Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, pardonnez-moi si je ne partage pas l’enthousiasme du Gouvernement ni de plusieurs des orateurs qui se sont exprimés avant moi sur votre politique éducative, madame la ministre. Le déploiement de moyens supplémentaires ne signifie pas – ce serait si simple – que l’école soit en mesure d’assurer la réussite de tous les élèves et de répondre aux attentes des familles et des enseignants. La Cour des comptes l’a souligné avant moi et de manière cruelle dans son rapport de 2013 : je n’y reviendrai pas.

La vérité – c’est le drame de notre société – est que, depuis 2002, le poids de l’origine sociale sur les performances des élèves de 15 ans a augmenté de 33 %. L’enquête Pisa, publiée en décembre 2013, montre que la France est le pays européen le plus affecté par le déterminisme social. Le poids de l’origine sociale sur les performances des élèves est ainsi plus fort en France que dans tous les pays de l’OCDE : il est 1,7 fois plus élevé qu’en Finlande, 1,4 fois qu’au Royaume-Uni et 1,3 fois qu’en Allemagne. Certes, me direz-vous, ce n’est pas l’actuel gouvernement qui est responsable de ces mauvais résultats : ce sont la gauche et la droite réunies ces trente dernières années. Tel est notre bilan en matière de politique éducative.

J’ai entendu les propos, affligeants d’ailleurs, de certains de mes collègues, selon lesquels tout était sombre auparavant et tout est rose désormais. Nous serions ainsi passés de l’ombre à la lumière, comme l’a prétendu un de vos illustres prédécesseurs d’un gouvernement socialiste. J’espère que vous n’y croyez pas. Où sont aujourd’hui les Péguy, fils de rempailleuse de chaises, les Camus, fils d’ouvrier agricole ? Où est notre ascenseur éducatif ? Où est notre ascenseur social ? Ils se sont perdus dans les méandres de nos oppositions et, parfois, de nos combats politiciens.

Je le regrette, car dans la loi pour la refondation de l’école de la République, contre laquelle notre groupe a voté, des points pouvaient être considérés comme positifs, notamment le rétablissement de la formation initiale. Si des postes étaient nécessaires, c’est bien là qu’il fallait les créer. Je pense également au dispositif « Plus de maîtres que de classes », qui a sa pertinence dans certains territoires et à l’égard de certains publics. Je pense encore à la scolarisation dès le plus jeune âge qui peut, elle aussi, avoir son intérêt dans certains territoires. Je pense évidemment aux efforts budgétaires en direction de l’accueil des enfants en situation de handicap. Ce n’est que justice. Je pense enfin à certains investissements, notamment ceux effectués en Nouvelle-Calédonie, où deux lycées sont construits par l’État, l’un en province Sud et l’autre en province Nord, qui contribueront à la nécessaire modernisation de notre système éducatif.

Pourtant, au-delà de ces points positifs que, par honnêteté intellectuelle, j’ai souhaité souligner, il nous faut mener une réforme plus fondamentale afin de repenser sans a priori l’offre éducative, de revoir les modalités de recrutement et d’affectation des enseignants – je pense de nouveau aux pages cruelles de la Cour des comptes sur le sujet –, de placer les familles au coeur des parcours éducatifs et de renforcer l’attrait de la profession. Les enseignants français sont en effet, hélas, beaucoup moins bien payés qu’un grand nombre de leurs homologues européens.

Quant à la réforme des rythmes scolaires, de laquelle il faut dire un mot, elle est intervenue d’en haut comme si, du jour au lendemain, elle pouvait être mise en oeuvre sans difficulté et que tout se passait dans le meilleur des mondes. Or, depuis trois ans, c’est surtout un parcours du combattant et je suis heureux de voir que les aides accordées aux communes sont définitivement pérennisées, mesure qui n’était pas envisagée à l’origine.

Le discours sur les programmes a évolué, s’agissant notamment du retour aux fondamentaux, comme la dictée, même si chacun, sur le sujet, a entendu ce qu’il avait envie d’entendre. Hélas, de nombreux points ne sont toujours pas recevables. Il en est ainsi de votre volonté de supprimer à tout prix des dispositifs qui fonctionnent bien, comme les classes européennes, les classes bilangues ou encore les options classiques, ce qui constitue un nivellement par le bas que nous ne pouvons que déplorer.

À l’UDI, nous considérons qu’il est essentiel de permettre à tous les élèves de savoir lire, écrire et compter correctement à la fin du collège. Cela a l’air suranné alors que cela n’a jamais été aussi fondamental. Il est également essentiel d’essayer de mettre un terme à la réalité du décrochage scolaire ainsi qu’aux inégalités de notre système et de renforcer, dans une nation qui a tendance parfois à se fracturer, l’apprentissage de la citoyenneté par tous les collégiens. Tels sont les enjeux de demain.

L’école est un sujet qui devrait nous rassembler. Ce n’était pas le cas auparavant et ce n’est toujours pas le cas actuellement. Elle demeure un sujet clivant. Je crois sincèrement que la refondation de l’école républicaine reste à inventer. Par conséquent, nous voterons contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire. »

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