Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 3 novembre 2015 à 15h00
Allocution du président du parlement panafricain et débat sur le plan urgent d'accès à l'électricité et à la lumière pour le continent africain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, madame la ministre des outre-mer, monsieur le président du Parlement panafricain, chers collègues français et africains, cher Jean-Louis Borloo, il est des moments particuliers où, dans ce vieil hémicycle d’un vieux pays, la France, d’un vieux continent, l’Europe, on en arrive à toucher l’essence même de la politique, ce qui fait sa grandeur, ce qui exprime sa difficulté et ce qui donne, tout à la fois, l’espoir d’un monde apaisé et serein et le vertige de décisions qui s’enchaînent, parfois se contredisent, mais, au final, dessinent l’avenir.

Nous vivons aujourd’hui, assurément, l’un de ces moments. Le sujet qui nous rassemble soulève tant d’espoirs, pose tant de questions technologiques et financières, suppose que soient levés, un à un, tant d’obstacles politiques, que chacun mesure bien qu’il dépasse largement les compétences de notre modeste assemblée.

Et pourtant rien de ce projet exaltant autant qu’indispensable ne pourra être concrétisé sans que chacun, à la place où il se tient, dans la mission que lui ont confiée ses concitoyens, ne décide d’apporter sa pierre à l’édifice.

Oui, il y a un sens à tenir ce débat ici, et maintenant. Il y a un sens à le tenir aujourd’hui. Pas simplement parce que dans quelques semaines, à l’initiative du Président de la République, la France accueillera le monde à Paris pour la Conférence sur le climat. Mais parce que ce projet nous concerne, tout simplement. Ce projet d’électrification de l’Afrique est d’abord un projet africain : il contribuera à l’indépendance énergétique d’un continent qui constitue une part essentielle de l’avenir de l’humanité, ne serait-ce que du point de vue démographique.

L’accès à l’électricité n’est pas seulement l’accès à la production et à la consommation ou un vecteur de croissance économique – c’est déjà essentiel – : c’est également l’accès aux connaissances, le développement de l’éducation, l’affirmation du droit et de la dignité des femmes.

L’accès à l’électricité, c’est aussi l’accès à l’eau, la possibilité de vivre et travailler au pays, et non plus d’être contraint à l’exil et aux migrations subies.

Derrière une ambition technologique, il y a les enjeux de la démocratie, des droits humains, et votre présence, honorable Roger Nkodo Dang, vient utilement nous le rappeler.

C’est bien de modèle de développement qu’il s’agit ici : si nos sociétés occidentales se sont développées économiquement sur le modèle de la concentration urbaine et si les pays émergents souffrent de cette même urbanisation excessive qui produit tant de drames humains et de catastrophes environnementales, c’est en grande partie lié à la question de l’accès à l’énergie.

Votre ambition de concevoir une électrification cohérente et concertée en Afrique, fondée sur l’utilisation des énergies renouvelables, offre l’opportunité de respecter la réalité d’un habitat dispersé, par une énergie décentralisée, produite et consommée en circuit court, moins tributaire de la problématique des réseaux de distribution.

L’élaboration d’un tel projet s’inscrit dans un mouvement mondial de développement des énergies renouvelables : regardons les engagements pris par l’Inde à l’approche de la conférence climat, les réalisations en cours en Chine.

Le renouvelable nous fait entrer dans une nouvelle ère énergétique, et nous n’en avons pas assez conscience. Cette histoire qui peut se dessiner sous nos yeux, l’Afrique en est et en sera, par votre initiative, un moteur essentiel. Cette histoire de l’énergie essentiellement renouvelable, qui est notre avenir à tous, les Africains peuvent être les premiers à y entrer.

Rien de tout cela ne sera possible sans l’engagement, la contribution de l’ensemble de la communauté internationale, par des mécanismes de financement qui seront au coeur de la conférence climat.

À ce sujet, nous ne pouvons que déplorer l’insuffisance des conclusions de la conférence d’Addis-Abeba, et nous devons soutenir la mise en oeuvre d’une agence et de financements stables pour l’électrification de l’Afrique. Ces mécanismes de financement doivent associer fonds privés et fonds publics. Ce n’est pas simplement une responsabilité morale, qui serait celle de vieux pays et de vieux continents qui ont une dette envers leur passé colonial, c’est surtout notre intérêt, tant du point de vue du développement économique mondial que de notre capacité à maintenir une planète vivable pour nos enfants.

Ces décisions financières, nous les prenons en partie ici. Nous les prenons alors que nous sommes soumis à des injonctions contraires, ce qui est le propre de la politique : réduire nos déficits tout en veillant à l’aide au développement, respecter des critères de bonne gestion tout en accompagnant la transition énergétique, chez nous et sur le plan international.

Il nous arrive de concrétiser des avancées, comme ce fut le cas récemment s’agissant de la taxe sur les transactions financières et l’augmentation de la quote-part affectée au développement, mais il nous arrive également de tergiverser, de perdre du temps. Soyons-en conscients. Que cette belle manifestation d’aujourd’hui sonne pour nous comme un rappel de nos propres responsabilités et nous incite à combattre en nous-mêmes l’ennemi : la perte de temps.

Chacun son rôle, et je ne voudrais pas conclure mon propos sans saluer celui de Jean-Louis Borloo : la vie a voulu que votre rôle évolue, et que vous soyez désormais tout à la fois un initiateur, un animateur, un fédérateur et un promoteur d’un projet majeur pour notre avenir commun.

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