Une semaine tout juste après la fermeture des portes du salon guyanais de l'agriculture, qui a connu un grand succès populaire grâce à l'implication toujours plus forte de l'ensemble des acteurs de la filière locale, voilà que vous nous présentez un budget littéralement sacrifié pour ce territoire d'Amérique du Sud, mais pas seulement.
Avec mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je partage entièrement le constat selon lequel, l'agriculture française traverse une crise non pas conjoncturelle mais profondément structurelle. Nous sommes persuadés que vous en êtes également pleinement conscient. La quasi-totalité des filières est touchée du fait des pressions politiques venues d'Europe ou de contraintes d'ordre économique du niveau international. Or si nous vous reconnaissons une volonté politique d'y faire face, nous devons avouer notre étonnement quant aux moyens mis en oeuvre pour enfin répondre aux attentes légitimes des agriculteurs en matière de répartition de la valeur ajoutée.
Avant de me recentrer sur le cas de la Guyane, qui m'intéresse à plus d'un titre et dont les difficultés n'ont rien à voir avec celles traversées par une industrie nationale mature, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de notre embarras face au recul évident engagé par le Gouvernement sur les questions se rapportant à la fixation des prix et aux relations entre producteurs et grande distribution. Il est grand temps, et c'est d'ailleurs valable pour de nombreux sujets, d'arrêter ces mesures éphémères pour enfin nous attaquer aux problèmes de fond qui plombent notre agriculture.
En effet, il est certain que ces problèmes de fond ne sauront trouver des solutions durables à travers la baisse drastique du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales » qui, je le rappelle, a perdu 15 % de ses crédits de paiement en trois ans, ce qui correspond à la coquette somme de 500 millions d'euros.
Certes, les démonstrations de force des agriculteurs auront permis la mobilisation de fonds d'urgence. Cependant, je demeure surpris qu'après les témoignages de la profonde souffrance de nos agriculteurs, et après une année 2015 particulièrement rude, les coupes budgétaires subies par la mission qui nous intéresse n'aient pas connu un coup d'arrêt.
Pour ce qui est de la Guyane en particulier, je ne puis que déplorer sans réserve le coup de rabot supplémentaire porté aux crédits qui lui sont dédiés : les crédits accordés à ce territoire vont baisser de 21 % sur trois ans. Cette baisse se situe largement au-dessus de la moyenne nationale. Je rappelle, au besoin, que la Guyane est le seul département français où la surface agricole augmente de façon soutenue année après année. Pourtant, le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » est particulièrement touché, puisqu'il affiche une baisse de 54 % par rapport à 2014. Le programme 215 n'est pas en reste puisqu'il connaît lui aussi une baisse à deux chiffres.
Bien entendu, ces chiffres ne prennent en compte ni les fonds apportés par la PAC, ni les enveloppes que vous avez débloquées sur le budget 2015, en particulier en faveur de la filière élevage. Il n'en demeure pas moins que cette baisse drastique est symptomatique du traitement réservé à la plus grande région de France.
Vous le savez monsieur le ministre, la Guyane connaît une croissance démographique exponentielle de 4 % par an. À l'Ouest, on s'approche d'un taux de croissance annuel de 10 %. Ainsi la population de Saint-Laurent-du-Maroni devrait passer de 40 000 habitants en 2015 à 100 000 habitants avant 2030. Les niveaux de vie sont extrêmement bas, la population se paupérise et nous sommes loin de l'autosuffisance alimentaire.
Comment alors envisager l'avenir avec sérénité lorsque se raréfient à ce point les crédits indispensables au déploiement d'une filière nécessaire à nourrir nos populations ? La chambre régionale de l'agriculture est déjà quasiment morte, et les démarches pour disposer de foncier agricole souffrent d'un manque cruel de moyens. Par ailleurs, les jeunes qui souhaitent se lancer dans l'agriculture se découragent très rapidement face à la lourdeur des démarches administratives, d'une part, et du manque de soutien des autorités publiques, d'autre part.
J'ai donc bien peur que ce budget pour 2016 n'améliore pas les choses, bien au contraire. Quant au budget alloué à la forêt, il se passe de commentaire : 600 000 euros pour un massif forestier de 12 millions d'hectares. Cela laisse vraiment songeur dans une région où le chômage endémique touche 21 % de la population active.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que dans ces conditions et alors même que ce gouvernement a pu compter sur mon indéfectible soutien lors des votes des budgets successifs, je voterai contre le budget qui nous est présenté ce soir, comme ce sera le cas de la majorité de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et je vous demande de considérer mon intervention comme un véritable cri du coeur.