À première vue, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » progressent significativement en 2016 : avec 240 millions d'euros de plus qu'en loi de finances initiale pour 2015, ils augmentent de plus de 8 %. Cependant, cette progression s'explique en totalité par deux postes de dépenses, l'un, ponctuel, concernant l'organisation de la COP21, l'autre, imposé, consacré à nos contributions aux organisations internationales et au financement des opérations onusiennes de maintien de la paix. L'augmentation de cette enveloppe, de près de 150 millions d'euros cette année, vise à couvrir l'effet de change défavorable à l'euro par rapport au dollar depuis la mi-2014 – une large part de ces contributions doit effectivement être payée en dollars, parfois en francs suisses.
S'agissant de l'effet de change, nous disposons, pour payer les contributions internationales, d'un mécanisme de couverture qui permet l'achat anticipé de dollars lorsque le taux de change est plus avantageux pour nos finances publiques que le taux utilisé pour construire le budget, dit taux de budgétisation. Comment faire lorsque nous sommes dans la situation inverse, comme cette année, sans avoir à ouvrir des crédits en loi de finances rectificative, pour des dépenses de toute façon obligatoires et dont l'évolution est exogène ? Je sais qu'une réflexion est en cours ; pouvez-vous, aujourd'hui, nous en dire davantage ?
Hors COP21 et ajustement des contributions internationales, le budget de la mission « Action extérieure de l'État » est juste reconduit. Il parvient cependant à financer quelques priorités, notamment la mise en sécurité de nos missions diplomatiques, malheureusement nécessaire. En la matière, un effort très important est fourni depuis plusieurs années, et les crédits augmenteront encore en 2016. D'où la nécessité de rechercher des économies en contrepartie.
Il est évidemment normal que le ministère des affaires étrangères prenne sa part de l'effort de maîtrise du budget de l'État. Je m'inquiète néanmoins sincèrement de la réduction de près de 15 % des moyens consacrés à la coopération de sécurité et de défense, qui finance en particulier des formations pour les cadres militaires et sécuritaires étrangers. Ces actions participent tout à la fois d'une politique d'influence – car des cadres que la France aura formés feront souvent appel à elle ultérieurement, y compris pour des marchés – et d'une politique de stabilité des pays concernés, des pays amis, qui est bénéfique à notre sécurité. Les forces militaires et de sécurité de ces pays doivent être bien armées et bien commandées si nous voulons éviter d'avoir à intervenir pour pallier leurs défaillances, comme ce fut le cas au Mali, ou de les voir chercher à renverser le pouvoir légitime, comme récemment au Burkina Faso.
En ces temps de terrorisme, la demande de coopération et de sécurité risque malheureusement d'être croissante. J'ai pu le constater en Tunisie, où je me suis rendu. Nous devons évidemment aider ce pays confronté à d'énormes défis, avec lequel nous entretenons des liens intenses et qui a réussi une transition démocratique remarquable, récompensée par l'attribution du Prix Nobel de la paix au dialogue national. Comme l'atteste le quadruplement de notre coopération militaire, annoncé le 5 octobre dernier par le ministre Jean-Yves Le Drian, la France est bien présente aux côtés de la Tunisie, en complémentarité mais non moins concurrence – ne nous le cachons pas – avec d'autres grands pays européens et les États-Unis. Manifestement, nous savons encore renforcer les moyens de notre coopération quand il le faut. Je sais que la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères n'est pas la seule ligne budgétaire susceptible de porter ces actions mais, à force de réduire les moyens, ne risquons-nous pas, à terme, de ne plus être en mesure de répondre aux besoins des pays amis ?
J'en viens à la politique immobilière du ministère. Je salue la re-budgétarisation, en 2016, des dépenses d'entretien immobilier à l'étranger, qui sera poursuivie en 2017. Il était vraiment anormal qu'elles soient financées par les produits des cessions immobilières. Toutefois, l'enveloppe prévue est manifestement insuffisante : moins de 15 millions d'euros pour un patrimoine de plus de 4 milliards d'euros ! Nous le vérifions d'ailleurs nous-mêmes souvent lorsque nous nous rendons dans nos ambassades et nos résidences, dont nombre sont pourtant des lieux d'exception qu'il nous faut préserver.
Le programme de cessions immobilières à l'étranger reste, par ailleurs, considérable : plus de 300 millions d'euros en 2015, près de 80 millions d'euros en 2016, 200 millions d'euros en 2017. La part de ce pactole qui échappe au ministère pour contribuer au désendettement de l'État est particulièrement élevée. En 2016, elle représente 100 millions d'euros, si bien que, si j'en crois les documents budgétaires, le Quai d'Orsay fournira à lui seul les deux tiers de l'effort total de 155 millions d'euros demandé à l'ensemble des ministères sur leur immobilier. Jusqu'où, monsieur le ministre, pourrons-nous continuer une politique de cession aussi active ? Comment seront financées les nécessaires opérations immobilières quand le rythme de ces cessions ralentira ? Et avons-nous une doctrine claire en matière immobilière ?