Intervention de Antoine Herth

Réunion du 28 octobre 2015 à 21h10
Commission élargie : finances - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Tout d'abord, je voudrais remercier les rapporteurs qui ont été concis et néanmoins très clairs dans leurs exposés, et le ministre qui était parfait dans son rôle de coche. À mon tour, je vais être à la hauteur de ma mission de mouche du coche.

Suite à la crise agricole qui était au coeur de l'actualité cet été – et qui malheureusement se poursuivra encore pendant plusieurs mois – le Premier ministre a fait d'importantes annonces le 3 septembre dernier. Vous les avez rappelées, monsieur le ministre. La presse annonçait des chiffres à donner le tournis – que vous avez également cités – et que constatons-nous finalement ? Le plan de compétitivité des exploitations agricoles et le programme d'investissement d'avenir pour les outils d'abattage et de découpe vont obtenir chacun une rallonge de 30 millions d'euros. Nous sommes loin des sommes astronomiques annoncées. Où sont passés les 62,9 millions d'euros alloués à la France lors du Conseil de l'Union européenne du 15 septembre dernier ?

Le moins que l'on puisse dire c'est que des éclaircissements sont nécessaires. Des amendements seront-ils retenus ? Où allons-nous retrouver les bons chiffres ? Faut-il attendre le projet de loi de finances rectificative de 2015 ? Si c'est le cas, votre message aura le mérite d'être clair : la crise agricole est priée de s'éteindre avec le budget de l'année en cours, et en 2016 on fait comme d'habitude, c'est-à-dire moins d'argent et plus de paperasse.

Non seulement vous ne voulez pas prendre en compte le caractère structurel de la crise – que dis-je, de la mutation de notre agriculture – mais de surcroît vous poursuivez votre chemin en transférant l'essentiel des politiques que vous pilotez sur des crédits européens et maintenant régionaux.

Nombre d'agriculteurs ont le sentiment de subir une double peine : d'abord, on leur prend les aides pour financer vos réformes ; ensuite, ils sont obligés d'ingurgiter une montagne de réglementations nouvelles pour espérer en retrouver quelques miettes. C'est déjà ce qui s'est passé avec la mise en oeuvre des déclarations PAC, au printemps dernier, quand il a fallu reporter à deux reprises les délais de dépôt des dossiers tellement c'était incompréhensible, pour ensuite lancer deux opérations d'avance de trésorerie. On s'est aperçu que les agriculteurs n'auraient aucun paiement à la Toussaint, rien à Noël, qu'ils auraient peut-être quelque chose à la Chandeleur ou, plus sûrement, à Pâques de l'an prochain. Cela représente un décalage de trésorerie de six mois, à un moment où tous les marchés s'effondrent.

En réalité, c'est tout le raisonnement qui étayait votre loi d'avenir qui s'effondre : il ne suffit pas de prendre à Pierre pour faire le bonheur de Paul, il faut d'abord se préoccuper de l'équilibre des marchés agricoles et permettre aux producteurs de générer un maximum de valeur ajouté en améliorant leur compétitivité. Mais je veux vous rendre justice. En vous écoutant, j'ai bien noté que, pour vous au moins, cette notion de compétitivité n'était plus un gros mot. J'espère que vos soutiens feront les mêmes progrès.

Malheureusement, vous rabotez méthodiquement les quelques leviers d'action qui vous restent. Ainsi le programme 154 perd encore 28 millions d'euros. Si nous avons bien compris que les jeunes agriculteurs devraient dorénavant trouver leur bonheur dans la politique européenne d'appuis à l'installation, il est moins compréhensible que les crédits pour les agriculteurs en difficulté et les fonds d'allégement des charges soient affichés avec des montants qui ont juste le mérite de faire exister ces lignes.

Autre paradoxe : on retrouve bien une augmentation de 30 millions d'euros des crédits en autorisations d'engagement pour la modernisation des bâtiments d'élevage mais parallèlement les crédits de paiement baissent de 14,6 millions d'euros.

Autre sujet que nous évoquons régulièrement : l'assurance récolte. Son financement disparaît de votre budget et nous en avons compris la raison. On peut cependant se demander si le calibrage de l'enveloppe prévue sera suffisant ?

De même, l'on peut s'interroger sur le juste calibrage des autorisations d'engagement destinées à cofinancer les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) ? Y aura-t-il un complément si les souscriptions des agriculteurs sont plus importantes que prévu ?

Ma dernière remarque porte sur les actions internationales. Les crédits destinés à la promotion des exportations agroalimentaires sont en baisse de 43 %. Or nous savons que l'un des déclencheurs de la crise porcine est la fermeture du marché russe. Voilà qui donne le sentiment que vous baissez les bras et que vous avez renoncé à trouver des débouchés nouveaux pour notre production agricole.

En définitive, vous nous présentez un budget qui soulève beaucoup de questions, qui serait fortement perfectible, et qui va probablement être source d'une grande déception pour les agriculteurs.

Monsieur le ministre, permettez-moi une dernière suggestion si vous cherchez des idées originales et nouvelles : je vous propose d'organiser une élection primaire au sein de la gauche.

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