Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce budget de l’enseignement scolaire prolonge avec cohérence la refondation de l’école et prépare les réformes à venir en 2016.

Il est encore en hausse – ce qui, dans le contexte actuel, peut être salué – car il s’agit là d’un secteur clé pour l’avenir de notre société. Comme je l’ai dit la semaine dernière en commission élargie, investir pour notre jeunesse, c’est se donner les moyens de construire les contours d’une société plus égalitaire, où chacun dispose des mêmes droits et des mêmes chances de réussite. Or notre système éducatif est reconnu pour être élitiste et aggraver les inégalités. C’est en France que les performances scolaires sont le plus liées à l’origine sociale. Nul doute aujourd’hui que la lutte contre les inégalités doit être une priorité, et que l’éducation nationale a un rôle majeur à jouer dans ce sens.

La plupart des mesures prises depuis 2012 témoignent d’ailleurs de cette ambition, à commencer, évidemment, par la loi sur la refondation de l’école, qui a redonné la priorité au primaire et restauré la formation des enseignants. Je pense aussi à la scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans, à la volonté de renforcer les dispositifs d’éducation prioritaire, à la réforme des rythmes scolaires, qui se veut être un levier de démocratisation d’accès à la culture et au sport, ou encore à la réforme du collège.

Mais il faut aller encore plus loin. L’école doit être en mesure de s’adapter aux besoins de chaque élève en difficulté, que celle-ci soit durable ou non, et quelle qu’en soit la nature. Elle doit prendre en compte les enfants en situation de handicap, précoces ou « dys », les enfants connaissant des difficultés d’ordre familial ou social et les enfants allophones nouvellement arrivés en France ou issus de familles itinérantes et de voyageurs. La mission d’inclusion confiée à l’école de la République doit désormais s’inscrire dans la réalité et nécessite, de ce fait, un effort budgétaire plus important.

S’agissant, tout d’abord, de la formation des enseignants, si la hausse des crédits est une bonne chose, elle est néanmoins sans commune mesure avec celle des années précédentes, alors que c’est par le biais de la formation initiale et continue que les différentes réformes engagées depuis le début de la législature prendront vie. D’où la nécessité d’en faire de véritables priorités budgétaires. Pour permettre de nouvelles coopérations et dépasser les cloisonnements existants, les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation doivent également mieux s’ouvrir à l’ensemble des acteurs oeuvrant dans le champ de l’éducation.

La question de la place du concours doit aussi être reposée. Dans le format actuel, le Master 1 s’apparente en effet à une année de bachotage. D’où le besoin de déplacer le concours en fin de Licence 3, afin que les étudiants bénéficient réellement de deux années de formation. Cette évolution permettrait sans doute de mieux former les futurs enseignants aux enjeux de l’inclusion, qui demeure le parent pauvre de la formation, alors que la démarche d’inclusion nécessiterait justement d’être au centre de leur métier. Ces réflexions doivent aussi être articulées avec la mise en place d’un vrai et large prérecrutement.

Si je suis très heureuse que l’académie d’Amiens accueille le nouveau dispositif des apprentis professeurs, je regrette néanmoins qu’il concerne moins d’étudiants que les emplois d’avenir professeur qui ont disparu à la rentrée. Nous devons veiller à ne pas réduire notre ambition en matière de démocratisation des métiers enseignants. Par ailleurs, il convient de mieux valoriser les innovations pédagogiques et la diffusion des bonnes pratiques. Bien souvent, des petits riens pédagogiques peuvent remettre l’élève dans le train des apprentissages. C’est pourquoi il faut trouver les moyens d’encourager la mise en place de projets pédagogiques innovants dans chaque établissement.

Sur la question des effectifs, je salue bien évidemment les créations de postes, le dispositif « Plus de maîtres que de classes », qui est pour moi un premier pas vers la coéducation, ou la plus grande professionnalisation des accompagnants. Mais il faut pérenniser au moins 75 000 postes d’AESH, remettre complètement sur pied les effectifs du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – et remédier à la pénurie de médecins scolaires.

Concernant l’internalisation des unités d’enseignement en milieu ordinaire et la transformation des classes pour l’inclusion scolaire – CLIS – en unités localisées pour l’inclusion scolaire – ULIS, je réitère ici tout mon soutien à cette dynamique. Plus les cloisonnements s’estomperont, plus l’inclusion s’affirmera comme une norme. Mais le manque de places demeure criant et les réponses budgétaires paraissent encore insuffisantes.

Enfin, la démarche d’inclusion doit se retrouver à tous les niveaux : scolaire, périscolaire et extrascolaire. Or il reste encore fort à faire pour affirmer ce continuum. L’accessibilité des activités périscolaires aux élèves en situation de handicap demeure une réelle préoccupation, malgré les efforts qui ont été faits dans ce sens. En outre, la question de l’équité territoriale se pose, puisqu’elle dépend de la capacité des collectivités à proposer des activités périscolaires gratuites et de qualité, pour toutes et tous. D’où mon inquiétude face à la diminution du budget alloué aux « actions éducatives complémentaires aux enseignements », qui contribue à la mise en place des projets éducatifs de territoire.

Pour conclure, si nous voterons évidemment les crédits de la mission « Enseignement scolaire », qui vont dans le bon sens, je ne doute pas que vous saurez, madame la ministre, être attentive aux questions que j’ai soulevées, car – nous sommes tous d’accord là-dessus – rendre l’école inclusive, c’est investir pour l’avenir.

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