Ce texte répond à un engagement pris par le Président de la République durant la campagne électorale. Il repose sur une idée phare : celle de l'alliance des âges. Plutôt que d'opposer les jeunes et les seniors, il convient de promouvoir conjointement leur accès à l'emploi et leur maintien dans celui-ci, ce qui représente une force indéniable pour les entreprises de notre pays. Le contrat de génération incarne cette dynamique en faveur des deux extrémités de la pyramide des âges dans l'entreprise. Pour la première fois, nous disposons, dans le domaine de l'emploi, d'un outil de politique publique qui n'oppose pas une catégorie à une autre.
Le contrat de génération est également le résultat d'un accord conclu à l'unanimité par les partenaires sociaux. Ce projet de loi promeut d'ailleurs fortement l'importance du dialogue social et en fait l'un des socles de la mise en oeuvre des contrats de génération dans les entreprises.
Le ministre nous a présenté la semaine dernière, lors de son audition par notre Commission, les principales lignes de ce texte. J'y reviens rapidement, avant d'évoquer les principales modifications que je vous proposerai d'y apporter.
Le contrat de génération repose avant tout sur la combinaison de deux axes phares : la négociation d'accords portant sur l'accès et le maintien en emploi des salariés jeunes et âgés d'une part, la mise en place d'une aide spécifique pour l'embauche d'un jeune et le maintien en emploi d'un senior d'autre part. Ces deux axes s'imbriquent pour déboucher sur le dispositif suivant, qui distingue trois catégories d'entreprises.
Les entreprises de moins de 50 salariés ne seront pas soumises à une obligation de négociation. Elles pourront en revanche bénéficier de l'aide au titre du contrat de génération dès lors qu'elles embaucheront en contrat à durée indéterminée (CDI) un jeune de moins de 26 ans et maintiendront dans l'emploi un senior de plus de 57 ans ou un salarié âgé qui aurait été recruté à 55 ans ou plus.
Les entreprises de 50 à 300 salariés seront soumises à l'obligation de négocier un accord collectif ou de mettre en place un plan d'action relatif à l'accès et au maintien en emploi des jeunes et des salariés âgés. L'objectif est d'inciter ces entreprises à mettre en place une gestion active des âges en leur sein. Une fois couvertes par un tel accord ou plan d'action, elles pourront également bénéficier de l'aide au titre du contrat de génération dès lors qu'elles embaucheront un jeune et maintiendront concomitamment dans l'emploi un senior.
Enfin, les entreprises de plus de 300 salariés seront soumises à une obligation de négociation d'un accord ou d'élaboration d'un plan d'action sur l'accès et le maintien en emploi des jeunes et des seniors. Ces entreprises auront jusqu'au 30 septembre 2013 pour être couvertes par un tel accord ou plan d'action : à cette date, elles s'exposeront à une pénalité dont le plafond est fixé à 1 % de la masse salariale ou, si ce montant est plus élevé, à 10 % des allégements de cotisations sur les bas salaires dont elles bénéficient par ailleurs.
Cette pénalité se veut avant tout dissuasive. Il n'en est d'ailleurs pas attendu de « rendement », car le Gouvernement fait le pari que les entreprises négocieront des accords ou mettront en oeuvre des plans d'action, ce pour quoi elles sont, au vu de leur taille, suffisamment armées en termes de gestion des ressources humaines. Une telle pénalité n'est pas une innovation car il existe des mécanismes analogues applicables par exemple en cas d'absence d'accord ou de plan d'action relatif à l'égalité professionnelle hommes-femmes, en cas d'absence d'accord ou de plan d'action seniors ou en cas d'absence d'accord ou de plan d'action relatif à la pénibilité.
Un mot sur les accords ou plans d'action prévus par le texte.
S'agissant des accords collectifs ou des plans d'action, qui ne concernent donc que les entreprises de plus de 50 salariés, le contrat de génération se substitue au dispositif existant sur les accords seniors : dans la mesure où il reprend les objectifs du dispositif existant, tout en l'articulant avec les objectifs d'embauche des jeunes et de transmission des savoirs et des compétences, il n'est pas nécessaire de laisser subsister celui-ci.
En revanche, le système prévu au titre du contrat de génération améliore sur plusieurs aspects l'actuel dispositif relatif aux accords ou plans d'action seniors. Il est important de le souligner.
En effet, en premier lieu, il suppose la réalisation d'un diagnostic préalable sur la situation de l'emploi des jeunes et des seniors au sein de l'entreprise, avant le lancement d'une négociation ou l'élaboration d'un plan d'action. Il s'agit d'obliger les entreprises à dresser un bilan en la matière, afin d'identifier de manière satisfaisante les problèmes spécifiques qu'elles peuvent rencontrer dans ce domaine.
Ensuite, lorsque l'accord collectif aura été conclu ou le plan d'action élaboré, il sera soumis à validation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour les accords seniors. L'administration sera donc appelée à contrôler la conformité de l'ensemble des accords ou plans d'action aux exigences posées par la loi. C'est d'ailleurs ce contrôle ou le constat de l'absence d'accord qui pourra donner lieu à l'application d'une pénalité pour les entreprises de plus de 300 salariés.
Enfin, une procédure d'évaluation des accords conclus ou des plans d'action mis en oeuvre est prévue. Les entreprises de plus de 300 salariés devront ainsi annuellement transmettre à l'administration un document d'évaluation de la mise en oeuvre de l'accord ou du plan d'action qui les couvre. Ici encore, il s'agit d'un renforcement par rapport aux actuels accords seniors.
L'aide prévue au titre du contrat de génération est, je le répète, réservée aux entreprises de moins de 300 salariés. Elle est également conditionnée, pour les entreprises de 50 à 300 salariés, à la négociation d'un accord.
Cette aide sera forfaitaire, d'un montant de 2 000 euros pour l'embauche en CDI d'un jeune de moins de 26 ans et de 2 000 euros au titre du senior maintenu en emploi. Elle sera versée pendant trois ans, soit une aide maximale de 12 000 euros.
Deux conditions supplémentaires sont également prévues par le texte afin de contrecarrer de potentiels effets d'aubaine. L'aide sera ainsi conditionnée au non-licenciement économique, dans les six mois précédant l'embauche du jeune, sur le poste sur lequel est prévue l'embauche. Il sera également exigé de l'entreprise qu'elle ne procède pas, pendant la durée de l'aide, au licenciement d'un salarié âgé présent dans l'entreprise – dans ce cas, une aide au titre d'un binôme jeune-senior lui serait retirée.
Le contrat de génération peut également être mobilisé dans le cadre d'un projet de transmission d'entreprise : l'aide pourra bénéficier à un chef d'entreprise senior qui souhaiterait embaucher un jeune en CDI dans la perspective de lui transmettre son entreprise. Il s'agit là d'un souhait fort des partenaires sociaux.
Avant que nous n'entrions dans la discussion des articles, je tiens à vous présenter très brièvement les principales modifications que je souhaiterais, outre de très nombreux amendements rédactionnels, voir apporter au texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Il s'agit d'abord de la condition relative à la durée de travail des jeunes embauchés en CDI au titre du contrat de génération. Afin de lutter contre la précarité de l'emploi des jeunes, je vous propose – et je serai certainement rejoint sur ce point par nombre d'entre vous – de conditionner le bénéfice de l'aide à une embauche à temps plein.
Je souhaiterais également que la condition de non-licenciement pour motif économique sur le poste sur lequel est prévue l'embauche soit élargie afin d'éviter un effet de substitution. Il faudra ainsi que l'entreprise ne procède à aucun licenciement économique dans les six mois précédant l'embauche du jeune au titre du contrat de génération, non seulement sur le poste sur lequel est prévue l'embauche – ce qui peut être assez facilement contourné –, mais bien sur l'ensemble des postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l'embauche.
Pour ce qui est de la négociation des accords, je propose de préciser le contenu du procès-verbal de désaccord, qui conditionne la possibilité pour l'employeur de recourir à un plan d'action. Parce qu'il convient de faire du plan d'action une solution vraiment dérogatoire, il faut pouvoir s'assurer que les entreprises ont effectivement cherché à négocier un accord. Il est donc normal que le procès-verbal de désaccord énumère le nombre des réunions qui ont été organisées et récapitule les propositions et contre-propositions formulées par chacune des parties.
Le texte ne précise pas le contenu des accords collectifs qui seront négociés sur l'accès et le maintien en emploi des jeunes et des seniors, se limitant à retracer les engagements que devront comporter ces accords sur les trois volets respectifs – l'emploi des jeunes, l'emploi des seniors et la transmission des savoirs et des compétences. Je souhaiterais préciser le contenu obligatoire des accords relevant du troisième volet et je crois savoir que certains de mes collègues proposent de leur côté de préciser le contenu de ceux qui relèvent des deux premiers volets. Cela me semble important, car cela permettra de garantir que les accords porteront bien sur l'ensemble de ces domaines d'action.
Il conviendrait enfin de revoir la date d'entrée en vigueur du contrat de génération. La semaine dernière, le ministre a clairement exprimé l'acceptation par le Gouvernement de la mise en oeuvre de ce dispositif dès le 1er janvier prochain, au moins pour les entreprises de moins de 50 salariés. Fort de cette intention, je vous propose d'adopter cette entrée en vigueur anticipée, qui ne concerne du reste que les entreprises de moins de 50 salariés, celles de plus de 50 salariés étant tenues par l'obligation de négocier un accord, condition supplémentaire pour elles d'ouverture de l'aide.
Au-delà de ces propositions d'amendements, je me réjouis de l'ambition portée par ce texte : celle de l'alliance des générations, qui sont malheureusement trop souvent opposées dans notre pays et dans les politiques de l'emploi. Je vous invite donc à adopter ce projet de loi, sous réserve des modifications dont nous allons débattre.