Nous n'avons pas la même lecture des chiffres, monsieur le ministre. En matière d'éducation, le constat est clairement préoccupant et il y a tout lieu de sonner l'alarme.
Nous pouvons tous être fiers de notre réseau éducatif à l'étranger, qui suit des familles françaises de plus en plus mobiles à l'international et accueille des élèves de nationalité étrangère dans 136 pays. Permettez-moi toutefois de résumer la situation en trois chiffres : en quatre ans, le nombre d'élèves a augmenté de 9 %, les moyens de l'AEFE ont diminué de 7,5 % et les bourses ont perdu 8 %, la baisse étant plus accusée cette année. En clair, par élève, cela revient à moins 10 %.
On peut toujours m'expliquer, comme l'a fait Pascal Terrasse avec talent, que les critères ont été modifiés. Mais on sait bien ce qui se passe quand le nombre de convives augmente tandis que le gâteau diminue. Voici ce que je constate et que constatent les expatriés : l'éducation est une priorité de votre gouvernement, et on peut s'en féliciter, mais en France seulement ; à l'étranger, c'est exactement l'inverse.
Un parent d'élève de Hong Kong me l'a dit, et cela vaut pour nombre de nos expatriés : pour leurs gosses, l'éducation est le seul lien avec la France puisqu'ils n'ont pas les moyens de rentrer. Contrairement à une image répandue, en effet, et mes collègues peuvent en témoigner, les expatriés se paupérisent. Les contrats d'« expats » avec leur package se raréfient au profit des contrats locaux, parfois au salaire local, chinois par exemple.
J'étais vendredi à Bangkok ; sur les dix-huit rendez-vous que j'avais, quatre avaient trait aux bourses, dont trois avec des parents qui avaient l'intention de retirer leurs gosses du système français. Car, à cause de la baisse des moyens, la prise en charge dont bénéficient ces familles est passée de 100 % à 80 %. Ce n'est pas grand-chose, me direz-vous, mais la scolarité dans un établissement français coûte 13 000 à 14 000 euros. Quand vous avez trois gosses, vous vous retrouvez d'un coup avec plus de 7 000 euros à charge. Avec un salaire local, vous ne pouvez pas les payer.
Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que les moyens sont identiques : c'est faux, ou alors on vous a trompé ! Les moyens de l'AEFE ont baissé, vous le savez : moins 14,6 millions cette année, moins 8 millions l'année dernière, moins 9 millions l'année précédente. La qualité reste la même, dites-vous. Je veux bien que l'on ait fait des efforts et que les personnels de l'AEFE soient remarquables, mais vient un moment où le service ne peut qu'être touché. C'est, par exemple, le cas des aides aux établissements nouveaux. Pour ne parler que de ma circonscription, les aides destinées aux établissements de Shanghai ou de Séoul sont en diminution, ce qui va rejaillir sur les frais de scolarité. De ce fait, des Français ne pourront plus aller à l'école française.
Vous me rétorquerez que les bourses n'ont jamais été aussi élevées, et vous aurez raison. Mais vous savez parfaitement que l'aide à la scolarité, elle, n'a jamais été aussi faible. Les chiffres sont très clairs : en 2012, 95 millions d'euros pour les bourses, 30 millions pour l'aide à la scolarité, c'est-à-dire la prise en charge en seconde, première et terminale, soit 125 millions d'euros en tout. François Hollande s'était engagé à Londres à ce que la prise en charge des frais de scolarité au lycée soit supprimée et l'enveloppe réaffectée aux bourses. On y est enfin parvenu, au bout de trois ans ; mais, aujourd'hui, vous procédez de nouveau à une baisse.
On voit que les élèves scolarisés à l'étranger ne font pas partie de vos priorités. De fait, un nombre croissant d'élèves va sortir du réseau français.
Au sujet des vingt-trois postes qui vont être réduits dans le cadre du redéploiement diplomatique, je ne vous demande qu'une chose, monsieur le ministre : ne vous contentez pas de mettre un cadre C derrière l'ambassadeur, sinon l'ambassade devra fermer en l'absence de ce dernier. Si vraiment il doit n'y avoir que deux personnes, ce que je regrette, nommez au moins un A et un B, pour que nos postes fonctionnent en permanence.
Par ailleurs, je suis un peu inquiet : vous avez dit que vous étiez d'accord avec Pascal Terrasse, qui vous demandait si le ministère envisageait de supprimer la délivrance des actes notariés et d'état-civil dans les consulats. Est-ce la position du ministère, ou cela ne concerne-t-il que les pays proches ?
Enfin, un diplomate me disait récemment : « On se tiers-mondise avec élégance. » Je suis préoccupé par la baisse des moyens de notre diplomatie. Je suis honnête et reconnaît qu'elle avait commencé sous la droite, mais nous arrivons maintenant à l'os. Cette situation est d'autant plus difficile à vivre que la diplomatie européenne nage dans l'opulence.