Il y en avait ! Nous avons notamment demandé au nouveau groupe de respecter ceux que SFR avait passés en 2011 sur les zones d'appel à manifestation d'intention d'investir (AMII), ce qu'il ne faisait pas. Nous avons procédé à des ajustements, pour lui donner le temps de s'organiser, mais il est nécessaire qu'il y ait une continuité. Nous discutons avec les dirigeants de Numericable-SFR, afin que le groupe respecte ses engagements et conduise une politique d'investissements qu'il est tout à fait capable de soutenir.
Vous m'interrogez aussi sur la gouvernance de Nokia, après son rachat d'Alcatel-Lucent. Grâce au décret sur les investissements étrangers en France, nous avons pu obtenir que Nokia s'engage en matière de gouvernance, d'organisation et de maintien de l'activité de recherche et développement en France. Alcatel Submarine Networks (ASN) sera aussi maintenu dans le groupe et des éléments de souveraineté seront sauvegardés. Il y aura des restructurations dans le domaine des fonctions support, mais Nokia a pris des engagements forts en ce qui concerne la recherche et développement. Les sites de Villarceaux et de Lannion, qui sont critiques pour des technologies extrêmement avancées comme le smart grid ou la 5G, continueront à faire l'objet d'investissements. Nous continuons à veiller au respect des engagements pris dans le cadre d'un suivi régulier qui associe les syndicats de l'entreprise.
S'agissant de la politique industrielle, monsieur Laurent, je ne reviens pas sur l'articulation entre les compétences de l'État et celles des régions. Convenons tout d'abord que, dans le monde ouvert dans lequel nous vivons, la compétitivité est le préalable à tout. Il s'agit donc de conduire une politique macroéconomique qui traite le problème du coût salarial, comme nous l'avons fait en créant le CICE et en élaborant le pacte national pour la croissance. Nous avons déjà obtenu des résultats tangibles comme le montrent les dernières publications de l'INSEE : le coût unitaire du travail dans l'industrie est désormais moins élevé en France qu'en Allemagne. Les marges se redressent, c'était un préalable. Comme nous l'avons vu dans l'affaire LafargeHolcim, une stratégie industrielle doit aussi prendre en compte les préoccupations des dirigeants d'entreprise, pour maintenir des centres de décision en France et pour y attirer des sièges sociaux. D'où la création de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) et les actions de performance.
Outre la politique macroéconomique de compétitivité, il s'agit d'avoir une politique industrielle volontaire et pilotée qui, selon moi, s'organise autour de trois éléments : des filières organisées ; une priorité donnée aux investissements de rupture ; une stratégie d'innovation et de création d'entreprise.
Le Conseil national de l'industrie permet d'articuler le dialogue entre les branches et toutes les parties prenantes, et d'avoir une vision par filières. Celles-ci structurent le territoire et permettent d'assurer la cohérence entre donneurs d'ordres et sous-traitants dans tous les domaines : l'investissement, la formation, la projection stratégique.
Quant à la priorité donnée aux investissements de rupture, elle s'incarne dans la Nouvelle France industrielle et les Neuf solutions. Cet outil simplifié permet de répartir 3,5 milliards d'euros d'investissements publics sur la totalité du territoire. Sa matrice est l'industrie du futur – le pendant de l'« industrie 4.0 » allemande – et son coeur de stratégie est la montée en gamme des entreprises et du tissu productif français. Il ne peut pas y avoir de renaissance industrielle sans un investissement productif, domaine dans lequel nous avons pris du retard. Outre l'octroi de crédits publics, une véritable organisation se met en place avec l'Alliance pour l'industrie du futur : un comité de pilotage, dirigé par deux chefs d'entreprise, regroupe les partenaires sociaux, les services de l'État et des régions. Il s'agit d'accompagner la modernisation de quelque 2 000 PME d'ici à la fin 2016. L'Alliance pour l'industrie du futur accompagne d'ores et déjà 740 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui bénéficient, d'une part, du dispositif de suramortissement fiscal et, d'autre part, des prêts de développement de Bpifrance.
La stratégie d'innovation et de création d'entreprises participe de la rénovation de notre stratégie industrielle par le biais de la French Tech et des crédits accordés par Bpifrance qui joue un rôle capital dans le financement de l'innovation, la création et la modernisation d'entreprises. Bpifrance est investie dans plus de 500 start-up.
La politique industrielle passe aussi par la stratégie de l'État actionnaire, qui se matérialise dans l'Agence des participations de l'État (APE) et Bpifrance. En concentrant nos détentions capitalistiques, nous pouvons défendre une vision de long terme, avoir la capacité d'être mobiles et de réinvestir dans des secteurs en crise, comme nous l'avons fait dans le cas de PSA Peugeot Citroën, et donc permettre le redressement industriel. Le projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques proposera des dispositions sur le financement des innovations. En période de tension budgétaire, c'est un défi, mais nous devons faire preuve d'ambition face aux grands espaces avec lesquels nous sommes en compétition.
Vous avez demandé de la visibilité sur le PIA 3, annoncé le 12 mars dernier par le Président de la République. Puisqu'il doit prendre le relais du PIA 2 après 2017, il devra donc être adopté en 2016. Ses orientations seront définies au printemps prochain. D'ici là nous aurons obtenu les résultats de l'évaluation en cours du PIA 1 et du PIA 2, ce qui nous permettra d'avoir un éclairage économique et technique dont nous pourrons débattre. Le PIA 3, dont l'enveloppe sera comprise entre 10 et 15 milliards d'euros, devra conserver les grandes priorités du PIA 2 : l'innovation, le numérique, la recherche et la formation, la transition énergétique.
Madame Bonneton, je crois avoir répondu à vos questions sur l'ARCEP, mais vous m'avez également interrogé sur La Poste. Nous avons en effet prévu de réduire la dotation de l'État pour la compensation du transport de presse : cette dotation va passer de 130 à 119 millions d'euros. Comme vous l'avez parfaitement rappelé, la réforme du transport de la presse a été préparée par les missions Schwartz et Giannesini. Cette réforme, en cours de discussion au niveau interministériel, vise à réduire le nombre de titres de presse bénéficiant de tarifs postaux préférentiels, donc à appliquer une hausse tarifaire qui viendrait compenser la baisse de dotation. Nous travaillons d'ailleurs en parfaite transparence avec le PDG de La Poste. Si nous n'arrivions pas à trouver une issue satisfaisante à l'issue de la mission Giannesini, je m'engage à revoir la dotation budgétaire de l'opérateur. Je préfère avoir à la réviser à la hausse plutôt qu'à la baisse.
S'agissant des maisons de services au public, j'ai eu la chance d'inaugurer la première dans le Lot, aux côtés de votre collègue Jean Launay, il y a quelques semaines. Les préfets ont reçu des instructions sur le choix définitif des sites. Une centaine de bureaux de poste ont été identifiés comme pouvant accueillir ces maisons de services au public et ils font l'objet d'un accord local. Sur ce plan, il ne faut pas hésiter à nous alerter en cas de difficultés. L'opération est un vrai succès. D'une part, elle démontre la capacité de La Poste à repenser son modèle et son ancrage territorial. D'autre part, elle prouve qu'il est possible de développer des synergies, de maintenir des services au public sur les territoires en tirant profit à la fois du réseau unique de La Poste et de tous les outils numériques.
Je tiens d'ailleurs à saluer le travail remarquable de réorientation stratégique effectué par le PDG de La Poste, avec qui nous avons beaucoup d'échanges. Cette entreprise publique est confrontée à la baisse continuelle de son activité principale : le volume du courrier diminue de quelque 8 % par an. Face à cela, que faire ? On aurait pu refuser le réel et tout faire pour éviter la diminution de ces volumes. Ce n'est pas possible : le phénomène est, pour ainsi dire, gravitaire. On aurait aussi pu tout miser sur la restructuration sociale. Au lieu de cela, il a été décidé de diversifier les activités, et il faut accompagner ce choix stratégique, le seul qui soit positif : augmentation des activités financières, diversification à l'international et dans le numérique. La Poste sera un acteur structurant du numérique, d'une part, et de la silver economy, d'autre part. Pour transformer La Poste, on utilise pleinement la relation de confiance que nos concitoyens entretiennent avec elle, et son réseau unique de logistique fine.
Dans ce contexte, le climat social est considéré comme plutôt bon. Les postiers sont pleinement investis dans la transformation de leur entreprise comme le montre d'ailleurs l'adoption des dernières technologies telles que le programme Facteo. En 2014, huit accords sociaux et avenants ont été signés au plan national. Le 5 février 2015, dans le cadre du plan stratégique « La Poste 2020 : conquérir l'avenir », trois accords majoritaires ont été signés. Il y a eu des crispations, mais elles ont été surmontées avec succès grâce à un travail de pédagogie et d'accompagnement du changement.
Pour terminer, je vais répondre à Mme Dagoma sur les garanties export. Depuis 2012, un mouvement continu de réformes a été engagé pour renforcer la compétitivité des financements export et plusieurs dispositifs ont été créés, notamment le label et les prêts de développement export de Bpifrance. En 2014, Bpifrance a octroyé plus de 400 millions d'euros de prêts à 672 entreprises, et son objectif est d'atteindre un montant de 500 millions d'euros par an. En 2014-2015, de nouveaux dispositifs ont été mis en place, en particulier le refinancement par la Société de financement local (SFIL) des crédits export et les nouvelles offres complémentaires que j'évoquais. L'année 2015 sera marquée par les travaux engagés sur le transfert des garanties publiques de la COFACE à Bpifrance. Le Gouvernement a choisi de sortir la partie garantie publique de la COFACE – qui a été introduite en bourse par le groupe Banque populaire Caisses d'épargne (BPCE) en 2014 – pour en faire un instrument de l'offre de Bpifrance, en parfaite complémentarité avec Business France. La loi de finances rectificative comportera les dispositions législatives nécessaires à ce transfert.