Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 28 octobre 2015 à 21h10
Commission élargie : finances - affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Mesdames, messieurs les députés, le budget 2016 n'intègre pas les mesures d'urgence en direction de l'élevage qui seront examinées dans le cadre du projet de loi finances rectificative pour 2015.

Nous discutons ce soir d'un budget qui cherche à consolider en crédits de paiement et en autorisations d'engagement les moyens alloués à l'agriculture. Au-delà du budget national, le soutien à l'agriculture passe également par le budget communautaire de la politique agricole commune (PAC) et par la poursuite de la montée en puissance du pacte de responsabilité.

Je veux souligner ici – et M. de Courson a fait preuve de beaucoup d'honnêteté dans sa présentation – qu'il faut regarder l'ensemble des moyens que l'État mobilise en direction de l'agriculture ainsi que le budget communautaire. Ainsi, les crédits nationaux et européens s'élevaient à 18,837 milliards d'euros en 2013, à 19,088 milliards d'euros en 2014 et à 19,744 milliards d'euros en 2015. Ils seront de 19,908 milliards d'euros en 2016 et de 20,136 milliards d'euros en 2017. Le budget européen passe de 9,1 milliards à 8,936 milliards.

Vous l'avez dit, monsieur de Courson, le budget du ministère de l'agriculture et de la forêt baisse puisqu'il passe de 4,9 milliards d'euros en 2013, date du premier budget que je vous ai présenté, à 4,465 milliards d'euros en 2016 – il devrait atteindre 4,440 milliards d'euros en 2017. Mais à cela, il faut ajouter le CASDAR et des taxes fiscales affectées ainsi que le programme d'innovation en agriculture (PIA) qui devrait monter en charge pour atteindre 70 millions d'euros en 2016, contre 40 millions d'euros en 2015.

En outre, les allégements de charges sociales et fiscales sont importants. En 2013, ils atteignaient 2,042 milliards d'euros. Ils représentaient 2,987 milliards d'euros en 2014 et 3,956 milliards en 2015. Pour 2016, ils seront de 4,261 milliards d'euros avec un objectif de 4,618 milliards d'euros en 2017. Cela intègre le pacte de responsabilité et le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ainsi que ce que j'ai préservé sur les fameux travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), c'est-à-dire les exonérations chères à M. de Courson sur le travail saisonnier.

Tous ces éléments ne peuvent être contestés. Cela fait partie de l'ensemble des moyens mis à la disposition de l'agriculture.

Bien sûr, les coopératives et les industries agroalimentaires bénéficient également d'un allégement de leurs charges sociales et fiscales. Ces allégements s'élevaient à 792 millions d'euros en 2013, à 1,223 milliard d'euros en 2014, à 1,6 milliard d'euros en 2015 et à 1,758 milliard d'euros en 2016. En 2017, ils atteindront et 1,991 milliard d'euros. En la matière, la montée de puissance du pacte de responsabilité et du CICE joue pleinement son rôle. Les résultats économiques, publiés dans le journal Les Échos de ce matin de manière très transparente et très claire, montrent que notre pays a rattrapé l'Allemagne en matière de coût horaire du travail. J'y insiste eu égard aux critiques relatives à la compétitivité souvent entendues sur les bancs de l'opposition à l'occasion de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Ce budget est cohérent, bien sûr, avec le plan de soutien à l'élevage. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République à Cournon, l'ICHN sera ainsi revalorisée – c'est sa plus forte revalorisation depuis sa création. Au total, en ajoutant la fusion de la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE), l'aide accordée aux éleveurs des grandes zones allaitantes confrontées à des handicaps naturels atteindra 1,024 milliard d'euros.

Quant à la modernisation des exploitations, le fameux plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) a été complété dans le cadre du plan de soutien. Près de 350 millions d'euros de moyens publics par an pendant trois ans y seront consacrés. Les capacités d'engagement du ministère en 2016 seront ainsi renforcées de 30 millions d'euros et portées à 86 millions d'euros, contre 56 millions d'euros en 2015. Un appel à l'emprunt permettra d'atteindre 1 milliard d'euros d'investissements potentiels dans l'élevage, là où c'est nécessaire – je reviendrai sur la crise du porc.

Nous avons également engagé des mesures spécifiques sur des questions d'assiette de cotisations sociales. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a ainsi prévu de supprimer l'assiette minimale maladie, avec une première baisse de près de 45 millions d'euros. Cette disposition, très importante puisqu'elle concerne tout le monde, s'ajoute aux autres allégements de charges qui sont liés au plan de soutien lui-même. Elle a vocation à être pérennisée dans le temps.

Je reste très attaché au défi écologique et à l'accompagnement du développement de l'agroécologie. C'est ce qui permet aujourd'hui de constater que les mesures agroenvironnementales sur les autorisations d'engagement ont été portées au niveau de la programmation quinquennale et que leurs crédits de paiement viendront s'appliquer tous les ans pour financer ces mesures. Chaque année, 72 millions d'euros permettront de financer des dispositifs qui sont très utiles dans de nombreux endroits, en particulier dans les zones intermédiaires sur des logiques de polyculture élevage. Tout cela permet de soutenir le projet écologique et de répondre aux attentes et aux besoins des agriculteurs.

L'engagement en faveur de l'agriculture biologique est confirmé par le maintien des dotations au fonds « avenir bio » pour 4 millions d'euros – l'année dernière, il avait été revalorisé de 1 million d'euros. Tout à l'heure, j'ai assisté au forum portant sur le plan « Ambition bio ». Nous sommes bien dans la tendance que l'on avait envisagée de doublement des surfaces et de développement du bio, puisque le nombre de producteurs biologiques a progressé de 8 % entre 2014 et 2015.

La forêt est un enjeu majeur. Je suis suffisamment présent sur tous les terrains forestiers pour savoir que la forêt, c'est à la fois de l'économie, du territoire, de l'emploi. C'est aussi un enjeu pour la COP21 puisqu'elle stocke le carbone. La forêt est gérée durablement tout en étant productive, ce qui permet d'avoir l'efficacité la plus forte en termes de stockage de carbone. J'ai pu constater que l'on peut passer d'une production de 3 mètres cubes de bois à 20 ou 30 mètres cubes de bois à l'hectare. Et le bois peut être utilisé comme énergie mais aussi comme matériau. C'est pourquoi, le contrat de filière comme les 34 plans de la nouvelle France industrielle intègrent le bois, parce qu'il faut non seulement en produire, le transformer, mais aussi l'utiliser de plus en plus dans toutes ses dimensions. Je reste convaincu que les choix que nous avons faits, même dans un contexte difficile, vont dans le bon sens.

Comme vous l'avez rappelé, Monsieur Chassaigne, le fonds stratégique s'élève à 25 millions d'euros, ce qui n'est pas suffisant. Nous avons toujours dit qu'il s'agissait d'un fonds d'appel au marché du carbone. Nous allons poursuivre notre réflexion – et la COP21 va nous y aider – pour pouvoir mobiliser le maximum de crédits. Une partie de ce fonds est aujourd'hui abondée par ce que l'on appelle la taxe sur le défrichement.

L'État poursuit par ailleurs son engagement en faveur de la forêt du sud-ouest avec le plan Klaus et une capacité d'engagements prévue de 41 millions d'euros. C'est l'ONF auquel je suis attaché, comme vous, qui négocie avec les communes forestières. Il faut préserver le régime forestier – sujet majeur – et l'intégrer dans une dimension de mutualisation de la gestion de la forêt publique à l'échelle de notre pays, tout en favorisant une efficacité plus grande de l'ONF et en essayant de dégager des recettes un peu plus importantes. Comme je l'ai dit devant l'assemblée générale des communes forestières, l'État ne leur demandera pas de taxe supplémentaire. L'organisation mise en oeuvre devra permettre à l'ONF de finaliser son contrat d'objectifs, ce qui doit être fait d'ici à la fin de l'année.

Je l'avoue, monsieur le député, ce n'est pas chose facile. Dans le cadre de ce contrat, nous allons pourtant réussir à stabiliser les effectifs de l'ONF pour la première fois depuis quinze ans. Nous devons trouver un équilibre afin de préserver à la fois le régime forestier et l'ONF, un ensemble dont la France doit être fière.

Ce budget s'inscrit dans la continuité s'agissant de la priorité donnée à la jeunesse, comme le montrent les moyens accordés à l'enseignement et à la recherche agricoles. En 2016, ils vont bénéficier de 1,7 milliard d'euros de crédits et de 185 créations de postes : 140 postes dans l'enseignement technique, 20 postes dans l'enseignement supérieur et 25 postes d'assistants de vie scolaire. Je m'en tiens à l'objectif de 1 000 postes créés dans l'enseignement agricole pendant la durée du quinquennat, afin de former les futurs agriculteurs, techniciens et ingénieurs. Autour de cette table, certains députés sont fiers d'être passés, comme moi, par cet enseignement agricole qui est une formation d'excellence pour notre République – n'est-ce pas monsieur Herth, monsieur Potier ?

En conservant l'objectif de 6 000 installations de jeunes par an, nous poursuivons une politique volontariste en la matière. Le Président de la République s'était engagé à y consacrer 100 millions d'euros supplémentaires par an : 25 millions d'euros de dotations aux jeunes agriculteurs (DJA) et 75 millions de compléments d'aide directe au titre du deuxième pilier de la PAC, conformément aux négociations que nous avions menées. Le renouvellement des agriculteurs est un enjeu essentiel.

La prévention des risques sanitaires fait aussi l'objet d'un effort constant, notamment en ce qui concerne les créations de postes qui se poursuivent au rythme de 60 par an jusqu'en 2017. C'est un sujet sensible car les conséquences d'un problème sanitaire peuvent être lourdes. La DGAL, ici présente, sait que j'attache beaucoup d'importance à son travail. Ses services pilotent actuellement le plan de lutte contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui doit être mené à bien si nous voulons assurer les exportations de nos broutards.

Cette année va aussi être celle du lancement de l'assurance récolte dont Stéphane Le Moing, ici présent, a été l'architecte en concertation avec toutes les organisations professionnelles. Le contrat socle, qui couvre des risques sanitaires et des aléas climatiques, est destiné aux céréaliers, aux viticulteurs mais surtout aux éleveurs qui peuvent se prémunir, par exemple, contre la pénurie de certains fourrages liée en cas de sécheresse. À l'automne 2015, ce fameux contrat que je vous avais promis a été finalement créé. Ce n'est qu'une première étape mais elle est importante.

Enfin, il faut souligner que ce budget est élaboré sur fond de redressement des comptes publics. Tout à l'heure, j'ai entendu un député de l'opposition se plaindre que la loi de programmation militaire ne prévoyait qu'une augmentation de 650 millions d'euros du budget de la défense. Ce député est membre d'un parti qui organise une élection primaire dans l'optique de la présidentielle de 2017. Je lui suggère de bien regarder les propositions des candidats à l'élection primaire de son parti, qui sont tous inspirés par le thème de la réduction de la dépense publique. Si je fais le total, j'arrive à des montants qui vont de 100 milliards à 130 ou 150 milliards d'euros. Il ne suffit pas de dire qu'il faut réduire la dépense publique, il s'agit de savoir où le faire. Or, à chaque débat, les députés de l'opposition nous reprochent de réduire tel ou tel budget. Je reconnais que ce n'est pas le cas de M. de Courson, qui est toujours très prudent, qui a sa propre logique et sa propre cohérence. En fait, c'est surtout le groupe de l'Union des démocrates et indépendants qui tient la barre, pas seulement M. de Courson. S'il n'y avait que M. de Courson, la dépense serait repartie à la hausse !

Certes, le budget de l'agriculture baisse. Nous portons nos efforts sur les coûts de fonctionnement du ministère et de ses opérateurs, qui vont baisser d'environ 3,8 %, notamment par le biais de 220 suppressions de postes. La secrétaire générale du ministère travaille ardemment à l'amélioration du fonctionnement du ministère, en gardant le souci du dialogue social. Il s'agit de gagner en efficacité sans tomber dans l'austérité.

Voilà ce que je voulais vous dire en préambule, avant de répondre aux questions dont certaines étaient très intéressantes et très importantes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion