Intervention de Éric Woerth

Réunion du 26 octobre 2015 à 17h00
Commission élargie : finances - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, sur les crédits du tourisme :

Aujourd'hui, 1 milliard de touristes voyagent à travers la planète ; ils seront près de 2 milliards dans une vingtaine d'années. Si la France réussit à capter ne serait-ce que 5 % de leur croissance mondiale, le nombre de visiteurs étrangers dans notre pays devrait donc dépasser les 100 millions en 2020. C'est votre objectif, monsieur le ministre, et nous le partageons. Le tourisme, dites-vous, est un trésor national. Même l'opposition peut constater objectivement que vous avez pris de nombreuses mesures pour l'enrichir en captant une partie significative de cette augmentation des flux.

Pourtant, en termes de dynamique, les États-Unis, l'Espagne et la Chine progressent plus vite que la France, et les revenus issus du tourisme y sont plus importants. Selon l'Organisation mondiale du tourisme, parmi les dix premières destinations touristiques mondiales, c'est en France que la croissance des arrivées de touristes étrangers a été la plus faible. Il faut donc redoubler d'efforts dans ce secteur très important.

Je prends acte de votre politique, et je reconnais que la sous-direction du tourisme du ministère de l'économie s'efforce, avec peu de crédits, de financer des actions structurantes, mais le financement même du tourisme en France mériterait d'être revu en profondeur. Les articulations entre les différents niveaux de financement, les articulations entre le privé et le public ne sont pas à la hauteur.

Les crédits de l'action « Développement international-Tourisme » de votre ministère sont consacrés à Atout France. La subvention pour charge de service public attribuée à cet opérateur pour l'année 2016 s'élève à 29,76 millions d'euros, en baisse de 0,6 million d'euros par rapport à 2015. Elle est complétée par un transfert interne au programme, correspondant au remboursement de la masse salariale des trente-cinq agents mis à disposition par la direction générale des entreprises du ministère de l'économie, pour un montant de 3,6 millions d'euros. Le montant total du financement de l'action dédié à Atout France s'élève à 33,35 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour 2016. Entre 2010 et 2016, la subvention pour charge de service public de cet opérateur a baissé de 6,2 millions d'euros, soit plus de 16 %. Par ailleurs, les crédits de paiement prévus à l'action « Développement du tourisme » de la mission « Économie » s'élèvent à 3,9 millions d'euros, contre 4,9 millions d'euros en 2015. Ceux spécifiquement consacrés au développement des politiques touristiques diminuent d'ailleurs de 19 %, dont l'essentiel finance les études statistiques nécessaires.

Mes premières questions porteront donc sur Atout France. Son dispositif de financement est à bout de souffle. La volonté de réduire les dépenses n'est pas en cause – elle est bien naturelle –, mais il s'agit de bien identifier les économies prioritaires. Parallèlement à la diminution de la subvention pour charge de service public, les contributions des collectivités locales, des comités régionaux de tourisme ont également baissé, de près de 5 millions d'euros, entre 2011 et 2014. Atout France a connu quatre exercices budgétaires déficitaires. Vous avez versé à l'opérateur une fraction des nouvelles recettes sur les visas de tourisme, à hauteur de 1 million d'euros en 2015, mais confirmez-vous le versement de 5 millions d'euros prélevés sur ces mêmes recettes pour 2016 ? Les fonds en question sont-ils notifiés suffisamment tôt dans l'année à Atout France pour être pleinement opérationnels et ciblés sur des actions de promotion ? Quid, également, des partenaires privés, dont on ne parle pas beaucoup ? Comment comptez-vous renforcer cet opérateur à moins court terme ? Et quelles sont les conclusions de l'étude que vous avez commandée à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires étrangères ? Bref, quelles évolutions envisagez-vous pour Atout France ?

Mes questions suivantes porteront sur la réforme de la taxe de séjour, dont je salue l'entrée en vigueur. Elle reprend en partie les préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle sur la fiscalité des hébergements touristiques, dont j'avais suscité la création et dont j'étais co-rapporteur. Airbnb a annoncé, le 1er octobre dernier, le lancement du processus de collecte de la taxe de séjour à Paris, mais, comme d'autres, je m'interroge.

Le modèle d'Airbnb a l'air d'être détourné. Comment comptez-vous donc lutter contre les excès dénoncés ces derniers jours, qui soumettent les hôtels classiques à une concurrence directe ? Pensez-vous que les autres opérateurs se mettront, à la suite d'Airbnb, également à la collecte de la taxe de séjour, à Paris puis dans les autres villes ?

J'en viens à la création du site France.fr. Vous avez fait le choix d'un portail. C'est un bon choix, mais comment ce portail s'articulera-t-il avec le site lebonguide.fr, dont vous avez également salué la création, par un acteur privé, et que vous avez inauguré au mois de juin dernier ? Et comment l'associer correctement à Atout France ? Quels moyens financiers pourront être dédiés à ce site unique france.fr ? Sera-t-il à la hauteur de nos ambitions ?

Enfin, comment envisagez-vous la question de la gouvernance et de la cohérence à assurer entre les collectivités locales et l'État ? La loi NOTRe, de ce point de vue, est un échec, puisque rien ne change : toutes les collectivités restent compétentes en matière de tourisme. Quelles évolutions faudrait-il envisager, selon vous, monsieur le ministre, pour parvenir à une répartition idéale des compétences entre les différents niveaux ? Avoir raté la loi NOTRe sur ce sujet me semble tout à fait préoccupant. Le tourisme n'était pas un sujet majeur, et il était très facile de parvenir à une organisation s'appuyant, d'une part, sur les offices du tourisme à vocation locale et, d'autre part, les conseils régionaux agrandis, avec des comités régionaux plus puissants.

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