lien avec la baisse des exportations et de la demande européenne, semblent malheureusement confirmer nos inquiétudes.

Enfin, nous espérons que l'écologie retrouvera sa place dans la politique budgétaire et fiscale de la France. La conférence environnementale, le groupe de travail sur la fiscalité écologique, la priorité donnée à la rénovation thermique ainsi que les déclarations du rapporteur général à l'instant nous paraissent aller dans le bon sens.

En conclusion, je tiens à remercier le rapporteur général, le président de la commission et le ministre du budget pour leur patience et leur précision dans l'animation de ces débats, et vous faire part, mes chers collègues, monsieur le ministre, d'un regret et d'un espoir. Un regret : qu'il n'ait pas été possible de prendre plus en compte à ce stade les propositions du groupe écologiste, et d'ailleurs aussi des autres groupes de la majorité ; un espoir, celui que nous puissions travailler ensemble sur les projets de loi de finances suivants. Monsieur le ministre, vous parlez du « groupe majoritaire », j'aimerais que nous conjuguions ensemble ces mots au pluriel.

À mon tour, je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d'année. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

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