Intervention de Fabrice Verdier

Réunion du 28 octobre 2015 à 0h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Verdier :

Je n'ai pas voulu adopter un ton polémique, mais il faut replacer les choses dans leur contexte. C'est un ministre – je ne le citerai pas – qui a décidé la mise en place de l'interlocuteur social unique en 2008. Or toutes les caisses y étaient opposées, jugeant les objectifs de la réforme certes atteignables, mais à condition de prendre le temps de la mettre en oeuvre, avec des expérimentations et des tests sur les systèmes d'information. Au surplus, le recouvrement a été confié aux URSSAF. À la place de ce ministre, j'aurais fait un choix différent, car en mariant un petit poucet à un ogre, le premier s'est retrouvé maltraité.

M. Stéphane Seiller, recruté en 2011, a réalisé un travail remarquable – je n'utiliserai pas les mêmes termes à propos de ses prédécesseurs. Après avoir hérité d'un bateau ivre, avec des salariés traumatisés et des milliers de cotisants disparus des systèmes, il a patiemment et diplomatiquement réussi à améliorer les choses. En termes de management, il m'est difficile de lui donner des leçons. Le problème à régler est celui du système d'information « V2 » géré par l'URSSAF, car lorsque le RSI envoie un courrier, l'erreur est générée par ce système d'information. Dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion, l'octroi des moyens nécessaires à l'amélioration de ce système d'information n'est pas arbitré. Or 50 % des ennuis sont dus à cette défaillance informatique. Et ce sont les responsables du RSI, parfois les politiques, qui font face en cas de confrontations. Certes, des améliorations ont été apportées, y compris s'agissant de ce logiciel, auxquelles l'URSSAF a pris sa part. Par contre, si les entreprises évaluent leurs outils pour les améliorer grâce à des moyens, financiers et humains, mais aussi à l'intervention d'un pilote, d'un responsable, ce n'est pas le cas pour le RSI.

La MSA n'est pas un modèle applicable aux indépendants, car les deux publics sont différents. En matière agricole, on peut parler d'écosystème : un viticulteur au fin fond de ma circonscription trouvera rapidement l'interlocuteur qui saisira la MSA. Le public du RSI est très hétérogène, avec une vie professionnelle beaucoup moins longue qu'un agriculteur, des indépendants souvent polyactifs aux revenus parfois très modestes. Or la proximité, la transparence et la communication font aujourd'hui défaut au RSI.

Les pompiers pyromanes incitent leurs adhérents à se désaffilier. Cela est illégal, comme le confirme la jurisprudence. J'ajoute que ces margoulins qui incitent à la désaffiliation paient leurs cotisations !

Un alignement sur le régime des salariés est possible, mais cela coûte 30 % plus cher. Les entrepreneurs dont la structure est solide peuvent faire ce choix. Je précise que les dividendes des sociétés par actions simplifiées ne sont pas soumis au RSI, ce qui crée une iniquité fiscale.

Le passage à treize caisses régionales s'inscrit dans ce mouvement de rationalisation décliné dans la loi NOTRe. J'y suis favorable car le partage des fonctions support – communication, système d'information, recouvrement – serait un progrès. Par contre, il est indispensable de maintenir une présence dans chaque département. En outre, il faut donner plus d'autonomie aux caisses régionales, pour favoriser les initiatives intelligentes. À cet égard, les pratiques de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en termes de visioconférence et d'application smartphone pour les rendez-vous, sont remarquables.

Je trouve le bateau RSI national un peu lourd pour s'approprier ce type de mesure : il a fallu un rapport de deux modestes parlementaires pour admettre que les médiateurs sont une formidable idée. Nous vous communiquerons la liste des médiateurs dans chacun de vos territoires. Nous vous communiquerons également la liste des vingt mesures reprises par le Gouvernement au mois de juin, ce qui vous permettra de vérifier sur le terrain si elles sont appliquées.

Quand vous intervenez auprès de la direction régionale du RSI, un onglet informatique indique que votre intervention est signalée. Je vous invite à me faire des copies, car je considère que les choses ne vont pas suffisamment vite. L'effort managérial réalisé par le RSI ne permettra pas d'atteindre les objectifs de qualité de service aux assurés que nous sommes en droit d'attendre, puisque les outils informatiques sont défaillants. Je vous ai parlé du « V2 » pour le recouvrement, mais je pourrais citer le logiciel des retraites qui ne fonctionne toujours pas correctement. En clair, les difficultés tiennent aux moyens octroyés au management pour atteindre les objectifs que les parlementaires lui ont fixés. Les trois-quarts des mesures de la proposition de loi de MM. Le Maire et Aubert figurent dans mon rapport, qui décline des mesures pragmatiques et singulières, co-élaborées avec la direction, les salariés et certains syndicats du RSI.

Il revient au législateur d'imposer certaines mutualisations, pour améliorer le service à coût constant. Il lui revient également de rappeler que ce régime est déficitaire, que la majorité actuelle a augmenté les cotisations d'un milliard d'euros en 2012 mais qu'elle les a baissées l'année dernière d'un montant équivalent. En outre, une réponse a été apportée au problème de correspondance entre chiffres d'affaires fluctuants et appels à cotisations. Et la mesure de remboursement dans le mois a été prise le 15 juillet par le Premier ministre et validée par le conseil d'administration du RSI. Je vous invite à me faire remonter les cas problématiques que vous rencontrez dans vos circonscriptions.

En matière de communication, des « focus groupes » ont été constitués au sein du RSI pour régler le problème des courriers incohérents. Je pense que c'est le rôle du législateur de dénoncer des dysfonctionnements qui génèrent des tensions. Il est nécessaire que les indépendants comprennent mieux leur régime, pourquoi ils paient et ce à quoi ils ont droit. Sur le site du Particulier, il est expliqué que la protection maladie des indépendants est la même que celle des salariés : les cotisations sont quasi identiques et les droits sont les mêmes pour les deux régimes. Par contre, certains droits sont différents : si un indépendant ne cotise pas à l'assurance chômage, il n'a pas droit à l'allocation-chômage. J'ai donc demandé que le stage préalable à l'installation comporte une séquence sur les droits auxquels donne accès le RSI. Les trois-quarts des indépendants ignorent qu'ils peuvent faire appel à des assurances privées pour cotiser à l'assurance chômage.

Contrairement au monde agricole, la population des indépendants est très isolée et n'est pas tournée vers l'administratif, du moins pour ceux dont les revenus sont faibles ou moyens. La dématérialisation montrera ses limites, ce qui impose de garder une proximité pour apporter des explications aux assurés. La boulangère de mon village est rétive à la dématérialisation – il faut en tenir compte – et elle est vent debout contre le RSI : elle n'a pas compris à quoi il sert, pourquoi elle paie et comment elle peut baisser ses cotisations ! J'ai beaucoup d'espoir dans le comité de suivi qui permettra, en se tenant tous les trois mois, de réaliser des bilans permanents.

Un début de simplification très important, à mettre au crédit de cette majorité, consiste à permettre aux polyactifs de rester dans le régime initial de leur choix. Par exemple, une personne salariée à mi-temps et micro-entrepreneur à mi-temps pourra rester affiliée au régime général. Il s'agit d'une vraie avancée. Nous irons plus loin avec un numéro d'affiliation unique de sécurité sociale.

Nous réfléchissons à un taux unique de cotisations. Nous avons proposé la suppression des cotisations minimales et l'augmentation de la cotisation vieillesse, ce qui déclencherait automatiquement un troisième trimestre de liquidation. Car il faut savoir que ce n'est pas la durée d'activité qui déclenche la validation d'un trimestre, c'est le montant des cotisations des indépendants, si bien que certains ne valident que deux ou trois trimestres par an. Dans un objectif de transparence, j'ai donc demandé au RSI de prévoir un relevé annuel de situation, reprenant le nombre de trimestres validés et présentant la somme à payer pour valider un quatrième trimestre.

Le RSI et le régime salarié donnent les mêmes droits en matière de retraite. Par contre, les indépendants touchent en moyenne une somme moins élevée que les salariés – 1 300 euros fin 2012 contre 1 750 euros – en raison des sous-déclarations, des carrières irrégulières, mais aussi parce que le régime était beaucoup moins avantageux avant 1973.

Dans un souci de simplification, nous proposons de confier à un opérateur unique le recouvrement de la contribution à la formation professionnelle (CFP). Actuellement, un commerçant paie cette CFP au RSI, un artisan au Trésor public ; mais un boucher, qui est artisan commerçant, reçoit un double appel à cotisations. Au demeurant, le RSI souhaite être soulagé de ce volet.

Enfin, la taxation d'office n'intervient que lorsque l'indépendant n'a pas fait de déclaration de revenus. C'est pourquoi nous avons demandé la signification des actes de recouvrement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception plutôt que par huissier, ainsi que la mise en oeuvre d'un contact personnalisé par téléphone avant tout recouvrement forcé. Le changement interne des pratiques participera de la réhumanisation de la relation entre l'assuré et le RSI.

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