J'ai reçu la mission de rapporter les crédits budgétaires relatifs à l'industrie, dans un contexte où la politique industrielle française fait l'objet d'une modernisation de grande ampleur, au service de la compétitivité de la France.
L'industrie française suscite de grandes inquiétudes, alimentant des visions et des discours déclinistes qui annoncent sa fin depuis plusieurs années. J'ai précisément souhaité apporter un éclairage lucide sur la situation de l'industrie française, sur la politique industrielle qui est conduite et sur les perspectives d'avenir.
Sans optimisme excessif, je suis parvenu à la conclusion que l'industrie a encore de l'avenir en France si l'intervention de l'État l'accompagne dans son redressement et dans son virage vers l'innovation.
Depuis 2012, de nombreuses initiatives publiques ont eu pour objet de stimuler les entreprises françaises pour enclencher une nécessaire sortie de crise. En 2015, force est de constater que l'industrie française a bien résisté, et qu'elle est présente dans les domaines de rupture technologique. Les filières industrielles, qu'elles soient d'aujourd'hui ou de demain, connaissent un second souffle dans le cadre de la nouvelle France industrielle ou des comités stratégiques de filière.
Toutefois, il faut convenir que l'industrie telle que nous la connaissions a changé de visage : davantage tournée vers les services, resserrée sur son coeur de métier, il est aujourd'hui plus difficile d'en cerner les contours. Les Allemands parlent d'ailleurs d'« industrie 4.0 » ; nous pouvons parler plus modestement d'une industrie qui doit s'adapter aux besoins des consommateurs et qui doit opérer sa transition numérique.
L'avis que je présente fournit un examen de la rupture dans la conception de la politique industrielle que constitua le rapport Gallois en 2012. Ce fut l'occasion de faire la synthèse des mesures mises en oeuvre par le Gouvernement et plébiscitée par les entreprises, comme le crédit d'impôt recherche (CIR) ou le suramortissement fiscal, et de rechercher les gisements de compétitivité qui peuvent encore être exploités. Plus généralement, c'est l'organisation d'une politique industrielle plus structurante, plus visible et plus lisible qui a été interrogée.
J'ai justement souhaité me focaliser sur un enjeu crucial pour la politique industrielle française, celui de son organisation administrative. Une politique industrielle sans pilotage clair et sans coordination entre ses acteurs n'est pas une politique efficace, à même de redynamiser notre industrie et de permettre l'innovation. Le constat de la fragmentation administrative en matière de politique industrielle n'est pas nouveau.
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui tente de réduire l'enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales, ne contribue pas, dans les faits, à définir une stratégie industrielle efficace et claire dans les territoires. Outre les nombreux doublons existants, le risque de stratégies concurrentielles est grand, notamment entre la région et les métropoles qui bénéficient, dans la loi NOTRe, d'un régime dérogatoire. Ce manque de lisibilité de la politique industrielle dans les territoires est source de complexité pour les entreprises, notamment pour les plus petites d'entre elles qui ne savent pas vers quel interlocuteur se tourner. Si la coordination entre acteurs au niveau du territoire n'est pas assez développée, l'articulation avec l'intervention de l'État ne fait pas non plus l'objet d'une stratégie claire. L'État doit renouer avec un pilotage stratégique qui intègre la création des nouvelles grandes régions.
Il s'agit aujourd'hui de parvenir à mieux territorialiser la politique industrielle en clarifiant les missions des régions, qui doivent être avant tout des missions de relais et d'appui des politiques nationales.
Que l'État soit pilote ne signifie pas pour autant qu'il soit voué à être un État- stratège « hors sol ». Les services déconcentrés doivent continuer à assumer une politique industrielle de proximité. Ils le peuvent, même si les crédits de l'État en régions ont fortement diminué, à condition de renforcer la cohérence et la visibilité des outils existants. Les préfets de région ont un triple rôle à jouer dans ce cadre : un rôle de pilotage sur le territoire de la politique industrielle définie au niveau national, un rôle dans l'établissement de partenariats avec les acteurs locaux et un rôle d'évaluation des missions mises en oeuvre. Les outils d'une politique industrielle opérante et cohérente existent, il s'agit aujourd'hui surtout d'en améliorer et d'en clarifier le pilotage.
J'en arrive à trois questions, monsieur le ministre.
Tout d'abord, pouvez-vous nous dire quelles mesures relatives à la politique industrielle sont prévues dans la future loi « Macron 2 » ? Qu'en est-il de l'élaboration d'un troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) ? Sera-t-il bien orienté vers les dépenses d'industrialisation ?
Ensuite, les centres techniques industriels (CTI) et les comités professionnels de développement économique ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité. L'article 53 du présent PLF mérite d'être modifié pour maintenir le lien entre comité et assujettis, et préserver leur mission au service des 45 000 entreprises concernées.
J'ai enfin une question sur les conséquences de la création des nouvelles régions, puisqu'il me semble que le moment est idéal pour clarifier l'articulation entre l'État et ces dernières. Comment faire en sorte que cette réorganisation territoriale permette un meilleur pilotage de la politique industrielle, et avec quels nouveaux outils contractuels ?