Commission élargie : finances - affaires économiques

Réunion du 28 octobre 2015 à 21h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • agriculteurs
  • bois
  • forêt
  • élevage
  • éleveurs

La réunion

Source

commission élargie

(Application de l'article 120 du Règlement)

Mercredi 28 octobre 2015

Présidence de Mme Marie-Christine Dalloz, secrétaire de la Commission des finances, et de Mme Frédérique Massat, présidente de la Commission des affaires économiques

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures dix.

projet de loi de finances pour 2016

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

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Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, je suis heureuse de vous accueillir, avec Mme Frédérique Massat, présidente de la Commission des affaires économiques.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Mes chers collègues, je vous rappelle quelles sont les règles des commissions élargies. Nous donnerons d'abord la parole aux rapporteurs des commissions qui interviendront pour une durée de cinq minutes. Après la réponse de M. le ministre, les porte-parole des groupes s'exprimeront également cinq minutes. Enfin, tous les députés qui souhaitent poser une question disposeront de deux minutes.

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Le budget de l'agriculture est attendu par le monde agricole, en particulier par les éleveurs qui connaissent depuis l'année dernière une crise grave qui concerne aussi bien la viande que les produits laitiers.

Je rappelle que la commission des affaires économiques est mobilisée sur cette question puisque, le 22 juillet dernier, une table ronde réunissant tous les acteurs de la filière a été organisée à l'Assemblée nationale, et qu'une mission d'information sur cette question a débuté ses travaux, qui devraient s'achever à la fin du mois de janvier 2016.

En dépit d'une baisse des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui participent des mesures d'économie budgétaire et de l'évolution des cofinancements européens, les moyens d'intervention du ministère sont préservés, y compris pour la filière bois et la forêt.

Outre l'analyse précise du budget, les deux avis qui vous seront présentés sur cette mission par nos rapporteurs analysent les deux thématiques suivantes : la crise des filières d'élevage dont le rapporteur est M. Jean-Pierre Le Roch, et la situation financière et sociale de l'Office national des forêts (ONF), dont le rapporteur est M. André Chassaigne.

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Mes chers collègues, quel est le montant du budget de l'agriculture en 2016 et comment évolue-t-il ? La réponse à cette question n'est pas simple.

Le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », y compris le compte d'affectation spéciale (CAS) pensions, diminue, en 2016, de 129 millions, soit une baisse de 2,8 % par rapport à 2015. C'est la quatrième année que cela se produit : il s'élevait en effet à 4 962 millions d'euros en 2013, à 4 820 millions d'euros en 2014, à 4 594 en 2015 et qu'il sera de 4 465 millions d'euros en 2016. Mais ces 4 465 millions d'euros représentent peu par rapport à l'ensemble des moyens consacrés, dans le budget de l'État, aux opérateurs, y compris la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CMSA).

De même, les crédits communautaires baissent légèrement. En 2016, ils devraient atteindre 8,965 milliards, contre 8,995 milliards d'euros en 2015, soit une diminution de 70 millions.

Quant aux allégements de charges sociales et fiscales, ils sont en forte hausse puisqu'ils passent de 3 956 millions d'euros en 2015 à 4 261 en 2016, soit une augmentation de 305 millions d'euros. C'est ce qui explique que les sommes allouées globalement à l'agriculture soient relativement étales.

On note également une quasi-stabilité des dépenses fiscales, qui s'élèvent à 1 715 millions en 2016, contre 1 722 millions d'euros en 2015. Quant aux taxes affectées, y compris celles affectées au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), elles sont en sensible baisse puisqu'elles sont de 412 millions en 2016, contre 483 millions d'euros en 2015, soit une diminution de 71 millions.

Si l'on y ajoute cependant les compensations au régime agricole, soit la bagatelle de 13,41 milliards d'euros en 2015 et 13,38 milliards en 2016, on obtient un montant global de 33,28 milliards en 2016, contre 33,268 milliards en 2015, c'est-à-dire une quasi-stabilité.

Monsieur le ministre, après cette brève présentation, je souhaite vous poser trois questions.

La première concerne la dette accumulée par la CCMSA qui, je le rappelle, avait été reprise jusqu'en 2010. La branche retraite est déficitaire. En 2015, le déficit était de 302 millions d'euros. Pour 2016, on espère qu'il passera à 155 millions. Une nouvelle dette de l'ordre de 3,3 milliards d'euros aura donc été accumulée d'ici à la fin de 2016. Pourquoi la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ne reprend-elle pas cette dette alors qu'elle le fait pour les 23,6 milliards de dettes du régime général ?

Deuxième question : quelles mesures touchant la fiscalité agricole seront présentées dans le projet de loi de finances rectificative ? Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, votre collègue Christian Eckert a émis un avis défavorable sur tous les amendements concernant la fiscalité agricole au motif que ces dispositions seraient examinées dans le cadre de la loi de finances rectificative qui viendra prochainement en discussion. Où en sont les arbitrages gouvernementaux ?

Ma dernière question concerne la crise de l'élevage. 600 millions d'euros ont été annoncés pour venir en aide aux agriculteurs. D'après mes calculs, environ 400 millions d'euros seraient ouverts, soit dans la loi de finances rectificative, soit financés à l'intérieur de la CCMSA – 200 millions d'euros sur 2016, le solde intervenant en 2017. Pouvez-vous nous apporter des précisions supplémentaires ?

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Le programme 206 porte sur les crédits nécessaires au contrôle des végétaux, à l'utilisation des intrants, l'hygiène et la sécurité de la production animale, la prévention des épidémies et la qualité de la restauration proposée aux Français. Il s'agit aussi d'une politique symbolique forte associée à l'image gastronomique de notre pays et à fort impact sur la santé publique.

S'agissant de la Direction générale de l'alimentation (DGAL), après l'arrêt de la baisse des effectifs en 2015 – il était temps, monsieur le ministre –, la brigade nationale vétérinaire et phytosanitaire sera renforcée progressivement pour passer de 10 à 20-25 équivalents temps plein (ETP). De même, les effectifs augmenteront de 60 ETP pour les missions de contrôle de la production de volaille ou encore la remise des aliments. Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions en la matière.

Pourtant, la fermeture à titre conservatoire de l'abattoir municipal d'Alès le 14 octobre 2015 confirme les mises en garde de la Cour des comptes et d'un récent rapport sur la politique de sécurité alimentaire concernant les risques de compressions budgétaires excessives.

Comment la DGAL pourra-t-elle assurer une présence suffisante des vétérinaires dans les abattoirs pour garantir la qualité sanitaire des carcasses mais aussi le respect des réglementations protectrices des animaux ?

Concernant l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), le transfert des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires du ministère de l'agriculture à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments permettra de renforcer l'efficacité et de raccourcir les délais tout en préservant l'indépendance de l'ANSES dans sa mission d'évaluation des risques liés à ces mêmes produits. Il est important de le signaler puisque la question du « juge et partie » s'était posée lors de la décision du transfert. Les choses semblent se passer au mieux avec des cloisons assez étanches entre ces deux fonctions. Toutefois, la subvention à l'ANSES pour charge de service public est réduite à périmètre constant.

Les recettes issues de conventions et de taxes affectées ne lèveront pas l'hypothèque sur le plan de charge de l'Agence et pose la question d'une sélection plus exigeante des expertises à mener et du possible renoncement à certaines d'entre elles alors que se multiplient les risques et les controverses concernant des sujets lourds comme les OGM, les produits phytosanitaires, les nanoparticules ou encore les radiofréquences. Cette question de l'arbitrage éventuel est-elle bien présente à l'esprit du Gouvernement alors que l'optimisation des études à l'échelle européenne prendra encore du temps avant de voir le jour ?

Concernant le partenariat avec les organismes privés dans les territoires, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour s'assurer de la qualité des méthodes d'analyse et de l'indépendance des laboratoires choisis par les professionnels, et de la transmission des analyses non conformes ?

S'agissant des missions confiées dans les territoires au groupement de défense sanitaire (GDS) pour l'élevage et à la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) pour les productions végétales, comment le Gouvernement peut-il évaluer la bonne adaptation des moyens financiers attribués à ces organismes pour réaliser leurs missions quand ces moyens stagnent et alors que l'on ajoute de la complexité du fait des certifications exigées ?

Quant à l'action de l'État en région, la faiblesse des effectifs de certains services dans de petites régions aux productions diversifiées pose-t-elle un problème du fait de la polyvalence que cela peut exiger ?

Les items utilisés pour les contrôles sont-ils régulièrement mis à l'épreuve ?

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Le plafond de crédits alloués en 2016 à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'élève à 2,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,75 milliards d'euros en crédits de paiement. Toutes missions rattachées au ministère et à périmètre constant, la baisse est de 2,8 % en crédits de paiement par rapport à 2015, y compris le compte d'affectation spéciale Pensions.

La baisse du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » dont la finalité est d'accompagner la consolidation et l'adaptation des filières agricoles et alimentaires et des territoires aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux résulte notamment de la prise en charge communautaire totale par le second pilier du soutien au développement de l'assurance récolte jusque-là financé à hauteur de 75 %. En réalité, de nouveaux crédits, essentiellement prévus par le plan de soutien à l'élevage, abondent ce programme 154 : l'enveloppe consacrée à la modernisation des exploitations et l'enveloppe Indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) sont revalorisées. Les mesures agroenvironnementales et climatiques sont préservées. En crédits de paiement, la baisse n'est que faciale et correspond à des dispositifs à cofinancement communautaire.

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » contribue à la maîtrise globale des risques sanitaires. Pour 2016, l'accent est mis sur le renforcement des dispositifs de prévention et de surveillance des risques sanitaires et phytosanitaires. La lutte contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) illustre bien les besoins.

Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » d'appui au ministère et directions régionales voit ses crédits et les effectifs baisser, ce qui traduit les mesures d'économies et d'optimisation sur le fonctionnement courant mises en oeuvre par les services du ministère.

Le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CASDAR) bénéficie quant à lui du même plafond de dépenses qu'en 2015.

L'essentiel des mesures du plan de soutien à l'élevage français est porté par le budget 2015. L'urgence de la situation des éleveurs et la nécessité d'une mise en place rapide des aides ont conduit le Gouvernement à activer la réserve de précaution du ministère de l'agriculture : 100 millions d'euros pour le fonds d'allégement des charges, 10 millions d'euros pour les actions de promotion à l'export, 15 millions d'euros pour les mesures agroenvironnementales et climatiques. Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 devrait également comporter des dispositifs de soutien.

Outre ce budget national, j'appelle votre attention sur l'importance du budget européen destiné à la France. Le budget de la PAC revenant à la France s'élèvera à 9,7 milliards d'euros en 2016. L'échelon européen cofinance de nombreuses mesures, notamment les mesures agro-environnementales, les mesures d'aide aux récents installés, à hauteur de 75 %, et il finance totalement le soutien à l'assurance récolte.

Par ailleurs, le 15 septembre 2015, la Commission européenne a présenté le détail d'un dispositif de soutien européen à l'élevage. Sur l'enveloppe d'aides ciblées, 63 millions d'euros seront attribués à la France afin de compléter le plan national. Monsieur le ministre, avez-vous arrêté l'affectation précise de cette somme ?

Cette crise agricole touche diversement les filières d'élevage, mais plus particulièrement ces jours-ci la filière porcine. Le cours actuel du porc – il n'y a plus de prix de marché – tournerait autour de 1,20 euro le kilogramme avec des retards dans l'enlèvement des animaux dans les ateliers.

Je souhaite vous interroger sur l'opportunité de rendre obligatoire l'étiquetage de l'origine de la viande autre que fraîche pour contrebalancer les avantages comparatifs sociaux et environnementaux en Espagne et en Allemagne, ainsi que sur les mesures pour accroître le stockage privé européen orienté à l'export.

Mes chers collègues, je vous propose de soutenir l'action du Gouvernement et du ministre M. Stéphane Le Foll, en donnant un avis favorable à l'adoption des crédits des trois programmes présentés.

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Les crédits consacrés à la forêt et à la filière bois figurant dans le programme 149 s'élèvent cette année à 278 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 279 millions d'euros en 2015, et à 291 millions d'euros en crédits de paiement, contre 297 millions d'euros en 2015, soit une réduction respectivement de 0,6 % et de 1,8 %. Ils affichent donc un niveau relativement stable dans un contexte budgétaire général dont vous nous rappellerez, monsieur le ministre, la tension.

Toutefois, ce répit s'inscrit dans une trajectoire structurelle de réduction des crédits consacrés à la forêt. Les rares budgets en augmentation dans les années récentes ont été liés à la prise en compte, après 2009, des conséquences de la tempête Klaus. Une exception notable, l'année 2014, seule année au cours de laquelle l'État a consenti un investissement plus significatif en faveur de la forêt.

De plus, la stabilité globale des crédits de ce budget masque une réduction des moyens accordés à l'ONF, contrepartie du rétablissement de la subvention du Centre national de la propriété forestière, qui avait été financé en 2015 sur ses seules réserves.

Enfin, le Fonds stratégique de la forêt et du bois connaît un abondement nettement insuffisant, malgré le besoin criant d'investissements en forêt privée et dans l'aval de la filière.

Vous en conviendrez sans aucun doute, monsieur le ministre, le budget en stagnation qui nous est présenté ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins de la forêt française aujourd'hui, et plus particulièrement à ceux de l'Office national des forêts qui constitue le principal opérateur de l'action publique en matière forestière et dont vous connaissez la situation particulièrement difficile, tant sur le plan financier que social.

Nous fêtons cette année les cinquante ans de l'installation de l'ONF, dont la création avait été décidée par l'Assemblée nationale au mois de décembre 1964. Cette date devrait être l'occasion, non seulement de saluer la contribution décisive de cet établissement et de ses agents dans la valorisation de la forêt publique française, mais aussi de dessiner des perspectives ambitieuses, à l'heure où le changement climatique rend plus que jamais nécessaire une gestion prospective rigoureuse et ambitieuse de notre patrimoine forestier. Or force est de constater que l'Office n'est pas aujourd'hui en mesure de relever ce défi.

Sur le plan financier, l'ONF manque structurellement de ressources, recourant à l'endettement pour assurer son fonctionnement. Sa dette s'élève aujourd'hui à 300 millions d'euros. Ses difficultés s'expliquent par l'insuffisance des moyens accordés par l'État, inadaptés à l'ampleur des missions dévolues à l'ONF, mais aussi par un modèle économique fragile reposant pour l'essentiel sur les recettes tirées de la vente du bois dont les cours sont fluctuants.

Sur le plan social, la situation des personnels de l'Office ne cesse de s'aggraver. Le triste bilan des suicides d'agents s'est encore alourdi, expression de la détérioration des conditions de travail. Sont ici en cause les réductions d'effectifs, l'aggravation de la charge de travail ainsi que les méthodes de gestion du personnel. Le climat social est largement dégradé et l'ensemble des organisations représentatives du personnel disent être peu entendues.

Enfin, alors que l'offre de formation dans les métiers du bois est insuffisante sur le territoire national, l'ONF se désinvestit des activités de formation, comme en témoigne la fermeture annoncée pour 2016 du centre de formation de Velaine-en-Haye, près de Nancy dont M. Potier pourrait, je crois, nous parler.

Alors que doit s'ouvrir à Paris, le 30 novembre prochain, la vingt et unième conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la France devrait montrer l'exemple en accordant à sa forêt les moyens qu'elle mérite. La forêt, dont le rôle protecteur contre le réchauffement climatique est établi, devra en effet s'adapter, dans les prochaines décennies, à une modification sans précédent de son environnement. Cette transition ne pourra se faire qu'avec le soutien des pouvoirs publics.

Chacun aura compris que je ne peux pas émettre un avis positif sur les crédits du programme 149 dont la stagnation risque non seulement d'obérer l'avenir de l'ONF mais aussi de compromettre l'adaptation de la forêt française au changement climatique.

Je vous poserai trois questions pour ne pas trancher ce débat à la hache.

La première porte sur les missions de l'ONF aujourd'hui. Au-delà de la garantie d'application du principe de multifonctionnalité en forêt publique, régulièrement réaffirmée, qu'attend aujourd'hui l'État de l'ONF ? La négociation en cours du contrat d'objectifs et de performance devrait être l'occasion de repréciser les missions de l'Office et non uniquement d'assurer son équilibre financier, même si ce point a son importance.

Ma deuxième question a trait au malaise social persistant parmi les personnels de l'ONF. Pourriez-vous nous indiquer les suites qui ont été données à l'audit socio-organisationnel mené en 2011, ainsi que les actions que vous comptez mener pour remédier à ce malaise ?

Dernière question en guise de planche de salut : la forêt française devra faire face, au cours des cinquante prochaines années, à une modification historiquement sans précédent de son environnement. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour accompagner les forestiers français, publics comme privés, dans le défi de l'adaptation de notre forêt au changement climatique ?

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Mesdames, messieurs les députés, le budget 2016 n'intègre pas les mesures d'urgence en direction de l'élevage qui seront examinées dans le cadre du projet de loi finances rectificative pour 2015.

Nous discutons ce soir d'un budget qui cherche à consolider en crédits de paiement et en autorisations d'engagement les moyens alloués à l'agriculture. Au-delà du budget national, le soutien à l'agriculture passe également par le budget communautaire de la politique agricole commune (PAC) et par la poursuite de la montée en puissance du pacte de responsabilité.

Je veux souligner ici – et M. de Courson a fait preuve de beaucoup d'honnêteté dans sa présentation – qu'il faut regarder l'ensemble des moyens que l'État mobilise en direction de l'agriculture ainsi que le budget communautaire. Ainsi, les crédits nationaux et européens s'élevaient à 18,837 milliards d'euros en 2013, à 19,088 milliards d'euros en 2014 et à 19,744 milliards d'euros en 2015. Ils seront de 19,908 milliards d'euros en 2016 et de 20,136 milliards d'euros en 2017. Le budget européen passe de 9,1 milliards à 8,936 milliards.

Vous l'avez dit, monsieur de Courson, le budget du ministère de l'agriculture et de la forêt baisse puisqu'il passe de 4,9 milliards d'euros en 2013, date du premier budget que je vous ai présenté, à 4,465 milliards d'euros en 2016 – il devrait atteindre 4,440 milliards d'euros en 2017. Mais à cela, il faut ajouter le CASDAR et des taxes fiscales affectées ainsi que le programme d'innovation en agriculture (PIA) qui devrait monter en charge pour atteindre 70 millions d'euros en 2016, contre 40 millions d'euros en 2015.

En outre, les allégements de charges sociales et fiscales sont importants. En 2013, ils atteignaient 2,042 milliards d'euros. Ils représentaient 2,987 milliards d'euros en 2014 et 3,956 milliards en 2015. Pour 2016, ils seront de 4,261 milliards d'euros avec un objectif de 4,618 milliards d'euros en 2017. Cela intègre le pacte de responsabilité et le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ainsi que ce que j'ai préservé sur les fameux travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), c'est-à-dire les exonérations chères à M. de Courson sur le travail saisonnier.

Tous ces éléments ne peuvent être contestés. Cela fait partie de l'ensemble des moyens mis à la disposition de l'agriculture.

Bien sûr, les coopératives et les industries agroalimentaires bénéficient également d'un allégement de leurs charges sociales et fiscales. Ces allégements s'élevaient à 792 millions d'euros en 2013, à 1,223 milliard d'euros en 2014, à 1,6 milliard d'euros en 2015 et à 1,758 milliard d'euros en 2016. En 2017, ils atteindront et 1,991 milliard d'euros. En la matière, la montée de puissance du pacte de responsabilité et du CICE joue pleinement son rôle. Les résultats économiques, publiés dans le journal Les Échos de ce matin de manière très transparente et très claire, montrent que notre pays a rattrapé l'Allemagne en matière de coût horaire du travail. J'y insiste eu égard aux critiques relatives à la compétitivité souvent entendues sur les bancs de l'opposition à l'occasion de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Ce budget est cohérent, bien sûr, avec le plan de soutien à l'élevage. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République à Cournon, l'ICHN sera ainsi revalorisée – c'est sa plus forte revalorisation depuis sa création. Au total, en ajoutant la fusion de la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE), l'aide accordée aux éleveurs des grandes zones allaitantes confrontées à des handicaps naturels atteindra 1,024 milliard d'euros.

Quant à la modernisation des exploitations, le fameux plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) a été complété dans le cadre du plan de soutien. Près de 350 millions d'euros de moyens publics par an pendant trois ans y seront consacrés. Les capacités d'engagement du ministère en 2016 seront ainsi renforcées de 30 millions d'euros et portées à 86 millions d'euros, contre 56 millions d'euros en 2015. Un appel à l'emprunt permettra d'atteindre 1 milliard d'euros d'investissements potentiels dans l'élevage, là où c'est nécessaire – je reviendrai sur la crise du porc.

Nous avons également engagé des mesures spécifiques sur des questions d'assiette de cotisations sociales. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a ainsi prévu de supprimer l'assiette minimale maladie, avec une première baisse de près de 45 millions d'euros. Cette disposition, très importante puisqu'elle concerne tout le monde, s'ajoute aux autres allégements de charges qui sont liés au plan de soutien lui-même. Elle a vocation à être pérennisée dans le temps.

Je reste très attaché au défi écologique et à l'accompagnement du développement de l'agroécologie. C'est ce qui permet aujourd'hui de constater que les mesures agroenvironnementales sur les autorisations d'engagement ont été portées au niveau de la programmation quinquennale et que leurs crédits de paiement viendront s'appliquer tous les ans pour financer ces mesures. Chaque année, 72 millions d'euros permettront de financer des dispositifs qui sont très utiles dans de nombreux endroits, en particulier dans les zones intermédiaires sur des logiques de polyculture élevage. Tout cela permet de soutenir le projet écologique et de répondre aux attentes et aux besoins des agriculteurs.

L'engagement en faveur de l'agriculture biologique est confirmé par le maintien des dotations au fonds « avenir bio » pour 4 millions d'euros – l'année dernière, il avait été revalorisé de 1 million d'euros. Tout à l'heure, j'ai assisté au forum portant sur le plan « Ambition bio ». Nous sommes bien dans la tendance que l'on avait envisagée de doublement des surfaces et de développement du bio, puisque le nombre de producteurs biologiques a progressé de 8 % entre 2014 et 2015.

La forêt est un enjeu majeur. Je suis suffisamment présent sur tous les terrains forestiers pour savoir que la forêt, c'est à la fois de l'économie, du territoire, de l'emploi. C'est aussi un enjeu pour la COP21 puisqu'elle stocke le carbone. La forêt est gérée durablement tout en étant productive, ce qui permet d'avoir l'efficacité la plus forte en termes de stockage de carbone. J'ai pu constater que l'on peut passer d'une production de 3 mètres cubes de bois à 20 ou 30 mètres cubes de bois à l'hectare. Et le bois peut être utilisé comme énergie mais aussi comme matériau. C'est pourquoi, le contrat de filière comme les 34 plans de la nouvelle France industrielle intègrent le bois, parce qu'il faut non seulement en produire, le transformer, mais aussi l'utiliser de plus en plus dans toutes ses dimensions. Je reste convaincu que les choix que nous avons faits, même dans un contexte difficile, vont dans le bon sens.

Comme vous l'avez rappelé, Monsieur Chassaigne, le fonds stratégique s'élève à 25 millions d'euros, ce qui n'est pas suffisant. Nous avons toujours dit qu'il s'agissait d'un fonds d'appel au marché du carbone. Nous allons poursuivre notre réflexion – et la COP21 va nous y aider – pour pouvoir mobiliser le maximum de crédits. Une partie de ce fonds est aujourd'hui abondée par ce que l'on appelle la taxe sur le défrichement.

L'État poursuit par ailleurs son engagement en faveur de la forêt du sud-ouest avec le plan Klaus et une capacité d'engagements prévue de 41 millions d'euros. C'est l'ONF auquel je suis attaché, comme vous, qui négocie avec les communes forestières. Il faut préserver le régime forestier – sujet majeur – et l'intégrer dans une dimension de mutualisation de la gestion de la forêt publique à l'échelle de notre pays, tout en favorisant une efficacité plus grande de l'ONF et en essayant de dégager des recettes un peu plus importantes. Comme je l'ai dit devant l'assemblée générale des communes forestières, l'État ne leur demandera pas de taxe supplémentaire. L'organisation mise en oeuvre devra permettre à l'ONF de finaliser son contrat d'objectifs, ce qui doit être fait d'ici à la fin de l'année.

Je l'avoue, monsieur le député, ce n'est pas chose facile. Dans le cadre de ce contrat, nous allons pourtant réussir à stabiliser les effectifs de l'ONF pour la première fois depuis quinze ans. Nous devons trouver un équilibre afin de préserver à la fois le régime forestier et l'ONF, un ensemble dont la France doit être fière.

Ce budget s'inscrit dans la continuité s'agissant de la priorité donnée à la jeunesse, comme le montrent les moyens accordés à l'enseignement et à la recherche agricoles. En 2016, ils vont bénéficier de 1,7 milliard d'euros de crédits et de 185 créations de postes : 140 postes dans l'enseignement technique, 20 postes dans l'enseignement supérieur et 25 postes d'assistants de vie scolaire. Je m'en tiens à l'objectif de 1 000 postes créés dans l'enseignement agricole pendant la durée du quinquennat, afin de former les futurs agriculteurs, techniciens et ingénieurs. Autour de cette table, certains députés sont fiers d'être passés, comme moi, par cet enseignement agricole qui est une formation d'excellence pour notre République – n'est-ce pas monsieur Herth, monsieur Potier ?

En conservant l'objectif de 6 000 installations de jeunes par an, nous poursuivons une politique volontariste en la matière. Le Président de la République s'était engagé à y consacrer 100 millions d'euros supplémentaires par an : 25 millions d'euros de dotations aux jeunes agriculteurs (DJA) et 75 millions de compléments d'aide directe au titre du deuxième pilier de la PAC, conformément aux négociations que nous avions menées. Le renouvellement des agriculteurs est un enjeu essentiel.

La prévention des risques sanitaires fait aussi l'objet d'un effort constant, notamment en ce qui concerne les créations de postes qui se poursuivent au rythme de 60 par an jusqu'en 2017. C'est un sujet sensible car les conséquences d'un problème sanitaire peuvent être lourdes. La DGAL, ici présente, sait que j'attache beaucoup d'importance à son travail. Ses services pilotent actuellement le plan de lutte contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui doit être mené à bien si nous voulons assurer les exportations de nos broutards.

Cette année va aussi être celle du lancement de l'assurance récolte dont Stéphane Le Moing, ici présent, a été l'architecte en concertation avec toutes les organisations professionnelles. Le contrat socle, qui couvre des risques sanitaires et des aléas climatiques, est destiné aux céréaliers, aux viticulteurs mais surtout aux éleveurs qui peuvent se prémunir, par exemple, contre la pénurie de certains fourrages liée en cas de sécheresse. À l'automne 2015, ce fameux contrat que je vous avais promis a été finalement créé. Ce n'est qu'une première étape mais elle est importante.

Enfin, il faut souligner que ce budget est élaboré sur fond de redressement des comptes publics. Tout à l'heure, j'ai entendu un député de l'opposition se plaindre que la loi de programmation militaire ne prévoyait qu'une augmentation de 650 millions d'euros du budget de la défense. Ce député est membre d'un parti qui organise une élection primaire dans l'optique de la présidentielle de 2017. Je lui suggère de bien regarder les propositions des candidats à l'élection primaire de son parti, qui sont tous inspirés par le thème de la réduction de la dépense publique. Si je fais le total, j'arrive à des montants qui vont de 100 milliards à 130 ou 150 milliards d'euros. Il ne suffit pas de dire qu'il faut réduire la dépense publique, il s'agit de savoir où le faire. Or, à chaque débat, les députés de l'opposition nous reprochent de réduire tel ou tel budget. Je reconnais que ce n'est pas le cas de M. de Courson, qui est toujours très prudent, qui a sa propre logique et sa propre cohérence. En fait, c'est surtout le groupe de l'Union des démocrates et indépendants qui tient la barre, pas seulement M. de Courson. S'il n'y avait que M. de Courson, la dépense serait repartie à la hausse !

Certes, le budget de l'agriculture baisse. Nous portons nos efforts sur les coûts de fonctionnement du ministère et de ses opérateurs, qui vont baisser d'environ 3,8 %, notamment par le biais de 220 suppressions de postes. La secrétaire générale du ministère travaille ardemment à l'amélioration du fonctionnement du ministère, en gardant le souci du dialogue social. Il s'agit de gagner en efficacité sans tomber dans l'austérité.

Voilà ce que je voulais vous dire en préambule, avant de répondre aux questions dont certaines étaient très intéressantes et très importantes.

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Nous allons engager la discussion en commençant par les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Vous connaissez l'attachement sincère des députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste à l'agriculture française, à nos paysans, à notre forêt et aux acteurs publics et privés de la sylviculture.

Je souhaite d'ailleurs associer à mes propos l'ensemble de mes collègues, je pense en particulier à Jeanine Dubié, Joël Giraud, Dominique Orliac, ou encore Jacques Moignard, pour ne citer que ceux qui s'expriment habituellement sur les sujets agricoles.

Pour notre indépendance et notre sécurité sanitaire alimentaires, pour l'animation et la vitalité de nos territoires, pour notre balance commerciale, pour l'encouragement à l'emploi enraciné localement et dans notre ruralité, nous l'avons déjà dit et répété : l'agriculture est un secteur stratégique pour la France, qui doit être remise à la place qu'elle mérite, c'est-à-dire la première.

Nous traversons une crise agricole structurelle depuis plus de vingt ans et nous connaissons des crises sectorielles aiguës et fréquentes dans le secteur des fruits et légumes ou, comme dernièrement, dans celui de l'élevage. Même si les crédits ne sont pas inscrits dans cette mission, nous tenions à vous interroger sur le plan de soutien à l'élevage. Où en sont les mesures et les engagements financiers pris par le Gouvernement et l'Europe dans le cadre de ce plan de soutien ?

Monsieur le ministre, nous saluons tous les efforts et toutes les bonnes initiatives : la loi d'avenir pour l'agriculture, le plan de soutien à l'élevage, le label France, les encouragements à l'approvisionnement local dans la restauration collective, les démarches et les logos « Fruits et légumes de France », les incitations en faveur de l'agriculture biologique, les baisses de cotisations sociales pour les éleveurs et les agriculteurs en difficulté, la structuration des filières, la négociation de la nouvelle PAC, la priorité donnée à la culture raisonnée, la baisse du coût du travail par le biais du CICE – 4 milliards d'euros d'allégement de charges –, la simplification – qu'il faudrait encore accélérer – des normes et des tâches administratives, l'encouragement de l'installation de jeunes agriculteurs pour atteindre l'objectif de 6 000 installations par an.

Ce sont de réelles avancées mais elles ne suffisent pas pour répondre à l'ampleur de la crise. Il reste des défis importants à relever. Pour rééquilibrer les filières entre l'amont et l'aval, entre la grande distribution et nos paysans, la création du médiateur et les travaux de l'observatoire des prix et des marges ne suffisent pas, ils restent démunis et déficients pour agir efficacement. Vous connaissez notre attachement aux circuits courts, et nous sommes conscients que ce n'est pas une question simple. Le très bon rapport récent de notre collègue Brigitte Allain et la brochure de soixante pages de votre ministère sur l'utilisation des plateformes collectives pour la restauration collective en témoignent. Nous nous réjouissons de cette mobilisation et de ces travaux sérieux et utiles.

À Château-Thierry et dans le Pays des portes de la Champagne, nous sommes résolument engagés dans cette direction pour l'ensemble de la restauration collective. Nous espérons qu'une grande majorité des collectivités participera à cette démarche, au profit de la qualité des produits comme de l'emploi local. À l'heure actuelle, 70 % de la viande achetée dans nos cantines est importée. Chez nos voisins européens, comme l'Allemagne, c'est l'inverse. Plusieurs fois par mois, pour nos enfants, il y a du lapin chinois dans les assiettes de certaines cantines. Comment en sommes-nos arrivés là ? Nous marchons sur la tête.

Pour rester sur le même thème, nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à réclamer l'amélioration de la traçabilité, notamment celle des produits transformés. Monsieur le ministre, si les industriels ne parviennent pas à s'entendre, il faudra l'imposer, et vous pourrez compter sur nous pour vous y aider.

S'agissant de l'application des règles, j'ai eu des témoignages de viticulteurs champenois sur des différences d'approches entre les départements de l'Aisne et de la Marne. Pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ou pour le temps de travail, par exemple, des services de l'État n'appliquent pas les règles de la même façon. Il faut imposer une harmonisation, au moins dans le cadre des nouvelles grandes régions.

Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », que nous examinons ce soir, sont-ils à la hauteur de tous ces défis ? Ce n'est pas certain. Si nous sommes attachés au redressement budgétaire dans la justice, nous regrettons la baisse constante des crédits de cette mission.

Le Gouvernement nous indique que le budget pour 2016 traduit l'importance donnée à l'enseignement agricole, à la recherche et la sécurité sanitaire, tout en participant à l'effort de redressement des comptes publics par la modernisation.

Nous voterons les crédits de la mission, mais nous vous encourageons à poursuivre tous les efforts visant à renforcer la compétitivité de notre agriculture car, monsieur le ministre, comme l'écrivait Jean de La Fontaine dans la nouvelle Le calendrier des vieillards : « De son métier, il faut que chacun vive. » Nous souhaitons qu'il en soit ainsi pour les agriculteurs.

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La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

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Sans flagornerie, je voudrais dire que la filière forêt-bois a trouvé en vous un interlocuteur qui lui a permis d'être prise en considération et de bénéficier d'actions concrètes. La forêt est désormais intégrée dans nombre de politiques publiques : le contrat stratégique de filière, le programme national de la forêt et du bois, le fonds stratégique de la forêt et du bois, le fonds chaleur, et j'en passe. Ces initiatives témoignent de l'engagement d'une politique interministérielle consacrée à la forêt.

Vous lui avez aussi apporté des réponses financières et un maintien équilibré des crédits d'intervention. Depuis la création du fonds stratégique, les fonds crédits nationaux sont en forte croissance : ils vont passer de 10 à 25 millions d'euros entre 2013 et 2016. Cette croissance est révélatrice de cette politique.

Dans ce projet de loi de finances pour 2016, je note diverses bonnes nouvelles : la poursuite de l'abondement du plan chablis – 41 millions d'euros auxquels s'ajoute le soutien apporté par les régions aux travers des mesures de reconstitution de la forêt landaise par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ; les 25 millions d'euros du fonds stratégique forêt-bois, potentiellement augmentés de l'indemnité de défrichement cofinancée par le FEADER ; le rétablissement à 15 millions d'euros des moyens du Centre national de la propriété forestière (CNPF) ; le redéploiement de financements et de moyens pour l'enseignement agricole ; la réévaluation des formations et un meilleur tuilage entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur.

Tous ces points sont positifs mais, dans cette filière compliquée, la bonne articulation entre l'amont et l'aval reste difficile à trouver. Il faut donc poursuivre les efforts tendant à dynamiser la filière forêt-bois.

Avec Damien Abad, j'ai présenté à la commission des affaires économiques, un rapport dans lequel nous avons choisi d'appréhender le potentiel économique de la forêt et de proposer un certain nombre de mesures. Nous pensons, par exemple, que la signature d'un nouveau contrat d'objectif de performance 2016-2020 avec l'ONF pourrait être un moyen d'inciter l'opérateur à développer une réelle politique économique forestière, notamment au niveau régional. Pour cette raison, je m'interroge sur la baisse des crédits en faveur de la structure. Existe-t-il des compensations suffisantes à cette diminution ? Si c'est le cas, pouvez-vous préciser lesquelles ?

Le rapport préconise aussi une série de mesures fiscales qui permettraient d'encourager une gestion plus productive de la forêt. Certaines mesures constituent des ressources comme le fait de conditionner l'abattement sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à une exploitation économique de la parcelle. D'autres mesures portent sur la prolongation ou sur l'extension des mesures incitatives, en ciblant les propriétaires qui se regroupent.

La loi sur l'avenir de l'agriculture et de la forêt a instauré les groupements d'intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF), afin de faciliter la gestion concertée et durable de la petite et moyenne propriété forestière privée et de massifier l'offre de bois. Cette disposition est essentielle pour lutter contre le morcellement de la forêt, mais certains redoutent qu'elle n'ajoute des contraintes administratives sans véritable contrepartie. Comment envisagez-vous d'encourager la formation de ces groupements ?

Que ce soit en amont ou en aval de la filière, les besoins de formation sont très importants. Nous manquons de bûcherons, de scieurs, de conducteurs d'engins et d'ouvriers sylvicoles. Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer l'offre de formation ?

L'innovation est un axe essentiel pour le dynamisme de la filière, et elle peut renouveler les techniques de production et d'usage du bois. Pouvez-vous indiquer ce que vous envisagez pour l'enseignement supérieur et la recherche, mais aussi pour les pôles de compétitivité ?

À quand la cotation des quotas carbone ?

Ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux de nommer un délégué interministériel chargé d'assurer la liaison entre les quatre ministères dont la filière dépend ?

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La parole est à M. Antoine Herth pour le groupe Les Républicains.

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Tout d'abord, je voudrais remercier les rapporteurs qui ont été concis et néanmoins très clairs dans leurs exposés, et le ministre qui était parfait dans son rôle de coche. À mon tour, je vais être à la hauteur de ma mission de mouche du coche.

Suite à la crise agricole qui était au coeur de l'actualité cet été – et qui malheureusement se poursuivra encore pendant plusieurs mois – le Premier ministre a fait d'importantes annonces le 3 septembre dernier. Vous les avez rappelées, monsieur le ministre. La presse annonçait des chiffres à donner le tournis – que vous avez également cités – et que constatons-nous finalement ? Le plan de compétitivité des exploitations agricoles et le programme d'investissement d'avenir pour les outils d'abattage et de découpe vont obtenir chacun une rallonge de 30 millions d'euros. Nous sommes loin des sommes astronomiques annoncées. Où sont passés les 62,9 millions d'euros alloués à la France lors du Conseil de l'Union européenne du 15 septembre dernier ?

Le moins que l'on puisse dire c'est que des éclaircissements sont nécessaires. Des amendements seront-ils retenus ? Où allons-nous retrouver les bons chiffres ? Faut-il attendre le projet de loi de finances rectificative de 2015 ? Si c'est le cas, votre message aura le mérite d'être clair : la crise agricole est priée de s'éteindre avec le budget de l'année en cours, et en 2016 on fait comme d'habitude, c'est-à-dire moins d'argent et plus de paperasse.

Non seulement vous ne voulez pas prendre en compte le caractère structurel de la crise – que dis-je, de la mutation de notre agriculture – mais de surcroît vous poursuivez votre chemin en transférant l'essentiel des politiques que vous pilotez sur des crédits européens et maintenant régionaux.

Nombre d'agriculteurs ont le sentiment de subir une double peine : d'abord, on leur prend les aides pour financer vos réformes ; ensuite, ils sont obligés d'ingurgiter une montagne de réglementations nouvelles pour espérer en retrouver quelques miettes. C'est déjà ce qui s'est passé avec la mise en oeuvre des déclarations PAC, au printemps dernier, quand il a fallu reporter à deux reprises les délais de dépôt des dossiers tellement c'était incompréhensible, pour ensuite lancer deux opérations d'avance de trésorerie. On s'est aperçu que les agriculteurs n'auraient aucun paiement à la Toussaint, rien à Noël, qu'ils auraient peut-être quelque chose à la Chandeleur ou, plus sûrement, à Pâques de l'an prochain. Cela représente un décalage de trésorerie de six mois, à un moment où tous les marchés s'effondrent.

En réalité, c'est tout le raisonnement qui étayait votre loi d'avenir qui s'effondre : il ne suffit pas de prendre à Pierre pour faire le bonheur de Paul, il faut d'abord se préoccuper de l'équilibre des marchés agricoles et permettre aux producteurs de générer un maximum de valeur ajouté en améliorant leur compétitivité. Mais je veux vous rendre justice. En vous écoutant, j'ai bien noté que, pour vous au moins, cette notion de compétitivité n'était plus un gros mot. J'espère que vos soutiens feront les mêmes progrès.

Malheureusement, vous rabotez méthodiquement les quelques leviers d'action qui vous restent. Ainsi le programme 154 perd encore 28 millions d'euros. Si nous avons bien compris que les jeunes agriculteurs devraient dorénavant trouver leur bonheur dans la politique européenne d'appuis à l'installation, il est moins compréhensible que les crédits pour les agriculteurs en difficulté et les fonds d'allégement des charges soient affichés avec des montants qui ont juste le mérite de faire exister ces lignes.

Autre paradoxe : on retrouve bien une augmentation de 30 millions d'euros des crédits en autorisations d'engagement pour la modernisation des bâtiments d'élevage mais parallèlement les crédits de paiement baissent de 14,6 millions d'euros.

Autre sujet que nous évoquons régulièrement : l'assurance récolte. Son financement disparaît de votre budget et nous en avons compris la raison. On peut cependant se demander si le calibrage de l'enveloppe prévue sera suffisant ?

De même, l'on peut s'interroger sur le juste calibrage des autorisations d'engagement destinées à cofinancer les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) ? Y aura-t-il un complément si les souscriptions des agriculteurs sont plus importantes que prévu ?

Ma dernière remarque porte sur les actions internationales. Les crédits destinés à la promotion des exportations agroalimentaires sont en baisse de 43 %. Or nous savons que l'un des déclencheurs de la crise porcine est la fermeture du marché russe. Voilà qui donne le sentiment que vous baissez les bras et que vous avez renoncé à trouver des débouchés nouveaux pour notre production agricole.

En définitive, vous nous présentez un budget qui soulève beaucoup de questions, qui serait fortement perfectible, et qui va probablement être source d'une grande déception pour les agriculteurs.

Monsieur le ministre, permettez-moi une dernière suggestion si vous cherchez des idées originales et nouvelles : je vous propose d'organiser une élection primaire au sein de la gauche.

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La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.

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Les problèmes structurels des filières agricoles ont été évoqués à plusieurs reprises depuis de nombreux mois et encore ce soir. Dans ce contexte, le groupe de l'Union des démocrates et indépendants tient à mettre l'accent sur ce qui lui semble prioritaire : la fiscalité agricole est inadaptée ; l'environnement administratif est trop complexe ; la compétitivité du secteur est défaillante notamment par rapport à la concurrence européenne.

S'agissant de l'environnement administratif, monsieur le ministre, il va falloir donner des instructions très précises pour que les relations s'améliorent entre le monde agricole – notamment les éleveurs – et nos administrations dans les territoires : les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), les directions des services vétérinaires (DSV). Les règles doivent être appliquées avec discernement et humanité.

Je regrette que les choses tardent à se mettre en place. Depuis des mois, les agriculteurs attendent des engagements clairs. Ils veulent de la lisibilité, de la clarté et de la simplicité pour plus d'efficacité. Or, c'est encore le contraire qui prévaut. Il y a quelques semaines, le Gouvernement annonçait, tonitruant, 600 millions d'euros de soutiens aux agriculteurs en trois ans. L'objectif était louable, mais le diable est dans les détails. Vos propos confortent mon impression que l'on multiplie les tours de passe-passe, même si je ne vais pas aller jusqu'à vous traiter de prestidigitateur.

On nous promet les centaines de millions d'une nouvelle enveloppe de la PAC puis on nous annonce que des engagements sont différés dans la loi de finances rectificative alors qu'il y a urgence. Je n'ai pas compris la nature des débats lors de l'examen du budget, ni pourquoi le secrétaire d'État au budget nous a expliqué que ces questions seraient vues dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Et finalement, nous découvrons que le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et en baisse de plus de 3 % dans le projet de loi de finances pour 2016. C'est à croire que la crise de l'élevage de l'été dernier n'est plus qu'un lointain souvenir, et que le plan de soutien annoncé en juillet dernier est un chèque vite préparé et aussitôt oublié.

Cependant, mon groupe se réjouit de l'augmentation des crédits dédiés à la modernisation des exploitations et aux indemnités compensatoires de handicaps naturels. Pour autant, je regrette fortement que le Fonds d'allégement des charges (FAC), outil essentiel en cas d'aléas exceptionnels, de crises conjoncturelles et environnementales, voie ses moyens d'action réduits d'année en année.

Où sont passés les 100 millions d'euros supplémentaires promis par le Gouvernement ? Et encore ne s'agit-il que d'une mesure de court terme. Le constat est simple : alors que le montant du FAC s'élevait à 8 millions d'euros en 2012, il est tombé à 1,5 million d'euros en 2016.

Comment justifier aussi la baisse du dispositif d'exonération de charges sociales pour l'embauche de travailleurs saisonniers quand, en Allemagne, c'est l'inverse qui prévaut ? Plus largement, c'est l'ensemble de la fiscalité agricole qu'il faut revoir. Au nom de mon groupe, je répète que nous devons remettre sur le tapis la question de la taxe sur la consommation que, pour notre part, nous appelons la TVA sociale.

Quelle cohérence y a-t-il dans le fait d'augmenter la DJA en 2015 avant de la réduire de plus de 6 % en 2016 ? Je serais bien curieux de connaître la justification du ministre à ce sujet.

Enfin, que dire de la baisse drastique des budgets pour les mesures MAEC et des faibles moyens alloués à la recherche agricole au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ? On ne peut, d'un côté, ériger le concept d'agroécologie en priorité absolue et, de l'autre, réduire à ce point les budgets ? Je vous rappelle, monsieur le ministre, que mon groupe vous avait soutenu sur l'agroécologie lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture.

Le défi, j'en conviens, est immense : il s'agit de nous donner les moyens de mener des politiques ambitieuses au service de l'emploi et de la croissance, tout en réduisant les déficits pour préserver l'avenir. Je reste néanmoins convaincu que nous pouvons faire mieux. Monsieur le ministre, nous nous soucions de l'agriculture, et notamment de l'élevage, sans oublier tout le secteur de l'agroalimentaire.

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La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe Écologiste.

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L'année 2015 était celle de la passation des fonds FEADER aux régions ; 2016 sera marquée par les mesures dites en faveur de l'élevage. Je prends cette précaution, car il me semble que cette aide exceptionnelle n'est pas suffisamment bien orientée, comme je l'ai déjà souligné à plusieurs reprises depuis cet été.

S'il est nécessaire de soutenir les éleveurs en difficulté, il n'est pas justifiable de maintenir sous perfusion des modèles agricoles de plus en plus coûteux pour le contribuable et le consommateur, et dont la compétitivité est en échec.

Alors que la France bénéficie de 9 milliards d'euros par an de subventions de la PAC, elle promet donc 3 milliards d'euros supplémentaires sur trois ans au seul secteur de l'élevage, sans aucune condition de réorientation.

Je souhaite vous interroger sur le plan de soutien à l'élevage. Ma première question est très pragmatique : comment financez-vous ces 3 milliards d'euros ? La deuxième est plus politique : comment ces aides permettront-elles une réorientation durable des activités d'élevages ? Pour l'exprimer de manière plus concrète : quel accompagnement est prévu pour encourager les agriculteurs à s'engager dans des systèmes plus autonomes, garants d'une plus grande valeur ajoutée ? Pouvez-vous nous dire clairement comment seront distribués les soutiens du programme d'investissement d'avenir pour la modernisation des outils d'abattage et de découpe ?

Dans la lignée de mon rapport sur les circuits courts et les filières agroalimentaires, j'ai fait plusieurs propositions qui relevaient du projet de loi de finances. Je regrette qu'elles n'aient pas été soutenues par la majorité gouvernementale, malgré un bon écho en commission. Je proposais des taux réduits de TVA pour les produits alimentaires biologiques dans la restauration commerciale et un crédit d'impôt pour les abattoirs investissant dans une diversification de leurs activités.

Afin d'engager la transition sur les territoires, il me paraît également essentiel de soutenir les communes et les cantines qui mettent en place un plan alimentaire d'établissement valorisant les produits locaux et de qualité. Il faudrait créer une prime à la conversion pour les restaurants collectifs publics et privés – que seul le Gouvernement peut proposer – et mettre en place une modulation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités qui s'engagent dans cette démarche. Je déposerai un amendement en ce sens. Les collectivités ont besoin que nous leur adressions un signe fort d'encouragement.

Concernant la sécurité et la qualité sanitaire de l'alimentation, je m'en remets aux propos de mon collègue Éric Alauzet, rapporteur sur ce programme. Je reste cependant convaincue que cette mission doit être dotée de moyens importants afin de garantir la sécurité sanitaire de nos aliments. D'une part, les filières longues et les intermédiaires multiples augmentent les risques de fraude et de contamination, et nécessitent donc un nombre croissant de contrôles. D'autre part, les nouvelles responsabilités de l'ANSES en matière de contrôle des produits pesticides et biocides impliquent une augmentation de ses personnels. Ceux-ci vont d'ailleurs être fortement mobilisés dans le cadre de la gestion des problèmes sanitaires concernant la FCO et la bactérie Xylella Fastidiosa.

En 2016, nous verserons pour la dernière fois des subventions aux industries productrices d'agrocarburants de première génération : une déduction fiscale de 40 millions d'euros, après celles de 120 millions d'euros et de 280 millions d'euros accordées en 2015 et en 2013. C'est encore une année de trop pour une source d'énergie qui détourne la vocation alimentaire des terres, et présente un bilan carbone finalement supérieur aux carburants fossiles qu'elle remplace.

Pour conclure, je vous fais part d'une inquiétude que je relaierai par un amendement en séance. Avec la réforme territoriale, les réseaux de développement de l'agroécologie, appelés organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), déjà peu soutenus, vont connaître une baisse importante de leurs financements assurés par les départements. Ces crédits sont pourtant nécessaires à l'accompagnement des agriculteurs qui souhaitent changer de pratiques, et notamment les nouveaux convertis en bio, nombreux en grande culture cette année. La bonne réalisation du plan bio et la diffusion d'une agriculture économique et environnementale performante dépendront des moyens humains qui seront consacrés à l'accompagnement des agriculteurs dans la réussite. Ces derniers ont besoin de soutien dans cette démarche salutaire pour nous tous.

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La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Une semaine tout juste après la fermeture des portes du salon guyanais de l'agriculture, qui a connu un grand succès populaire grâce à l'implication toujours plus forte de l'ensemble des acteurs de la filière locale, voilà que vous nous présentez un budget littéralement sacrifié pour ce territoire d'Amérique du Sud, mais pas seulement.

Avec mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je partage entièrement le constat selon lequel, l'agriculture française traverse une crise non pas conjoncturelle mais profondément structurelle. Nous sommes persuadés que vous en êtes également pleinement conscient. La quasi-totalité des filières est touchée du fait des pressions politiques venues d'Europe ou de contraintes d'ordre économique du niveau international. Or si nous vous reconnaissons une volonté politique d'y faire face, nous devons avouer notre étonnement quant aux moyens mis en oeuvre pour enfin répondre aux attentes légitimes des agriculteurs en matière de répartition de la valeur ajoutée.

Avant de me recentrer sur le cas de la Guyane, qui m'intéresse à plus d'un titre et dont les difficultés n'ont rien à voir avec celles traversées par une industrie nationale mature, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de notre embarras face au recul évident engagé par le Gouvernement sur les questions se rapportant à la fixation des prix et aux relations entre producteurs et grande distribution. Il est grand temps, et c'est d'ailleurs valable pour de nombreux sujets, d'arrêter ces mesures éphémères pour enfin nous attaquer aux problèmes de fond qui plombent notre agriculture.

En effet, il est certain que ces problèmes de fond ne sauront trouver des solutions durables à travers la baisse drastique du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales » qui, je le rappelle, a perdu 15 % de ses crédits de paiement en trois ans, ce qui correspond à la coquette somme de 500 millions d'euros.

Certes, les démonstrations de force des agriculteurs auront permis la mobilisation de fonds d'urgence. Cependant, je demeure surpris qu'après les témoignages de la profonde souffrance de nos agriculteurs, et après une année 2015 particulièrement rude, les coupes budgétaires subies par la mission qui nous intéresse n'aient pas connu un coup d'arrêt.

Pour ce qui est de la Guyane en particulier, je ne puis que déplorer sans réserve le coup de rabot supplémentaire porté aux crédits qui lui sont dédiés : les crédits accordés à ce territoire vont baisser de 21 % sur trois ans. Cette baisse se situe largement au-dessus de la moyenne nationale. Je rappelle, au besoin, que la Guyane est le seul département français où la surface agricole augmente de façon soutenue année après année. Pourtant, le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » est particulièrement touché, puisqu'il affiche une baisse de 54 % par rapport à 2014. Le programme 215 n'est pas en reste puisqu'il connaît lui aussi une baisse à deux chiffres.

Bien entendu, ces chiffres ne prennent en compte ni les fonds apportés par la PAC, ni les enveloppes que vous avez débloquées sur le budget 2015, en particulier en faveur de la filière élevage. Il n'en demeure pas moins que cette baisse drastique est symptomatique du traitement réservé à la plus grande région de France.

Vous le savez monsieur le ministre, la Guyane connaît une croissance démographique exponentielle de 4 % par an. À l'Ouest, on s'approche d'un taux de croissance annuel de 10 %. Ainsi la population de Saint-Laurent-du-Maroni devrait passer de 40 000 habitants en 2015 à 100 000 habitants avant 2030. Les niveaux de vie sont extrêmement bas, la population se paupérise et nous sommes loin de l'autosuffisance alimentaire.

Comment alors envisager l'avenir avec sérénité lorsque se raréfient à ce point les crédits indispensables au déploiement d'une filière nécessaire à nourrir nos populations ? La chambre régionale de l'agriculture est déjà quasiment morte, et les démarches pour disposer de foncier agricole souffrent d'un manque cruel de moyens. Par ailleurs, les jeunes qui souhaitent se lancer dans l'agriculture se découragent très rapidement face à la lourdeur des démarches administratives, d'une part, et du manque de soutien des autorités publiques, d'autre part.

J'ai donc bien peur que ce budget pour 2016 n'améliore pas les choses, bien au contraire. Quant au budget alloué à la forêt, il se passe de commentaire : 600 000 euros pour un massif forestier de 12 millions d'hectares. Cela laisse vraiment songeur dans une région où le chômage endémique touche 21 % de la population active.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que dans ces conditions et alors même que ce gouvernement a pu compter sur mon indéfectible soutien lors des votes des budgets successifs, je voterai contre le budget qui nous est présenté ce soir, comme ce sera le cas de la majorité de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et je vous demande de considérer mon intervention comme un véritable cri du coeur.

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Dans votre propos liminaire, vous avez indiqué que le plan de soutien à l'élevage serait présenté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative : j'ose espérer qu'il comprendra de bonnes mesures pour le monde agricole.

D'autre part, alors que les crédits de paiement de l'action 13 du programme 154 s'élevaient à 168 millions d'euros en 2015, ils ne sont que de 94 millions dans le projet de budget pour 2016 : soit vous considérez l'agriculture française comme sinistrée au point qu'il ne soit plus nécessaire de lui accorder des crédits, soit il y a un problème d'insincérité budgétaire. On peut comprendre que les dotations aux jeunes agriculteurs soient ramenés de 26 à 19 millions d'euros mais pas que les prêts à l'installation passent de 22 à 9 millions.

Enfin, s'agissant du programme 149, vous avez précisé tout à l'heure que vous stabiliseriez les emplois à l'Office national de la forêt (ONF) dans le cadre de son contrat d'objectifs. Or, des 9 157 équivalents temps plein sous plafond l'an dernier, il convient de soustraire cette année 150 emplois, comme le prévoit le contrat d'objectifs. En outre, il est prévu une correction technique de 245 emplois : que signifie une telle correction ? Il apparaît que vous ne pourrez stabiliser l'emploi comme vous l'annoncez qu'en recourant aux contrats aidés : ceux-ci sont en effet passés de 164 à 218 l'année dernière et sont portés à 351 cette année.

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La quasi-stabilité du programme 154 de la mission « Agriculture » est à souligner. La crise profonde à laquelle le monde agricole est confronté nécessite des réponses budgétaires fortes et des mesures d'ores et déjà annoncées, dont une partie seront présentées en loi de finances rectificative.

L'action 13 qui traite de l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles est essentielle au maintien de l'activité agricole sur nos territoires mais aussi pour favoriser une évolution significative des pratiques voire pour créer des emplois en amont et en aval. Au-delà de la dotation annuelle prévue pour l'installation de jeunes agriculteurs, qui contribue à ce nécessaire renouvellement, quelles mesures d'accompagnement permettront d'atteindre l'objectif ambitieux d'installer 6 000 jeunes par an et de contribuer au renouvellement des pratiques et à l'amélioration économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles ?

Enfin, je salue l'action que vous avez menée au sein du Gouvernement, monsieur le ministre, pour instaurer un système d'avances et d'acomptes sur le versement des primes de la PAC. Il reste cependant un problème à régler pour les exploitations en difficulté qui font l'objet de procédures judiciaires. Pensez-vous pouvoir leur éviter une double voire une triple peine, compte tenu des contraintes juridiques qu'elles rencontrent ?

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La crise de l'élevage perdure et s'aggrave. Le plan de soutien à l'élevage prévoit certes diverses mesures mais qui à ce jour, n'ont produit aucun effet. Et les enveloppes prévues ne permettront pas de répondre aux difficultés de trésorerie des éleveurs. En effet, les aides devraient atteindre en moyenne 4 000 euros, ce qui reste insuffisant. S'agissant de l'année blanche des annuités bancaires, avant de faire des promesses, il aurait fallu s'assurer que les établissements bancaires allaient jouer le jeu, ce qui n'est pas acquis. Cette mesure est déjà vouée à l'échec si l'on n'obtient pas d'engagement ferme des banques en la matière.

Vous avez affirmé tout à l'heure que le coût salarial en France était maintenant équivalent à celui pratiqué en Allemagne. Or les Allemands dispensent les éleveurs du reversement de la TVA collectée en 2015 et en 2016. Que pensez-vous de cette solution ?

Enfin, dans le contexte de crise du secteur agricole, le réseau des chambres d'agriculture, fortement affecté par le prélèvement opéré sur son fonds de roulement, n'a même plus la capacité financière de supporter les efforts exigés en loi de finances pour 2015. Et même si le PLF pour 2016 prévoit le report de la réduction de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, de 2016 à 2018, la situation sera insoutenable. L'État a ponctionné les financements que les chambres avaient réussi à dégager pour leurs investissements au prix d'une gestion draconienne, alors que les recettes fiscales évoluent moins vite que l'inflation et deux fois moins que les impôts locaux. Dès lors, le report de la réduction de taxe additionnelle sera largement insuffisant. N'eut-il pas été judicieux de supprimer cette baisse en 2016 et 2017 ?

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L'ampleur des difficultés touchant nos exploitations nécessite une mobilisation sans faille du Gouvernement. Malheureusement, le budget que nous examinons aujourd'hui ne semble pas porter cette ambition affichée car les crédits consacrés à l'agriculture sont de nouveau en baisse cette année.

Je n'ai cessé, tout comme nombre de mes collègues de l'Union des démocrates et indépendants (UDI), de vous alerter depuis des mois quant à la précarité et à la détresse morale vécue par nos éleveurs, qui sont de surcroît écrasés par le poids des normes et qui doivent mener une guerre des prix avec le secteur de la grande distribution. Je le mesure au quotidien dans le département de la Mayenne qui est une terre d'élevage.

À l'heure où les questions de l'attractivité des métiers agricoles et de la modernisation des exploitations se posent avec force, la priorité de cette mission devrait être de favoriser l'installation des jeunes et le renouvellement indispensable de nos exploitations. Il en va de l'avenir et de la pérennité de notre agriculture. Or, nous manquons de visibilité quant au financement global du plan de compétitivité et d'adaptation de l'agriculture (PCAE). Pourriez-vous m'apporter des précisions à sujet ?

S'agissant de l'installation des jeunes, je m'étais, tout comme mon groupe parlementaire, réjoui l'an dernier de l'augmentation de la dotation aux jeunes agriculteurs. C'est pourquoi je ne comprends pas le choix opéré cette année de baisser cette dotation de près de 6 %.

Enfin, la loi d'avenir pour l'agriculture ayant consacré le concept d'agro-écologie, et la participation de l'agriculture à la transition écologique et énergétique étant une nécessité, il paraît pour le moins paradoxal de diminuer les budgets consacrés aux mesures agroenvironnementales et climatiques ainsi qu'à l'agriculture biologique. Pourriez-vous nous apporter quelques explications sur ces coupes budgétaires ?

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Je me souviens avoir assisté l'été dernier, dans cette salle même, à une réunion organisée à l'initiative du président Brottes, rassemblant les professionnels au coeur de la crise. Empreinte de beaucoup de gravité, cette réunion nous avait permis d'avoir des débats très riches. Je mesure l'effort accompli pour participer aux réunions départementales des cellules de crise. Aujourd'hui, l'ensemble de la profession salue l'effort de solidarité qui a été fourni. Il peut y avoir ici ou là des manques mais globalement les directions départementales et le ministère sont mobilisés. Cet effort permettra de passer douloureusement l'hiver mais il nous faut désormais nous placer dans une dynamique de projet.

Antoine Herth ayant repris tout à l'heure le débat que nous avons eu lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture, je me réjouis pour ma part que nous nous placions dans une logique de projet et de compétitivité – celle-ci consistant non seulement à abaisser les coûts mais également à développer l'agro-écologie, telle qu'elle est défendue dans les groupements d'intérêt écologique. La compétitivité relève aussi d'une dynamique de dialogue territorial, que permettent les amendements déposé par notre collègue Brigitte Allain relatifs aux plans alimentaires territoriaux. Signalons également le volet relatif à l'agriculture de groupe, notamment les mesures relatives à l'amortissement du surinvestissement, qui seront désormais étendues aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA). Enfin, rappelons la dynamique de régulation du marché foncier et des marchés en général – restaurée au cours de cette mandature. Ces mesures contribueront à la compétitivité et à la performance sociales, environnementales et économiques de notre agriculture.

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Dans le cadre du plan de soutien à l'élevage est prévue la mobilisation du programme d'investissements d'avenir en vue du lancement d'un appel à projet pour le financement de la modernisation des outils d'abattage et de découpage. Le budget initialement prévu à cette fin devait s'élever à 20 millions d'euros. Le 3 septembre dernier, il a été augmenté de 30 millions d'euros et ainsi porté à 50 millions. Toutefois, l'enveloppe globale consacrée aux investissements d'avenir n'a pas été modifiée puisqu'elle se maintient à 120 millions d'euros. Cela signifie donc qu'elle sera utilisée en deux ans au lieu de trois. Y aura-t-il une réallocation de ce budget ?

Des suppressions d'exonérations de charges patronales en zones de revitalisation rurale (ZRR) étaient prévues par l'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Or les exploitants agricoles étaient partiellement concernés par ces suppressions : qu'en pensez-vous ?

Enfin, les normes applicables à notre agriculture sont nombreuses, inadaptées, complexes et illisibles. Les exploitants agricoles ont perdu confiance et se disent exaspérés de cette situation. Serait-il possible, avant de déterminer un diagnostic pour établir des normes à venir, d'imposer un moratoire d'un an en la matière ? Une telle mesure serait fortement appréciée par la profession.

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Tous les observateurs considèrent que l'on ne sortira pas de la crise agricole avant le milieu de l'année prochaine. Les agriculteurs vont donc continuer à avoir besoin d'être soutenus. Malheureusement, le projet de budget inquiète la profession, compte tenu des baisses soulignées par les orateurs précédents.

Dans ce contexte, plusieurs questions se posent dont celle du financement de l'année blanche promis par le Gouvernement le 3 septembre dernier et celle de la poursuite du financement d'opérations de ce type si la crise se poursuit – ce qui est fort vraisemblable. Quid du fonds d'allègement des charges alors que le budget continue à diminuer mais que les agriculteurs se trouvent de plus en plus dépendants des aléas climatiques ?

Qu'en est-il de la réduction des dépenses de fonctionnement de l'administration ? Quels services et quelles fonctions seront assurés alors que tout le monde se plaint de la lenteur des réponses de celle-ci ? Plusieurs de mes collègues vous ont interpellé s'agissant des mesures agroenvironnementales et climatiques à quelques semaines de la COP21. Il est vrai que les crédits de paiement consacrés à cette politique diminuent de 24 % dans le budget pour 2016.

Enfin, les chambres d'agriculture assurent un travail important en matière d'aménagement du territoire dans des départements très ruraux. Or nombre d'entre elles ne seraient plus en mesure de payer actuellement leurs charges.

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Dans votre présentation, vous avez rappelé l'existence de l'apport de trésorerie remboursable (ATR) aux exploitations agricoles bénéficiaires des aides de la PAC, qui consiste en un prêt à taux zéro dont les intérêts seront pris en charge par l'État dans le cadre du régime des aides de minimis agricoles. Or, la réglementation européenne prévoit que les entreprises faisant l'objet d'une procédure collective d'insolvabilité ne sont pas éligibles aux aides de minimis octroyées sous forme de prêts. Concrètement, certaines exploitations parmi les plus en difficulté ne seraient pas en mesure d'être aidées. En France, environ 15 000 exploitations sont en redressement judiciaire : ces entreprises ne pourront bénéficier de l'apport de trésorerie remboursable. La solution aurait pu consister à recourir à d'autres aides telles que les aides aux exploitations agricoles en difficulté (AGRIDIFF) mais le budget consacré à celles-ci en 2016 se maintient au même niveau qu'en 2015 : quelles solutions apporter aux agriculteurs en difficulté qui ne peuvent bénéficier de ce type d'aides ?

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Face à la crise de l'élevage, vous avez adopté des mesures structurelles de renforcement de la compétitivité et des dispositifs d'appui conjoncturel aux éleveurs en difficulté, dans un secteur économique complexe et exposé à la concurrence internationale. Nous saluons l'ensemble de ces mesures. Les acteurs du monde agricole ont une attente forte quant à la mise en application effective de ces mesures conjoncturelles, et en particulier des fonds d'allègement des charges (FAC). Le temps de traitement des dossiers de demandes étant un élément crucial auquel vous êtes particulièrement attentif, de quels leviers disposez-vous pour optimiser le processus, entre le dépôt de ces dossiers, leur traitement et sa mise en paiement ? Pourriez-vous repréciser les annonces que vous avez formulées cet après-midi à ce sujet ? Enfin, la production d'énergie représente pour les agriculteurs des baisses de charges voire des sources de revenu supplémentaire : pourriez-vous nous présenter les dispositifs d'accompagnement qui ont été institués en ce domaine ?

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L'été dernier, agriculteurs et éleveurs sont massivement descendus dans la rue pour alerter les autorités et plus largement l'opinion publique française sur la baisse durable des prix des produits agricoles à la production. Le 3 septembre, ils sont même venus à Paris, devant le Palais Bourbon et place de la Nation afin d'exprimer leur colère et faire part de leurs difficultés.

Ces mobilisations récentes doivent nous alerter sur la crise profonde que traverse le monde agricole. Acculés par les crédits en cascade et l'intransigeance des grands distributeurs, nos agriculteurs et éleveurs sont à bout de souffle. Les mesures de court terme prises dans la précipitation à la rentrée ne pallieront que très peu les difficultés rencontrées. La crise actuelle ne pourra se résorber qu'au moyen de réformes structurelles portant notamment sur la simplification des normes. En effet, les règles auxquelles sont soumis nos agriculteurs et éleveurs français s'accumulent et compliquent durablement leur quotidien. Directives et règlements européens, lois, décrets, arrêtés : les contraintes ne manquent pas. Comment peuvent-ils donc exercer sereinement leurs activités quand ces normes les enserrent constamment ? En plus de créer une forte insécurité juridique, ces normes sont autant de freins à la compétitivité pour notre agriculture. Faisons donc davantage confiance à nos agriculteurs et éleveurs. Travaillons ensemble pour alléger le cadre normatif qui les contraint dans leurs activités – en particulier dans la mise en oeuvre des circuits courts.

Je souhaite vous alerter, une fois de plus, sur les distorsions de concurrence entre la France et les autres pays européens. En zone transfrontalière notamment, ces distorsions ont des conséquences désastreuses pour notre agriculture. Monsieur le ministre, ne passons pas à côté des véritables préoccupations : envisagez-vous dans l'année à venir de simplifier et d'alléger les normes pesant sur nos agriculteurs et éleveurs ?

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Cette année encore, nous avons connu plusieurs mois durant, un sévère épisode de sécheresse dans plusieurs régions françaises. Aussi, je voudrais insister sur la nécessité de renforcer le stockage de l'eau destinée à l'agriculture et à l'arboriculture.

Malgré tous leurs efforts, des agriculteurs voient trop souvent remis en cause leur travail. C'est pour certains la pérennité même de leur activité qui est en question. J'en veux pour preuve ce que vivent les arboriculteurs du secteur des Coteaux du Jarez, entre Saint-Étienne et Lyon. Un verger de taille modeste mais de qualité, planté aux portes des villes, participe aux circuits courts, mais y est malheureusement insuffisamment irrigué ou du moins de manière trop irrégulière de sorte que ses productions sont soumises aux aléas climatiques. Cette année, du fait de la chaleur et de l'impossibilité d'irriguer, les rendements ont été faibles pour les productions de pommes, de poires, de prunes et de pêches.

Lorsque l'on parle d'irrigation, on évoque généralement des consommations d'eau allant de 4 000 à 5 000 mètres cubes par hectare. Dans le secteur précité, une parcelle bien irriguée peut au mieux consommer 2 000 mètres cubes à l'hectare mais la plupart des surfaces doivent se contenter de 300 à 1 000 mètres cubes par hectare. Dans ces conditions, les jeunes plantations elles-mêmes sont menacées par les sécheresses. À cela s'ajoutent des pertes de jeunes plants, ce qui dissuade les producteurs de poursuivre leur activité.

Entre la réglementation draconienne sur l'eau et les obstacles administratifs, les arboriculteurs ne peuvent compter aujourd'hui que sur de petites retenues collinaires puisque aucun des projets structurants n'a pu déboucher à ce jour.

L'eau est indispensable pour valoriser les espaces agricoles et maintenir des productions. Le rôle des agences de l'eau est à cet égard important, mais il existe en la matière de grandes disparités entre les territoires. Certaines régions de notre pays sont condamnées à un total immobilisme. Je pense notamment au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Si rien n'est fait, on constatera un retour aux friches. Quels sont les moyens alloués pour 2016 en faveur des retenues collinaires et des systèmes d'irrigation collective ?

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Je souhaiterais revenir sur les crises de l'élevage et en particulier sur la crise porcine et la situation difficile des producteurs. Monsieur le ministre, vous avez appelé ce matin sur une radio nationale un acteur important à la responsabilité. Il n'y a plus de cotation à Plérin au marché au cadran depuis trois semaines et les éleveurs sont dans l'incertitude totale. Leur situation n'est certes pas facile à vivre. Deux acteurs, Cooperl et Bigard, font aujourd'hui la cotation. Certaines entreprises et coopératives seraient en difficulté du fait d'un manque de débouchés, notamment à l'exportation. De nombreuses exploitations stockent les animaux, notamment dans le Finistère. Le nombre d'animaux en attente fluctue entre 60 000 et 80 000 et les réfrigérateurs des abattoirs comme les ateliers seraient pleins. La profession serait à la recherche d'une solution de déstockage. La filière est consciente que son organisation doit être revue, que les relations commerciales doivent être rénovées et qu'il faut faire évoluer les rapports de force entre acteurs en renforçant le maillon des producteurs. Vous êtes bien au fait, monsieur le ministre, de cette situation et les cellules d'urgence que vous avez installées sont efficaces dans mon département. Comment voyez-vous l'évolution de cette situation ?

D'autre part, on souligne souvent la nécessité d'une solidarité entre tous les maillons de l'élevage, de l'amont à l'aval, pour que les éleveurs puissent percevoir une rémunération conforme à leur travail et à leur importance dans cette chaîne. En Belgique, un système d'aides directes vient d'être institué pour aider les producteurs de porc et de lait à passer la crise. La démarche est présentée par la Concertation belge de la chaîne agroalimentaire qui rassemble tous les maillons, des producteurs à la distribution. Ces aides seront essentiellement financées par une modeste augmentation des prix sur certains produits laitiers et porcins. Cette organisation belge travaille à l'élaboration de mécanismes de stabilisation interprofessionnels plus structurels à moyen terme. Cette solidarité de toute une chaîne pourrait-elle être instituée dans notre pays ?

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L'année dernière, vous indiquiez dans votre réponse à ma question sur le financement de la recherche sur les maladies du bois de la vigne, et sur la coordination internationale de cette recherche, que « les protocoles négociés à l'échelle européenne nous donnaient des perspectives de résultat en 2016 ». Face à ces maladies qui touchent près de 15 % des surfaces viticoles françaises, où en sont ces protocoles européens ? Existe-il un consensus et une coordination suffisante entre les chercheurs quant aux axes de recherche à suivre ? Ces protocoles ont-ils déjà produit des résultats ? Si oui, lesquels ? Quels résultats peut-on en espérer dans l'année à venir – résultats qui soient transférables le plus rapidement possible à l'échelle d'une entreprise viticole tout en lui permettant de maintenir son niveau de compétitivité ? Comment renforcer encore l'efficacité de ces protocoles européens ?

Pour limiter les dommages causés par la maladie du bois de la vigne, la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher a mis au point une stratégie de renouvellement des vignes mères de greffons afin de protéger le patrimoine indemne et de garantir la fourniture de matériel végétal le plus sain possible aux pépiniéristes et donc aux vignerons. Une telle stratégie entraînant un surcoût, le ministère de l'agriculture soutient-il cette initiative ? Permettra-t-il à ceux qui y recourent d'accéder à un financement ad hoc à l'échelle nationale ou européenne ?

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À l'occasion de nos débats budgétaires, je souhaiterais signaler des motifs de satisfaction sur des aspects précis de la mission « Agriculture ». Deux d'entre eux sont liés à l'actualité récente : le soutien renforcé à la modernisation des exploitations agricoles et le renforcement de la sécurité sanitaire de l'alimentation.

S'agissant de la modernisation des exploitations, les efforts consentis sont la preuve d'un soutien décisif à la compétitivité et à la capacité de production de nos agriculteurs. J'en veux pour preuve l'augmentation de 30 millions d'euros supplémentaires de l'enveloppe de l'action 13 dédié à l'élevage.

En ce qui concerne la sécurité sanitaire en abattoirs, les éléments présentés prouvent la volonté du Gouvernement. Nous pouvons nous féliciter de la création de soixante postes supplémentaires d'agents chargés des inspections dans les abattoirs pour la troisième année consécutive. Cette action conforte la volonté d'apporter des garanties à nos concitoyens. Ces efforts vont de pair avec le programme d'investissements d'avenir qui prévoit un budget de 30 millions d'euros pour rénover la filière des abattoirs au cours de la période 2015-2017. Qu'en est-il de cet engagement rendu nécessaire pour permettre à ce secteur de rester compétitif ?

Nos collègues Catherine Quéré et Jean-Marie Sermier vous ont remis hier un rapport sur les maladies du bois et de la vigne, dans lequel ils dressent un inventaire précis de la situation. Je me réjouis de vos annonces visant à mieux coordonner les travaux de recherche et surtout à affecter prioritairement les recettes supplémentaires du compte d'affectation spéciale consacré au développement agricole et rural (CASDAR) au financement de ces travaux. Peut-on d'ores et déjà évaluer ces moyens complémentaires ? Peut-on envisager la création d'un mécanisme d'incitation fiscale pour les investissements consacrés à des programmes de recherche sachant que de nombreux professionnels prévoient d'agir en ce sens ?

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Ayant lu de fond en comble le bleu budgétaire de la mission « Agriculture » pour 2016, je trouve ses titres parfaitement révélateurs des préoccupations du monde agricole et rural. Mais je reste sur ma faim quant au contenu des chapitres de ce document. J'illustrerai ce propos par trois exemples.

Tout d'abord, dans votre approche budgétaire globale, l'agriculture n'est à aucun moment perçue ni présentée comme une activité économique à part entière, et la préoccupation agroenvironnementale prend en permanence le pas sur cette dimension. C'est selon moi un problème fondamental car les exploitations agricoles sont des entreprises.

Ensuite, la plupart des solutions que vous apportez à la crise tournent autour de la seule préoccupation des circuits courts. Or ce modèle ne répond pas à tous les types d'agriculture. Certaines exploitations ne trouveront jamais d'amélioration de leur situation de cette manière – même si je ne conteste pas le fait qu'il faille consentir cet effort. L'allègement des normes et règlementations est insuffisant, sachant que ces normes concourent au manque de compétitivité de notre agriculture par rapport à celle des pays voisins.

Enfin, je suis surpris de la place que vous réservez à l'agriculture dans les grands équilibres du monde rural. Alors qu'aux pages 24 et 44 du bleu budgétaire, vous parlez de favoriser l'attractivité des territoires ruraux et de la gestion équilibrée et durable des territoires, vous ne prévoyez aucune action en ce sens si ce n'est quelques mesures essentiellement liées à l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN).

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Le 21 août 2014, le Président de la République déclarait à la Réunion qu'il souhaitait faire en sorte que le sucre réunionnais ait un bel avenir. Il annonçait à la suite une dotation spécifique de 38 millions d'euros pour soutenir la filière de la canne à sucre. Il y a peu, les professionnels se sont alarmés quant au devenir de cette annonce qui avait suscité un réel espoir dans le monde agricole réunionnais. À la Réunion, la filière de la canne à sucre représente 20 000 emplois, soit 20 000 familles. Dans un contexte de chômage de masse, toute déstabilisation de la production aurait des conséquences catastrophiques. Il convient de souligner les efforts du gouvernement pour soutenir la filière et je veux à ce titre saluer la décision de revaloriser le prix d'achat de la bagasse. Néanmoins, l'inquiétude demeure. Pourriez-vous apporter des nouvelles rassurantes au monde agricole de la Réunion quant à l'avenir de la filière de la canne à sucre ?

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Ce projet de budget prévoit de supprimer en 2016 les moyens humains alloués aux directions départementales des territoires (DDT) dans la mission de connaissance des territoires et de valorisation des données, soit quatre-vingt-douze équivalents temps plein (ETP). Cette mesure de suppression totale des moyens humains alloués aux DDT est extrêmement dommageable à plusieurs titres. Sans valorisation des données géographiques par les DDT, les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF) perdront en efficacité, cette dernière reposant essentiellement sur la bonne illustration cartographique des enjeux et des projets de modification des plans locaux d'urbanisme. Les DDT, si elles ne disposaient plus que des ressources humaines allouées par le ministère de l'écologie pour travailler sur les systèmes d'information géographique, se verraient amputées du volet agricole de l'analyse des territoires et de leurs enjeux. Or le caractère interministériel de la mission de connaissance des territoires et de valorisation des données en DDT faisait justement sa richesse et la suppression de postes envisagée aboutirait à une perte importante de valeur ajoutée. Quelles mesures alternatives pourraient être envisagées pour préserver les quatre-vingt-douze emplois menacés et sauvegarder ainsi la capacité des DDT à oeuvrer pour la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ?

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Depuis 2012, monsieur le ministre, ce n'est pas l'immobilisme qui a marqué votre action mais, au contraire, toute une série d'initiatives qui seront reconnues à l'avenir. Outre la PAC et la loi d'avenir pour l'agriculture, vous avez, dès 2012, anticipant probablement les crises ultérieures, demandé à toutes les filières agricoles de définir leur propre stratégie. L'action entreprise par votre ministère auprès du secteur de la restauration collective et de nos collectivités pour consommer des produits locaux est un autre trait de votre politique agricole. Ce travail sera bien sûr poursuivi.

Je souhaite vous interroger sur les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Ils prennent aujourd'hui leur envol puisque 110 ont été reconnus fin août 2015. Ils sont la preuve que les agriculteurs sont prêts à innover et à transformer notre modèle agricole pour obtenir plus de plus-value économique et environnementale de leurs exploitations. Monsieur le ministre, vous fixez-vous des objectifs annuels de création de GIEE ? Quelle part des crédits destinés à l'appui technique sera-t-elle consacrée aux GIEE en 2016 et pour les années suivantes ?

La France – et votre ministère en particulier – a contribué à la réussite de l'Exposition universelle de Milan 2015 consacrée à l'alimentation et qui s'achève à la fin de cette semaine. Êtes-vous en mesure de nous présenter un premier bilan financier de cette opération et un bilan sur la réussite, ou non, du très beau pavillon français ?

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Ma première question porte sur l'agriculture de montagne et sur les incidences financières du dispositif des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pour 2015, qui ont conduit à limiter fortement le niveau d'aides accordées aux zones de montagne. Je rappelle que ce dispositif vise à compenser les surcoûts de production engendrés par l'exploitation de milieux difficiles comme les zones de montagne. Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, par exemple, que presque 500 éleveurs de Franche-Comté, ce n'est pas anecdotique, voient leur aide diminuer de près de 15 %, alors qu'ils exploitent les secteurs les plus difficiles avec des hivers longs, des parcelles difficilement mécanisables et des bâtiments d'élevage plus coûteux pour résister à la neige ?

Ma seconde question porte sur le versement par l'Union européenne d'une aide de 500 millions d'euros aux 28 États membres – montant qui paraît d'ailleurs bien inférieur aux besoins des filières agricoles européennes : presque 50 euros par exploitation, ce n'est pas à la mesure de leurs difficultés. La France devrait percevoir, vous l'avez confirmé, 63 millions d'euros. Or les agriculteurs ont peu d'informations sur l'affectation de ces aides. Vont-elles s'ajouter au plan de soutien à l'élevage français ou être reconditionnées pour financer ledit plan ?

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La mission que nous examinons poursuit les politiques menées depuis bientôt quatre ans. On ne peut que se féliciter de l'augmentation de 30 millions d'euros du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations qui passe de 56 à 86 millions d'euros en autorisations d'engagement et qui répond aux engagements pris le 3 septembre 2015, permettant d'accompagner la filière de l'élevage. Je suis satisfaite également de la revalorisation des ICHN dont l'enveloppe passe de 232 à 256 millions d'euros et qui sera à nouveau augmentée en 2017.

L'un des objectifs de l'action 12, « Gestion des crises et des aléas de la production », est de renforcer le niveau de couverture des agriculteurs en leur proposant des produits adaptés à la situation de leur exploitation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser la nature de ces produits ? Est-il prévu d'aménager le seuil de reconnaissance de l'aléa économique, actuellement lié à une baisse de 10 % de la valeur ajoutée de l'exercice par rapport aux trois exercices précédents, baisse qui permet d'utiliser la déduction pour aléas (DPA) ? Est-il envisagé, comme certaines organisations agricoles le demandent, de remplacer la notion de valeur ajoutée par celle d'excédent brut d'exploitation ?

Je souhaite également vous interroger sur la fièvre catarrhale ovine (FCO) : un responsable aveyronnais expliquait récemment qu'en l'état actuel, les éleveurs ne pourraient plus exporter leurs bêtes et que l'équilibre du marché était de fait remis en cause. Au cours d'une conférence de presse, au mois de septembre dernier, vous avez assuré, monsieur le ministre, que les doses de vaccin disponibles permettraient d'assurer la pérennité des exportations de bovins et d'ovins vers l'Espagne, l'Italie et la Turquie. Pouvez-vous détailler les actions mises en place pour soutenir nos éleveurs exportateurs face à cette épidémie ? Enfin, une indemnisation des éleveurs pour les coûts de blocage est-elle prévue ?

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Je m'interroge sur les stages à l'installation qui visent à assurer le renouvellement des générations dans le secteur agricole – point crucial et qui le sera de plus en plus dans les années à venir. Pourquoi cet outil n'est-il pas davantage utilisé ? J'observe en effet une baisse des autorisations d'engagement de 50 % et des crédits de paiement de 33 % par rapport à 2015, sachant que les montants en valeur sont eux-mêmes assez faibles – entre 1 et 3 millions d'euros. Ce dispositif ne mériterait-il pas d'être davantage soutenu, développé et amélioré, compte tenu de l'évolution de la pyramide des âges ?

Dans la même veine, le fonds d'allégement des charges (FAC) avait baissé de 30 % entre le PLF pour 2014 et le PLF pour 2015 et voilà que, dans le PLF pour 2016, il stagne. C'est étonnant car on sait que le poids des charges est, d'après moi et de nombreux agriculteurs, un des problèmes principaux qu'ils ont à subir au quotidien. Le bleu budgétaire précise que ce fonds a fait l'objet d'un abondement complémentaire à la suite des annonces du Premier ministre l'été dernier. Or, je le répète, il est prévu que le montant ne varie pas entre 2015 et 2016. Cela signifie-t-il que le fonds est abondé uniquement en fonction des crises et sans vision à long terme ?

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Tout comme Mme Biémouret, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur les suites qui peuvent être données au rapport de Catherine Quéré et Jean-Marie Sermier sur les maladies du bois de la vigne.

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Comme beaucoup d'entre nous, monsieur le ministre, j'ai été interpellé par les éleveurs bovins et les producteurs de lait de mon territoire, dans le Pas-de-Calais, qui se trouvent dans une situation préoccupante, vous n'êtes pas sans le savoir. Garantir le prix de la viande et du lait est nécessaire pour faire face aux charges et investissements. De nombreux agriculteurs m'ont également fait part leur préoccupation sur les différentes normes et règles administratives allégées. Ces efforts ont été faits, il faut le saluer, pour répondre à la crise.

Je souhaite vous interroger sur la production avicole. Dans mon territoire, le groupe Doux a en effet fermé. Comment expliquer que la consommation intérieure de poulet, qui est forte, ne soit pas entièrement couverte par la production ? N'y a-t-il pas un effort à faire pour éviter les importations ? D'autre part, comment expliquer que nos poulets ne soient pas abattus localement, notamment dans le Nord de la France ?

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La parole est à M. le ministre pour répondre à ces nombreuses questions.

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Pourquoi, m'a demandé M. de Courson, la dette cumulée de la MSA ne serait-elle pas reprise par la CADES ? La dette des régimes agricole était de 1,2 milliard d'euros en 2009, 2010 et 2011, de 982 millions d'euros en 2012, et de 226 millions d'euros en 2014. L'instauration d'une taxe sur les boissons sucrées et sur la bière – contre laquelle, et je le comprends bien, vous avez voté – a en partie permis cette réduction. Elle est également imputable à un phénomène naturel, d'ordre démographique. Aussi, la MSA s'acheminant vers l'équilibre, n'est-il pas question de transférer cette dette vers la CADES : nous l'apurerons au fur et à mesure.

En matière fiscale, le projet de loi de finances rectificative prévoira des assouplissements concernant la DPA : le montant des intérêts de retards sera ramené à un niveau « normal » de marché. Nous entendons également assouplir les conditions de mobilisation de la DPA : les provisions réalisées grâce à elles doivent pouvoir être plus facilement mobilisées et, surtout, elles doivent être utiles, autrement dit, permettre aux agriculteurs de faire face à d'éventuels problèmes ou aléas de marché.

Des mesures fiscales concernant l'investissement sont également prévues.

S'agissant du plan sur l'élevage, les engagements pris par le Premier ministre en juillet et septembre derniers seront tenus.

Sur le FAC, la priorité donnée aux jeunes agriculteurs et aux petites et moyennes exploitations, l'éligibilité des coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), représentent quelque 100 millions d'euros en gestion.

Pour la restructuration de la dette des éleveurs, nous allons mobiliser entre 20 et 40 millions d'euros en fonction des besoins, l'année blanche obéissant à des objectifs précis et concernant avant tout les jeunes investisseurs et les jeunes agriculteurs dont il s'agit de pérenniser l'installation.

Le fameux plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations (PCAE) représentera 350 millions d'euros d'aides publiques par an de 2015 à 2017. Ce sont 90 millions d'euros qui seront dégagés sur trois ans – 30 millions d'euros en autorisations d'engagement en gestion pour 2015 et 30 millions d'euros en autorisations d'engagement pour les PLF pour 2016 et 2017.

Les crédits de modernisation de l'outil d'abattage et de découpe augmentent de 30 millions d'euros dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), j'y reviendrai.

Pour promouvoir les exportations, 10 millions d'euros sont mobilisés en gestion pour 2015.

Pour l'engagement des mesures agro-environnementales et climatiques, nous avons ajouté 15 millions d'euros en autorisations d'engagement en gestion pour 2015.

En ce qui concerne les chambres d'agriculture, nous observerons, pour l'année 2016, une pause dans la baisse annuelle de 2 % du produit de la taxe qui leur est versée, soit pour elles un gain de 6 millions d'euros.

Voilà pour les mesures d'ordre budgétaire. En ce qui concerne les mesures d'allégements de cotisations sociales, la prise en charge des cotisations MSA représente 50 millions d'euros pour 2015 et 2016. Les agriculteurs vont pouvoir opter, en 2015 ou en 2016, pour l'année N-1 en lieu et place de la référence triennale. Aujourd'hui, pour calculer vos cotisations sociales MSA, vous pouvez choisir de faire une moyenne des revenus des trois années précédentes. Or la profession a considéré qu'il serait plus intelligent de calculer ces cotisations sur la base du revenu de 2014, en général plus bas que la moyenne triennale. Cette mesure représente 87 millions d'euros – 46 millions d'euros pour les éleveurs en particulier.

L'alignement de l'assiette minimale maladie des agriculteurs sur le régime des indépendants – dont l'assiette minimale est moins élevée – fera gagner 400 euros aux plus petites exploitations, soit une baisse de 170 millions d'euros sur trois ans – 45 millions en 2015, 65 millions en 2016 et 2017. Cette décision est d'ailleurs pérenne et restera en vigueur après 2017.

Les remises sur les taxes sur le foncier non bâti (TFNB) et autres impôts directs sont estimées, en gestion 2015, à 50 millions d'euros.

Nous avons cherché à étendre le suramortissement aux entreprises agricoles soumises à l'impôt sur le revenu, au régime réel ou à l'impôt sur les sociétés. Nous avons également prévu une mesure spécifique pour l'investissement dans les CUMA. Cela à raison de 2 millions d'euros par an.

L'extension des exonérations de la taxe fiscale affectée (TFA) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les activités pionnières de méthanisation agricole, représentera 12 millions d'euros en 2016 et 2017, 4 millions d'euros en coûts de dégrèvement pour l'État en 2016 et 4 millions d'euros pour les collectivités territoriales en 2016 et 2017.

La somme de toutes ces mesures, hors report de charges de moyens financiers mobilisables pour les éleveurs, est de 650 millions d'euros sur trois ans. Un document précis et clair vous sera envoyé sur le sujet. En effet, tout ça n'est pas de la poudre de perlimpinpin : il s'agit bien de données réelles.

Les mesures de report de charges sur les échéances des derniers acomptes de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés – demande de la Fédération nationale des producteurs de lait – n'ont pas donné des résultats très satisfaisants et représentent un volume potentiel de 150 millions d'euros sur la mensualisation et la trimestrialisation de l'encaissement de la TVA.

Enfin, sur l'échéancier de paiement des cotisations MSA, pouvant aller de un à trois ans, le volume potentiel de report de charge est de 210 millions d'euros. Le coût réel pour la sécurité sociale MSA se limitera à un coût financier de l'avance.

Que fait-on des 63 millions d'euros versés par l'Union européenne ? Je rappelle que cette somme provient d'une enveloppe de 500 millions d'euros. La Commission a pu mobiliser ces crédits parce que la France, par mon intermédiaire, a refusé de remettre en cause le paiement des sanctions infligées aux pays ayant dépassé leurs quotas laitiers à la suite des accords de 2008. Ces sanctions ont rapporté quelque 890 millions d'euros, dont ont été extraits les 500 millions en question. Nous n'avons pas payé d'amende puisque nous avons respecté notre quota. Et, face à la pression exercée sur moi par l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, l'Irlande et la Pologne pour que ces sanctions ne soient pas payées, j'ai dit non. Du coup, ces pays ont payé et nous recevons ces fameux 63 millions d'euros qui, j'y insiste, sont le résultat d'un choix politique.

Sur ces 63 millions d'euros, nous allons en mobiliser 47 pour compenser le paiement des cotisations MSA en fonction des revenus de l'année N-1. Quant au reste, il sera réparti pour financer l'année blanche et le fonds l'allégement des charges.

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Oui, ce sont des mesures de gestion, je l'ai dit. Nous en débattrons lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Sachez que ce plan est le fruit d'arbitrages politiques obtenus à l'issue de longues nuits passées à discuter avec les services de Bercy.

M. Alauzet m'a interrogé sur les effectifs sanitaires. La baisse de la subvention accordée à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est très faible puisque de seulement 0,9 %, ce qui ne saurait remettre en cause la mission de l'agence. Du reste, mon engagement de créer des postes jusqu'en 2017 sera tenu et permettra à l'ANSES d'assumer sa nouvelle responsabilité d'autoriser la mise sur le marché des produits phytosanitaires.

À cet égard, nous sommes dans une phase de réorganisation de l'ensemble des effectifs déconcentrés dans les régions. Tout ce qui est fait vise à garantir l'efficacité du service. Je ne cache pas que nous faisons également des efforts en matière de fonctionnement et partout. Nous cherchons à améliorer l'utilisation des outils numériques à notre disposition. Les 60 emplois que nous déployons chaque année doivent nous permettre de remplir cette mission sanitaire que vous avez raison de juger très importante.

Monsieur Le Roch, j'ai rappelé l'ensemble des dispositions concernant l'élevage. Nous allons toutefois vous communiquer un tableau d'ensemble plus précis.

J'en viens à la question de l'étiquetage – et je vais être très clair. On m'a affirmé que si l'on voulait soutenir la filière porcine, il suffisait que je prenne un arrêté rendant obligatoire l'étiquetage des produits transformés d'origine française. Je rappelle que la législation sur l'étiquetage relève de la compétence européenne. Un arrêté que je signerais serait illégal, comme ne manquerait pas de le faire valoir la Cour de justice de l'Union européenne en cas de saisine. Peu importe, estiment certains selon lesquels l'étiquetage sera ainsi en vigueur le temps qu'une éventuelle procédure aboutisse.

Sachez que ceux qui demandent au ministre de prendre une telle décision sont les premiers à ne pas appliquer aujourd'hui une mesure qu'ils pourraient mettre en oeuvre de leur propre chef. Je pense notamment aux entreprises Bigard et Cooperl qui ne font pas l'effort d'étiqueter leurs propres produits transformés.

Sur le marché de Plérin, moi, j'ai négocié et nous avons obtenu un accord général cassé par certains groupements de producteurs et en particulier par les deux opérateurs que je viens de citer qui se déchargent de leurs responsabilités sur le ministre. J'ai demandé un débat avec un représentant du groupe Cooperl afin que nous nous expliquions une bonne fois pour toutes. On ne peut en effet tout raconter et son contraire. Je le répète : si ces opérateurs veulent étiqueter leurs produits, rien ne les en empêche et certains autres le font très bien.

Sur la Belgique, je vous rappelle que, lorsque nous avons trouvé un accord pour relever le prix du porc, il était là-bas à 96 centimes voire un euro par kilo. Le ministre belge m'a demandé quelles étaient nos méthodes. Ils nous ont imités ! Et maintenant, à vous entendre, nous devrions copier les Belges qui nous ont eux-mêmes copiés...

Si l'on veut intégrer une bonne fois pour toutes les enjeux de la grande distribution, ceux des industriels et ceux des producteurs – les premiers à qui je pense, moi – il convient d'instaurer un système de contractualisation tel que nous l'avons proposé. Et si l'accord avait tenu, nous n'en serions pas à 1,20 euro le kilo de carcasse.

Donc, l'exemple n'est pas venu de la Belgique mais bien de la France.

J'en viens à la forêt et par conséquent à l'intervention de M. Chassaigne. De nombreux dispositifs existent et qui mobilisent toute une profession forestière qui considère qu'il faut remonter loin dans le temps pour en retrouver l'équivalent, qu'il s'agisse du plan Klaus, de la défense de la forêt contre les incendies (DFCI), du fonds stratégique de la forêt et du bois ou autres comptes d'investissement forestier et d'assurance (CIFA)…

Reste la question de l'Office national des forêts (ONF). Ses effectifs sont en voie de stabilisation mais son équilibre financier n'est pas facile à trouver : la subvention de l'État n'augmente pas, c'est vrai. Il s'agit de mobiliser la filière bois, d'améliorer la gestion et de renforcer la collaboration entre communes forestières et ONF. La discussion n'a pas été facile mais nous avons progressé – nous avons négocié les délais de paiement. Notre objectif est de maintenir le régime forestier, de préserver l'ONF et d'en renforcer les missions. Et la question que vous avez posée, monsieur Chassaigne, est d'autant plus justifiée que le climat social est quelque peu tendu. J'ai bien conscience que nous avons atteint les limites de l'acceptable du point de vue des salariés et c'est pourquoi le prochain contrat d'objectifs et de performance prévoit une stabilité en matière d'emplois.

En ce qui concerne le financement du fonds stratégique de la forêt et du bois, la question de la taxe carbone sera posée après la COP 21. Notons au passage que même Christine Lagarde considère qu'il convient d'instaurer une fiscalité sur le carbone.

Votre proposition au sujet des GIEEF sera retenue pour être discutée lors de l'examen du PLFR. Il s'agit en effet de favoriser, par des mesures fiscales incitatives, leur regroupement. Nous avons besoin d'une stratégie beaucoup plus cohérente en matière forestière, même entre public et privé. Je suis d'ailleurs frappé par le fait que nous parvenions aujourd'hui à réunir tout le monde : quand j'ai présenté les projets liés à la COP 21, tous les acteurs étaient présents et décidés à travailler ensemble. C'est un progrès colossal par rapport à la situation antérieure. On commence ainsi à trouver un rythme de discussion, de dialogue et de mise en oeuvre des décisions très intéressant. Je pense aux mesures sur le renforcement des contrôles phytosanitaires à l'exportation pour valoriser le bois dans nos scieries...

Nous reviendrons sur ces sujets dans le cadre du PLFR.

Monsieur Benoit, en ce qui concerne la TVA sociale, il était prévu une augmentation de trois points, à savoir le passage de 19,6 à 22,6 %. Sur le taux maximum, un point de TVA représentant quelque 6 milliards d'euros, cette augmentation apporterait 18 milliards. Non seulement une telle augmentation aurait risqué de faire baisser la consommation mais elle n'aurait pas non plus permis d'atteindre 40 milliards, ce qui est l'objectif du pacte de responsabilité pour 2016-2017, pour lequel il aurait fallu une augmentation, inenvisageable, de six ou sept points de TVA. Le sujet de la TVA est donc dépassé ; ce que nous avons fait avec le pacte de responsabilité va bien au-delà de ce que vous pourriez faire avec une hausse de la TVA qui aurait par ailleurs des conséquences sur la consommation.

Le sujet de la DPI et de la DPA sera traité en loi de finances rectificative : nous assouplirons les dispositifs, c'est important. En ce qui concerne les exonérations de CFE et de taxe sur le foncier bâti, nous vous enverrons les documents relatifs aux mesures que j'ai évoquées.

Le système doit être amélioré dans le domaine de la méthanisation, et c'est également prévu dans le projet de loi de finances : cela a été voté en première partie.

En ce qui concerne le suramortissement à 140 % pour les CUMA, nous avons cherché à l'étendre à chaque part du sociétaire dans la CUMA afin que celle-ci puisse investir pour tous les membres. Il faut des investissements collectifs, car ils sont plus supportables pour les exploitations.

S'agissant de la fiscalité agricole, toutes les décisions issues des assises de la fiscalité, telles que l'évolution du régime au forfait et du régime réel, ont été appliquées. Nous essayons de faire évoluer cette fiscalité dans le sens que vous souhaitez, afin qu'elle soit juste, équitablement répartie, et permette aux éleveurs et agriculteurs de faire des provisions et d'amortir en partie la volatilité des prix.

Sur l'outre-mer, monsieur Serville, je ne sais pas d'où vous sortez vos chiffres. Les fonds du CIOM comme ceux de l'ODEADOM sont maintenus à 41 millions d'euros. De même, tous les crédits du POSEI sont maintenus, après une lutte acharnée au niveau européen. En outre, grâce à la négociation conduite par le Président de la République, nous avons augmenté les crédits du FEADER pour les TOM et les DOM de 200 millions d'euros, soit 40 millions de plus pour la seule Guyane. Je souhaite, à présent, que tous ces crédits soient consommés.

Je suis attaché au développement de la Guyane. Nous avons consenti des efforts pour sa chambre d'agriculture, très déficitaire, qui n'est pas impactée par les mesures concernant les chambres en métropole et que nous aidons à se restructurer. Je souhaite par ailleurs que chaque territoire réunisse son comité d'orientation stratégique pour le développement agricole (COSDAR), afin de réaliser un plan stratégique. Il y a du potentiel en Guyane : il faut le développer.

Une question m'a été posée concernant le financement du PIA. Notre stratégie consiste à concentrer les investissements sur deux plutôt que sur trois ans, car c'est maintenant qu'il faut améliorer la productivité dans l'abattage-découpe.

Le FAC a une ligne budgétaire qui paraît stable et, de ce fait, déconnectée de la réalité. La raison en est qu'il s'agit d'un allègement de charges souvent exceptionnel et lié à une crise, et que nous mobilisons donc les fonds ailleurs. Ce n'est évidemment pas la ligne budgétaire du FAC qui financera les 100 millions.

Sur l'étiquetage des produits transformés, la question, je l'ai dit, ne relève pas du seul ministre. Il faut mettre la pression sur les industriels pour que s'impose la traçabilité de ces produits – je ne parle pas de la viande fraîche, car c'est déjà réglé. L'industrie peut le faire et elle le fait déjà dans certains cas : on trouve dans les rayons des produits avec le logo hexagonal bleu-blanc-rouge. Je n'ai pas besoin d'aller négocier au niveau européen pendant deux ans, au risque que cela ne débouche sur rien : cela peut être une démarche volontaire. Les députés ont une responsabilité dans leurs circonscriptions : ils doivent rencontrer les acteurs de la grande distribution et leur dire que c'est possible.

En ce qui concerne les crédits MAE, le fait que les autorisations d'engagement s'élèvent à 300 millions cette année et s'élèveront à 70 millions l'année prochaine en étonne certains. La raison en est que nous lançons le programme d'autorisations d'engagement cette année et que nous inscrivons donc dès maintenant la totalité du budget, qui se décline ensuite tous les ans. Il ne faut pas voir dans cette présentation une diminution du financement des MAE.

De même, sur le dispositif pour les jeunes agriculteurs, les crédits de paiement sont très élevés en 2015, ce qui ne se retrouve pas en 2016. Comme nous arrivions en fin de gestion du FEAGA, nous avons mobilisé tous les crédits européens afin d'utiliser les budgets disponibles. Nous avons donc, pour cela, fait monter les dépenses. C'est une simple mesure de bonne gestion et cela ne remet nullement en cause les politiques liées à l'installation, dont l'objectif est maintenu.

S'agissant des avances, l'État a décidé d'emprunter une partie de ce qu'il versera aux agriculteurs, en se garantissant sur le versement des aides par l'Europe l'an prochain. La première avance, de 3,5 milliards, a été versée le 1er octobre. La seconde sera versée le 1er décembre, pour un complément entre 3 et 5 milliards. Cela permet aux agriculteurs de percevoir des aides même si les dossiers PAC ne sont pas finalisés.

Nous avons dû modifier l'ensemble des définitions du registre parcellaire graphique (RPG) car l'Europe a considéré que, faute de posséder un RPG juste, nous avions mal défini le versement des aides de 2006 à 2011, et menaçait par conséquent de nous faire payer 3,5 milliards. Pour ne payer que 1 milliard, même si je trouve que c'est encore trop, nous avons annoncé que nous redéfinirions notre RPG, en même temps que nous mettons en place la nouvelle PAC. C'est un travail colossal qui mobilise des dizaines de personnes dans les DDT. Nous avons déjà corrigé ce registre dans tous les départements, sauf un. Cette affaire des apurements européens nous ayant privés des justifications pour mobiliser les aides de l'Union, nous avons décidé d'emprunter pour verser des aides aux agriculteurs. L'État français sera remboursé par le versement des aides européennes en 2016.

Le PCAE représente, sur les années 2015, 2016 et 2017, une dépense de 350 millions d'euros. Cela assurera ensuite une capacité de mobiliser environ 1 milliard d'euros par an pour la modernisation des bâtiments. Alors que le financement était prévu sur cinq ans, nous avons réduit ce délai afin de concentrer les investissements sur trois ans, et nous avons ajouté 30 millions sur le budget de l'État, qui passe ainsi à 86 millions. Avec les 280 millions des régions, cela fait 350 millions.

L'État consent environ 3 % d'effort tous les ans sur le fonctionnement. Nous demandons aussi des efforts aux opérateurs. C'est ainsi que nous avons demandé un effort aux chambres d'agriculture, en diminuant de 2 % sur trois ans les prélèvements liés aux taxes, avec une pause en 2016. C'est intéressant aussi pour les agriculteurs, qui ont moins à payer sur le foncier non bâti. Demander 2 % d'effort sur les taxes, cela signifie, les ressources des chambres étant composées pour moitié de taxes et pour une autre moitié de subventions, que nous demandons 1 % d'effort seulement sur l'ensemble.

Les cellules d'urgence concernent quelque 25 000 dossiers d'élevage, un peu plus de 30 000 pour l'ensemble. Sur ce nombre, 13 000 dossiers sont déjà instruits et validés, pour des allègements de charges. Les paiements ont commencé. Nous vous communiquerons un document sur la mise en place du dispositif département par département.

Ce sont des mesures conjoncturelles, mais les questions structurelles sont elles aussi très importantes. Comment mettre en place de nouveaux systèmes de contractualisation ? Dans le domaine laitier, les contrats sont conçus comme une garantie de collecte, mais la fluctuation des prix reste trop grande. Il faut que la logique contractuelle intègre la grande distribution et stabilise les prix davantage. Nous vous enverrons les deux documents que nous avons distribués à la filière porcine et à la filière bovine sur la contractualisation et surtout les caisses de sécurisation.

Pour la Réunion, le Président de la République s'est engagé sur une enveloppe supplémentaire de 38 millions. Nous sommes en train de la négocier avec la Commission européenne. J'étais ce matin à un forum de l'agriculture biologique, où l'un des intervenants indiquait que la demande pour le sucre bio allait être extrêmement forte. Quand je me suis rendu à la Réunion avec le Président de la République, j'avais discuté avec le responsable de la sucrerie de Bois-Rouge, représentant de Tereos, qui demandait des aides. Alors que je l'interrogeais pour savoir si les sucriers de la Réunion ne pouvaient pas se positionner sur des sucres spéciaux, afin de mieux valoriser la canne, il me répondit que les sucres spéciaux, c'était terminé, qu'ils étaient dépassés par le sucre bio. Quand je lui demandai, alors, si l'on ne pouvait pas faire du sucre bio à la Réunion, il répondit que c'était possible mais que cela exigerait des investissements. Il n'était pas partant pour construire cette filière, où la demande va être forte, alors qu'il réclame des aides ! Les producteurs de canne m'ont dit, quant à eux, qu'ils pouvaient très facilement s'adapter à cette demande.

Une question a été posée sur les GIEE. Nous en sommes aujourd'hui à 116 et nous en serons à plus de 200 à la fin de l'année, ce qui devrait couvrir plus de 300 000 hectares. Je souhaite que l'application de la loi d'avenir soit évaluée d'ici à la fin de l'année sur les cinq grands débats auxquels elle a donné lieu : les GIEE, la forêt, l'outre-mer, l'enseignement et la recherche, l'alimentation. Le GIEE est le sujet le plus intéressant. Je retiens la belle phrase de René Char citée par M. Chassaigne : « De l'inachevé bourdonne l'essentiel. » Avons-nous trouvé l'essentiel ? La première réunion que j'ai tenue sur les GIEE m'a montré que l'inachevé dans notre débat a permis aux acteurs de se saisir de cette liberté. Ce débat était très intéressant, politiquement et même philosophiquement. Je souhaite que nous fassions le point sur tous ces sujets, afin de voir si les doutes ont été levés, si les choses ont avancé.

S'agissant de la FCO, il existe un vrai sujet sur les indemnisations. Parmi les pays à l'exportation, nous avons conclu très rapidement un accord avec l'Espagne, ce qui n'a pas été le cas avec l'Italie, et nous sommes encore en négociation avec la Turquie. La vaccination est le seul moyen de produire les certificats d'exportation d'animaux. Nous avons engagé la campagne, avec 500 000 vaccins. Les bêtes vaccinées deux fois sont exportables. Le coût est estimé à quelque 20 millions d'euros, en frais de gestion, en 2015 et 65 millions en 2016. Ces sujets seront évoqués avec le Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE), qui appuiera cette action à hauteur de 5 millions ainsi que par un cofinancement de 10 millions avec le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

Je pense qu'il faudra négocier au niveau européen pour que seules s'appliquent les règles de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Les règles européennes sont aujourd'hui plus strictes sur la FCO et pourraient être un peu assouplies, cette maladie n'ayant pas de conséquences dramatiques, en particulier pour les bovins.

Nous avons levé le moratoire sur la ressource en eau. Je pense que les GIEE, en regroupant des exploitations, permettraient une gestion de l'eau plus efficace et rationnelle. Je ne suis pas contre le développement de retenues collinaires, mais celles-ci doivent être pensées en fonction de leur impact sur les bassins et sur plusieurs exploitations, car on ne peut pas créer une retenue collinaire chaque fois qu'une exploitation rencontre un problème d'irrigation. Il faudra en discuter avec les services de l'environnement et les agences de l'eau.

Ce que nous avons engagé contre la maladie du bois n'a pas encore abouti à des résultats. J'ai d'ailleurs appris que l'arsenic de soude, interdit depuis lors pour les raisons que l'on sait, était utilisé alors qu'on ne savait même pas pourquoi c'était efficace contre la maladie du bois. Nous avons donc demandé qu'une recherche soit conduite pour répondre à cette question et en déduire des méthodes alternatives. Le rapport de Mme Quéré et de M. Sermier montre bien que la maladie du bois est un vrai problème. Les financements du CASDAR, provenant d'une taxe sur les chiffres d'affaires dans l'agriculture, sont aujourd'hui très contraints. Je propose, quand ses recettes seront meilleures, de flécher la maladie du bois dans ce compte d'affectation.

En ce qui concerne l'ATR, un règlement européen interdit d'apporter des aides à des agriculteurs en redressement judiciaire, ce qui concerne entre 500 et 1 000 entreprises. Nous enverrons aux préfets une instruction présentant une solution technique de remplacement qui vient d'être finalisée.

Enfin, j'ai indiqué au début de mon intervention que nous sommes parvenus à 1,24 milliard sur l'ICHN et la PHAE. Avec 200 millions d'euros supplémentaires, c'est sans précédent depuis que le dispositif a été créé. Celui-ci est plafonné à 75 hectares ; ce dont vous me parlez, madame Genevard, concerne-t-il des exploitations dépassant ces 75 hectares ?

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Nous la regarderons.

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Merci. Je rappelle que la discussion et le vote en séance publique auront lieu le lundi 2 novembre.

La réunion de la commission élargie s'achève à minuit cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale