Intervention de Jean-Louis Dumont

Réunion du 30 octobre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits relatifs à la politique immobilière de l'État, et au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » :

J'ai réalisé, à la demande du président de la commission des finances, une investigation sur le dossier de la Philharmonie de Paris. Eh bien, si les recommandations de Mme Berger avaient été appliquées, nous aurions évité certains dérapages – remarque qui vaut pour bien d'autres grands chantiers de l'État.

La politique immobilière de l'État est essentielle pour la conservation et la valorisation du patrimoine. Dans le même temps, sa gestion rigoureuse et rationalisée est de nature à contribuer à une meilleure maîtrise du budget de la nation. Il en va en outre de l'image de l'État : comment considère-t-on le public, les agents – ces derniers disposent-ils des moyens d'aujourd'hui pour gérer l'ensemble des missions qui leur sont confiées ? Je ne reviendrai pas sur le cas de l'Hôtel de la Marine, qui a défrayé la chronique au cours de ces dernières années, mais, au moment où l'on souhaite augmenter encore la capacité d'accueil touristique de la France et de sa capitale, la préservation de certains bâtiments historiques dont l'attrait est notoire doit être prise en compte.

J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui retrace les produits des cessions. Nous pouvons nourrir quelques inquiétudes pour les années à venir. En effet, les grandes ventes ont déjà été exécutées. On peut en outre noter un effet pervers à l'occasion de la création de « pastilles » par un plan local d'urbanisme, laquelle engendre une perte de valeur. C'est ce qui se passe à Paris où des bâtiments perdent déjà de la valeur à cause du calcul d'une décote lié à une politique voulue par l'État – du reste excellente et réalisée dans le cadre de la loi et sous le contrôle, notamment, de France Domaine – visant à répondre en particulier aux besoins en logements sociaux. Tant qu'il n'est pas sur le marché, on n'est jamais sûr de la valeur d'un bien.

C'est pourquoi j'appelle l'attention du secrétaire d'État chargé du budget, en tant qu'il est chargé également du domaine, sur un seul exemple : l'hôtel de l'Artillerie qui pourrait être assez rapidement mis en vente par le ministère de la défense. Je rappelle que ce dernier, comme le ministère des affaires étrangères, bénéficie d'une dérogation lui permettant le retour presque complet du produit de la vente. Vous comprendrez dès lors que, quand nous examinons une loi de programmation militaire, nous ne saurions dépendre des aléas d'une vente. Aussi, je souhaite que nous demandions à des opérateurs privés d'estimer le bien en question ; autrement dit : combien vaudrait-il sur le marché ? France Domaine, avec ses outils, sa culture, a estimé, il y a six ans, le prix de vente éventuel de l'hôtel de l'Artillerie. La perte de valeur peut résulter d'un choix stratégique que l'on peut partager, mais on ne peut pas décider d'une décote dans n'importe quelles conditions. Or, après avoir stagné ces dernières années, le produit des ventes tend à diminuer et d'une façon qui pourrait se révéler vertigineuse.

Plusieurs ministères régaliens – intérieur, justice… – ont bénéficié d'opérations importantes de centralisation de leur administration, leur permettant de se libérer de locations, d'utiliser des biens domaniaux. Or c'est la mutualisation qui permet ces économies de fonctionnement.

Enfin, je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à appliquer les avis du conseil de l'immobilier de l'État, qui a une démarche d'expert, et au sein duquel l'Assemblée, le Sénat et les grandes institutions de contrôle de l'État sont représentés. Le conseil travaille main dans la main avec France Domaine – qui se professionnalise – dont vous ne devez jamais oublier qu'il s'agit du bras séculier de l'État propriétaire. Il ne faudrait pas que le petit jeu parisien conduise à contourner les avis de ces deux organismes.

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