Intervention de Patrick Vuitton

Réunion du 13 octobre 2015 à 16h15
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Patrick Vuitton, délégué général de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, AVICCA :

Je vous prie d'excuser M. Patrick Chaize, président de l'AVICCA, qui ne peut être présent parmi nous aujourd'hui car il participe en ce moment même à une commission de concertation sur la couverture mobile, autre domaine de dépenses et d'investissements pour les collectivités. Notre association, née il y a 29 ans, regroupe aujourd'hui un peu plus de 250 collectivités territoriales, aussi diverses que Saint-Pierre-et-Miquelon, La Réunion, le département de la Lozère ou la Ville de Paris.

Le développement du très haut débit représente, certes, une dépense importante, de l'ordre de 13 milliards d'euros, pour les collectivités, mais si elles ne réalisaient pas cet investissement, elles courraient le risque de perdre globalement en compétitivité. Aujourd'hui, un logement qui n'est pas équipé d'une connexion à haut débit se vend moins cher qu'un logement similaire qui en est équipé, ou ne trouve pas acquéreur ; demain, il en ira de même pour la connexion à très haut débit. Quant aux entreprises, elles risquent, si elles n'ont pas accès au très haut débit, de voir certains marchés leur échapper ou de perdre un donneur d'ordres si celui-ci décide, par exemple, du jour au lendemain, de travailler en visioconférence. Ces 13 milliards d'euros sont donc une dépense quasi obligatoire pour les collectivités : celles d'entre elles qui n'investiraient pas dans le développement des réseaux numériques s'exposeraient à un risque de décrochage.

Le plan « France Très haut débit » a fixé pour objectif le fibrage de 80 % des locaux en 2022. Certaines collectivités, comme les départements de l'Oise et de l'Ain, envisagent d'atteindre cet objectif d'ici à 2020, mais d'autres l'ont déjà repoussé à 2030, et ce report pourrait s'aggraver encore si les finances locales continuaient de se dégrader. Or, dans un rapport publié ce matin, la Cour des comptes s'inquiète des conséquences de la baisse des dotations de l'État aux collectivités, qui se traduit notamment par une diminution, cette année, de 15 % des dépenses d'équipement des communes de plus de 100 000 habitants. Le même phénomène affecte sans doute les départements, qui sont en outre confrontés à la hausse des dépenses sociales, et les régions.

Ces 13 milliards d'euros d'investissements agrègent de nombreux financements, qui proviennent des différents échelons territoriaux – communes ou intercommunalités, départements et régions –, de l'Union européenne, à travers le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), et du plan « France Très haut débit » dans le cadre du Fonds national pour la société numérique (FSN). La mécanique est donc assez complexe, d'autant que les collectivités prévoient de financer pour moitié ces investissements par les recettes tirées de l'utilisation des réseaux. Outre les emprunts, leurs propres fonds et les subventions de l'État – qu'elles ne perçoivent qu'une fois les dépenses effectuées –, les collectivités doivent en effet négocier l'arrivée des opérateurs, lesquels préfèrent parfois attendre, par exemple pour préserver leur réseau existant.

Il faut également compter avec les aléas de la réalisation. Ainsi, l'État n'a débloqué que 18 millions d'euros, car il ne signe plus de conventions de financement dans l'attente de la décision de la Commission européenne concernant le plan « France Très haut débit ». Les collectivités qui ont commencé à déployer des réseaux se retrouvent donc dans une situation de trésorerie tendue, sans perspectives précises concernant les financements de l'État. Par ailleurs, nous avons appris il y a quelques semaines que la direction générale des finances publiques n'acceptait plus que les collectivités récupèrent la TVA sur les opérations dites de « montée en débit sur cuivre », c'est-à-dire l'amélioration du réseau d'Orange, ce qui renchérit ces opérations de 20 %.

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