La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous commençons par une question du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Christian Jacob.
Jeudi dernier s’est jouée une scène absolument surréaliste, de laquelle le Président de la République n’est pas sorti grandi, il faut bien le dire. Nous avons découvert avec consternation un tweet de son grand communicant annonçant : « Le Président @fhollande chez Lucette à Vandoeuvre ».
« Grotesque ! » sur les bancs du groupe Les Républicains. – « Vous êtes ridicule ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Brochet, puisque tel est le nom de cette dame, a donc accueilli chez elle, prétendument à l’improviste, le Président de la République accompagné d’une brochette de ministres et d’élus.
Cette visite « à l’improviste » avait été précédée par celle d’agents de l’Elysée chargés d’indiquer à Mme Brochet les questions qu’elle devait poser et celles qu’elle ne devait pas poser.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ensuite, les agents de la mairie socialiste sont venus faire le ménage, fournir les fleurs, le café, les tasses, les soucoupes, jusqu’aux petites cuillères sans doute ! Et le Président de la République était censé découvrir à l’occasion de cette visite inopinée la situation des retraités, et bien sûr s’en émouvoir avec beaucoup de compassion.
« Ignoble ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mais le pot aux roses a été découvert : tout était totalement faux et fabriqué. C’était une opération montée de toutes pièces, préparée jusque dans les moindres détails.
Mêmes mouvements.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La mauvaise farce ne s’arrête pas là. Paniqués comme vous l’êtes à cinq semaines des élections régionales, vous annoncez que vous allez rembourser les impôts locaux payés par des centaines de milliers de retraités, sans aucune base légale pour ce faire.
Monsieur le Premier ministre, vous ne ferez jamais oublier que vous êtes le gouvernement des impôts et des taxes en tous genres.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Comment osez-vous dire que les impôts baissent alors que le taux des prélèvements obligatoires ne baisse pas ?
Quand allez-vous comprendre que les Français ne supportent plus vos petites manoeuvres et ne vous supportent plus, monsieur le Premier ministre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Un peu de calme, mes chers collègues : la parole est à M. le Premier ministre.
Ce que les Français ne supportent plus, monsieur le président Jacob, c’est votre comportement, et c’est ce type de question.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste. – Huées sur certains bancs du groupe Les Républicains.
La France, comme bien d’autres pays, est confrontée à des défis redoutables : le rendez-vous climatique à Paris, qui doit être un succès – la déclaration commune des deux présidents chinois et français permet de préparer ce rendez-vous.
La France est confrontée, comme d’autres pays, au défi terroriste, ce qui nécessite de l’action et du sérieux.
La France et l’Europe sont confrontées au défi des réfugiés, qui appelle une action au niveau européen et une politique migratoire maîtrisée.
La France est confrontée bien sûr au défi de la croissance et de l’emploi, et c’est le sens de notre politique.
La France est confrontée depuis des années – et votre responsabilité en la matière est tout à fait écrasante – à des déficits excessifs, à l’endettement que vous nous avez laissé, à un niveau de chômage insupportable pour beaucoup de nos compatriotes, et à un niveau d’imposition lui aussi insupportable.
Enfin le niveau du débat public et politique en France est parfois aussi insupportable pour tous ceux qui aiment la République et la démocratie.
« C’était chouette chez Lucette ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Chacun son rôle, monsieur le président Jacob. Nous, nous gouvernons et nous continuerons à le faire jusqu’au bout, dans l’intérêt des Français ; à l’opposition d’être sérieuse et à la hauteur de ses responsabilités, plutôt que d’être dans l’anecdote,…
…dans l’attaque stérile, dans la proposition absurde, comme Nicolas Sarkozy, dans le spectacle pitoyable que vous donnez au Français.
« Chez Lucette ! Chez Lucette ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Soyons à la hauteur de l’attente de nos compatriotes, à celle d’un grand pays comme le nôtre. Dans ce domaine, monsieur Jacob, vous avez décidément encore quelques efforts à faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste. – Huées sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, « malheur à quiconque prêche une morale qu’il ne pratique pas ! » disait Jean-Jacques Rousseau.
Comment ne pas penser à une telle formule en découvrant dans Le Parisien de ce jour la tartuferie d’un candidat à la primaire de droite qui aligne les contre-vérités et les vaines polémiques,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
qui donne des leçons toutes plus creuses et irresponsables les unes que les autres sur la politique sécuritaire de la France et sur la justice alors même qu’il est l’homme qui n’a eu de cesse d’affaiblir les forces de l’ordre et de museler l’indépendance de la justice ?
Faut-il rappeler dans cet hémicycle qu’entre 2007 et 2012 la majorité précédente a détruit 13 700 postes au sein des forces de l’ordre ?
Faut-il rappeler les dégâts de la révision générale des politiques publiques, laquelle a provoqué l’effondrement des crédits de fonctionnement et d’équipement ?
Faut-il rappeler ce triste bilan et cette politique de surenchère qui se payait de mots et ne produisait aucun résultat ?
Mais les faits sont têtus.
C’est ce Gouvernement qui a doté nos forces d’une législation moderne, dans le respect de l’État de droit, pour faire face aux terroristes !
C’est ce Gouvernement qui a mis en place l’interdiction de sortie du territoire pour les candidats au djihad !
C’est ce Gouvernement qui expulse les prédicateurs de haine et déchoit de la nationalité les personnes coupables de crime de terrorisme !
C’est ce Gouvernement qui, avec Bernard Cazeneuve, a augmenté le nombre de postes de policiers et de magistrats et qui vient de débloquer 16,6 millions pour renforcer l’armement et les équipements des forces anti-criminalité de la police et de la gendarmerie exposées dans la lutte contre la délinquance !
Il y a ceux qui polémiquent après avoir détruit et ceux qui agissent après avoir reconstruit !
Cette majorité a restauré le bon fonctionnement de nos forces de l’ordre et témoigne une confiance inébranlable aux policiers et aux gendarmes qu’elle conforte dans la conduite de leurs missions au service des Français. Elle respecte l’indépendance de la justice.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser ce qui a été fait dans ces différents domaines et ce que vous comptez encore faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre Valérie Fourneyron, je sais que nous approchons d’une échéance électorale importante, vous l’avez dit.
Comme vous tous, je sais que cette élection est la dernière avant l’élection présidentielle et, faut-il le souligner, avant la primaire organisée par l’opposition.
Vous avez raison : cela n’autorise pas tout et certainement pas de remettre sans cesse en cause l’autorité de l’État.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les Français attendent des actes de notre part mais ils attendent aussi que nous fassions preuve d’une certaine attitude et du sens des responsabilités – sûrement pas que nous nous manifestions par des cris et en lançant des invectives. Ils attendent de nous que nous fassions preuve de hauteur de vue et non que nous nous livrions à des calculs politiciens.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous le dis clairement : remettre systématiquement en cause le travail des forces de l’ordre, celui des préfets, l’action de la justice lorsque l’on est un responsable politique, c’est tout cela qui affaiblit l’autorité de l’État, madame la députée !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Quand un député de la nation, la semaine dernière, parle des magistrats comme « des pervers, des psychopathes, des militants aveuglés par leur idéologie », quand un candidat à la primaire cède à la plus grande démagogie et accuse le chef de l’État d’instrumentaliser la dramatique situation de Calais pour faire le jeu du Front national, quand le soutien d’un autre candidat évoque une technique électorale, quand l’opposition n’a de cesse de remettre en cause la garde des Sceaux en instrumentalisant les chiffres de la délinquance et de la population carcérale, quand un ancien Président de la République estime – vous l’avez rappelé – que l’État n’a plus d’autorité après avoir lui-même supprimé près de 13 000 postes dans la police
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
et la gendarmerie de même que des centaines de postes de magistrats après avoir également lui-même affaibli l’institution judiciaire en remettant en cause plusieurs fois des décisions prises par des juges indépendants, comment voulez-vous que les Français aient confiance en la justice, dans les forces de l’ordre et dans la République ? Comment voulez-vous qu’ils reconnaissent l’autorité de l’État quand un ancien Président de la République, l’opposition et la droite se livrent à de telles attaques contre les fondements mêmes de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
C’est tout cela qui affaiblit l’autorité de l’État !
Lorsque l’on est dans l’opposition, que l’on a gouverné et que l’on aspire à gouverner à nouveau, on se comporte différemment en étant digne de la situation que connaît le pays !
Parce que l’opposition est incapable d’avoir cette attitude, parce que nous faisons face à l’extrême droite, madame la députée, c’est ce Gouvernement et cette majorité qui, avec le Président de la République, incarnent plus que jamais la République, l’autorité et l’avenir du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, la bombe à retardement a finalement explosé entre vos mains et ce sont nos retraités qui en font les frais aujourd’hui
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
Des centaines de milliers d’entre eux ont vu bondir leurs impôts locaux, taxe foncière ou taxe d’habitation.
Auparavant exonérés, certains retraités aux revenus modestes et vivant dans des conditions parfois précaires doivent s’acquitter d’un montant qui peut aller jusqu’à un mois de retraite, situation tout aussi injuste qu’inacceptable et qui vous oblige aujourd’hui au bricolage fiscal.
Ainsi, pour faire en sorte que nos retraités ne soient plus dans le désarroi, vous nous proposez des mesures nécessaires mais cosmétiques et provisoires – jusqu’en 2016 –, loin de toute ambition de réforme fiscale d’ampleur.
Depuis 2008 et la suppression de la demi-part accordée aux personnes veuves élaborée par le gouvernement Fillon, voulue par Nicolas Sarkozy – vous la dénonciez à l’époque à nos côtés –, nous n’avons eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme.
Depuis 2012, nous avons continué ce combat, déplorant votre manque de volontarisme et dénonçant certaines décisions injustes telle la fiscalisation de la majoration de pension de 10 % des retraités ayant élevé trois enfants ou plus, qui a lourdement pesé sur les ménages modestes.
Ainsi, budget après budget, vous avez fermé la porte à tous nos amendements qui proposaient de revenir sur ce hold-up – la dernière fois, c’était il y a deux semaines.
Monsieur le Premier ministre, comment expliquer un tel immobilisme ? Comment justifier que le Gouvernement fasse semblant de découvrir seulement maintenant cette question ?
L’heure n’est plus au rafistolage fiscal ni à la mise en scène médiatique. Ma question est simple : n’est-il pas temps de prendre des mesures pérennes et complètes pour que nos retraités ne se retrouvent pas dans la même situation en 2017 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jean-Jacques Candelier…
…je suis d’accord avec vous sur un certain nombre de points.
De quoi parle-t-on ? De la conséquence d’une décision prise en 2008, lorsque la précédente majorité a supprimé ce que l’on appelle de façon rapide la demi-part des veuves.
Cette décision emporta deux conséquences, mesdames et messieurs les députés : un certain nombre de retraités modestes sont devenus imposables sur le revenu – la somme représentait plus d’un milliard d’euros – mais les réductions d’impôts que nous avons décidées l’an dernier et cette année ont annulé cette disposition.
Aujourd’hui, les conséquences de la suppression de la demi-part des veuves que vous avez votée ont été neutralisées dans l’impôt sur le revenu.
Nous passons maintenant à une deuxième étape : l’effet collatéral induit par cette disposition sur l’entrée dans les impôts locaux d’un certain nombre de contribuables pour lesquels le revenu fiscal de référence a augmenté.
Face à une telle situation, brutale et injuste pour un certain nombre de retraités, le Gouvernement vous propose à nouveau de neutraliser l’effet de cette décision…
…en faisant en sorte que ceux qui étaient exonérés d’impôt en 2014 le demeurent en 2015. Mes services procéderont au dégrèvement dès le début de la semaine prochaine sur demande et de façon systématique dans les mois à venir.
Pour 2016, nous introduirons les dispositions législatives nécessaires afin de corriger cet effet pervers d’une décision antérieure aux nôtres.
J’aurai l’occasion d’en préciser le détail mais, mesdames et messieurs les députés, les dispositions que nous prendrons viseront à neutraliser des décisions que vous avez prises.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre des affaires sociales, l’ambition affichée de faciliter les relations des professions indépendantes avec les organismes gérant leur protection sociale part d’une intention louable. Mais le recouvrement du régime social des indépendants met en péril l’existence même des petites entreprises, notamment les artisans et les indépendants. Cela a un impact considérable sur le chômage, car ce sont les véritables acteurs sur lesquels on devrait s’appuyer pour favoriser la création d’emplois, surtout en outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Les indépendants, qui sont soumis à ce régime, se retrouvent dans une situation financière catastrophique, qui obère l’avenir et aboutit notamment à des demandes de rappels intempestifs et injustifiés, voire à des dépôts de bilan.
La Cour des comptes avait d’ailleurs qualifié le RSI de « catastrophe industrielle ». Chacun sait que l’origine du problème résulte en premier lieu d’un dysfonctionnement administratif, lié à la réorganisation de grande ampleur de la protection sociale des travailleurs indépendants.
Cette situation, vous ne l’ignorez pas, madame la ministre, puisque d’autres collègues ont évoqué, ici même, l’importance et les enjeux de cette question, qui constitue aujourd’hui la préoccupation majeure des intéressés. Ce qui motive mon intervention, c’est le fait de voir monter chaque jour l’exaspération, la souffrance et la désespérance que cela produit. En Guadeloupe, on a compté 750 liquidations au cours des deux dernières années, qui ont concerné très majoritairement des personnes émargeant au RSI.
Madame la ministre, il y a lieu d’agir, et vite, avant que la situation n’empire. Pouvez-vous nous garantir que des mesures urgentes seront prises dans les prochains mois pour mettre un terme au drame humain que provoque cette situation, surtout en Guadeloupe ? Qu’en est-il, par ailleurs, de la mise en application des recommandations du rapport de Mme Sylviane Bulteau et M. Fabrice Verdier ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler et de souligner que les travailleurs indépendants ont connu d’énormes difficultés du fait de la mise en oeuvre, en 2008, d’une réforme précipitée, qui a fait sentir ses effets très durablement.
Dès 2012, nous avons pris des mesures qui ont permis d’améliorer la situation d’un certain nombre de travailleurs indépendants. Nous avons en particulier réduit le décalage entre les cotisations et le revenu, afin de mieux adapter les prélèvements des indépendants à la réalité de leur situation. À la suite des dispositions proposées par le rapport de vos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, nous avons, avec Christian Eckert et Martine Pinville, annoncé un certain nombre de dispositions, et le Premier ministre, lui-même, a lancé un chantier d’ampleur.
Nous avons mis en place des médiateurs pour les cas les plus difficiles, nous avons amélioré la qualité de l’accueil téléphonique et rendu les remboursements de cotisations plus rapides et plus faciles. D’ores et déjà, depuis le mois de juin, des centaines de milliers d’indépendants ont pu bénéficier de ces remboursements. Mais, au-delà, nous voulons que les indépendants voient la qualité de leur protection sociale s’améliorer, c’est-à-dire, concrètement, que leurs prélèvements diminuent et que leurs droits augmentent.
Aujourd’hui, 70 % des indépendants ont déjà vu leurs cotisations diminuer. Nous faisons également en sorte qu’ils puissent valider chaque année, quels que soient leurs revenus, au moins trois trimestres de retraite, alors qu’ils ne pouvaient en valider qu’un seul jusqu’à très récemment. Nous ouvrons enfin aux indépendants le droit au temps partiel thérapeutique pour garantir la continuité de leur entreprise pendant les périodes de maladie. Vous le voyez, monsieur le député, nous avançons concrètement dans l’intérêt des artisans.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, semaine après semaine – et vous l’avez encore fait il y a quelques minutes –, vous vous indignez dans cet hémicycle, en vous référant aux valeurs de la République.
Je vais vous donner l’occasion, monsieur le Premier ministre, de mettre en concordance vos paroles et vos actes, en vous posant trois questions.
La première concerne l’égalité de traitement entre tous les justiciables. Pouvez-vous nous garantir, monsieur le Premier ministre, que dans l’affaire dite « Air Cocaïne »,
« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
tous les clients de la compagnie aérienne mise en cause ont été traités de la même manière, c’est-à-dire qu’ils ont vu pendant plusieurs mois leurs factures étudiées et leur géolocalisation activée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
J’imagine que vous êtes sensible au principe d’égalité de traitement.
Ma deuxième question concerne le droit de la défense. Monsieur le Premier ministre, le bâtonnier de Paris a-t-il été informé, comme la loi le prévoit, qu’on étudiait les fadettes d’un avocat au barreau de Paris, Nicolas Sarkozy ?
Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vous pose la question.
Ma troisième question concerne l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. Monsieur le Premier ministre, votre garde des sceaux a indiqué dimanche qu’elle était informée de cette enquête par un rapport du procureur général. Que savait-elle ? Que saviez-vous, monsieur le Premier ministre, de la géolocalisation du chef de l’opposition ? Que savait le Président de la République de la géolocalisation du chef de l’opposition ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Dans quelle démocratie vivons-nous ?
Les Français se posent ces questions, monsieur le Premier ministre, et nous attendons vos réponses, parce que cette affaire pourrait très vite devenir une affaire d’État.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur une enquête judiciaire en cours, et vous connaissez parfaitement la réponse du Gouvernement.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Elle est d’ailleurs inlassablement répétée par Mme la garde des sceaux, actuellement retenue au Sénat par la défense de son projet de loi sur la réforme de la justice. Cette réponse n’a pas changé, et elle ne changera pas sous ce quinquennat, monsieur Chatel.
Nous n’intervenons pas dans les affaires individuelles.
Mêmes mouvements.
Nous ne donnons aucune instruction et laissons au parquet le soin d’apprécier l’opportunité d’informer ou non la chancellerie avec discernement et rigueur.
Bien entendu, monsieur le député, et c’est heureux, le parquet général d’Aix-en-Provence a jugé opportun de signaler l’affaire dite « Air Cocaïne » aux services de la chancellerie, en raison de sa gravité, de sa complexité et de sa dimension internationale. Ce faisant, il a agi comme l’aurait fait tout autre parquet général. C’est ainsi que la garde des sceaux est tenue informée des évolutions les plus importantes des affaires les plus graves, et seulement de cela, ce qui change considérablement, monsieur le député, par rapport à la pratique observée sous le précédent quinquennat.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le nombre d’affaires suivies par la direction des affaires criminelles et des grâces a considérablement baissé, puisqu’il est passé d’environ 13 000 en 2012 à 5 690 au 30 septembre 2015.
Monsieur le député, bien que l’affaire dite « Air Cocaïne » ait été suivie par les services de la chancellerie, il s’avère en revanche que les actes décidés par le juge d’instruction de Marseille et relatifs à M. Nicolas Sarkozy dans cette même affaire n’ont, quant à eux, aucunement été portés à la connaissance du ministère de la justice par le parquet général d’Aix-en-Provence, ce qui est logique.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous pourriez m’écouter, puisque vous me posez des questions…
Cela est logique, disais-je, puisque ces actes n’ont manifestement pas apporté d’éléments de nature à permettre à l’enquête de progresser.
Pour le reste, monsieur le député, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, il n’appartient pas au pouvoir exécutif de commenter les mesures judiciaires en cours…
…ni de se prononcer sur l’opportunité des actes accomplis. Pour ce faire, et je me permets de vous le rappeler, il existe des procédures, des institutions, des voies de recours. La justice est indépendante – je vous le rappelais tout à l’heure, même si vous le contestez.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Et j’entends, à la place qui est la mienne, qu’elle puisse poursuivre ses missions en toute sérénité, sans aucune intervention, pression ou diversion, de quelque nature qu’elles soient.
Il y va, je l’ai dit tout à l’heure, de l’autorité de l’État. Mais manifestement, quand il s’agit de la restauration de l’ordre républicain et de l’autorité de l’État, vous ne retenez que le premier mot.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, l’Assemblée nationale se prononcera aujourd’hui sur la mesure du projet de loi de finances pour 2016 qui prévoit de réduire l’allocation aux adultes handicapés – AAH – pour les personnes ayant constitué une épargne, même modeste.
Le groupe UDI souhaite vous interpeller sur les conséquences humaines et sociales d’une telle décision. Pour 210 000 personnes, dont le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 80 %, elle conduira à une baisse de leur allocation de 105 à 179 euros par mois, alors même que le montant de celle-ci reste inférieur au seuil de pauvreté ! En 2015, dix ans après le vote de la loi handicap, l’adoption de cette mesure enverrait un signal négatif aux personnes handicapées et à leurs proches et constituerait, à notre sens, une double erreur.
Cette mesure est tout d’abord contraire à l’esprit de notre pacte républicain, qui a vocation à protéger les plus fragiles et à leur offrir des conditions de vie dignes.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Elle relève ensuite d’une confusion grave entre l’épargne privée, souvent constituée par les familles et les proches de la personne handicapée, et la solidarité nationale.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, l’AAH n’est pas une mesure commune, ce n’est pas le revenu de solidarité active ou le minimum vieillesse.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Un bénéficiaire du RSA aura peut-être un jour une seconde chance, une seconde formation, un second métier, bref, un avenir. Les personnes handicapées devront, elles, faire face toute leur vie à leur handicap.
Très concrètement, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons tout simplement si vous êtes prêt à retirer cette mesure.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Madame la députée, vous m’interrogez sur l’allocation aux adultes handicapés, qui est un minimum social dont les règles d’attribution dépendent à la fois du niveau de ressources et du taux d’incapacité des personnes. Je tiens à vous donner quelques précisions, relatives au projet de loi de finances et à cette allocation, et à vous rassurer.
Je vais répondre à la question.
La réforme des règles de revalorisation des prestations conduit tout d’abord à avancer la date de revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés de septembre à avril, tout en suivant les mêmes règles que pour les autres prestations, à savoir l’indexation sur l’inflation constatée.
La question !
Le projet de loi de finances prévoit également l’intégration des revenus du patrimoine dans la base ressources de l’AAH qui, jusqu’à présent, n’intégrait que les revenus du patrimoine imposables. En revanche, pour d’autres minima sociaux, vous l’avez signalé, notamment le minimum vieillesse, tous les revenus du patrimoine sont pris en compte. Bien entendu, il ne s’agit pas de supprimer l’AAH aux personnes qui ont du capital. Je veux d’emblée être claire sur ce point.
Il s’agit encore moins de la supprimer aux personnes qui perçoivent des rentes viagères constituées par les parents ou par les personnes elles-mêmes : ces rentes sont aujourd’hui protégées et le resteront.
Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La question !
Je réponds à votre question.
Il ne s’agit pas non plus de pénaliser une personne qui a économisé quelques centaines d’euros sur un livret A : ces personnes seront protégées.
Le Premier ministre lui, au moins, répond aux questions qu’on lui pose.
En ce qui concerne les compléments de ressources pour les personnes qui ont des taux d’incapacité élevés, nous travaillons actuellement à des propositions destinées à limiter les effets de seuil. Il sera tenu compte des spécificités de l’épargne populaire et des abattements sur les revenus du patrimoine seront proposés afin de protéger les petits épargnants.
Huées sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre. Disposer d’entreprises sur nos territoires est une chance. Disposer d’entreprises dont les sièges sociaux sont ancrés dans nos régions, c’est une plus grande chance encore, surtout en période d’instabilité.
Cette chance, nous l’avons en Bretagne dans le réseau bancaire. Le Crédit agricole y est présent dans chacun des départements, ainsi que le Crédit mutuel de Bretagne, dont le siège, à proximité de Brest, est une référence. Cette banque a su progresser et innover.
Le problème, c’est que le Crédit mutuel de Bretagne est aujourd’hui sous la menace d’une véritable OPA inamicale de la part d’un de ses concurrents, le groupe CIC. Ce risque est également lié à l’évolution de la réglementation mutualiste décidée au niveau européen. Si le Crédit mutuel de Bretagne perdait son autonomie, ce serait une véritable catastrophe. Une telle éventualité inquiète les épargnants, qui sont aussi adhérents…
…c’est-à-dire propriétaires de fait du Crédit mutuel de Bretagne. Elle inquiète également les salariés : le groupe du Crédit mutuel Arkéa compte en effet 9 000 salariés, dont 6 000 en Bretagne – les autres sont en Aquitaine et en Auvergne. Elle inquiète enfin les entreprises, en particulier les PME qui perdraient un interlocuteur local et qui verraient les décisions les concernant renvoyées à Paris.
Si je vous pose cette question, monsieur le Premier ministre, c’est que le ministère des finances, qui a la tutelle sur les banques, ne répond pas à mes interrogations. C’est pourquoi Mme Le Callennec, MM. Benoit, Lurton et Le Ray, ainsi que moi-même souhaitons que vous nous répondiez : saurez-vous préserver un décideur local et une banque régionale ou laisserez-vous faire la financiarisation qui nous menace ? Les décisions interviennent dans les semaines, voire les jours qui viennent : monsieur le Premier ministre, j’attends de vous des décisions.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, je tiens à vous rassurer : l’implantation et l’activité du Crédit mutuel, et en particulier du Crédit mutuel opérant en Bretagne, ne sont pas menacées par les risques que vous avez évoqués et sur lesquels je souhaite revenir en détail.
Les crédits qui sont octroyés à l’économie de la Bretagne et à ses acteurs industriels, en particulier du secteur agroalimentaire, sont entre autres aujourd’hui et demeureront demain ceux de ce groupe, dont la gouvernance aura été revue.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le ministre des finances et des comptes publics, M. Michel Sapin, dont je vous prie d’excuser l’absence – il accompagne le Président de la République en Chine –, y travaille de manière régulière.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous savez comme moi, monsieur le député, que, depuis plusieurs mois, des sujets concernant différents organes du groupe Crédit mutuel ont été soulevés par plusieurs acteurs : ces sujets, qui sont en cours de règlement, ont fait l’objet d’un travail détaillé, mené conjointement par les services de la Banque de France et du ministère des finances.
De plus, compte tenu des choix qui ont été faits pour résoudre la crise grecque, aujourd’hui, la supervision des banques est dévolue au Système européen des banques centrales, qui procède actuellement à un examen. Nous garantissons que la fiabilité du groupe Crédit mutuel et de la confédération sera maintenue – c’est un des objectifs poursuivis par le ministère des finances – et qu’il en sera de même de la capacité du Crédit mutuel de Bretagne à financer l’économie de la Bretagne. Aucune décision ne devra remonter à Paris ou ailleurs. Nous garantissons également que, dans le respect de toutes les procédures de gouvernance et de régulation européennes, la bonne décision sera prise.
Dans les prochaines semaines, avec les services européens et avec ceux du ministère des finances, des arbitrages seront rendus pour assurer le bon financement de l’économie française et, en particulier, de l’économie bretonne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, la déclaration franco-chinoise signée ce lundi à Pékin constitue, à n’en pas douter, un progrès dans la dernière ligne droite de la négociation…
…qui doit nous mener à un accord, lors de la COP 21 de Paris, permettant de respecter l’objectif d’une hausse de la température mondiale inférieure à 2 degrés Celsius.
Les deux présidents se sont en effet déclarés favorables à un accord juridiquement contraignant, qui fasse par ailleurs l’objet d’une revue complète tous les cinq ans afin d’examiner les progrès accomplis en vue de l’atteinte des objectifs à long terme inscrits dans les contributions nationales déposées aujourd’hui par près de 160 pays.
La Chine et la France ont également mis en avant la nécessité d’instaurer un dialogue facilitateur dès 2017 ou 2018, afin de rehausser l’ambition avant 2020.
En outre, les deux pays ont réaffirmé l’importance cruciale de la définition d’une trajectoire claire et crédible pour permettre la mobilisation, chaque année à partir de 2020, des 100 milliards de dollars promis aux pays du Sud.
Enfin, les deux présidents ont développé l’idée d’orienter l’économie mondiale vers une transition sobre en carbone. Il s’agit là d’une nette évolution dans l’attitude de la Chine, laquelle estime dorénavant de son devoir, à l’égard de l’humanité, de favoriser un développement économique plus durable et soucieux de préserver l’environnement.
Depuis Pékin, le Président de la République, François Hollande, a souligné la très grande influence de la Chine, chef de file du « Groupe des 77 » rassemblant des pays émergents et en développement, en escomptant de sa part un travail de dialogue et de conviction auprès de ceux dont il faut encore obtenir l’implication.
Monsieur le Premier ministre, pensez-vous que ce pas franchi lundi mette la communauté internationale sur la voie d’un accord à Paris à la fin de cette année ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, nous entrons en effet dans la toute dernière ligne droite avant la conférence de Paris. Vous l’avez dit : la France et la Chine viennent d’adopter une déclaration conjointe sur le climat, qui va donner une impulsion décisive pour trouver des compromis sur les points politiques restant à résoudre pour aboutir à un accord à Paris. Cette déclaration comprend au moins quatre avancées.
Première avancée : un accord sur le principe d’une revue des objectifs nationaux tous les cinq ans en vue de leur révision à la hausse. C’est un point fondamental pour garantir le niveau d’ambition de l’accord. En effet, comme l’ont annoncé les Nations unies le 31 octobre, les engagements pris par 155 pays nous placent sur la trajectoire d’un réchauffement de l’ordre de 3 degrés Celsius. Cela nous éloigne du scénario du pire, mais ce n’est pas suffisant, et cela rend indispensable la réalisation, le plus tôt possible, d’efforts supplémentaires à échéance régulière. Nous sommes donc convenus avec les Chinois qu’un premier bilan portant sur les actions mises en oeuvre avant 2020 devrait être dressé en 2017 ou en 2018.
Deuxième avancée : le soutien à un objectif de long terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et l’engagement de nos deux pays à se fixer des objectifs pour 2050 et à encourager les autres pays à faire de même.
Troisième avancée : le soutien à une convergence progressive des objectifs que doivent prendre les pays développés et les pays en développement.
Quatrième avancée : le soutien au marché du carbone et à un engagement sur la question du climat au sein du G20, que la Chine présidera l’année prochaine.
D’ici à la conférence de Paris, nous allons évidemment continuer de mobiliser toutes nos forces pour parvenir à l’accord que la planète attend, en capitalisant sur cette déclaration utile et majeure. Du 8 au 10 novembre, Laurent Fabius organisera et présidera une « pré-COP » à Paris, en présence de soixante-quinze à quatre-vingts ministres invités. L’objectif est simple : donner des impulsions politiques et avancer sur la voie du compromis.
Il reste trente jours avant l’ouverture de la conférence de Paris. Notre mobilisation est sans faille pour permettre un succès. Ce dernier est nécessaire, non seulement pour la France et pour la Chine, mais aussi pour l’avenir de la planète et pour les générations futures.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 réforme en profondeur, dès l’année prochaine, le calcul de la dotation globale de fonctionnement – DGF – versée par l’État aux communes et aux intercommunalités. Sans même parler du fond, cette précipitation est inacceptable.
La réforme n’a été précédée d’aucune concertation véritable avec les associations d’élus, à commencer par l’Association des maires de France.
Les simulations rendues publiques hier pour mesurer l’effet de la réforme sont mensongères. Il est dit que 69 % des communes y gagneront, mais c’est faux.
Il n’a pas été tenu compte de la contribution au redressement des finances publiques, un prélèvement de l’État sur les finances des collectivités locales.
…puisque, de toute façon, vous avez décidé de diminuer la DGF des communes et des intercommunalités de 2 milliards d’euros l’année prochaine.
Enfin, au-delà de ses effets financiers, votre réforme va intervenir au plus mauvais moment. En 2016, il va falloir aussi dessiner une nouvelle carte des intercommunalités et mettre en oeuvre les transferts de compétences prévus par la loi NOTRe.
Monsieur le Premier ministre, trop, c’est trop ! La réforme de la DGF est une menace pour l’investissement et la qualité des services publics locaux.
…mais aussi certains de vos amis ! Retirez l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 et préparez, avec les élus locaux, dans la sérénité et le dialogue, une réforme digne de ce nom.
Monsieur le Premier ministre, on se grandit toujours en reconnaissant ses erreurs. Allez-vous le faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, vous dites que les simulations sont mensongères, mais vous oubliez que les calculs ont été présentés depuis déjà plusieurs semaines.
Personnellement, j’ai un seul regret concernant la façon dont nous avons bâti ces simulations
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
au mois de juillet, alors même que les principes de la réforme avaient été actés, le Comité des finances locales n’a pas voulu, pour diverses raisons, prendre le document qui lui était soumis, l’étudier et le commenter. C’est le seul reproche que l’on puisse faire – admettez au moins qu’il est totalement transpartisan !
Bien évidemment, la réforme de la dotation globale de fonctionnement est totalement indépendante de la baisse des dotations. Permettez-moi d’ailleurs de souligner qu’en augmentant la dotation de solidarité rurale – DSR –, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – DSU – et la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR –, c’est-à-dire les dotations de solidarité aux communes les plus pauvres, nous avons réussi à faire en sorte que ces dernières ne subissent pas la baisse de la DGF.
La réforme repose sur un seul principe : la justice.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Relisez nos débats de 2010 : nous sommes tous d’accord pour dire qu’aujourd’hui, la DGF est injuste. Entre deux collectivités ayant la même population et le même niveau de revenu moyen, elle peut varier du simple au double.
Il y a un seul argument que nous trouvons totalement recevable : effectivement, les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – sont en train de subir de grands changements, à bas bruit, car la carte territoriale de la France est en train d’être redessinée. Alors oui, il faut peut-être adapter les principes de la réforme à la nouvelle carte de l’intercommunalité.
La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, de bonnes nouvelles économiques commencent à se préciser.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Elles sont le résultat, sans aucun doute, de la stratégie lancée depuis 2012 par le Président de la République et la majorité,
Mêmes mouvements
stratégie s’appuyant sur les atouts de la France.
Nous avons connu la plus importante baisse mensuelle du chômage depuis le déclenchement de la crise de 2008 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), et qui fait suite à quatre mois consécutifs de baisse du chômage des jeunes.
Le coeur de la crédibilité de notre action se joue sur cette question de l’emploi. Nous l’assumons totalement et prenons acte du chemin qu’il nous reste encore à parcourir.
Mais au-delà de cet élément d’encouragement à confirmer, d’autres indicateurs structurels témoignent de la justesse de l’action entreprise. L’étude de l’INSEE publiée mercredi dernier confirme que le CICE et le pacte de responsabilité améliorent la compétitivité prix et l’attractivité industrielle de la France.
J’en veux pour preuve l’implantation de l’usine MKAD en Ariège, décidée en juillet dernier – plus de 20 millions d’euros d’investissement –, permettant la création d’environ 90 emplois directs. Monsieur le ministre, vous le savez, ce projet aurait tout à fait pu voir le jour à l’étranger, sans ces dispositifs de réactivation de notre politique industrielle et sans la volonté de deux groupes industriels français.
Nous devons accompagner le pacte de compétitivité qui est central et le compléter par nos initiatives en faveur de la transition énergétique, de l’innovation industrielle, du numérique ou encore de la simplification.
Par ailleurs, la Banque mondiale a souligné l’attractivité de la qualité des infrastructures françaises, des dynamiques territoriales, ainsi que l’engagement des salariés et des entreprises.
L’annonce récente de la relocalisation de 400 emplois par General Electric pour la production de turbines à Belfort est une illustration manifeste des progrès réalisés par notre pays.
Monsieur le ministre, la compétitivité de la France, certains en parlent : nous, nous agissons.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, vous avez parfaitement indiqué quels étaient les premiers signaux positifs, les premières manifestations du travail qui a été effectué. Vous m’interrogez sur la compétitivité de l’économie française. Celle-ci passait d’abord par une série de mesures d’urgence en faveur de la compétitivité-coût de nos entreprises, condition indispensable pour que nos entreprises se développent, investissent et embauchent et sans laquelle nous ne pouvons attirer d’autres entreprises.
Pour ce faire, le CICE et le pacte de compétitivité ont en effet donné leurs premiers résultats. Je veux souligner, surtout après tous les doutes qui se sont exprimés, que nous sommes – en raison de ces décisions d’une part et de la dynamique salariale allemande d’autre part – repassés sous le coût unitaire allemand du travail industriel, et ce, pour la première fois depuis de nombreuses années.
Nous avons enrayé une tendance décennale qui avait vu nos entreprises perdre de leur compétitivité par rapport à nos voisins allemands et les marges de ces dernières être rognées. Nous poursuivons ce travail s’agissant du coût des intrants, de l’énergie : la loi relative à la transition énergétique ainsi que la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances ont permis pour les électro-intensifs et d’autres entreprises de prendre des mesures importantes en la matière. De même pour le coût des services financiers et juridiques. C’est cela, la compétitivité-coût.
La bataille que nous devons aujourd’hui conduire en consolidant la première est celle de la compétitivité hors coût. C’est la bataille pour l’investissement et l’innovation. C’est à cette condition que nous créerons davantage d’emplois, aujourd’hui et demain. C’est celle de l’industrie du futur, celle que nous conduisons au travers des neuf solutions industrielles, des 3,5 milliards du programme d’investissements d’avenir qui sont concentrés sur ces dernières et de l’alliance pour l’industrie du futur.
C’est une priorité de notre industrie et nous allons continuer à mener une politique de formation adéquate parce que ce sont les femmes et les hommes qui font ce tissu industriel qui en sont aussi la richesse.
Et c’est enfin une politique de relance de l’investissement privé qui passe entre autres par la mesure de sur-amortissement fiscal qui a été votée il y a quelques mois, promulguée au mois d’août et valable depuis le mois d’avril et qui est prévue jusqu’au mois d’avril prochain.
Formation, innovation, telles sont nos priorités pour les mois à venir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Ils sont plus de 3 millions d’actifs partout sur le territoire ; ils travaillent beaucoup, et sont dans la souffrance. Ils se revendiquent être la première entreprise de France. Les artisans sont en difficulté et leur activité a encore reculé de 1,5 % au troisième trimestre, selon une étude récente.
Monsieur le Premier ministre, la situation de ces petites entreprises continue de se dégrader. Vous n’avez eu de cesse d’augmenter leurs cotisations sociales et leurs contraintes.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le régime social des indépendants – le RSI – attend toujours une véritable réforme. Au lieu d’aller vers une amélioration, les relations entre RSI et cotisants continuent de se dégrader : double appel pour les mêmes cotisations, non prise en compte de leurs difficultés conjoncturelles, instruction des dossiers toujours très longue. Tout cela donne aux artisans une sensation immense d’insécurité et d’abandon des pouvoirs publics.
De plus, la couverture dont ils bénéficient est très loin d’être à la mesure de leurs cotisations : petite retraite, délai de carence en cas de maladie à sept jours, exclusion de l’indemnisation du chômage. Ils se demandent parfois s’ils sont bien des Français comme les autres.
À cela s’ajoute une fiscalité locale défavorable qui les inquiète davantage aujourd’hui, du fait de la baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales. Ils sont pris dans un effet de ciseau, entre ces hausses de charges et leurs difficultés à trouver des marchés.
Évidemment, l’augmentation de leurs impôts sur le revenu et, encore dernièrement, le recul de la mise en place de la deuxième étape du pacte de responsabilité portent un coup fatal au peu de confiance qui leur restait en vous.
Aussi, monsieur le Premier ministre, qu’allez-vous enfin faire pour soutenir cette filière professionnelle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée, vous évoquez la situation du RSI. Je voudrais vous dire de la façon la plus simple et la plus directe que nous, nous ne nous défilons pas.
Nous assumons nos responsabilités, notamment après la réforme catastrophique mise en place en 2008 et qui a provoqué un véritable accident industriel.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Et nous, nous en gérons les conséquences depuis 2012. Nous avons d’abord, comme je l’ai indiqué il y a un instant en répondant à M. Chalus, pris des dispositions pour faire en sorte que le temps qui sépare les prélèvements de la perception des revenus soit limité au maximum. Cela a permis à un certain nombre d’artisans qui connaissaient assurément des situations très difficiles de pouvoir sortir la tête de l’eau.
Cela n’a pas été suffisant et c’est pour cela que nous avons demandé à Sylviane Bulteau et à Fabrice Verdier un rapport dont nous avons tiré un certain nombre de propositions qui ont été annoncées par Christian Eckert, Martine Pinville et moi-même à partir du mois de juin dernier.
Nous avons mis en place un certain nombre de mesures, des remboursements de cotisations plus rapides, un accueil téléphonique de meilleure qualité. Nous avons prévu des médiateurs pour les cas les plus difficiles.
Madame la députée, je ne peux pas vous dire que nous laissons aller leur protection sociale lorsque nous ouvrons par les lois actuellement en discussion la possibilité d’acquérir trois trimestres de retraite par an quel que soit le revenu des artisans alors qu’en 2012, ils ne pouvaient en acquérir qu’un seul.
Vous le voyez, madame la députée, nous avançons car la situation des artisans mérite notre engagement collectif plutôt que de vaines polémiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’économie, l’Union européenne a confirmé son soutien au grand projet d’infrastructure que représente le Canal Seine-Nord Europe, en annonçant un financement à hauteur de 42 %. Cette excellente nouvelle a réjoui tous les habitants de la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui fondent beaucoup d’espoirs sur ce qui sera l’un des chantiers du siècle pour notre pays et pour l’Europe du Nord.
La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dorénavant promulguée, prévoit une mesure que j’ai personnellement soutenue : la création par ordonnance d’une société de projet chargée de la réalisation de ce canal et du développement économique qui lui est lié.
Ce projet d’ordonnance vient de faire l’objet d’une consultation des collectivités territoriales et sera, selon M. le secrétaire d’État chargé des transports, présenté au Conseil d’État à la fin de l’année. Il va sans dire que la gouvernance de cette société de projet est essentielle et que la place qui sera laissée aux collectivités territoriales dans sa gestion sera déterminante. Ce sont en effet les régions, départements et intercommunalités qui feront – ou non – le succès de cette formidable infrastructure.
Or en l’état actuel du projet d’ordonnance, le compte n’y est pas. Il est en effet prévu que les collectivités disposent d’une minorité de sièges au conseil de surveillance de cette société, alors qu’elles financent 1 milliard d’euros du budget de ce canal et auront ensuite à financer les plateformes économiques.
Par ailleurs, cette société de projet serait dissoute à l’achèvement des travaux du canal. Or, vous le savez, une structure dédiée est indispensable pour gérer au mieux l’accueil des entreprises et des emplois induits.
Monsieur le ministre, j’ai deux demandes à vous adresser. La première : faites confiance à nos collectivités pour optimiser l’impact économique de ce grand projet fluvial. La deuxième : mettez en place une structure pérenne pour faire vivre le grand canal Seine-Nord Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler l’importance de ce projet, en particulier pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et de rappeler aussi que, pendant longtemps, on a trop tardé. Je me félicite avec vous – et beaucoup d’autres – qu’on ait pu avancer pour trouver un aboutissement, ou du moins une voie efficace. Je rappellerai les délais, point sur lequel, avec celui de la gouvernance, vous m’interrogez.
La feuille de route est claire, avec un début des travaux en 2017 et une mise en service à partir de 2023. L’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique des modifications du tracé est en cours jusqu’au 20 novembre et se situe dans la continuité des travaux préparatoires menés par M. Rémi Pauvros – à qui je veux ici rendre hommage – et qui ont permis de parvenir à la rédaction de l’article 7 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Cette loi a donné au Gouvernement un délai de neuf mois pour prendre une ordonnance qui acte la création de la société de projet. Nous sommes aujourd’hui dans ce délai. Ce projet, je m’en félicite, n’a jamais avancé aussi vite.
Dans ce cadre est prévue une phase de consultation avec les collectivités territoriales, qui a commencé le 15 octobre dernier et à propos de laquelle vous me sollicitez. Nous prenons note de vos demandes particulières. Il est normal de le faire, car les collectivités doivent avoir une place de premier rang dans la gouvernance de la société de projet.
Le 13 novembre prochain se clôturera cette phase de consultation, à l’issue de laquelle nous finaliserons la gouvernance et la structuration de la société de projet pour pouvoir saisir le Conseil d’État avant la fin de l’année, et donc rédiger l’ordonnance au cours du premier trimestre 2016.
Je vous garantis ici que le Gouvernement prend acte de vos demandes et que nous pourrons véritablement donner une place aux collectivités territoriales à côté de l’État. Ce projet est vital pour cette région et il existe grâce à l’Europe. Quand nous prenons collectivement nos responsabilités et que l’Europe a sa place, nous pouvons avancer.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’éducation nationale, j’associe à cette question mes collègues de tous bords qui, comme moi, sont attachés à l’apprentissage intense et précoce de l’allemand, en particulier Pierre-Yves Le Borgn’, président du groupe d’amitié France-Allemagne.
Madame la ministre, votre réforme du collège aura pour conséquence de reléguer l’apprentissage de l’allemand « au rang de la culture de l’orchidée », selon l’expression justement choisie par l’ancienne ambassadrice d’Allemagne en France.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est ainsi qu’en supprimant les sections européennes et en posant de nouvelles conditions pour accéder à un semblant de classe bilangue, vous comptez révolutionner l’apprentissage de l’allemand.
Tous les professionnels compétents sur cette question et non soumis au diktat général imposé sont pourtant unanimes : un collège qui possède en 2015 une classe bilangue et une section européenne offre aujourd’hui, de la sixième à la troisième, un total hebdomadaire de seize heures de cours d’allemand. Après la réforme, ce même établissement n’en proposera plus que sept heures et demie.
Oui, madame la ministre, que vous le vouliez ou non, la réalité des vrais chiffres – ceux que vous balayez aveuglément d’un revers de la main –, sera toujours présente pour vous rappeler que vous faites fausse route. Et ce ne sont ni les sorties aux allures d’opérations promotion et séduction effectuées en Lorraine avec une délégation vouée à votre cause, ni même les tours de passe-passe politiciens, qui donneront demain à notre jeunesse les connaissances linguistiques nécessaires pour trouver un emploi.
Madame la ministre, est-ce de cette façon que vous souhaitez renforcer l’allemand et transposer en France, sous la forme d’une « Deutsche Strategie », la Frankreich-Strategie qui permettra, dans les vingt prochaines années à la jeunesse sarroise de maîtriser la langue française ? On savait la réforme bâclée ; l’apprentissage de l’allemand le montre de façon manifeste.
Devant ce constat, je prends acte de votre volonté de créer plus de postes de professeurs d’allemand. Madame la ministre, que deviendront-ils donc à la rentrée 2016, sans élèves face à eux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur Lett, passés les débats éruptifs et, pour le moins, confus du printemps dernier, j’aurais pu imaginer que vous prendriez les cinq derniers mois pour vous pencher sur ce que dit réellement la réforme du collège et éviter ce genre de questions.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous ne l’avez pas fait et je veux donc bien, avec toute la pédagogie qui me caractérise, vous redire à nouveau que, s’il est bien un reproche qu’on ne peut pas adresser à cette réforme du collège, c’est de diminuer l’apprentissage des langues vivantes.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Elle prévoit en effet, par définition, d’augmenter cet apprentissage : les élèves apprendront leur langue vivante 2 en classe de cinquième, et non plus en classe de quatrième, ce qui se traduit, sur une scolarité au collège, par 54 heures de plus d’enseignement des langues vivantes 2, et donc de l’allemand en particulier.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour ce qui est de la langue vivante 1, qui s’apprend à l’école primaire, je vous rappelle que nous avons décidé qu’à la rentrée prochaine, au lieu d’attendre le CE1, elle s’apprendrait dès le CP. Donc, pour résumer, les élèves gagnent un an d’apprentissage de la LV1 et un an d’apprentissage de LV2 : expliquez-moi comment ils seraient moins bien lotis qu’aujourd’hui !
Je souhaite que davantage d’élèves français choisissent l’allemand pour langue vivante. C’est la raison pour laquelle je nous ai fixé des objectifs : augmenter de 10 % le nombre d’apprenants à l’école primaire en LV1 comme au collège en LV2.
Pour ce faire, nous embauchons davantage de professeurs d’allemand et allons chercher des étudiants allemands en Allemagne – nous l’avons vu avec l’ambassadeur d’Allemagne en France – pour qu’ils exercent en tant qu’assistants de langue dans les écoles primaires françaises,…
…dispositif que votre majorité avait supprimé avant que nous n’arrivions aux responsabilités.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, soyons sérieux une minute : demain, c’est-à-dire à la rentrée 2016, beaucoup plus d’élèves pratiqueront l’allemand, en LV1 comme en LV2.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle – bien nommée, comme le montrera ma question.
La situation économique de notre pays, qui connaît un début de redressement, achoppe sur la question du niveau de chômage. Certes, le chômage a connu une amélioration en septembre avec, pour la première fois depuis huit ans, une baisse qui affecte positivement l’emploi des jeunes. Mais l’accumulation du chômage depuis de longues années, de très longues années, a fait des dégâts considérables qui ont un coût humain, et pas seulement financier, difficile à supporter pour tous.
Il est donc temps de passer à la vitesse supérieure et, pour cela, de restructurer en profondeur le dispositif emploi-formation-chômage. Aujourd’hui, en effet, seul un chômeur sur cinq suit une formation et sur les 32 milliards d’euros consacrés à la formation professionnelle, seuls 12 % sont utilisés à la formation des demandeurs d’emploi. C’est un seuil inacceptable alors que nous savons que le retour à l’emploi est beaucoup plus rapide et durable lorsque le chômeur a reçu une formation.
Nous connaissons les obstacles à la formation des demandeurs d’emploi : acteurs multiples, financements trop complexes et délais trop longs. Je n’ignore pas qu’une convention de décembre 2012 a poussé à la coopération entre l’Unédic et Pôle Emploi. Des progrès ont déjà été constatés. De même, il est des régions qui ont pris la mesure du problème en menant des actions fortes d’insertion à travers la formation, comme le fait le Nord-Pas-de-Calais. Mais il appartient à l’État aujourd’hui d’aller plus loin, beaucoup plus loin.
Je vous propose, madame la ministre, une solution simple et énergique qui consisterait à fusionner dans un véritable service public de l’emploi et de la formation l’Unédic, Pôle Emploi et l’AFPA – l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes –, qui devrait à terme être rejointe par les autres organismes de formation professionnelle. Ce service public serait géré de façon paritaire et serait bien entendu décliné sur les territoires. Il aurait un but clair : toute personne qui n’est pas en emploi doit être en formation. But utopique ? Non, pas si nous y mettons la volonté nécessaire avec une réorientation des fonds disponibles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, je partage tout à fait la nécessité d’améliorer la performance du service public de l’emploi. Le Gouvernement s’y est engagé, comme vous l’avez rappelé, puisque des évolutions fortes ont été décidées dans la convention signée en début d’année entre l’État, l’Unédic et Pôle Emploi.
Concrètement, il s’agit d’un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d’emploi. Nous doublons le nombre de personnes bénéficiant d’un accompagnement intensif. Il s’agit aussi d’affecter 4 000 conseillers à la relation avec les entreprises pour mieux connaître les besoins et les qualifications nécessaires. Il s’agit également de développer de nouveaux services numériques, avec l’Emploi Store pour la recherche de candidats, ou d’aide au recrutement, notamment pour les TPE et les PME ; Clotilde Valter l’a illustré récemment dans le cadre de la Semaine de l’innovation publique à Soissons.
Les plans de formation prioritaire pour les métiers qui peinent à recruter et les secteurs d’avenir ont fait leurs preuves : près de 57 % des demandeurs d’emploi qui en ont bénéficié ont ensuite retrouvé un emploi durable. Les besoins sont évalués par les territoires, par les branches professionnelles, en accord avec les partenaires sociaux et les régions. Pour moi, c’est la bonne méthode, au plus près du terrain. Nous avons d’ailleurs décidé, lors de la Conférence sociale, de porter ces formations prioritaires à 150 000 l’an prochain.
Pour apporter des éléments de réponse sur le nombre de chômeurs formés, nous obtenons de meilleurs résultats qu’auparavant. L’an dernier, 465 000 demandeurs d’emploi en ont bénéficié : c’est 15 % de plus que les années précédentes.
Pour répondre précisément à votre question, plus qu’à une nouvelle réforme de structure du service public pour l’emploi, je crois à la synergie des acteurs locaux, de l’AFPA, que nous confortons, de Pôle Emploi, des missions locales et de Cap Emploi, en lien avec les partenaires du développement économique afin de connaître leurs besoins. C’est ce que nous avons fait dans le cadre du Conseil national de l’industrie, parce que c’est sur le terrain, au plus près des réalités, que nous devons améliorer les choses.
Monsieur le Premier ministre, à votre demande, M. Lebreton mène une mission de réflexion sur l’aménagement du territoire en France, en vue de refonder les relations entre l’État et les collectivités locales. Je peux vous assurer que le besoin est réel. La réforme territoriale se met en place dans un contexte difficile. Les élus, dans leur majorité, font état d’un sentiment de désillusion, d’improvisation et de mépris, particulièrement en milieu rural.
Des efforts nombreux sont demandés dans des calendriers très serrés. En même temps, le Gouvernement annonce des réformes et des baisses importantes des dotations de l’État. Les communautés de communes, récemment fusionnées, arrivent à peine à harmoniser leurs compétences. Les schémas de coopération intercommunale proposent de nouvelles fusions, dans des conditions qui dépassent les textes que nous avons adoptés dans cette assemblée.
Les dérogations votées dans la loi NOTRe – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – pour prendre en compte les territoires ruraux peu denses, ne sont pas toujours prises en compte. C’est plutôt la course à la centralisation, aux grosses machines, avec la perte des services publics et de la maîtrise des élus. Les économies annoncées sont douteuses. Cela crée un climat anxiogène et ouvre un boulevard au populisme.
La loi, rien que la loi, toute la loi ! Voilà ce que j’entends en grande majorité dans mon département ! Je défends bien entendu la mutualisation, les regroupements de communes en vue de projets territoriaux cohérents. Mais faire évoluer les territoires, c’est avant tout organiser la concertation, accompagner les acteurs locaux dans leurs choix, même si cela prend plus de temps.
Monsieur le Premier ministre, préférez-vous des intercommunalités qui se construisent autour d’un projet commun durable, d’un bassin de vie, ou souhaitez-vous que l’on continue à créer de grosses intercommunalités qui, certes, atteindront les seuils attendus, mais démobiliseront une bonne fois pour toutes les élus de proximité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la députée, il y a plusieurs questions dans votre question. La première concerne la dotation pour les communautés de communes rurales et les communes rurales dont vous avez parlé : un effort important a été fourni dès l’année dernière et nous allons sans doute le voter à nouveau cette année pour la dotation de solidarité rurale – la DSR – et la dotation d’équipement des territoires ruraux – la DETR – ; je vois un élu de la Creuse qui hoche la tête. En effet, la majorité, sinon la totalité, des communes rurales pauvres ont vu la baisse de leurs dotations complètement compensée par la DSR et par la DETR. Cet engagement pris par Jean-Marc Ayrault, puis par Manuel Valls, a été tenu.
Sur la coopération intercommunale, votre Assemblée a proposé de fixer à 5 000 habitants le seuil de l’intercommunalité pour le milieu rural. Olivier Dussopt faisait partie de ceux qui ont soutenu cette adaptation de l’intercommunalité au milieu rural, ainsi que M. Wauquiez pour ce qui concerne la montagne. En effet, 5 000 habitants suffisent quand la densité est faible ou que l’on se trouve en zone de montagne : il faut éviter que la communauté comporte un trop grand nombre de communes ou de trop grandes distances d’un bout à l’autre de son territoire.
Or, à notre grande surprise, énormément d’élus de communautés de communes rurales font des efforts pour aller bien au-delà de 5 000. Lorsque nous avons été accueillis dans le département de la Creuse, on nous a demandé pourquoi nous avions abandonné le seuil de 20 000, parce qu’ils y étaient favorables ! Nombre de communautés de communes rurales proposent des schémas plus importants.
Dans quelques cas, cela est difficile, mais il faut regarder de près les bourgs centres et les petites villes centres. C’est pourquoi, dans la réforme, qui interviendra aussi vite que possible, nous serons attentifs à ce que la centralité soit aussi rurale.
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Je vous rappelle qu’à seize heures trente, nous recevrons M. Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain, qui présentera la recommandation du 7 octobre 2015 approuvant un plan urgent d’accès à l’électricité et à la lumière pour le continent africain.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Claude Bartolone.
L’ordre du jour appelle la présentation, par M. Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain, de la recommandation adoptée le 7 octobre 2015 par le Parlement panafricain approuvant un plan urgent d’accès à l’électricité et à la lumière pour le continent africain.
Monsieur le président du Parlement panafricain, cher Roger Nkodo Dang, c’est avec un immense plaisir que nous vous accueillons aujourd’hui dans notre hémicycle. Au nom de tous les députés français, je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale.
Applaudissements.
Vous présidez depuis peu le Parlement d’une union régionale qui figure parmi les partenaires privilégiés de la France et de l’Europe, et porte la voix d’un immense continent, où se dessinent autant de défis que de promesses. C’est justement une question d’avenir cruciale que nous aborderons avec vous : celle de l’accès à l’électricité en Afrique, qui se situe à l’intersection des enjeux de développement et de transition énergétique.
Vous avez mis ce sujet à l’ordre du jour des questions parlementaires africaines, et participez ainsi de la mobilisation des institutions régionales et des chefs d’État et de gouvernements de l’Union africaine. C’est aussi, vous le savez, un sujet cher à Jean-Louis Borloo, qui lui a consacré une fondation – je le salue et le félicite pour son travail. (Applaudissements.)
À quelques semaines de l’ouverture de la COP 21, il nous est apparu essentiel de vous donner la parole et d’écouter, à travers vous, les préoccupations et les propositions des sociétés africaines.
La question de la lutte contre le dérèglement climatique se pose d’une manière tout à fait singulière sur votre continent. Alors que l’Afrique ne contribue que peu aux émissions de gaz à effet de serre, elle figure parmi les premières victimes de la hausse des températures mondiales, avec des conséquences tragiques pour l’agriculture, l’alimentation et le niveau de vie des populations exposées. L’urgence d’une action forte est palpable sur tout le continent.
Ce qui est réjouissant, c’est qu’il est possible, en Afrique, de conjuguer la lutte contre le changement climatique avec les impératifs du développement économique. Si on l’envisage sous le prisme des énergies renouvelables, l’électrification du continent est emblématique.
Le chantier est gigantesque. Au moment où nous parlons, seul un quart de la population africaine a accès à l’électricité ; 650 millions de personnes sont donc privées de ce que nous considérons, ici, comme un acquis et un droit, une condition pour accéder aux soins et à l’éducation, un prérequis pour la croissance et le développement humain. Si nous n’agissons pas, cette logique d’exclusion pourrait concerner plus de1 milliard de personnes en quelques décennies.
La marge de progrès est telle qu’elle invite à investir d’emblée dans les énergies renouvelables ou à inventer des modes de croissance efficaces et sobres en consommation d’énergie. Par sa géographie et son climat, l’Afrique dispose d’atouts considérables.
Elle peut, avec l’aide de ses partenaires publics et privés, prendre un temps d’avance et devenir un laboratoire pour de nouveaux modèles énergétiques, plus intelligents et décentralisés. Elle peut montrer au monde que la transition énergétique n’est ni un frein ni un fardeau, mais, au contraire, une formidable opportunité pour la croissance.
En cette année cruciale, la France n’est pas seulement, vis-à-vis de l’Afrique, l’hôte de la COP 21. Notre pays veut être l’avocat, en Europe et dans le monde, du développement durable de l’Afrique.
Nous le voulons, par amitié et par solidarité avec des pays frères, auxquels nous lient plusieurs siècles d’histoire et, pour beaucoup, une langue en partage.
Nous le voulons car, en tant que Français et en tant qu’Européens, nous avons la conscience de nos destins liés. Seuls une mer et quelques kilomètres nous séparent. Nos économies sont de plus en plus imbriquées et nos populations de plus en plus mélangées et interconnectées.
Cette relation intime qui existe entre nos deux continents est portée par des millions d’hommes et de femmes qui, chaque jour, par leurs activités professionnelles ou leurs trajectoires personnelles, assurent le renforcement et la longévité de notre amitié. Je rends un hommage appuyé à ces ambassadeurs du quotidien.
Monsieur le président, nos parlements doivent jouer leur rôle de stimulation et de proposition, d’orientation et de contrôle, d’éveil des consciences au sein des États et dans les sociétés. C’est ce qu’a fait le Parlement panafricain en adoptant, le 7 octobre dernier, une délibération de soutien au plan d’électrification de l’Afrique et quatre recommandations.
L’Assemblée nationale vous exprime, en vous accueillant, son soutien et ses encouragements. Elle manifeste aussi sa confiance dans la capacité de l’Afrique à se constituer en moteur et en modèle dans le monde énergétique nouveau qui s’ouvre.
Monsieur le président, c’est pour moi un honneur de vous donner la parole.
Applaudissements.
Monsieur le président de l’Assemblée nationale, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, mesdames, messieurs les parlementaires, permettez-moi, avant de commencer mon propos, de vous présenter la délégation qui m’accompagne. Il s’agit d’une délégation à 100 % africaine ; de l’Afrique de l’Est à l’Afrique du Nord, de l’Afrique centrale à l’Afrique de l’Ouest, les parlementaires panafricains ont fait massivement le déplacement pour venir témoigner de leur soutien inconditionnel au projet de Jean-Louis Borloo. Ils y travaillent au quotidien.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
L’histoire se répète encore une fois ; c’est une nouvelle page de l’histoire de l’Afrique et de la France qui s’écrit aujourd’hui. Je m’en voudrais si je ne témoignais pas de ce que les problèmes de la France sont ceux de l’Afrique et les problèmes de l’Afrique sont ceux de la France.
Je m’en vais maintenant délivrer un message solennel ; les peuples africains sont venus ici pour témoigner de leur soutien inconditionnel à ce que demain l’histoire de l’Afrique sera faite.
C’est un grand honneur que ressent la délégation du Parlement panafricain, son bureau élargi, d’être devant vous, députés de la République française, et c’est avec une très forte émotion qu’en tant que président du Parlement panafricain, je m’exprime devant l’Assemblée nationale française. Permettez-moi de remercier M. le président de l’Assemblée nationale, ainsi que la Conférence des présidents, de nous avoir offert la possibilité de nous exprimer ici, dans ces locaux chargés d’histoire, pour essayer d’écrire ensemble, élus de France et élus d’Afrique, une page de l’histoire de nos peuples.
Le Parlement panafricain est un organe législatif de l’Union africaine, composé des 54 États membres de celle-ci. Chaque État y est représenté par cinq membres, dont au moins une femme, et conformément à la configuration politique de son Parlement. Il représente le milliard d’habitants que compte l’Afrique, les parlementaires panafricains étant des élus des différents parlements nationaux. Le Parlement panafricain est le Parlement des peuples africains, et c’est pourquoi sa devise est : « Une Afrique, une voix ».
L’article 17 de l’Acte constitutif de l’Union africaine, adopté le 11 juillet 2000 à Lomé, au Togo, dispose que le Parlement panafricain a été créé « en vue d’assurer la pleine participation des peuples africains au développement ». Le sens de mon expression devant vous est de délivrer cet après-midi le message unanime des Africains à la France, à l’Europe et au monde. Les éléments de cet appel solennel ont fait l’objet d’une recommandation votée le 7 octobre 2015 à Johannesburg à l’unanimité des parlementaires panafricains, toutes origines et sensibilités politiques, religieuses et ethniques confondues.
Pourquoi adresser un tel message à l’Assemblée nationale ? Parce que vous êtes des parlementaires et que nous sommes des parlementaires ; parce que vous êtes des représentants du peuple et que nous sommes des représentants du peuple ; parce que nous avons donc tous en commun d’avoir été mandatés par nos peuples respectifs pour garantir la préservation de leurs intérêts.
Pourquoi porter cet appel à l’Assemblée nationale de la République française ? En raison de nos liens d’amitié et de fraternité, de culture et d’histoire ; parce que des Africains ont versé leur sang et sont tombés au champ d’honneur pour sauver la patrie française (Applaudissements) ; parce que récemment des Français sont morts pour l’Afrique, face aux terroristes, et que d’autres, aujourd’hui encore, risquent leurs vies sur notre continent
Mêmes mouvements
; parce que parmi les leçons que l’on peut tirer de l’histoire, il y a celle qui nous enseigne que les problèmes de la France sont ceux de l’Afrique, et que les problèmes de l’Afrique sont ceux de la France ; parce qu’au-delà de notre histoire commune, notre géographie nous rapproche ; parce que la France est un grand pays d’Europe ; parce que sa voix et sa diplomatie comptent et pèsent plus que sa taille ; parce que la France possède une grande et magnifique tradition des droits de l’homme et des valeurs universelles ; surtout, parce que l’Afrique est à un moment crucial et déterminant de son histoire : une partie de son avenir se joue maintenant – dans quelques jours, dans quelques semaines.
Les 11 et 12 novembre prochains aura lieu le sommet de La Valette, à Malte ; à l’initiative de la France, il réunira l’Europe et l’Afrique afin de tenter de saisir à la racine les enjeux gigantesques des grandes migrations dont nous ne sommes qu’à l’aube. De surcroît, la Conférence des parties des Nations unies, dite « COP 21 », se réunira ici, à Paris, à la fin de ce mois, sous la présidence de la France, ce qui confère à celle-ci un rôle tout particulier et déterminant de leadership.
Il est donc crucial pour les peuples africains que représente le Parlement panafricain de lancer aujourd’hui, par ma voix, cet appel solennel.
L’Afrique connaît un bouillonnement extraordinaire d’initiatives, de talents, de jeunesse ; dans le même temps, l’Afrique s’inquiète et, à certains égards, est en danger.
Sa jeunesse oscille entre espoir et révolte. Aujourd’hui, 75 % des Africains, soit 650 millions d’Africaines et d’Africains, n’ont pas accès à ce droit fondamental qu’est la lumière, l’électricité. Or, le droit à la lumière et à l’électricité pour tous est un nouveau droit de l’homme, un droit universel, car consubstantiel à l’exercice de tous les autres droits fondamentaux, notamment le droit à l’eau, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit à l’autosuffisance alimentaire, le droit à l’emploi, le droit à la sécurité, le droit à vivre en paix. Ce qui est vrai pour l’Afrique l’est également pour d’autres pays du monde, et c’est pourquoi cet appel est un appel pour le droit à lumière et à l’énergie pour tous dans le monde.
Nos enfants désespérés quittent des lieux sans lumière, sans énergie, sans activité, donc sans avenir, pour marcher vers l’énergie et la lumière, vers l’espoir, vers les grands ports des capitales, en Afrique, mais aussi hors d’Afrique. Avec 800 millions de portables, ce phénomène ne peut que s’accélérer et s’amplifier.
Oui, l’Afrique à 100 % électrifiée connaîtra une croissance à deux chiffres, une croissance soutenue et endogène pendant vingt ans.
Oui, cette croissance sera le relais évident de la vôtre. Un continent qui commence à s’équiper, qui voit se développer des classes moyennes et qui, de plus, connaît un passage de 1 à 2 milliards d’habitants en trente ans, est un dividende démographique qui permettra une croissance de proximité, notamment européenne, et plus particulièrement française. Nous sommes votre relais de croissance : aidez-nous à vous aider !
L’Afrique n’émet presque pas de gaz carbonique et est, de surcroît, un puits de carbone. Pourtant, elle est terriblement touchée, depuis plusieurs années déjà, par les conséquences du dérèglement climatique, que ce soit en région sèche – tel le lac Tchad, passé de 2,5 millions à 2 500 mètres cubes d’eau, phénomène extrêmement dangereux pour l’élevage et pour les peuples avoisinants –, ou en région très humide, comme le bassin du Congo.
Alors, oui, l’Afrique a besoin d’un plan qui touche à la fois à son développement et à sa croissance ! Elle a besoin d’un plan qui réduira ses migrations et qui lui permettra de s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique.
Nous avons besoin de la France, nous avons besoin de l’Europe pour que l’Afrique soit électrifiée à 100 % – comme l’ont fait, à leur époque, les Amériques, l’Europe, la Chine et le Japon, et comme l’Inde est en train de réussir à le faire.
Nous sommes face à un paradoxe : l’Afrique a le plus gros potentiel du monde en énergies renouvelables, alors qu’elle a le plus grand retard en électricité. Des projets existent pourtant dans tous les pays d’Afrique, qu’ils soient solaires, éoliens, d’hydroélectricité, de biomasse ou de géothermie. Les raisons de cet état des choses ont été parfaitement étudiées et les réponses sont totalement claires. Je vous renvoie aux travaux de la fondation « Énergies pour l’Afrique ». L’énergie et la lumière pour tous est un défi vital pour vous comme pour nous, que nous vous demandons de nous aider à relever.
C’est un projet pour les Africains, fait par les Africains, et qui ne pourra se faire sans votre aide et votre coopération. Des projets d’électrification existent partout sur le continent ; il y a aussi les liquidités internationales pour les financer ; mais il manquait une organisation méthodique et unifiée pour les implanter. Eh bien, lors du sommet de Johannesburg, le 15 juin 2015, les chefs d’États et de gouvernements africains ont décidé, à l’unanimité, la création de cet instrument !
Il ne manque donc plus que les fonds propres. Ces jeunes nations – qui ont connu une multiplication par cinq de leur population depuis 1950 – n’ont pas les fonds propres nécessaires et sollicitent votre aide. C’est un peu la même chose qu’en 1947, lorsque les Américains ont apporté leur aide à l’Europe. Ce besoin de fonds propres s’élève à 5 milliards de dollars par an pendant dix ans pour toute la communauté internationale des pays développés, au profit d’un continent qui représentera – faut-il encore le rappeler – un quart de l’humanité dans trente ans.
Cinq milliards, c’est un chiffre dérisoire au regard de l’enjeu, au regard des enjeux. C’est un chiffre dérisoire au regard des éventuels et hypothétiques 100 milliards, confus, publics ou privés, qui sont toujours évoqués dans les conventions sur le climat et qui, en fin de compte, n’ont ni réalité ni affectation.
Cinq milliards, c’est un chiffre dérisoire mais qui doit être maintenant une réalité, avec des subventions annuellement garanties, automatiques, fermes, prévisibles et traçables.
Cinq milliards, c’est un chiffre dérisoire par rapport à l’immensité du défi et à ses conséquences : stabilité des pays et sécurité, réduction des migrations massives, contribution à la croissance européenne et mondiale, aide à l’adaptation aux conséquences du dérèglement climatique – qui sont déjà une réalité chez nous –, réalité d’un vivre-ensemble et d’un destin partagé. Certes, c’est dérisoire ; encore faut-il le faire !
Il faut, à Paris, un accord simple, robuste, automatique, garanti et rapide avec une mise en oeuvre dès 2016 et une clé de répartition claire. Il faut évidemment que l’Afrique organise un instrument dédié et mette en place les systèmes d’évaluation et de contrôle adéquats. Nous sommes prêts !
Mais nous voulons aussi que cette contribution financière se réduise au fur et à mesure de la diminution des émissions de CO2 des pays contributeurs, sur la base d’un bonus-malus : les pays développés réduiront leurs contributions en fonction de la réduction de leurs émissions. Un tel plan, véritable plan de paix, permettra à l’Afrique d’être le premier continent soutenable de l’humanité. C’est parfaitement faisable, il n’y a plus de problème technique !
Pour y parvenir, il nous faut un accord clair, un accord objectif, un chef et les moyens adéquats. Grâce à un tel accord, l’Afrique pourra passer de 25 % à 100 % d’électricité en dix ans ; au vu des projets existants, on sait qu’une grande partie du chemin pourra être faite en trois ou quatre ans. C’est un projet aux efforts modestes et aux effets considérables !
Un bon accord à Paris tiendrait en deux pages. La première porterait sur les engagements de réduction des émissions des pays émetteurs de CO2 par an, au cours des vingt années à venir. La deuxième porterait sur la contribution et la clé de répartition, au profit des pays pauvres et victimes du dérèglement climatique, selon un processus vertueux de bonus-malus.
Au-delà de deux pages, nous craignons la confusion et la dispersion – même si une mise en scène médiatique pourra toujours qualifier l’accord de positif ou négatif. Rappelons-nous : la conférence de Bali, il y a si longtemps, avait été qualifiée de positive, tandis que celle de Copenhague, plus récemment, a été qualifiée de négative, sans que nous sachions en réalité s’il y avait une grande différence entre les deux.
Cet accord vertueux, concret, opérationnel, qui démontrera la véritable détermination des pays développés, est à portée de la main. Il faut être clair : nous ne demandons nullement une compensation morale au fait que les pays industrialisés se soient développés : il s’agit d’une contribution, et non d’une pénalité. Il s’agit non pas d’une repentance, mais d’un projet partagé, positif, de croissance et de développement. Je le répète : cet accord est à portée de main !
Mesdames, messieurs les parlementaires, avant de conclure mon propos, permettez-moi de remercier, au nom de l’Afrique, l’un de vos amis, ancien parlementaire et ancien ministre français, notre frère, M. Jean-Louis Borloo.
Applaudissements.
Nous lui rendons un grand hommage pour son engagement discret et inlassable auprès de nous Africains, pour nous avoir expliqué que c’est possible, à condition de fédérer toute l’Afrique, ce qui est chose faite maintenant. Nous le remercions de continuer à plaider auprès de toute la communauté internationale pour qu’un terme soit mis au cloisonnement entre climat, développement, paix, sécurité, lumière et migrations. Enfin et surtout, nous lui exprimons toute notre gratitude pour avoir insisté pour que ce message de l’Afrique soit porté ici, à l’Assemblée nationale de la République française.
Mesdames, messieurs les parlementaires, il est rare qu’une évidence soit aussi criante. Il est rare qu’une solution soit aussi réalisable. Il est rare qu’une seule décision puisse avoir autant d’impact sur tous les citoyens du monde. Il est rare, dans l’histoire des peuples, qu’une seule décision, qu’un seul accord, qu’un seul leadership, puissent contribuer à répondre à la fois aux exigences de la justice climatique et aux enjeux de pauvreté, aux enjeux de développement et de croissance, ainsi qu’à l’enjeu majeur – et qui, dans tous les cas de figure, est devant nous – celui des grandes migrations. C’est la situation de la France en ce moment même, et c’est la raison de notre présence.
La France a à portée de main un plan de paix et de sécurité. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je m’arrêterai là. Vive l’Assemblée nationale de la République française ! Vive le Parlement panafricain ! Vive la France ! Vive l’Afrique !
Je vous remercie pour votre bienveillante attention.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
Je vous remercie, monsieur le président du Parlement panafricain.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le président Roger Nkodo Dang, votre présence dans cet hémicycle témoigne d’un lien fondamental que vous avez très justement rappelé. C’est un lien de peuple à peuple, car nos histoires et nos défis sont pour une bonne part communs. Même si de trop nombreux citoyens et responsables politiques l’ignorent parfois, notre avenir dépend en grande partie du vôtre.
Votre présence dans cet hémicycle et les mots que vous avez employés en témoignent : la question dont nous allons débattre plonge ses racines dans notre histoire, et touche en même temps aux enjeux les plus contemporains. Ces enjeux sont bien connus, mais ils ont trop souvent été opposés : c’est, d’une part, le développement économique du continent africain – dont vous avez parfaitement rappelé les conséquences pour l’Afrique elle-même, pour l’Europe et pour le reste du monde – et, d’autre part, la préservation de la planète – je pense ici aux enjeux environnementaux que la diplomatie française défend, notamment dans le cadre de la COP 21.
Pendant longtemps, on a en quelque sorte opposé ces deux objectifs : on considérait que la réussite du premier dépendait de la modération du second. En d’autres termes, on considérait qu’en luttant pour la préservation de tous, on risquait de ralentir le développement de certains. Or le projet dont nous débattons, votre ambition, c’est précisément de réconcilier ces deux objectifs. Pour cela, vous voulez conjointement répondre à un problème fondamental du continent africain, à savoir l’accès à l’énergie, et contribuer à la conversion progressive de la planète à l’énergie durable.
Vous avez rappelé les chiffres : ils sont cruels, et scandaleux. Une très faible proportion de votre population accède à l’énergie : 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité, soit les deux tiers de la population du continent africain. L’enjeu va bien au-delà de l’accès à l’électricité ; il s’agit en réalité de l’accès à l’énergie au sens large. À cause du manque d’accès à l’énergie, dans de trop nombreuses parties de l’Afrique, l’obscurité prévaut, les communications sont absentes, et le développement économique est obéré.
Qui plus est, aujourd’hui encore, l’immense majorité des Africains utilise le bois et le charbon de bois pour cuire les aliments. C’est un vrai drame sanitaire : l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, estime que 4 millions de personnes par an dans le monde meurent prématurément à cause des maladies liées à l’utilisation des énergies fossiles à l’intérieur des habitations. Les personnes touchées sont principalement des femmes et des enfants, pour une grande part africains. C’est aussi une catastrophe écologique, car l’utilisation du bois pour la cuisson est l’une des principales causes de la désertification, notamment au Sahel.
Le manque d’accès à l’énergie est également, dans certains pays, la source de nombreux trafics qui permettent de financer, au détriment des populations et de l’environnement, de trop nombreuses activités illicites. En outre, l’absence d’énergie moderne représente un obstacle quotidien pour l’éducation et la santé. Comment, par exemple, faire fonctionner des appareils médicaux ou conserver certains vaccins sans électricité ?
C’est enfin un handicap majeur pour la croissance durable du continent africain. Sans accès à l’énergie, il n’est pas possible d’atteindre les taux de croissance économique élevés qui sont indispensables pour sortir de la pauvreté. L’Afrique est, à l’heure actuelle, le deuxième pôle de croissance mondial après l’Asie, mais dans le même temps, c’est continent où l’impact de la croissance sur la pauvreté est le plus faible. Il est souvent question de « croissance inclusive », mais cette expression restera théorique tant que l’accès de tous à la croissance n’est pas garanti ; or l’accès à l’énergie est la condition première de la croissance.
Le système actuel n’est pas en mesure de répondre au défi de l’accès à l’énergie en Afrique. Il faut donc faire différemment : c’est tout l’enjeu de notre discussion et de ce beau projet que vous êtes venu défendre ici. Sans accès à l’énergie, il sera impossible de lutter efficacement contre les principales inégalités – inégalités de santé, d’éducation, de transports, de développement économique. Sans accès à l’énergie, il n’y aura donc pas de véritable développement africain.
Or l’Afrique est le continent le plus riche quant au potentiel en énergies renouvelables : c’est bien là tout le paradoxe. Nous n’avons pas, bien sûr, à choisir pour l’Afrique ce que doit être son mix énergétique ; mais nous avons la responsabilité d’être lucides sur les solutions que nous accompagnerons. C’est pourquoi notre engagement ira, en même temps qu’à ce projet, aux priorités que représentent les énergies renouvelables, parce qu’elles ont l’avantage de concilier le développement économique et la préservation de la planète, et qu’elles ont un potentiel en termes d’emplois locaux, donc de formation de métiers d’avenir. Ce sont, je le rappelle, 20 millions de jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail en Afrique. La majeure partie des équipements et des infrastructures pour l’énergie solaire et l’éolien peuvent être développés sur le continent : c’est donc bien cette forme de développement que nous appelons de nos voeux.
C’est pour ces raisons que nous devons nous mobiliser, et que le travail mené par M. Jean-Louis Borloo – que je veux à mon tour remercier et féliciter – avec la fondation « Énergies pour l’Afrique » est si important. Sur ce point, nous devons être clairs : le développement des énergies renouvelables en Afrique est une clé pour le continent africain lui-même comme pour la planète. Le Gouvernement le soutient donc fortement.
Il le soutient car il s’inscrit dans le cadre même de son action diplomatique et des initiatives prises par Laurent Fabius et Annick Girardin au cours des dernières semaines et des derniers mois. Je pense aussi aux actions que nous avons pu mener, que ce soit dans le cadre du conseil exécutif de l’initiative « Énergie durable pour tous », portée par le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, ou, dans la même optique, avec les chefs d’État de l’Éthiopie, du Sénégal et du Nigeria, rassemblés lors d’un déjeuner consacré à l’industrialisation durable du continent.
La France soutient aussi les énergies renouvelables en Afrique par sa politique de développement, et elle continuera à le faire. L’Agence française de développement – AFD – consacre chaque année environ 350 millions d’euros pour soutenir des projets dévolus aux énergies renouvelables, dans le cadre d’un engagement de 1 milliard d’euros par an au titre de la lutte contre le dérèglement climatique en Afrique ; son rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations permettra d’aller plus loin encore en ce domaine.
Mais nous ne pouvons être seuls ; aussi la mobilisation de Jean-Louis Borloo est-elle précieuse pour entraîner la communauté internationale dans un soutien à l’accès de l’Afrique à l’énergie durable. C’est pourquoi la fondation « Énergies pour l’Afrique » reçoit un soutien financier de nos ministères et du réseau diplomatique français, qui a été mobilisé pour l’accompagner. Mais, vous l’avez rappelé, c’est aussi la raison pour laquelle nous devons aller plus loin.
Plusieurs missions ont permis la mobilisation de nombreux acteurs du quotidien, pour répondre à ce défi qu’est le développement de l’énergie durable sur le continent, et vous avez rappelé, monsieur le président Nkodo Dang, les engagements financiers nécessaires dans la perspective de la conférence de Paris. Ce sont ces engagements qui doivent être collectivement tenus.
Dans ce cadre, vous allez jouer un rôle fondamental. La Banque africaine de développement doit jouer le sien, comme l’ensemble des acteurs du développement africain. Une telle initiative ne peut en effet être un succès que si le continent africain, les partenaires, se l’approprient, la portent et la développent : c’est là une condition essentielle, nous l’avons dit dès le premier jour, et qui correspond d’ailleurs à l’ambition portée par Jean-Louis Borloo. L’initiative consiste à financer 10 gigawatts supplémentaires d’ici à 2020, et jusqu’à 300 gigawatts de plus à l’horizon 2030, via la mobilisation de fonds publics et privés ; elle ne pourra voir le jour que si, sur le terrain, des acteurs légitimes se mobilisent. C’est cette voie, monsieur le président Nkodo Dang, que vous êtes venu défendre avec votre délégation, que je tiens à saluer.
Cette voie, c’est celle d’un engagement démocratique fort, un engagement politique au sens le plus noble de ce terme ; et c’est la voie de la mobilisation de tous les acteurs africains du développement que vous êtes venu porter à Paris, condition même de toute avancée dans le domaine dont nous parlons. Cette demande est ambitieuse, mais elle est cruciale pour la réussite de nos initiatives, pour la conférence de Paris et au-delà.
Il serait simpliste de résumer les attentes de l’Afrique aux seuls enjeux énergétiques. Nous le savons bien, l’Afrique reste une région vulnérable, et elle a besoin de financements pour l’adaptation, qu’il s’agisse des digues ou des mangroves. Elle est en train de formuler une demande précise à cet égard, puisque ce sont entre 30 et 40 % des 100 milliards escomptés qui seront dédiés à cette cause. L’Afrique souhaite également un soutien pour renforcer la protection des forêts, vous l’avez rappelé, dans le bassin du Congo, deuxième forêt tropicale du monde et véritable enjeu d’aménagement.
De même, il serait trop simple de résumer les enjeux de développement aux seules énergies renouvelables. Le défi dont nous parlons est essentiel pour le développement africain, essentiel pour notre ambition collective de préservation de la planète.
Mesdames, messieurs les députés, le plan d’électrification du continent africain « Électricité - Objectif 2025 » s’inscrit pleinement dans l’action de la France en faveur d’une politique de développement en Afrique et de la recherche d’un large soutien africain à l’accord de Paris sur le climat. C’est pourquoi la présente initiative, que nous soutenons, est forte et visionnaire. Votre appel et votre présence avec nous aujourd’hui en témoignent, monsieur le président Nkodo Dang, et notre engagement se doit d’être à la hauteur.
L’Afrique, et je conclurai sur cette conviction personnelle qui fait écho à vos propos si forts, n’a pas besoin de nouvelles promesses, non plus que de faux rêveurs : elle en a déjà connu beaucoup. L’Afrique a besoin d’engagements concrets – cette mobilisation en fait partie –, et elle a besoin de vrais idéalistes. Et les vrais idéalistes sont de grands pragmatiques.
Applaudissements.
Nous allons maintenant entendre les présidents et porte-parole des groupes.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président Nkodo Diang, je veux à mon tour vous saluer, et saluer à travers vous l’ensemble des membres du Parlement panafricain. J’adresse également un salut amical à la délégation qui vous accompagne et, sans plus attendre, vous assure de notre total soutien au plan d’urgence que vous venez de présenter.
Applaudissements.
Oui, le continent africain doit avoir accès à l’électricité, partout, dans chaque pays, chaque agglomération et chaque village. Il n’y a pas de développement possible sans électricité : chaque Africain doit pouvoir en disposer, car il en faut pour que les places des villages et les rues soient éclairées, accessibles et sûres pour les populations. Il faut de l’électricité pour que les enfants puissent faire leurs devoirs le soir, et il en faut aussi pour conserver certains médicaments à la bonne température. Or, vous l’avez dit, trop de familles africaines en sont aujourd’hui privées. Ce sont ainsi 650 millions de personnes, on l’oublie trop souvent, qui n’ont pas accès à la lumière.
Le plan d’urgence que vous nous présentez, monsieur le président, répond à cette situation. Les investissements nécessaires à l’électrification de l’Afrique, s’ils restent élevés, ne sont pas inabordables si la communauté internationale sait se mobiliser là où il faut l’être, si les partenariats nécessaires sont construits et consolidés et si les transferts de technologies sont organisés. Les énergies renouvelables sont la chance de l’Afrique. Elles s’inscrivent dans une économie bas carbone vers laquelle le monde doit se tourner pour stabiliser le climat.
Je crois comme vous, monsieur le président, qu’il y a urgence et qu’il est temps d’agir. Et je veux saluer à mon tour l’énergie discrète, pour paraphraser l’un de mes prédécesseurs à cette tribune, déployée par Jean-Louis Borloo en ce domaine.
Applaudissements.
J’ai la conviction que nous entrons dans une deuxième phase de la mondialisation. La première fut celle de l’extension du domaine du marché ; la deuxième doit être celle des régulations et des coopérations. Dans quelques semaines se tiendra, ici à Paris, la COP21, où 196 pays seront représentés. Les objectifs de la conférence sont connus : obtenir des engagements des États afin de stabiliser le climat en deçà des 2 degrés d’augmentation des températures.
Nous n’y sommes pas encore, et je salue à cet égard la ténacité, l’engagement et le volontarisme du Président de la République et du ministre des affaires étrangères – que j’accompagnais hier à Pékin –, qui plaident inlassablement pour que cette prise de conscience mondiale se traduise dans les faits.
Il reste moins d’un mois avant le début de la COP21. L’accord de Paris n’est donc pas encore conclu, et un échec est toujours possible. Pourtant, cet accord devra être conclu car il y a urgence ; il devra l’être parce que les échecs, l’inertie et les faux-semblants d’hier nous interdisent de reculer aujourd’hui ;…
…il devra l’être, enfin, parce que l’opinion internationale n’acceptera pas un nouvel échec au niveau mondial. Nous avons une obligation, « nous, les humains » – j’emprunte cette formule à Alain Touraine – de réussir la COP21 et les rendez-vous, tous les rendez-vous qui la suivront. Et pour cela, le monde a besoin de l’Afrique comme l’Afrique a besoin du monde. Nos intérêts sont liés. Nous ne réussirons pas sans vous, et vous ne réussirez pas sans nous.
Je remercie les pays africains qui ont présenté leur contribution et leurs engagements pour la COP21. Certains ont reçu le soutien de l’Agence française de développement, dont je salue les collaborateurs qui, partout dans le monde, apportent le soutien de la France à des pays amis.
Le plan que vous nous présentez, monsieur le président Nkodo Dang, participe de cet objectif de lutte contre le réchauffement climatique, et si nous le soutenons, ce n’est ni par supplément d’âme, ni par altruisme ou par excès de générosité, mais bien parce qu’il participe de notre intérêt commun.
En effet, s’ils ne sont pas toujours perçus comme tels, les effets du dérèglement climatique en Afrique se font déjà sentir jusqu’à chez nous, en Europe. L’afflux de réfugiés que connaît le Vieux Continent depuis un an s’explique par des raisons politiques et de sécurité, mais pas seulement et nous le savons. L’intensité des phénomènes de sécheresse, l’accentuation de la désertification génèrent des flux importants de population, dévitalisent des pays entiers, attisent les conflits et permettent la montée de mouvements terroristes. Tout est lié, je le répète.
La France s’est engagée aux côtés des pays africains. J’ai mentionné trop rapidement le travail de l’AFD, et ne passerai pas en revue nos accords de coopération avec nombre de pays africains. Je veux simplement rappeler l’engagement de nos forces armées, que je salue et auxquelles je rends hommage, au Mali pour lutter contre le terrorisme et le fanatisme destructeur.
Applaudissements.
Je veux saluer ici la mémoire des victimes de cette barbarie nouvelle qui assaille le monde, les victimes camerounaises et tchadiennes notamment, ainsi que toutes les victimes africaines, lesquelles s’ajoutent à celles que notre pays a eu à déplorer.
La France est l’amie de l’Afrique, monsieur le président. Le plan que vous venez de nous présenter participe de cette dynamique de soutien et de coopération que nous encourageons. La quiétude que vous avez installée dans notre hémicycle m’incite à conclure en citant une phrase célèbre, prononcée il y a plus de dix ans à Johannesburg par le Président Chirac, et qui dépeignait à elle seule plusieurs décennies d’inertie : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, nous le savons, tout peut s’enflammer, mais personne ne peut plus regarder ailleurs. Merci d’être venu et merci pour ce que vous faites.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le président Roger Nkodo Dang, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Afrique, parmi tous les défis qui l’attendent, est confrontée à deux enjeux majeurs : l’accès à l’énergie et l’autosuffisance alimentaire. Pour nourrir un continent qui comptera 2 milliards d’habitants en 2050, ces deux défis sont aussi une urgence, et une urgence d’autant plus forte qu’aujourd’hui, un quart de la population africaine ne mange pas à sa faim et que, dans le même temps, un quart seulement des habitants a accès à l’énergie.
C’est une urgence tout à la fois économique, sociale, sanitaire et humanitaire.
Économique et sociale, évidemment, car le décollage de l’Afrique, de toute l’Afrique, passera par un accès rapide et puissant à l’électricité.
Sanitaire, car pour faire fonctionner un système de soins et tout simplement stocker des médicaments, il faut de l’électricité.
Humanitaire, enfin, car la question migratoire qui secoue plusieurs grandes régions d’Afrique – et qui en conséquence secoue l’Europe – deviendra la bombe que nous redoutons. La croissance démographique, qui est une chance pour l’Afrique, peut devenir une menace pour elle-même, comme pour le reste du monde.
L’énergie c’est l’accès à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’agriculture, à l’industrie et au travail. Le président guinéen Alpha Condé a trouvé les mots justes lors de l’inauguration du barrage de Kaléta, le 28 septembre dernier : « Avec l’électricité, nous allons nous industrialiser et nous n’allons plus voir nos enfants mourir dans les eaux de la Méditerranée parce qu’ils désespèrent de l’Afrique ».
Oui, ce barrage sera un bénéfice pour au moins quatre pays d’Afrique de l’Ouest. Oui, cette initiative ne doit être que la première d’une longue série destinée à rendre l’espoir à tout un continent et je voudrais ici, à mon tour, rendre hommage à l’action que mène Jean Louis Borloo pour que cet espoir se réalise.
Applaudissements.
Mais le défi est considérable : dans plusieurs pays d’Afrique, plus de 80 % des écoles primaires n’ont pas d’électricité et plus de 600 000 africains meurent chaque année à cause de la pollution de l’air générée par les combustibles utilisés pour cuisiner.
Il y a, évidemment, le potentiel hydraulique absolument considérable – presque infini – qui permettrait vraisemblablement d’apporter de l’électricité à des centaines de millions d’africains.
Il y a aussi le formidable potentiel du sous-sol africain et de matières premières qui ne profitent pas assez aux africains eux-mêmes.
Les besoins en financement sont conséquents : 55 milliards de dollars par an – selon le dernier rapport de Kofi Annan – sont nécessaires pour mettre en place, d’ici à 2030, les deux tiers des infrastructures énergétiques manquant en Afrique.
Le monde ne répondra au défi africain qu’en étant un partenaire de l’Afrique, un partenaire budgétaire. Mais, à quelques semaines de la COP21, le compte ne semble toujours pas y être : faut-il pour autant se décourager ?
Il est indispensable de créer des coopérations, en particulier avec les acteurs privés, avec les entrepreneurs qui croient en l’Afrique : à travers des partenariats public-privé, des coopérations puissantes entre États, collectivités, organisations non gouvernementales, entreprises et grandes institutions internationales.
Mais cela ne portera ses fruits que si plusieurs conditions sont réunies. Ce contexte porteur, il dépend de vous et de l’ensemble des États africains. Vous ne pourrez pas faire l’impasse sur la bonne gouvernance et, notamment, sur la sécurité juridique propice au droit des affaires et donc aux investissements étrangers.
L’Afrique devra aussi faire de la formation une priorité, en particulier de celle des jeunes, ingénieurs et techniciens.
De ce point de vue, la France, notamment grâce à l’AFD et à l’Agence Expertise France, a beaucoup à offrir à l’Afrique en termes d’assistance financière et technique ainsi que d’appui aux instituts africains de formation professionnelle.
Celles et ceux qui connaissent l’Afrique et qui l’aiment savent qu’elle a en elle les ressources pour gagner la bataille de l’accès à l’électricité.
Monsieur le président, votre venue ici, devant l’Assemblée nationale, avant la COP 21, est le témoignage d’une prise de conscience, à l’échelle du continent africain, de tous les parlements nationaux réunis dans le Parlement panafricain.
Votre institution continentale siège en Afrique du Sud, à proximité de Johannesburg. Nous ne pouvons nous empêcher, à cet instant, d’avoir une pensée affectueuse pour le Président Chirac – cela sera un moment rare dans cette assemblée : je vais avoir la même conclusion que mon collègue Bruno Le Roux – : son discours de septembre 2002 est en effet resté dans la mémoire collective, en France comme partout dans le monde.
Fidèles à son message, fidèles à son action, nous sommes évidemment, monsieur le président, à vos côtés. Car ce combat n’est pas seulement votre combat : c’est une aventure collective qui dépasse le destin de l’Afrique.
Applaudissements.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
En vous écoutant, monsieur le président Nkodo Dang, je songeais au fait que chaque année, nos deux continents, l’Afrique et l’Europe, se rapprochent d’un centimètre, et qu’un jour ils se toucheront. Je me réjouissais que nous ayons pris ensemble un peu d’avance en faisant entrer aujourd’hui l’Afrique à l’Assemblée nationale !
Je voudrais vous dire que votre présence dans cet hémicycle nous honore, et qu’elle est précieuse pour faire vivre la relation si singulière qui unit la France à l’Afrique.
Applaudissements.
Votre présence nous amène à nous souvenir que l’Afrique est le nom du lien immuable entre l’homme et la terre, que nos peuples sont, à jamais, liés par l’humiliation et la douleur de l’esclavage, que sous la plume de Chinua Achebe, « Le monde s’effondre » avec la blessure de la colonisation.
Votre présence nous rappelle que le français est aussi la langue de l’Afrique, et qu’avant moi Biaise Diagne, premier député africain élu à la Chambre des députés, est monté à cette même tribune et que l’armée d’Afrique, conduite par le maréchal de Lattre de Tassigny, a versé son sang pour notre liberté.
Applaudissements.
Monsieur le président, votre présence engage la responsabilité de la France pour l’avenir.
Car l’Afrique, dont les côtes sont à quatorze kilomètres de l’Europe, est en ébullition. Réfléchissons-y une seconde : elle compte aujourd’hui 1 milliard d’habitants et sa population – la plus jeune au monde – aura doublé d’ici à 2050 !
Ce bouleversement démographique, inédit dans l’histoire de l’humanité, constitue une chance pour ce continent. Pour autant, il mettra inévitablement l’Afrique sous une tension sans précédent car 1 milliard de jeunes africains devront être nourris, logés, soignés, formés et employés !
Relever ce défi ouvrira les portes de l’avenir à ce continent. Échouer entraînerait des déséquilibres en chaîne et, aux portes de l’Europe, des crises d’une violence inégalée.
Monsieur le président, nos destins sont intrinsèquement et irrémédiablement liés. Comment relever ce défi démographique, alors même que les deux tiers de la population africaine n’ont aujourd’hui accès ni à l’électricité ni à la lumière ? La COP21 doit nous permettre d’apporter, enfin, une réponse concrète à ce défi.
L’accès à l’énergie, à l’électricité et à la lumière n’est pas une question théorique ; c’est la clé de l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la sécurité, à l’amélioration des conditions de vie, à la lutte contre la pauvreté et au développement économique.
Cet accès est essentiel pour faire en sorte que les femmes africaines n’aient plus à marcher 400 milliards d’heures par an pour aller chercher de l’eau ou à accoucher à la lumière de la bougie. Il est essentiel aussi pour que les enfants puissent, en rentrant de l’école, faire leurs devoirs sans lampe torche ou à la lumière d’un lampadaire et pour que les vaccins puissent être conservés et utilisés grâce à la réfrigération.
Cet accès peut devenir une réalité, car les projets qui permettront au continent d’atteindre 80 % d’accès à l’énergie en moins de dix ans existent. Mais ils ne peuvent aboutir que si deux obstacles sont levés. Ces obstacles sont dérisoires – vous avez, monsieur le président, prononcé ce mot à plusieurs reprises – au regard des enjeux.
Premièrement, il faut unifier les efforts des États africains en créant une agence régionale, dirigée par eux et capable de mobiliser les ressources humaines et financières indispensables à la réalisation de projets d’infrastructures énergétiques.
Deuxièmement, nous savons que les financements nécessaires pour mener à bien et rapidement ces projets représentent un montant d’environ 250 milliards de dollars. Or 200 milliards sont déjà disponibles : il n’en manque, mes chers collègues, que 50 ! Les pays développés sont-ils capables, en une décennie, d’apporter ces 50 milliards à l’Afrique ? La réponse est oui.
Une méthode a été proposée par Jean-Louis Borloo, grâce à l’initiative de sa fondation « Énergies pour l’Afrique ». Cette initiative est soutenue par les États africains ainsi que par votre parlement, monsieur le président. Elle est donc soutenue par le peuple d’Afrique.
Merci à Jean-Louis Borloo d’avoir fait voler en éclats les immobilismes, d’avoir fédéré les acteurs pour qu’ils travaillent ensemble, d’avoir tissé, patiemment, un lien entre leurs intérêts, parfois contradictoires, pour les faire s’engager, ensemble, vers une mutation irréversible.
Mes chers collègues, le monde, l’Europe et la France sont face à leurs responsabilités. Nous n’avons pas le droit à l’échec. Si la COP21 ne permet pas de trouver un accord sur ce plan d’électrification, alors autant démonter, sans attendre, les tréteaux du théâtre et éteindre les lampions.
Pour que la COP21 réussisse, la France doit parvenir à arracher cet accord international, car l’accès à l’électricité, à la lumière non seulement en Afrique, mais aussi dans d’autres pays du monde – je pense à Haïti ou au Bangladesh – n’est pas un simple enjeu : c’est la clé du XXIe siècle.
Le plan urgent d’accès à l’électricité et à la lumière pour le continent africain est vital pour l’essor de l’Afrique qui deviendra le premier continent entièrement soutenable de l’humanité. C’est aussi un relais majeur de croissance pour une Europe vieillissante.
Il est également vital pour permettre au progrès d’irriguer des territoires dans lesquels la progression des fanatismes et de la criminalité, l’accaparement et le trafic de matières premières, la faim, la pauvreté, menacent la paix, provoquent l’effondrement des États et jettent des populations entières sur les routes. Ce plan est vital car la déstabilisation de l’Afrique entraînerait celle du monde entier.
Chacun l’aura compris : il s’agit d’adopter un véritable plan pour la paix.
Ce plan énergie et lumière pour tous doit être l’expression de notre aspiration humaniste, car si rien ne change, la jeunesse africaine sera arrachée à son continent sans que nous puissions l’accueillir dignement.
Monsieur le président, nous avons entendu votre appel et nous sommes prêts à y répondre. Mes chers collègues, il nous appartient, à nous tous, de préparer le grand destin commun qui attend la France, l’Europe, l’Afrique et le monde, car si l’Afrique est le berceau de l’humanité, elle est aussi le chemin qui la conduit à son avenir. Merci à Jean-Louis Borloo de baliser ce chemin.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, madame la ministre des outre-mer, monsieur le président du Parlement panafricain, chers collègues français et africains, cher Jean-Louis Borloo, il est des moments particuliers où, dans ce vieil hémicycle d’un vieux pays, la France, d’un vieux continent, l’Europe, on en arrive à toucher l’essence même de la politique, ce qui fait sa grandeur, ce qui exprime sa difficulté et ce qui donne, tout à la fois, l’espoir d’un monde apaisé et serein et le vertige de décisions qui s’enchaînent, parfois se contredisent, mais, au final, dessinent l’avenir.
Nous vivons aujourd’hui, assurément, l’un de ces moments. Le sujet qui nous rassemble soulève tant d’espoirs, pose tant de questions technologiques et financières, suppose que soient levés, un à un, tant d’obstacles politiques, que chacun mesure bien qu’il dépasse largement les compétences de notre modeste assemblée.
Et pourtant rien de ce projet exaltant autant qu’indispensable ne pourra être concrétisé sans que chacun, à la place où il se tient, dans la mission que lui ont confiée ses concitoyens, ne décide d’apporter sa pierre à l’édifice.
Oui, il y a un sens à tenir ce débat ici, et maintenant. Il y a un sens à le tenir aujourd’hui. Pas simplement parce que dans quelques semaines, à l’initiative du Président de la République, la France accueillera le monde à Paris pour la Conférence sur le climat. Mais parce que ce projet nous concerne, tout simplement. Ce projet d’électrification de l’Afrique est d’abord un projet africain : il contribuera à l’indépendance énergétique d’un continent qui constitue une part essentielle de l’avenir de l’humanité, ne serait-ce que du point de vue démographique.
L’accès à l’électricité n’est pas seulement l’accès à la production et à la consommation ou un vecteur de croissance économique – c’est déjà essentiel – : c’est également l’accès aux connaissances, le développement de l’éducation, l’affirmation du droit et de la dignité des femmes.
L’accès à l’électricité, c’est aussi l’accès à l’eau, la possibilité de vivre et travailler au pays, et non plus d’être contraint à l’exil et aux migrations subies.
Derrière une ambition technologique, il y a les enjeux de la démocratie, des droits humains, et votre présence, honorable Roger Nkodo Dang, vient utilement nous le rappeler.
C’est bien de modèle de développement qu’il s’agit ici : si nos sociétés occidentales se sont développées économiquement sur le modèle de la concentration urbaine et si les pays émergents souffrent de cette même urbanisation excessive qui produit tant de drames humains et de catastrophes environnementales, c’est en grande partie lié à la question de l’accès à l’énergie.
Votre ambition de concevoir une électrification cohérente et concertée en Afrique, fondée sur l’utilisation des énergies renouvelables, offre l’opportunité de respecter la réalité d’un habitat dispersé, par une énergie décentralisée, produite et consommée en circuit court, moins tributaire de la problématique des réseaux de distribution.
L’élaboration d’un tel projet s’inscrit dans un mouvement mondial de développement des énergies renouvelables : regardons les engagements pris par l’Inde à l’approche de la conférence climat, les réalisations en cours en Chine.
Le renouvelable nous fait entrer dans une nouvelle ère énergétique, et nous n’en avons pas assez conscience. Cette histoire qui peut se dessiner sous nos yeux, l’Afrique en est et en sera, par votre initiative, un moteur essentiel. Cette histoire de l’énergie essentiellement renouvelable, qui est notre avenir à tous, les Africains peuvent être les premiers à y entrer.
Rien de tout cela ne sera possible sans l’engagement, la contribution de l’ensemble de la communauté internationale, par des mécanismes de financement qui seront au coeur de la conférence climat.
À ce sujet, nous ne pouvons que déplorer l’insuffisance des conclusions de la conférence d’Addis-Abeba, et nous devons soutenir la mise en oeuvre d’une agence et de financements stables pour l’électrification de l’Afrique. Ces mécanismes de financement doivent associer fonds privés et fonds publics. Ce n’est pas simplement une responsabilité morale, qui serait celle de vieux pays et de vieux continents qui ont une dette envers leur passé colonial, c’est surtout notre intérêt, tant du point de vue du développement économique mondial que de notre capacité à maintenir une planète vivable pour nos enfants.
Ces décisions financières, nous les prenons en partie ici. Nous les prenons alors que nous sommes soumis à des injonctions contraires, ce qui est le propre de la politique : réduire nos déficits tout en veillant à l’aide au développement, respecter des critères de bonne gestion tout en accompagnant la transition énergétique, chez nous et sur le plan international.
Il nous arrive de concrétiser des avancées, comme ce fut le cas récemment s’agissant de la taxe sur les transactions financières et l’augmentation de la quote-part affectée au développement, mais il nous arrive également de tergiverser, de perdre du temps. Soyons-en conscients. Que cette belle manifestation d’aujourd’hui sonne pour nous comme un rappel de nos propres responsabilités et nous incite à combattre en nous-mêmes l’ennemi : la perte de temps.
Chacun son rôle, et je ne voudrais pas conclure mon propos sans saluer celui de Jean-Louis Borloo : la vie a voulu que votre rôle évolue, et que vous soyez désormais tout à la fois un initiateur, un animateur, un fédérateur et un promoteur d’un projet majeur pour notre avenir commun.
Applaudissements.
Soyez assuré, au-delà des divergences politiques qui peuvent exister entre nous, du soutien de beaucoup d’écologistes à cette belle entreprise.
Applaudissements.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je voudrais, au nom de mon groupe, saluer M. Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain, qui représente 1,2 milliard d’habitants et les cinquante-quatre pays du continent, un continent à qui la France est souvent liée par une histoire commune, une langue commune, un destin partagé. Chacun le sait, il y a entre l’Afrique et la France des liens très particuliers, des liens étroits, des liens intimes, qui sont ceux de la fraternité.
Je voudrais aussi saluer à mon tour Jean-Louis Borloo, qui est comme toujours inventif, imaginatif, créatif. Président de la fondation « Énergies pour l’Afrique », il a conçu cette initiative originale qui part d’un constat fondamental : deux tiers de la population africaine, c’est-à-dire environ 630 millions de personnes, n’ont pas accès à l’énergie, à l’électricité et à la lumière et, si rien n’est fait, la situation s’aggravera puisque la population du continent devrait doubler d’ici à 2050.
Plusieurs intervenants l’ayant déjà fait, je n’entrerai pas dans les détails de l’organisation de cette agence africaine de l’électrification et de sa structure de financement. Faisant appel légitimement aux pays développés, ses mécanismes seront certainement très efficaces.
Dans cette ère nouvelle, il faut aider l’Afrique à entrer dans le siècle des lumières car accroître l’accès à l’énergie est à la fois un facteur de croissance et un enjeu de société.
Aujourd’hui, René Dumont ne pourrait plus du tout écrire ce livre qui s’intitulait L’Afrique noire est mal partie. L’afro-pessimisme des années 60 et 70 n’est plus du tout de mise. Désormais, l’Afrique est une terre d’avenir et un espace de progrès économique. Pendant la dernière décennie, elle a connu une croissance moyenne de 7 %. Aujourd’hui, cette croissance reste d’environ 5 %.
Ce dynamisme économique est très remarquable, mais il devra encore s’amplifier pour faire face au défi démographique, car l’Afrique devrait compter 2,5 milliards d’habitants en 2050, dont, bien sûr, un très grand nombre de jeunes en quête d’emploi et d’avenir.
L’électrification de l’Afrique stimulera son développement économique. Elle apportera un mieux-vivre à la population, souvent tentée aujourd’hui de partir vers d’autres horizons, où l’existence paraît moins difficile.
Il faut assurer à la population africaine, et particulièrement à la jeunesse africaine, un avenir en Afrique. On ne répondra pas à la crise migratoire par l’égoïsme stérile des partis nationalistes et néopopulistes, en se barricadant derrière des murs et des barbelés. L’Europe ne peut être indifférente aux graves difficultés des peuples qui sont ses voisins.
Personne n’émigre, personne ne quitte son pays et, souvent, sa famille par plaisir. Au contraire, l’émigration est un arrachement et une souffrance. L’Europe doit soutenir les Africains, les aider à vivre mieux sur place, sur leur continent. Elle doit contribuer à y améliorer les conditions d’existence et d’emploi.
L’électrification, ce n’est pas seulement un accroissement de la croissance, c’est aussi un facteur de développement social. Ainsi, au temps des outils numériques, l’accès à l’énergie facilite l’accès à l’enseignement. Selon l’Africa Progress Panel, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, plus de 80 % des écoles primaires n’ont pas accès à l’électricité. Au Burundi et en Guinée, ce pourcentage atteindrait même 90 %. Il en va de même de l’accès aux soins et à la santé, notamment pour le fonctionnement des appareils médicaux.
Pourrais-je ajouter en toute franchise, puisque nous sommes entre parlementaires, entre collègues, qu’à part l’électricité, il y a aussi une autre lumière qui, selon la formule traditionnelle, éclaire le monde : elle s’appelle la liberté.
L’Afrique est maintenant liée à la démocratie. Alors même si l’Union africaine a pour règle une présidence tournante et sa rotation géographique au sein du continent, ce qui limite le libre choix, n’est-il pas paradoxal que soient parfois portées à sa tête des personnalités controversées comme, naguère, Mouammar Kadhafi ou, aujourd’hui, Robert Mugabe, qui ne se caractérise pas par son attachement aux droits de l’Homme ?
MM. Gérard Charasse, Olivier Falorni et Philippe Vigier applaudissent.
Je voudrais terminer en insistant de nouveau sur le lien privilégié qui unit l’Afrique et la France et sur le soutien que notre pays doit apporter à ce projet d’électrification. Cela contribuera d’ailleurs à compenser la diminution des crédits de l’aide publique au développement enregistrée pendant quatre années. L’accès à l’énergie pour chacun doit devenir un nouveau droit humain. Il revient à tous ceux qui sont ici rassemblés de le faire reconnaître, de le faire constater, en agissant très résolument pour cette cause commune, pour ce progrès commun de l’humanité.
Applaudissements.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Merci, monsieur le président du Parlement panafricain, de votre présentation devant notre assemblée du plan urgent d’accès à l’électricité pour le continent africain. À quelques semaines de la COP 21, nous tenons à saluer votre présence parmi nous, légitime et nécessaire, tant le continent africain et les peuples qui font sa richesse se trouvent particulièrement exposés aux effets dévastateurs du changement climatique.
Je tiens aussi à saluer la contribution de Jean-Louis Borloo et de la fondation « Énergies pour l’Afrique ».
Je veux d’abord souligner que la réussite de la conférence sur le climat en décembre à Paris dépendra de la manière dont l’opinion et les intérêts des peuples de la planète seront pris en considération.
Vous avez raison, monsieur le président, d’un côté, il revient aux peuples de s’approprier cette responsabilité impérieuse de lutter contre le réchauffement climatique et, de l’autre, les décisions prises en la matière devront être guidées par l’intérêt des peuples, qui se confond lui-même avec le respect de l’environnement et le principe du développement durable.
Face à l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne, et il est important d’entendre plus particulièrement la voix de l’Afrique.
En réalité, entre 70 % et 80 % de ces émissions sont le fait d’une quinzaine d’États membres du G20, c’est-à-dire des pays les plus développés, dont l’essor a reposé sur une consommation immodérée des énergies les plus polluantes. Ceux-là ont une responsabilité particulière, une double obligation, dirai-je. La première, c’est la réduction de leurs propres émissions de gaz à effet de serre. La seconde, c’est le respect des engagements pris en 2009 à l’égard des pays du Sud pour leur permettre de lutter contre le réchauffement climatique et de se développer de manière propre.
Nous avons la conviction qu’il existe des moyens d’enrayer rapidement et efficacement les inégalités. Nous avons aussi la conviction qu’il est possible d’amorcer un nouveau mode de production et de coopération, seul à même de satisfaire les droits humains, dont celui de l’accès à l’énergie.
Ainsi, une simple taxe sur les transactions financières servant à financer l’adaptation au changement climatique et l’aide à un développement respectueux de l’environnement pourrait, selon la Commission européenne, rapporter annuellement entre 24 et 30 milliards d’euros, sur la seule base des onze pays européens qui sont prêts à l’envisager. Une telle mesure, qui doit être généralisée, changerait déjà l’état des relations internationales. Elle montre aussi que des mécanismes de financement peuvent, avec la volonté politique, être mises en oeuvre.
Par exemple, aussi, pourquoi ne pas fonder les relations commerciales et les échanges sur les conditions de production en favorisant celles qui respectent les engagements en faveur du climat ? L’Union européenne, puissance commerciale et normative, doit assumer sa part de responsabilité. Cela suppose aussi évidemment que la France, de son côté, accorde toute sa part à l’aide publique au développement.
L’énergie est une condition du développement, vous l’avez rappelé, monsieur le président. Cependant, vous l’avez également souligné, de la nature de cette énergie dépendra la qualité de ce développement, un développement qui se doit d’être responsable. Or nous ne saurions taire le coût humain et environnemental de l’exploitation capitaliste des ressources naturelles. L’Afrique a souffert et continue de souffrir de cette réalité, incarnée aujourd’hui par ces multinationales dont l’activité en Afrique repose sur l’exploitation à bas prix des richesses, humaines et naturelles.
Le 15 juin dernier, les chefs d’État et de gouvernement des cinquante-quatre pays de l’Union africaine ont approuvé le plan urgent d’accès à l’électricité et à la lumière pour le continent africain, qui vient de nous être présenté. Une urgence, cela a été dit par les intervenants précédents, une urgence au regard des millions d’Africains qui vivent sans électricité – 70 % de la population, 75 % avez-vous même dit, monsieur le président.
Pour les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la recherche de tout projet de développement doit partir d’exigences impératives : du respect des souverainetés populaires, des coopérations mutuellement profitables entre les peuples et de la primauté des normes sociales et environnementales sur celles de la finance et du commerce. Seulement, alors, nous pourrons produire proprement, dans le respect de l’humanité et de la nature. Seulement, alors, nous pourrons mener à terme, monsieur le président, le plan d’urgence que vous nous avez présenté et que nous soutenons.
Applaudissements.
Le débat est clos.
Avant de suspendre la séance, je voudrais remercier une nouvelle fois M. le président Roger Nkodo Dang pour sa déclaration, ainsi que l’ensemble des membres de sa délégation qui nous ont fait l’honneur de participer à ces travaux. Nous ne sommes pas près d’oublier ce moment, à la veille de la COP 21.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour les mardi 24, mercredi 25 et vendredi 27 novembre :
Proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique ;
Proposition de loi d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée ;
Proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’outre-mer (no 3110, annexe 33 ; no 3112, tome XII ; no 3117, tomes X et XI).
La parole est à Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en premier lieu, permettez-moi d’exprimer mes remerciements aux rapporteurs pour le travail précis et complet qui a été réalisé au stade des commissions sur ce projet de budget des outre-mer. Je me félicite en particulier des échanges de grande qualité que nous avons eus lors de la commission élargie du 27 octobre dernier.
La présentation de ce projet de budget pour 2016, dont j’ai obtenu qu’il soit stable par rapport à 2015 et qu’il traduise ainsi la priorité que continuent de constituer les outre-mer pour le Président de la République et le Gouvernement, me conduira à mettre en exergue deux axes essentiels que sont l’aide à l’investissement et la politique de l’emploi.
S’agissant tout d’abord de l’aide fiscale à l’investissement et, notamment, de la défiscalisation, l’enjeu économique est majeur, puisqu’il s’agit de 2 milliards d’euros environ. Face à l’inquiétude exprimée par les élus et les socioprofessionnels, j’ai souhaité aller plus loin qu’une simple modification technique assurant la pérennité du dispositif jusqu’en 2017. Le Gouvernement vous demandera d’approuver la mise en oeuvre, à compter de 2018, d’un dispositif modernisé dont l’efficacité sera renforcée.
Ce dispositif s’appuiera fortement sur le crédit d’impôt dans le secteur du logement social et évoluera progressivement dans le même sens pour l’investissement productif. Cette évolution se fera dans le respect des spécificités de chaque géographie ; elle maintiendra, pour les territoires dotés de l’autonomie fiscale, le mécanisme de la défiscalisation. Ce dernier sera également maintenu pour les petits investissements dans les DOM.
J’entends les demandes pour une extension au-delà de 2020. Je rappelle que notre démarche est calée sur le cadre communautaire pour les régions ultra-périphériques. Les exemples tirés de l’histoire de la défiscalisation nous encouragent à rester dans une démarche pragmatique, sans chercher à aller trop vite.
J’entends aussi l’inquiétude des acteurs du BTP qui appellent de leurs voix un soutien plus massif de la production de logement social. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises : le logement social constitue une priorité de ce gouvernement, particulièrement en outre-mer. Nous continuerons donc à le soutenir.
Tout d’abord, le crédit d’impôt est étendu cette année aux opérations de réhabilitation dans le périmètre de la politique de la ville. Nous avons par ailleurs réuni une instance de concertation entre l’État et les représentants de bailleurs sociaux, qui formulera des propositions opérationnelles pour fluidifier les agréments. L’obligation de présenter un permis de construire purgé de tout recours sera supprimée. Par ailleurs, un amendement sera déposé par le Gouvernement afin d’abroger, à compter de 2016, l’obligation de 5 % de subventions publiques pour la défiscalisation des opérations en prêt locatif social.
Cette priorité pour l’investissement a guidé nos choix : pas un euro de moins pour la ligne budgétaire unique ; pas un euro de moins pour les contrats de développement ; pas un euro de moins, non plus, pour le Fonds exceptionnel d’investissement ou le troisième instrument financier en Polynésie. Nous soutenons l’investissement, car l’investissement, c’est l’emploi.
Le programme 138 « Emploi outre-mer » représente plus de 1,2 milliard d’euros de crédit, principalement orienté vers la compensation des charges sociales patronales. Préservée à plus de 97 % de son montant de 2015, cette compensation continuera à poursuivre son objectif prioritaire : l’allégement du travail peu qualifié. Pour plus de 70 % des salariés, le dispositif continuera à s’appliquer de façon inchangée, même si nous avons apporté de légères modifications.
L’immense majorité des employeurs privés dans les DOM ne sera pas touchée. Les entreprises de moins de onze salariés garderont un taux d’exonération à 100 % jusqu’à 1,4 SMIC. Nous poursuivons l’objectif de renforcer la compétitivité des entreprises dans les secteurs exposés à la concurrence, stratégiques pour l’avenir des outre-mer. Pour ces entreprises, les exonérations seront renforcées à compter du 1er janvier 2016.
Enfin, cette réforme s’intègre dans un nouvel abaissement significatif des coûts du travail outre-mer en 2016, avec le passage du CICE au taux de 9 % et l’extension du champ d’application des exonérations de cotisations famille. Il y aura plus de 200 millions d’euros d’allégements de charges supplémentaires pour les entreprises dans le cadre du PLF 2016.
Par ailleurs, concernant la formation, et notamment la formation en mobilité, il n’y aura pas de baisse des crédits dédiés au marché AFPA. Il n’y en aura pas davantage en ce qui concerne le service militaire adapté. Nous préservons également la continuité territoriale, puisque ce budget apporte une nouvelle réponse aux familles endeuillées qui seront aidées pour le rapatriement des corps.
Je suis fière de vous présenter un budget qui ne montre aucune diminution majeure, qui préserve les outils permettant de relancer l’aide aux entreprises et surtout de soutenir l’activité des outre-mer. Je vous demande donc de voter ce budget qui répond aux attentes et aux besoins des outre-mer, et reconnaît la place tout à fait particulière que tiennent ces derniers au coeur de la nation.
Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Daniel Gibbes, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, dans un contexte particulièrement difficile et contraint de retour à l’équilibre des finances publiques du pays, notre assemblée est appelée à se prononcer cet après-midi sur les crédits relatifs aux outre-mer.
Doté pour 2016 de 2,1 milliards d’euros en crédits, le budget de la mission « Outre-mer » est stable par rapport à 2015. Malgré une nette différence entre ses deux programmes, la mission est épargnée par les coups de rabot auxquels sont soumises, année après année, les autres missions budgétaires. Les dépenses fiscales qui la complètent représentent quant à elles, comme l’an dernier, près du double des crédits, soit 3,9 milliards d’euros.
Toutefois, comme je l’ai dit en commission élargie mardi dernier, c’est avec un soulagement tout relatif que le groupe Les Républicains accueille ce budget sur lequel il s’abstiendra.
Car si cette stabilité budgétaire démontre que le Gouvernement demeure conscient des urgences auxquelles restent confrontés nos territoires ultramarins, elle ne donne pas la possibilité à ces territoires, aux économies particulièrement fragiles, de se mettre sur la voie d’un juste et nécessaire rattrapage avec la métropole. Retards structurels, taux de chômage deux fois plus élevé que dans l’Hexagone pour un PIB par habitant deux fois moindre : nos territoires outre-mer mériteraient un budget en adéquation avec leurs réalités et des mesures singulières prenant en considération leurs particularismes.
Certes, votre budget, madame la ministre, présente quelques motifs de satisfaction : le maintien des crédits alloués au service militaire adapté rend encore possible la promesse d’atteindre le chiffre de 6 000 volontaires en 2017 ; je pense aussi – même si le montant engagé est toujours bien en deçà de la promesse présidentielle de 500 millions d’euros sur cinq ans – au maintien à 40 millions d’euros des crédits du fonds exceptionnel d’investissement ; je pense enfin à l’engagement de l’État à soutenir les efforts de redressement du régime de solidarité territoriale de la Polynésie française sur la période 2015-2017.
Cela dit, permettez-moi, madame la ministre, de revenir, pour les clarifier, sur les propos que j’ai tenus mardi dernier en commission élargie et dont vous m’avez fait reproche. En réalité, j’ai simplement rappelé que les collectivités dotées de l’autonomie fiscale se trouvent, de fait, privées du CICE et que cette exclusion représente un lourd préjudice pour les entreprises de ces territoires aux trésoreries vides. Réclamant, une nouvelle fois, la mise en place d’une politique contractuelle débouchant sur de véritables schémas de développement économique pour ces COM, j’ai déploré qu’une loi nationale instaure une disposition discriminante à l’égard d’autres territoires français. Vous avez pris ombrage de mon usage de l’adjectif « discriminant », pourtant, il signifie littéralement « qui permet d’établir une distinction ». Sachez également que l’expression que vous avez vous-même utilisée, à savoir « rançon de la responsabilisation », m’a profondément déplu.
Je maintiens ce que j’ai dit en commission élargie et, pour l’illustrer, je reprends l’exemple parlant de Saint-Martin : comment une collectivité déficitaire de 50 millions d’euros, avec des charges perpétuellement croissantes, territoire sur lequel l’État ne remplit pas sa mission d’élargissement de l’assiette fiscale ou de recouvrement, territoire qui reste assujetti à une dotation globale de compensation négative alors même que le chef de l’État s’était engagé à la faire disparaître dans ce PLF, comment cette collectivité exsangue pourrait-elle mettre en place son propre CICE afin que ses entreprises puissent avoir les moyens de concurrencer celles de son voisin Sint Maarten, ou de ses voisins proches, la Guadeloupe ou la Martinique, qui, elles, bénéficient d’un CICE renforcé ? Comment, madame la ministre, en répondant qu’il ne s’agit là que d’une « rançon de la responsabilisation », selon votre expression de mardi dernier, voudriez-vous ne pas susciter une certaine nervosité au sein de la population ? La question reste posée.
Permettez-moi enfin d’aborder la question sensible de la défiscalisation. Nous avons tous pris acte de votre engagement, en commission élargie la semaine dernière, de la prolongation, dès ce PLF pour 2016, de l’aide fiscale à l’investissement jusque fin 2020. Je crois que vos propos ont rassuré les parlementaires et les professionnels ultramarins. Il semble néanmoins que nous soyons nombreux à redouter que cet horizon de 2020 soit insuffisant, notamment en matière de grands projets structurants, lesquels demandent, on le sait, plusieurs années de démarches administratives intensives.
Le groupe Les Républicains espère donc que vous réserverez un accueil favorable aux amendements qu’il a déposés pour proroger les dispositifs jusqu’en 2025.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, chers collègues, nous étudions aujourd’hui la mission « Outre-mer » pour 2016. Il est vrai qu’on peut globalement se satisfaire d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement quasiment reconduits. Néanmoins, il me semble que nous devons veiller à la préservation des politiques centrales pour le développement de nos territoires qui, je vous le rappelle, restent en difficulté. Quelques chiffres : le taux de chômage des jeunes est quasiment le double du taux national ; le PIB moyen, certes disparate d’un territoire l’autre, demeure bien en deçà de la moyenne nationale, puisqu’il est inférieur de 41 % – ce n’est pas rien. Nous sommes aussi confrontés à des handicaps structurels que nous ne surmonterons jamais : l’isolement de nos territoires, ou encore la spécificité insulaire – à part la Guyane –, les rendent particulièrement vulnérables et fragiles sur plan économique.
Sous le prisme de la question du développement, y compris du développement durable, tout ce qui touche au soutien à l’emploi nous intéresse bien entendu particulièrement. Ainsi, ces dernières années, même si les budgets ont globalement été maintenus, chacun s’accorde à reconnaître que les aides, notamment en matière de dépense fiscale, se sont essentiellement portées vers les ménages, au détriment de nos entreprises : celles qui leur étaient destinées ont diminué de 30 % en quelques années. Il me semble donc qu’on doit s’interroger aujourd’hui sur la réelle efficacité des politiques que nous menons en faveur des territoires d’outre-mer. Les niveaux de PIB, les situations particulières sur le plan économique et sociale, démontrent que nous sommes loin d’avoir réussi.
Bien entendu, pour nos territoires et pour les députés UDI issus des COM du Pacifique, certains points particuliers doivent être soulevés, et nous le ferons. Mes collègues Jean-Paul Tuaiva et Philippe Gomes vont en parler plus en détail – je pense notamment au programme « Cadres avenir », dont les crédits baissent, ainsi que, plus généralement, ceux du programme « Emploi outre-mer ». C’est un sujet d’inquiétude pour la Nouvelle-Calédonie.
En ce qui concerne la Polynésie, on reviendra certainement demain sur la question de la défiscalisation – mon collègue Daniel Gibbes l’a déjà évoquée. C’est bien évidemment un instrument de développement essentiel et il faut proroger le dispositif existant.
Quant à la dotation globale d’autonomie – la DGA –, je rappelle que vous l’avez rabotée l’année dernière, madame la ministre. Nous avons largement exprimé les raisons pour lesquelles il était nécessaire de la maintenir à son niveau historique parce qu’elle est symbolique de la reconversion de notre territoire après les essais nucléaires.
Revenir sur cette dotation, c’est mépriser l’histoire, mépriser l’accord entre la France et la Polynésie française. C’est en tout cas ainsi que les Polynésiens le perçoivent.
Nous avons fait des propositions pour modifier notre contrat de projets, nous sommes d’accord pour contribuer à l’effort national, mais pas sur la DGA. Vous avez vous-même, madame la ministre, soutenu l’an dernier un amendement pour sanctuariser cette dotation, mais l’amendement du Gouvernement que nous allons examiner est en totale incohérence avec ce qui a été fait jusqu’ici, c’est véritablement un total déni de la parole donnée par différents chefs d’État, un total déni d’engagements réciproques signés.
À la veille des cinquante ans du premier essai nucléaire en Polynésie, cela sonne comme une fausse note au regard de ce qu’on aurait pu construire l’année prochaine, à savoir un partenariat rénové État-pays, une continuité de l’après-nucléaire, une reconnaissance réciproque des raisons qui ont amené la France à réaliser 193 tirs en Polynésie française.
J’espère que vous allez nous apporter plus de précisions. Vous vous êtes engagée en commission élargie sur ce sujet. Il faut vraiment que vous compreniez à quel point cette dotation a une haute charge symbolique pour la Polynésie française.
Je conclurai là-dessus car cette dotation contribue bien évidemment au développement de la Polynésie, sachant qu’on revient de loin. Un nouveau contrat de projets a été signé. On a réajusté les choses sur certains programmes, mais il est nécessaire de donner de la visibilité à nos territoires, à nos entreprises, en arrêtant de modifier chaque année des dispositifs qui devraient être pérennisés.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, chers collègues, au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, j’ai l’honneur de saluer un budget pour 2016 de la mission « Outre-mer » satisfaisant, dans un contexte budgétaire général plus que contraint. Avec plus de 2 milliards d’euros en crédits de paiement, votre budget, madame la ministre, est non seulement en stabilité, comme vous l’avez indiqué modestement, mais bien en augmentation – fût-elle modeste. Une fois de plus, comme tous les budgets de l’outre-mer de notre législature, l’attachement tout particulier de notre gouvernement aux Françaises et aux Français des outre-mer est affirmé, dans une logique nécessaire et juste de solidarité et de développement économique.
S’agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, je me permets de souligner qu’il ressort du document de politique transversale sur l’outre-mer un effort financier de l’État envers notre petite collectivité d’Amérique du Nord, en augmentation en 2016 de 11,4 % en autorisations d’engagement, soit plus de 9 millions d’euros supplémentaires, et de 6,72 % en crédits de paiement, soit près de 5,5 millions d’euros supplémentaires.
Je souhaite maintenant évoquer plusieurs thématiques fondamentales dans ce budget 2016 s’agissant des outre-mer.
Concernant les exonérations de cotisations sociales, plusieurs acteurs socio-économiques ont exprimé une crainte, dont on comprend bien l’origine, s’agissant du recentrage et du renforcement de la politique d’exonérations sociales dans les secteurs du tourisme, de l’agroalimentaire, des technologies de l’information et de la communication, de l’environnement et des énergies renouvelables. Mais les effets cumulés des différentes mesures de réduction du coût du travail et du renforcement du CICE devraient être de nature à les rassurer, étant donné qu’elles représentent plus de 200 millions d’euros supplémentaires au service de la création d’emplois et de la croissance des entreprises.
J’en reviens à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je me félicite que la logique soit respectée dans ce projet de loi de finances, avec le maintien du système d’exonérations actuel, sans modification, maintien d’autant plus justifié en raison de la compétence fiscale locale et de l’inapplicabilité à l’archipel de toute mesure nationale fondée sur la dépense fiscale, dont le CICE.
Concernant la politique du logement, cette loi de finances constituera le premier budget de mise en oeuvre concrète du plan logement outre-mer, qui doit s’étaler sur cinq ans, sur la base de la contractualisation menée avec les collectivités locales et les régions d’outre-mer notamment. Grâce à l’accent mis sur l’accession à la propriété, sur l’augmentation de nouveaux logements sociaux et intermédiaires, mais également sur la réhabilitation, c’est un minimum de 10 000 logements sociaux par an qui doivent être créés, répondant à un impératif économique et social réel.
Je m’interroge toutefois, au regard du calendrier et de la contractualisation déjà mise en place, notamment dans les départements d’outre-mer, sur la place que peut prendre la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce cadre car il faut éviter que l’archipel ne se retrouve à nouveau à la marge de la politique légitime de l’État dans le domaine du logement. Le constat est d’ailleurs le même s’agissant du plan jeunesse outre-mer, dont les objectifs semblent pour l’essentiel s’orienter vers les DOM. Là encore, des travaux de déclinaison de ce plan important pour toutes les outre-mer me semblent s’imposer.
Toujours dans le domaine du logement, madame la ministre, je ne peux faire l’impasse sur une nouvelle intervention de ma part concernant le dossier de l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon des allocations logement. En effet, nous nous battons depuis 2007 avec Annick Girardin et les services de la caisse de prévoyance sociale afin d’obtenir l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon des allocations logement, y compris les aides personnalisées au logement, dont l’absence nuit de façon parfaitement injuste aux familles de notre territoire depuis bientôt quarante ans. En décembre 2014, lors de son déplacement dans l’archipel, le Président de la République a pris, à juste titre, l’engagement de l’extension tant attendue de l’ensemble de ces allocations logement.
Vous comprendrez donc ma perplexité lorsque je constate, à l’article 55 de ce projet de loi de finances, que les APL sont étendues sans difficulté et sans délai à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, collectivités disposant de la même compétence concernant le logement et l’urbanisme que Saint-Pierre-et-Miquelon, alors qu’on persiste à nous affirmer que nous, nous devons encore attendre.
Ne peut-on pas inclure d’ores et déjà Saint-Pierre-et-Miquelon dans l’extension législative des APL, au même titre que Saint-Martin et Saint-Barthélemy, quitte à attendre pour d’autres allocations logement d’éventuels arbitrages et adaptations par la voie d’une ordonnance ? Article 40 de la Constitution oblige, l’initiative d’un tel amendement ne peut venir que du Gouvernement.
S’agissant enfin du dossier essentiel de la défiscalisation, madame la ministre, vous avez franchi un premier pas important en confirmant officiellement en commission élargie son maintien, au minimum jusqu’en 2020. Comme vous le savez, la défiscalisation est en outre-mer un outil indispensable pour nombre d’investissements structurants de nos économies, investissements qui ne peuvent se concevoir, se financer et se réaliser que sur de longues années ; il est également nécessaire de garantir la sécurité juridique.
Sans garantie de maintien sur le moyen et le long terme du mécanisme de défiscalisation, madame la ministre, c’est l’équilibre de nos projets économiques qui peut être mis en péril. Les investisseurs ont besoin d’une visibilité accrue.
Aussi, avec mon collègue Ary Chalus et les députés du groupe RRDP, nous défendrons un certain nombre d’amendements visant à assurer aux porteurs de projet les garanties de sécurité juridique nécessaires à la réussite et à la concrétisation des opérations d’investissement qui feront l’avenir de nos territoires.
Nonobstant ces propositions visant à continuer à aller de l’avant, au nom de l’ensemble du groupe RRDP, je salue ce projet de budget pour 2016 au service de l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer. Le groupe RRDP votera votre projet de budget.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Permettez-moi de vous féliciter à mon tour, madame la ministre, d’avoir obtenu des arbitrages que nous savons difficiles en faveur de nos territoires ultramarins, qui bénéficient d’un des rares budgets à ne pas avoir été sacrifiés sur l’autel de la réduction des déficits.
Mais vous le savez bien, si nos territoires savent s’unir dans des élans solidaires dès lors qu’il s’agit de défendre les spécificités des outre-mer, il existe de fait une multitude de différences d’un territoire à l’autre. Ce sont elles qui font notre richesse mais aussi la complexité des solutions à apporter à nos difficultés. Et bien évidemment, elles se retrouvent au niveau budgétaire.
Aussi, si les crédits de la mission dont l’examen nous réunit aujourd’hui sont en légère augmentation à l’échelle des outre-mer, ils s’avèrent en baisse pour ce qui concerne le territoire dont je suis l’élu, la Guyane, avec une diminution de 1,4 % en autorisations d’engagement et de 1,8 % en crédits de paiement.
Cela me semble particulièrement préjudiciable, qui plus est lorsque l’on rapporte ces chiffres à une croissance démographique annuelle d’environ 4 %. Le constat est encore plus amer lorsque l’on prend en compte les chiffres de l’inflation, laquelle est supérieure à celle que l’on observe au niveau national.
Certes de nombreux efforts ont été réalisés. La création d’un dispositif de continuité funéraire, si elle peut sembler triviale aux yeux de nos collègues métropolitains, est une vraie bonne nouvelle pour les familles endeuillées qui subissent souvent une double peine du fait des tarifs exorbitants pratiqués par les transporteurs aériens. Il en va de même du maintien des crédits en faveur de la formation ainsi que du service militaire adapté, qui a fait la preuve de son efficacité même s’il ne doit pas nous détourner de l’objectif d’excellence qui nous anime.
Mais cela ne suffit pas, j’en ai bien peur, et je crains que l’on ne se dirige vers une dégradation du climat social.
Vous n’êtes pas sans savoir que tous les secteurs d’activité guyanais sont touchés par des mouvements sociaux à répétition. Le BTP, EDF, les transporteurs, la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement – la DEAL –, les dockers et bien d’autres ne cessent de crier le malaise qui règne désormais au sein d’une société guyanaise qui se paupérise et se fragilise, remettant en cause des équilibres extrêmement fragiles. Il faut dire que les statistiques économiques semblent par moments des écrans de fumée, tant elles sont tributaires des activités spatiales, aux retombées locales toutes relatives. Cette croissance économique, en partie virtuelle, n’est pas à même d’absorber les effets d’une poussée démographique qui ne semble pas faiblir.
Le pacte d’avenir pour la Guyane, annoncé par le Président de la République en décembre 2013, se fait désirer. Sans cesse évoqué, il est toujours attendu tandis que les baromètres de l’urgence ont déjà viré au rouge.
Personnellement, je n’ai pas cessé d’alerter le Gouvernement sur la situation de la Guyane, littéralement au bord du gouffre. Je vous adresserai d’ailleurs demain, lors de la séance des questions au Gouvernement, une question à ce propos, ma dix-huitième en trois ans, soit autant d’appels à enfin prendre la mesure de l’ornière dans laquelle l’inertie des gouvernements successifs semble nous avoir plongés.
Bien évidemment, votre ministère n’est pas le seul concerné par les difficultés guyanaises, mais vous disposez de nombreux leviers pour permettre à ce territoire de redresser la barre.
Tout d’abord en matière de logement. Une déclinaison locale du plan logement outre-mer a été annoncée. C’est un bon signe, mais il faut aller plus loin, revoir les modalités de financement du prêt locatif social, le PLS, remettre à plat les modalités de financement de la rénovation du parc locatif privé, le dispositif actuel montrant déjà ses limites, enfin et surtout, revoir totalement la question de la défiscalisation du logement social. Le dispositif actuel est adapté, j’en suis persuadé, mais la procédure est trop lourde et les bailleurs se sentent seuls et démunis face à Bercy qui n’a, semble-t-il, pas pris la mesure des enjeux qui se nouent dans nos territoires.
Le deuxième point est l’épineuse question des exonérations de charges et de la défiscalisation. En ce qui concerne les exonérations, n’aurait-il pas été plus judicieux d’imaginer un système modulable en fonction des secteurs d’activité et qui aurait favorisé les TPE et PME des secteurs prioritaires ? Je suis très favorable à la proposition de notre collègue Serge Letchimy de les compenser par un CICE réévalué pour les secteurs non prioritaires.
En ce qui concerne la défiscalisation, il faut absolument que nous trouvions un consensus en faveur de la prolongation du dispositif jusqu’en 2022 – je sais que cela sera difficile –, quitte à le revoir en profondeur, tout comme c’est le cas du dispositif de la LODEOM d’ailleurs. Ce serait l’occasion idéale de recentrer les dispositifs existants vers le développement de l’économie locale. Cela les rendrait assurément plus productifs et efficaces.
Quoi qu’il en soit, je tenais à vous réaffirmer aujourd’hui mon attachement au dispositif de la défiscalisation pour nos territoires. Il faut nous rendre à l’évidence et en réhabiliter l’image : son efficacité serait sans commune mesure avec celle du crédit d’impôt pour l’investissement en outre-mer.
Je prolongerai mon propos en vous posant deux questions mais je sais d’ores et déjà, madame la ministre, que vous saurez entendre nos doléances pour que nous puissions continuer à oeuvrer en bonne intelligence, comme nous l’avons toujours fait depuis le début de ce quinquennat. Je tiens à vous en remercier par avance.
La parole est à Mme Paola Zanetti, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je l’ai dit lors de nos débats en commission élargie, nous devons tout d’abord nous féliciter du maintien global des crédits alloués à cette mission à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Même si ces crédits font l’objet d’une ventilation un peu différente, avec une légère baisse des autorisations d’engagement et une hausse significative des crédits de paiement, une telle stabilité, dans un contexte de forte contrainte économique et budgétaire, montre, s’il en était besoin, la détermination du Gouvernement à prendre en considération les spécificités de nos territoires ultramarins et sa volonté constante d’améliorer la vie de tous nos concitoyens, y compris ceux qui vivent outre-mer.
L’accent est notamment mis sur le logement, la formation et le développement des entreprises.
Les mesures volontaristes en matière de logement répondent à une ardente nécessité et il convenait de faire en sorte que les crédits qui y sont consacrés soient significatifs, pour montrer que le Gouvernement avait pris la pleine mesure des problèmes spécifiques auxquels sont confrontés certains de nos territoires.
Les mesures prévues pour la formation professionnelle sont essentielles pour améliorer l’employabilité, notamment celle des jeunes. Il est tout aussi essentiel que les salariés puissent bénéficier des mesures les plus efficaces pour obtenir les qualifications nécessaires à leur évolution professionnelle. Ces mesures vont dans le bon sens et sont une pierre apportée à l’édifice de la lutte contre le chômage qui frappe très durement nos territoires ultramarins.
Concernant le soutien à la baisse du coût du travail, le Gouvernement va aussi dans le bon sens. Il est fondamental de permettre aux entreprises de se développer et de renforcer notamment le tissu des TPE-PME, qui constituent l’essentiel des entreprises ultramarines. Les mesures que nous allons voter aujourd’hui permettront aux entrepreneurs de prendre toute leur part au développement de leur territoire.
Dans un tout autre ordre d’idée, je souhaite remercier le Gouvernement d’avoir rétabli, au titre de l’aide à la continuité, les aides, supprimées en 1993, pour les familles endeuillées, notamment celles qui résidaient en métropole et devaient rapatrier un corps au pays ou s’y rendre pour assister aux obsèques. Ce soutien de l’État était attendu de nos concitoyens ultramarins.
Au-delà de ces éléments particulièrement positifs, il convient toutefois de rappeler quelques points qui continuent à poser question.
Concernant le développement des entreprises, dont on a vu que l’orientation allait dans le bon sens, la réduction des exonérations de cotisations patronales risque de nourrir des « trappes à bas salaires » comme l’a souligné mon collègue Serge Letchimy. Je sais, madame la ministre, que vous veillerez à ce que les mesures prévues n’aient pas pour conséquence d’inciter certains entrepreneurs à embaucher à bas salaires et à se priver d’un encadrement nécessaire au développement de leur entreprise.
Dans le même contexte, il me semble important de permettre aux entrepreneurs d’évoluer dans un environnement normatif stable. Il est évident que les investissements et les prévisions d’embauche doivent pouvoir être envisagés sans crainte de modification des normes, l’incertitude constituant pour ceux-ci un frein de taille.
Alors que la COP 21 va s’ouvrir à Paris dans moins d’un mois, il convient d’être particulièrement attentif au soutien aux territoires ultramarins en matière de biodiversité. N’oublions pas qu’ils recèlent l’essentiel de nos richesses naturelles : il serait inconcevable qu’ils soient laissés sur le bord du chemin menant vers un développement durable et responsable. C’était le sens de l’intervention de notre collègue Marie-Anne Chapdelaine en commission élargie.
Je me permets enfin de relayer une question de notre collègue Ericka Bareigts, qui souhaitait avoir des précisions sur la défiscalisation en faveur de la réhabilitation de logements mais n’a pas eu la possibilité d’interroger directement le Gouvernement cet après-midi. Le dispositif ne concernerait que des bâtiments relevant de la politique de rénovation urbaine. Dans ce contexte, on peut craindre que les investisseurs retardent leurs décisions d’investissement en attendant d’avoir une vision globale et complète de l’avenir du quartier. Dès lors, il serait important que les projets concernés puissent faire l’objet d’un accompagnement afin qu’il n’y ait pas de décalage trop important entre la mise en place du dispositif et sa mise en oeuvre concrète sur le terrain.
Au-delà de ces quelques questions, qui nécessitent une attention particulière du Gouvernement, je tiens à réitérer ici, madame la ministre, le plein soutien du groupe SRC au projet de budget que vous nous présentez. Je suis convaincue que vous avez entendu les inquiétudes de nos collègues et que vous aurez à coeur, comme les autres ministres concernés, d’apporter les réponses les plus rapides et les plus efficaces pour que tous nos concitoyens ultramarins se sentent pleinement associés à la communauté nationale et qu’ils sachent que le Gouvernement est attentif aux problématiques particulières que leur éloignement leur impose.
Nous en venons aux questions, en commençant par celle du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Didier Quentin.
Madame la ministre, j’associe à ma question mes collègues Daniel Gibbes et Patrice Martin-Lalande.
Les départements d’outre-mer sont affectés des mêmes maux économiques que la métropole mais avec une intensité beaucoup plus forte. Ils subissent à la fois un chômage trois fois plus élevé et un handicap de compétitivité de leurs entreprises.
À La Réunion, par exemple, le revenu disponible brut des ménages a progressé, entre 2013 et 2014, trois fois plus vite qu’au niveau national – 2,1 % contre 0,7 %. Mais paradoxalement, cette forte augmentation du revenu des ménages a essentiellement profité aux importations et peu à la production locale donc à l’emploi.
En outre, les choix du Gouvernement ne favorisent pas la création d’emploi puisque les crédits consacrés aux dispositifs spécifiques d’allégement des charges fiscales et sociales consacrés à l’outre-mer sont réduits de plus de 73 millions d’euros.
Ce coup de rabot accentue encore le déficit de compétitivité dont souffrent les entreprises de nos départements d’outre-mer par rapport à leur environnement régional, en particulier dans le secteur du tourisme.
Ainsi, les 38,5 milliards d’euros annoncés par le Gouvernement en faveur de la compétitivité des entreprises françaises au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité représentent, pour la période 2011-2016, une somme de 581 euros par an et par habitant en métropole. En revanche pour l’outre-mer, ces deux dispositifs représentent environ 440 euros par habitant, soit 140 euros de moins en moyenne.
S’agissant plus particulièrement du secteur du tourisme, il importe de diminuer substantiellement le coût du travail car la situation concurrentielle de ces régions ultra-périphériques n’a pas d’équivalent dans les autres territoires français et même européens. En effet, ces RUP sont entourées de territoires touristiques où le coût du travail est jusqu’à dix fois inférieur et qui profitent de transports aériens à bas coûts.
Ces régions ne peuvent s’en sortir qu’avec un dispositif spécifique. Un CICE au taux de 12 %, comme vous l’avez proposé, ne suffira pas. Il faut un CICE de 18 % en faveur des activités touristiques.
Un tel renforcement du CICE en faveur du secteur du tourisme ultramarin est conforme à l’esprit du rapport consacré par nos collègues Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes à la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité et de solidarité, rapport adopté à l’unanimité par la délégation aux outre-mer de notre assemblée.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous serais très reconnaissant de m’indiquer les mesures que vous entendez prendre pour enclencher un véritable rattrapage en faveur de l’économie de nos départements et collectivités d’outre-mer afin qu’ils bénéficient d’une réelle équité de traitement avec la métropole.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je souhaite tout d’abord répondre rapidement aux orateurs des groupes, monsieur le président.
Les élus font en effet état, à nouveau, d’un certain nombre de préoccupations que nous avions partiellement évoquées en commission élargie la semaine dernière.
Monsieur Gibbes, je note avec intérêt que Les Républicains s’abstiendront sur le vote de ce budget.
Vous avez par ailleurs repris un certain nombre d’observations que vous aviez déjà formulées et si vous avez contesté ma réponse, c’est de bonne guerre !
Je comprends les problèmes qui se posent, notamment à Saint-Martin, mais on ne voit pas très bien comment il serait possible d’appliquer les mêmes dispositifs à des territoires dont les régimes juridiques diffèrent. L’État serait ainsi un peu ennuyé pour mettre en place un CICE dans un territoire où il n’est pas possible d’instaurer un crédit d’impôt, dans la mesure où les entreprises ne sont pas soumises à l’impôt que nous gérons.
Il est tout à fait légitime que les populations souhaitent bénéficier d’une plus grande autonomie et de pouvoirs supplémentaires, mais lorsque le droit commun ne s’applique pas, il est difficile de demander à l’État de régler des problèmes en utilisant les mêmes moyens qu’ailleurs.
S’agissant des questions relatives à la Polynésie, madame Sage, vous avez toujours trouvé une écoute très attentive auprès de ce gouvernement.
Je rappelle que, cette année, nous avons réintroduit dans le budget du ministère des outre-mer la question du financement du régime de solidarité de la Polynésie française, le RSPF, lequel avait été antérieurement supprimé d’une manière un peu brutale. Nous y consacrons tout de même 12 millions sur trois ans et témoignons ainsi de notre intérêt et de notre attention à l’endroit de la Polynésie.
Nous avons fait en sorte que les montants du troisième instrument financier dont nous disposons, le Fonds exceptionnel d’investissement – le FEI – soient préservés normalement.
Nous évoquons la DGA depuis l’année dernière. Étant donné qu’elle est assise sur la DGF, si nous avions procédé comme le prévoyaient les textes, la diminution de celle-ci pour les communes aurait entraîné la baisse significative de celle-là. Là aussi, nous avons fait en sorte qu’elle soit préservée. Je crois donc que nous avons agi comme il le fallait.
Monsieur Claireaux, il en est un peu de même s’agissant des allocations : il n’est pas possible de disposer exactement des mêmes dispositifs sociaux. Vous avez néanmoins raison : ce sujet nous préoccupe.
S’agissant du DPT, monsieur Serville, votre observation n’est pas tout à fait exacte. Le document concerne la situation passée. Même si l’on s’efforce de procéder à une anticipation, il n’est pas possible de prendre en compte par exemple les fonds dégagés suite au dégel budgétaire de fin d’année. Ce document n’est donc pas totalement juste et, surtout, ne s’impose pas à nous.
Nous sommes en train de faire le nécessaire afin que le pacte de responsabilité puisse s’appliquer au premier trimestre.
S’agissant de la défiscalisation, nous nous sommes vraiment battus cette année comme des fous pour faire en sorte que la Guyane arrive à préserver le nombre de constructions de logements sociaux. Je gage que vous le savez et que vous nous en savez gré.
Je vous remercie, madame Zanetti, d’avoir souligné le rétablissement de l’aide aux familles endeuillées – cela préoccupe en effet nos concitoyens.
En ce qui concerne les exonérations de charges, il est vrai que nous avons pris en compte un certain nombre d’études ayant établi qu’à partir d’un certain niveau de salaire, elles ne sont plus incitatives.
En outre, nous sommes obligés de tenir compte du fait que nous n’avons pas besoin de financer à partir du budget du ministère des outre-mer des exonérations résultant aujourd’hui notamment du CICE et du pacte de responsabilité.
Voilà l’essentiel de ce que je souhaitais vous dire. J’ajoute cependant que, s’agissant de la DGA – dont nous allons reparler –, nous proposons la mise en place d’une méthode en gestion afin de respecter l’aspect symbolique qu’elle revêt pour la Polynésie. Un affichage n’est pas possible, je vous l’ai déjà dit, faute de la confiance de Bercy, la compensation à partir de crédits totalement gérés par le ministère des outre-mer étant intégrale.
Vous avez néanmoins notre parole. Je vous le répète : même si, facialement, le budget est passé de 84 à 80 millions, en gestion, vous disposerez des 4 millions supplémentaires si cela se révèle nécessaire.
Nous en arrivons aux questions du groupe UDI.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour une première question.
Je vous remercie, monsieur le président, de nous faire l’honneur de présider cette séance alors que nous savons votre calendrier particulièrement contraint en ces temps électoraux. Merci de passer ce temps avec vos collègues d’outre-mer pour animer ces débats !
Certes, ils ne sont pas les seuls à siéger aujourd’hui, mais lorsque l’on discute du budget des outre-mer, la présence des élus ultramarins est plus massive qu’à l’accoutumée – c’est bien évidemment ce que je voulais dire ; ma langue a fourché.
Ma question porte sur la défiscalisation, madame la ministre.
Le projet de loi de finances qui nous a été présenté pour l’exercice 2016 prévoit que la fin de la défiscalisation est repoussée du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2018, dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas. En commission élargie, vous avez annoncé que le Gouvernement entendait déposer un amendement afin que la date butoir soit repoussée au 31 décembre 2020.
Pour justifier le dépôt de cet amendement, vous avez principalement argué, d’une part, avoir compris les inquiétudes politiques et économiques qui s’étaient exprimées partout en outre-mer et, d’autre part, que la date du 31 décembre 2020 ne pouvait pas ne pas être retenue dès lors qu’il s’agit de la date d’application du règlement général d’exemption par catégorie, le RGEC, et que la France ne pouvait donc pas s’engager au-delà.
Je laisse mes collègues des DOM analyser la pertinence de cet argument en ce qui les concerne mais, s’agissant des collectivités d’outre-mer, les COM, notamment celles du Pacifique, je rappelle que nous ne sommes pas soumis au RGEC. La pertinence de la date du 31 décembre 2020, dès lors, n’est pas aussi avérée qu’elle pourrait l’être pour le reste de l’outre-mer.
Il se trouve, également, que nous vivons des situations économiques difficiles.
Je rappelle que le PIB de la Polynésie française a diminué de 10 % ces dix dernières années, entre 2004 et 2014. Celle-ci renoue uniquement depuis cette année avec une croissance – d’ailleurs très ténue, car elle se situe aux alentours de 1 %.
Je rappelle que l’industrie métallurgique calédonienne, cette année, a perdu près de 800 millions et que les cours annoncés des matières premières en général et du nickel en particulier sont très bas pour les trois ans à venir. Les pertes seront donc probablement équivalentes.
Il est donc important pour nos pays que l’extinction de ce dispositif majeur de développement économique soit repoussée au 31 décembre 2025. Ce serait là un geste fort de la part de l’État à l’égard des responsables institutionnels et des acteurs économiques des collectivités françaises du Pacifique.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
N’ayant pas complètement répondu à la question posée par M. Quentin, je souhaite brièvement y revenir.
Sourires.
Je vous rappelle une fois encore que nous avons préservé un grand nombre de dispositifs. Au total, les entreprises bénéficieront de 200 millions supplémentaires. Grâce à la défiscalisation, 2 milliards d’investissements sont réalisés.
Il me semble donc que ce budget prend vraiment en compte la situation des entreprises. Je rappelle que dans le domaine du tourisme et des activités liées, elles bénéficient d’un CICE renforcé ou d’un équivalent…
…donc d’exonérations supplémentaires. Nous nous sommes donc bien compris.
M. Gomes s’inquiète de ce que les dispositifs doivent s’arrêter.
Nous avons proposé la mise en place d’un mécanisme qui me semble raisonnable : prolongation du crédit d’impôt jusqu’à la fin de 2017, réalisation d’un bilan puis discussion afin de trouver un accord pour l’avenir.
Vous avez préféré que l’on avance tout de suite, c’est ce que nous avons fait avec les éléments dont nous disposons : d’une part, le crédit d’impôt, d’autre part, la défiscalisation.
Encore une fois, aucun bilan du crédit d’impôt n’a été réalisé. Je veux bien qu’il soit prolongé jusqu’en 2025 mais ce serait travailler d’une manière déraisonnable : l’annualité budgétaire permettant un réexamen annuel de la situation, je ne vois pas pourquoi arrêter la date de 2025 alors que si, l’an prochain, nous travaillons sur ce mécanisme, nous disposerons de plus d’éléments pour agir d’une manière raisonnable et mieux informée.
Les parlementaires agiront comme ils le souhaitent mais je ne pense pas que ce soit du bon travail que de se débarrasser de la question en posant la date de 2025 alors qu’un travail en 2017 permettra de disposer de davantage d’éléments et d’avancer dans de meilleures conditions.
Je comprends votre inquiétude s’agissant du nickel. Nous suivons la situation avec attention mais je ne suis pas persuadée que la défiscalisation suffise à répondre à nos inquiétudes.
Je souhaite tout d’abord remercier Mme la ministre pour sa réponse en ce qui concerne la DGA. Ma collègue Maina Sage s’associe à mes remerciements mais je gage que la positivité de la réponse de Mme la ministre sera encore plus confortée après qu’elle aura écouté ma question.
Je souhaite donc appeler l’attention de Mme la ministre des outre-mer sur la nécessité de ne pas réduire la dotation globale d’autonomie allouée à la Polynésie française dans le budget pour 2016.
Faut-il le rappeler, la DGA représente la dette de l’État vis-à-vis des Polynésiens, comme ma collègue Maina Sage l’a largement rappelé. Cette dotation sanctuarisée au titre de la participation de la Polynésie française à la mise en place de la force de frappe nucléaire de la France constitue dans notre collectivité un sujet politique extrêmement sensible.
C’est d’autant plus vrai que l’État peine toujours à indemniser les victimes des 193 essais nucléaires effectués entre 1966 et 1996 : 98 % des dossiers de ces Français du Pacifique sont rejetés sur la seule notion de risque « négligeable ». Vous comprendrez que cette coupe budgétaire soit encore plus sensible aux yeux des Polynésiens, qui ont tous perdu un proche.
S’ajoutant aux baisses consécutives des années précédentes – alors que vous aviez pris un engagement fort l’an passé, madame la ministre – une nouvelle diminution de cette dotation sera perçue comme un reniement de la reconnaissance du fait nucléaire par la France.
Après dix ans d’instabilité politique, le Gouvernement du président de la Polynésie française, M. Édouard Fritch, tente aujourd’hui de sortir ce territoire d’une trop longue période de récession économique.
Dans ce contexte de tensions sociales difficiles, plus que jamais, la Polynésie a besoin du soutien franc et entier de la France.
La Polynésie française est aujourd’hui la collectivité qui cumule un handicap structurel unique, l’éloignement de la métropole et l’éclatement géographique le plus important de toutes les collectivités d’outre-mer.
Une énième diminution de la DGA sera perçue comme une humiliation morale – excusez-moi du terme, madame la ministre – pour les Polynésiens. S’il n’est pas possible de l’augmenter, pourriez-vous à tout le moins la maintenir à son niveau actuel ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Encore une fois, je suis tout à fait consciente de la place symbolique de cette question pour la Polynésie et je sais que les gens ont souffert des essais nucléaires.
Notre réponse me paraît claire. Compte tenu de ce problème, nous avons dit que nous étions prêts à maintenir, en gestion, le montant de la DGA. Pour moi, la réponse est donc acquise.
Vous avez rappelé que la façon dont se déroule l’indemnisation des personnes qui ont été exposées au risque nucléaire n’est pas satisfaisante.
Il est vrai que le nombre de personnes indemnisées est relativement dérisoire par rapport à ce qui avait été prévu. Il faut également rappeler que des fonds ont été consignés.
Aujourd’hui, d’une part, le nombre de dossiers déposés devrait être plus important – il faut sans douter aider les ayant droit éventuels – et, d’autre part, demeure cette affaire du risque négligeable, comme vous le dites.
Vous savez que la ministre des affaires sociales et de la santé a repris en main ce dossier et qu’elle a réuni une commission de suivi. Nous espérons obtenir des résultats plus satisfaisants pour les personnes qui ont été exposées à ces risques. Je le répète : nous sommes très conscients qu’il s’agit là d’un symbole politique fort.
S’agissant du maintien de fonds permettant à la Polynésie de suivre son développement dans des conditions normales, sachez que nous sommes prêts à faire le maximum pour que ce principe soit respecté.
La réponse qui m’a été faite au sujet de la défiscalisation n’est pas pertinente. En effet, étant donné que les crédits d’impôt ne s’appliquent pas dans les collectivités d’outre-mer, il n’y a aucun bilan à faire. Il a été décidé par l’Assemblée que le dispositif, tel qu’il existait, avait vocation à être reconduit. Nos collègues Jean-Claude Fruteau et Patrick Ollier ont d’ailleurs rendu un excellent rapport sur ce sujet il y a quelque temps, au titre de la délégation aux outre-mer.
Ma seconde question concerne les frais bancaires applicables dans les collectivités françaises du Pacifique, particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Chacun sait que ces frais sont nettement plus élevés qu’en France métropolitaine. C’est ce qui m’avait conduit à deux reprises, en 2012 et 2013, à présenter des amendements, qui ont été adoptés, afin que ces frais fassent l’objet d’un contrôle particulier et d’une procédure faisant intervenir localement le représentant de l’État, un haut-commissaire, d’abord dans le cadre d’une négociation et, en cas d’échec de celle-ci, par un arrêté autoritaire fixant les tarifs.
Un rapport important d’Emmanuel Constans confirme ce que tout le monde savait, autrement dit que les frais bancaires, dans nos collectivités, sont deux à dix fois plus élevés qu’en métropole. Notre rapporteur spécial, Patrick Ollier, dans le travail qu’il a effectué pour la commission, a indiqué qu’il convenait d’accélérer le pas en ce qui concerne les frais bancaires calédoniens, afin qu’ils se rapprochent le plus rapidement possible du niveau des frais bancaires métropolitains. Le rapport Constans préconise qu’en l’espace de trois ans les frais bancaires calédoniens arrivent à un niveau qui ne soit plus supérieur que de 50 % aux frais bancaires métropolitains. C’est une ambition extrêmement mesurée.
Madame la ministre, le haut-commissaire ayant un rôle central dans cette affaire, dès lors qu’il a la capacité à négocier annuellement avec les établissements bancaires et, en cas d’échec de la négociation, à fixer d’autorité les tarifs, je vous demande si le ministère a l’intention de donner les instructions requises au représentant de l’État pour que cette injustice, qui frappe lourdement nos concitoyens, soit réparée le plus rapidement possible.
Il est vrai que la question des frais bancaires se pose d’une manière récurrente en outre-mer. Grâce au bon travail effectué, nous sommes parvenus, dans les autres outre-mer, à ramener les frais bancaires à des niveaux plus acceptables. En Nouvelle-Calédonie, nous ne sommes pas au bout de nos peines, et le niveau actuel ne nous semble pas satisfaisant. Le haut-commissaire suit cette affaire avec beaucoup d’attention : j’espère que nous parviendrons, par la discussion et la négociation, à avancer d’une manière satisfaisante et que nous n’aurons pas à recourir aux moyens autoritaires que vous évoquez. Il faut que chacun sache, là-bas, que nous sommes très attentifs à ce problème et que les frais bancaires, au niveau où ils sont, ne sont pas acceptables. Il faut que nous fassions un effort et que nous progressions significativement sur ce dossier.
Madame la ministre, ma question porte à la fois sur la défiscalisation et sur le Fonds vert.
Dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement, et en raison des enjeux économiques qu’ils représentent, il est indispensable que les territoires ultramarins soient soutenus. Toutefois, force est de constater que les collectivités d’outre-mer sont, vis-à-vis de la France métropolitaine, dans une position inégalitaire.
D’une part, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mis en place depuis 2013 par le Gouvernement, ne s’y applique pas. Les différents dispositifs de défiscalisation en faveur de l’outre-mer sont modifiés chaque année par le Gouvernement, qu’il s’agisse des taux applicables ou de leur plafonnement. Cette remise en cause demeure un véritable frein aux investissements en direction des collectivités d’outre-mer, déjà pénalisées par leur éloignement. Nous vous demandons, madame la ministre, de lever sans délai cette incertitude, qui a déjà conduit au ralentissement des investissements des entreprises pour des projets devant dépasser cette date butoir.
D’autre part, alors que notre développement économique est directement lié à tout ce qui nous entoure, permettez-moi de partager mes craintes quant à l’avenir de notre collectivité. Précurseur, la Polynésie française a pourtant déjà engagé de nombreux efforts pour réaliser sa propre transition énergétique. Pour autant, seules la Polynésie française et la Nouvelle Calédonie continuent de rencontrer des problèmes liés à l’énergie, à l’image des tarifs de l’électricité, qui y sont trois fois plus élevés qu’en métropole.
À moins d’un mois de la COP 21, le Fonds vert pour le climat doit s’ouvrir aux pays et territoires d’outre-mer. Et, à l’heure qu’il est, en tant que représentant du Pacifique, je vous demande ce qui est prévu pour ces territoires français vulnérables, qui, quoique propices au développement des énergies renouvelables, ne disposent pas des financements qui leur sont nécessaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
S’il est un mot qui fait sens quand on parle des outre-mer, c’est bien celui d’égalité. Et vous soulignez très souvent, dans vos interventions, les difficultés, les inégalités, les handicaps que peuvent subir les différents territoires des outre-mer. Nous en sommes conscients, et c’est la raison pour laquelle nous avons demandé à Victorin Lurel de mener une réflexion sur l’égalité réelle. Il nous fera des propositions pour corriger les inégalités dont souffrent les outre-mer, dans les secteurs où elles existent.
Je reconnais que la Polynésie rencontre un certain nombre de difficultés, et vous avez bien raison d’évoquer la question de l’énergie, notamment celle des énergies renouvelables. Cela étant, ces territoires ont aussi des atouts et proposent des innovations qui méritent d’être relevés, dont nous pourrons faire le bilan à l’occasion de la COP 21. Vous savez par ailleurs que, sur l’initiative de votre voisin, M. Philippe Gomes, nous allons relancer la conférence France-Océanie. Ce sera l’occasion, pour les représentants de votre territoire et des territoires voisins, de discuter des problèmes liés au changement climatique et des innovations à apporter pour y échapper dans l’Océanie.
Le Fonds vert, à l’origine, est prévu pour les États étrangers, notamment les pays en voie de développement. Nous aurions donc du mal à prélever une partie significative de ce fonds pour nos propres territoires, situés en Océanie ou dans la Caraïbe. Telle est la situation. Sachez en tout cas que, s’il faut faire un effort pour aider ces territoires, notamment la Polynésie, à assumer la transition énergétique, l’État se fera évidemment un devoir de le faire, notamment à travers l’Agence française de développement, l’AFD. Si l’on prévoit de modifier le statut de cette agence et de lui donner davantage de solidité, c’est précisément pour qu’elle puisse assumer les dépenses nécessaires à la mise en oeuvre de la transition énergétique.
Nous en venons à une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Ary Chalus.
J’associe tous les députés ultramarins à mon propos, car c’est l’avenir de notre économie et de nos entreprises qui est en jeu à travers la question de la défiscalisation.
Dans un contexte économique moribond en outre-mer, il aurait été souhaitable d’envoyer un signal fort qui inscrive dans la durée le dispositif de défiscalisation. Nous n’ignorons pas le contexte dans lequel s’est bâti le budget de la nation et admettons aussi les limites de la défiscalisation. Cependant, nos entreprises manquent cruellement de visibilité et ne parviennent pas, pour nombre d’entre elles, à sortir de la précarité financière.
La fin annoncée de la défiscalisation laisse un vide qui freine d’ores et déjà les investissements outre-mer, ce qui laisse présager une aggravation de la situation économique de nos territoires. Durant la seule année 2015, nous avons assisté à 750 liquidations en Guadeloupe.
Aussi, étendre la prorogation jusqu’en 2025 m’apparaît pertinent, notamment pour pallier les délais de traitement des dossiers nécessaires à la concrétisation de nombreux projets.
Au-delà, et pour sortir l’outre-mer de la précarité économique, il convient de ne négliger aucun outil. Créé en 2011, les fonds d’investissement de proximité, ou FIP-DOM, ont été conçus comme des instruments au service du financement des PME ultramarines. Mais ces fonds ne se développent pas : depuis 2011, six seulement ont été créés, dont un seul en 2015, et ils collectent une épargne quasi confidentielle.
La raison de cette sous-performance me semble liée au fait que la souscription est restreinte aux seuls domiciliés fiscaux outre-mer, ce qui limite considérablement le volume des fonds susceptibles d’être collectés. Afin que ces fonds puissent remplir leur objectif et financer les fonds propres des PME ultramarines, j’ai déposé un amendement pour ouvrir la souscription à l’ensemble des contribuables français, car l’étroitesse de l’assiette de collecte semble pénaliser ce dispositif.
Madame la ministre, soutiendrez-vous cette démarche ? Et, au-delà des dispositifs de défiscalisation, quels outils le Gouvernement envisage-t-il pour le financement de l’activité économique en outre-mer à l’horizon 2020 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le député, je comprends les difficultés des entreprises ultramarines, mais quand même ! Alors que nous avons obtenu cette année que le CICE soit porté à 9 %, que nous sommes parvenus à faire exploser tous les compteurs et toutes les barrières qui s’opposaient au développement des entreprises ultramarines, je vous trouve un peu sévère quand vous nous dites qu’elles n’y voient pas clair ou qu’elles vont mal. C’est vrai qu’elles vont mal, mais il se passe tout de même des choses dans les outre-mer.
Et vous en savez quelque chose ! Dans la zone industrielle et commerciale de Jarry, on ne peut pas dire que les entreprises se portent mal.
Mais reconnaissez que c’est extraordinaire : c’est, me semble-t-il, la plus grande zone commerciale d’Europe. Nous avons déjà fait beaucoup pour les entreprises, mais nous souhaitons à présent clarifier et simplifier les choses. À la limite, je veux bien que l’on relance les FIP-DOM, puisqu’ils ne marchent pas très bien, mais ne serait-il pas préférable de privilégier un outil simple, qui s’applique d’une manière globale, plutôt que d’en relancer un qui ne fonctionne pas vraiment ?
Je veux bien examiner la question avec vous, mais ce qui me semble le plus urgent, c’est de clarifier les choses, pour que les investisseurs et les entreprises sachent parfaitement à quoi s’en tenir. Nous avons essayé, avec le CICE notamment, de simplifier les choses au maximum. N’ajoutons pas des dispositifs qui, même s’ils sont intéressants, paraissent un peu annexes et qui, sans rapporter beaucoup d’argent, introduiraient davantage de complexité.
Mais il reste la défiscalisation ! Ne disons pas aux gens que la défiscalisation s’arrête : j’ai dit clairement que nous essayons de rendre son fonctionnement plus efficace. C’est la raison pour laquelle nous essayons de travailler avec le crédit d’impôt. Mais je répète que, si nous ne trouvons pas mieux, la défiscalisation continue.
M. Marc Le Fur remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.
Nous en arrivons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot.
Madame la ministre, la politique nationale de continuité territoriale repose sur des principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République. L’article 50 de la loi pour le développement économique de l’outre-mer – LODEOM – de 2009 a ainsi créé un fonds de continuité territoriale, dont l’objet est de financer des aides aux déplacements des particuliers, ainsi qu’à la formation et à l’insertion des personnes vivant outre-mer. Les ressources affectées à ce fonds sont fixées chaque année par la loi de finances : pour l’aide aux déplacements, au programme 123 « Conditions de vie outre-mer » et, pour ce qui touche à la formation et à l’insertion, au programme 138 « Emploi outre-mer ».
La loi d’adaptation du droit outre-mer, que nous venons de voter, confie la mise en oeuvre des actions relatives à la continuité territoriale à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM – qui deviendra, au 1er janvier 2016, un établissement public administratif. Trois aides sont ici concernées : l’aide à la continuité territoriale proprement dite pour les déplacements, avec un peu moins de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ; le passeport mobilité études pour les étudiants, doté de 16 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ; le passeport mobilité formation professionnelle, aide au transport, enfin, doté de 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Soit 33 millions d’euros au total, dont 28 millions gérés par LADOM.
L’an dernier, ce fonds avait été amputé d’environ 10 %. Il est globalement maintenu en l’état cette année. Mais, à partir de 2016 va être mise en place une aide supplémentaire, qui est tout à fait utile à la continuité territoriale : l’aide à la continuité funéraire, également financée par le fonds de continuité territoriale. Cette nouvelle aide répond à un engagement du Président de la République faisant suite à nos demandes pour faciliter le rapatriement des corps pour les familles d’outre-mer dont l’un des membres est décédé en France hexagonale, en l’absence de prise en charge possible par les dispositifs d’assurance existants.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : nous avons un fonds qui évolue peu en financement, mais qui est appelé très justement, grâce à vous, à être beaucoup plus sollicité, dans la mesure où une nouvelle disposition intervient. Comment allez-vous donc financer et mettre en oeuvre cette nouvelle aide à la continuité territoriale en 2016 ?
Monsieur le député, comme vous l’avez souligné, nous avons mis fin, l’année dernière, à l’augmentation sinon exponentielle, du moins très importante des fonds consacrés à la continuité territoriale, notamment pour les déplacements qui ne sont pas motivés par la formation ou les études. Cette mesure a permis d’endiguer les dépenses du fonds de continuité territoriale, géré par LADOM.
C’est pourquoi la hausse de 1,3 million des crédits destinés à l’aide à la continuité territoriale permettra d’ouvrir une nouvelle prestation, l’aide à la continuité funéraire. Pour les familles, qui sont déjà confrontées à un deuil, ne pas savoir comment financer le rapatriement du corps est une difficulté supplémentaire.
Nous savons toutefois que ce dispositif ne sera pas utilisé d’une manière exponentielle. En effet, une partie des Ultramarins vivant en métropole a fait souche et s’y fait enterrer. De plus, l’incinération permet de diminuer les frais. Il est à l’heure actuelle prévue de consacrer 2 millions d’euros à la continuité funéraire : cette somme sera révisée en fonction de l’usage qui en sera fait. Les nouvelles conditions, qui permettent d’espacer les voyages, donnent à la continuité territoriale une plus grande latitude. Nous nous sommes en effet aperçus que certaines personnes voyageaient chaque année. Nous avons pris une mesure raisonnable et insisterons désormais sur l’aspect social, ce que nous faisons avec la continuité funéraire.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour poser sa deuxième question.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’action « Collectivités territoriales » du programme 123 car cette action m’interpelle. J’ai bien noté qu’elle est principalement dévolue à la reconversion de l’économie polynésienne, à 70 % des dotations de l’action 06. C’est une bonne chose : là n’est pas ma question.
L’objectif fondamental de cette action est de maintenir la capacité financière des collectivités territoriales d’outre-mer et de favoriser l’égal accès aux services publics locaux. Cette action vise aussi à apporter une aide d’urgence aux populations frappées par des cataclysmes naturels ou d’appuyer les actions en matière de sécurité et de défense civiles.
Or, si je fais référence à la Martinique, qui est pourtant concernée par deux phénomènes importants – la mise en place d’une nouvelle collectivité territoriale qui demandera des financements de transition, notamment en termes de personnels, et, ces dernières années, des cataclysmes naturels avec l’invasion des algues sargasses –, eh bien, au regard de ces deux impératifs majeurs, je suis forcé de constater qu’en termes de prévisions financières comme en termes de dépenses d’intervention, le budget ne prend pas la vraie mesure de ces politiques publiques.
L’avenir de notre collectivité territoriale de Martinique semble ainsi bien compromis. Les faibles financements affichés au titre de l’action 06 de votre programme s’inscrivent dans une réalité plus dure encore : la diminution des dotations aux collectivités territoriales martiniquaises de plus de 36 millions d’euros ! En effet, alors que les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » augmentent globalement en France de 27 %, ceux relatifs à l’outre-mer diminuent de 4 %. Pire encore, les dotations accordées aux collectivités martiniquaises diminuent de plus de 10 % ! Je m’interroge, donc, et je vous interroge, madame la ministre : comment intervenir ? Comment faire face à de telles mutations ? Quelle évaluation est-elle prévue ?
Par ailleurs, alors qu’on nous parle toujours de coopération régionale et qu’on nous annonce même une proposition de loi sur le sujet, je constate que la faiblesse de la dotation enlève tout effet à ces annonces. Avec 1 million d’euros pour 2016, comment conduire une politique publique digne de ce nom ?
En revanche, je suis totalement en accord avec d’autres mesures de votre budget, madame la ministre, comme la prorogation de la défiscalisation jusqu’en 2020, une bonification des prêts aux entreprises et aux collectivités territoriales via l’Agence française de développement – AFD –, ou encore la création d’un fonds de garantie agriculture et pêche, pour faciliter l’accès des populations et des exploitants au crédit bancaire. Là je vous approuve. Et je vote !
Vous l’aurez compris, madame la ministre, je n’ai rien à faire d’une égalité prétendument réelle, c’est-à-dire de mots ou de politiques gadgets. Ce que je veux, c’est de l’égalité tout court et des moyens suffisants pour engager outre-mer des politiques publiques efficaces.
Monsieur le député, l’action 06 « Collectivités territoriales » couvre des interventions spécifiques au profit des collectivités ultramarines : remise à niveau du fonds de secours, dotations scolaires en faveur de Mayotte, de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie. Cette action progresse de 4 % pour atteindre en 2016 quelque 199 millions d’euros d’autorisations d’engagement, ce qui, aujourd’hui, est loin d’être anodin. Les collectivités d’outre-mer contribuent à l’effort de redressement des comptes publics d’une manière limitée au maximum.
La région Martinique voit certes ses dotations réduites : toutefois, le Premier ministre a signé avec le président Letchimy l’ossature du contrat de plan État-région : la contribution par habitant progresse puisque la Martinique recevra 470 euros par habitant, une somme bien supérieure à ce que perçoivent les régions de l’Hexagone.
Je n’ignore pas les difficultés que rencontrent les collectivités ultramarines. Nous étions récemment dans votre belle commune pour découvrir les moyens qui y sont utilisés contre les algues sargasses : une intense activité est déployée pour lutter contre ce phénomène qui envahit les plages. Les Martiniquais prennent le problème à bras-le-corps et essaient de s’organiser : ils utilisent notamment un appareil, importé des États-Unis, qui ratisse les plages et trie le sable et les sargasses. Les collectivités se sont donc retroussé les manches pour faire face à cette invasion : elles savent que l’État sera à leurs côtés pour les y aider. Ce voyage a été très utile.
S’agissant de la coopération régionale, ce sont les fonds d’État qui figurent dans le budget : ils ont souvent un effet d’entraînement. Il convient d’y ajouter les fonds européens, dont le rôle est important. L’intérêt des élus martiniquais pour la coopération régionale s’inscrit dans la volonté d’affirmer qu’ils font partie de la Caraïbe par le biais de relations avec les autres chefs d’État. Ils ne demandent pas à l’État d’accroître sa participation en fonds propres à ces échanges.
Sachez que nous sommes attentifs au fait que les collectivités ultramarines se sentent épaulées par le ministère. Depuis mon retour, j’ai rencontré le président de la Caisse centrale de réassurance pour déterminer avec lui les moyens d’aider les collectivités qui font face à ces phénomènes naturels désagréables et imprévus. Nous essaierons de progresser avec vous sur le sujet.
Non, monsieur Chalus, ce serait une erreur de le penser. Les responsables de la Caisse centrale de réassurance m’ont expliqué qu’une déclaration de catastrophe naturelle était impossible au plan juridique. En effet, il s’agirait d’une catastrophe naturelle permanente. Je suis prête à travailler avec vous pour améliorer la couverture assurantielle des professionnels qui sont confrontés à ces phénomènes sinon permanents, du moins réguliers.
Les algues vertes en Bretagne ont bien été classées comme catastrophe naturelle.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour poser sa troisième et dernière question.
Madame la ministre, je souhaiterais, pour finir, appeler votre attention sur l’action « Logement » du programme 123, en y associant mon collègue et ami, Jean-Philippe Nilor.
La situation des logements et de l’habitat est très préoccupante outre-mer. En effet, le besoin en logements sociaux y est très important en raison de la croissance démographique et de la très forte proportion de ménages à bas salaires. Or cette demande est loin d’être satisfaite. Plus de 11 000 Martiniquais sont en attente de logements sociaux et plus de 3 000 sur le secteur libre et intermédiaire. Plus grave encore : la situation en matière d’habitat indigne présente outre-mer une gravité toute particulière. Près de 8 000 logements sont classés comme insalubres par l’État sur notre territoire : quelque 20 000 personnes sont concernées.
Près d’un Martiniquais sur dix est donc confronté à de très graves problèmes en matière de logement. Cette situation qui touche les plus démunis n’est pas acceptable. Face à de tels constats, j’observe, madame la ministre, la diminution, certes légère, mais réelle, des dotations de cette action.
Cette situation est d’ailleurs symptomatique du déficit d’investissements sur nos territoires ultramarins. Non seulement la rénovation des établissements hôteliers ultramarins, formidable potentiel de croissance pour nos économies, mais aussi la modernisation et le développement de structures pénitentiaires sont autant d’éléments sur lesquels je continue à appeler la nécessaire intervention des pouvoirs publics. La prison de Ducos en Martinique se trouve en effet dans une situation dramatique de surpopulation carcérale, d’insécurité et d’insalubrité. La densité y est supérieure à 170 %, ce qui en fait, comme le signale l’Observatoire international des prisons, l’une des plus surpeuplées de France.
Là encore, face à un constat des plus inquiétants, votre Gouvernement choisit de diminuer de plus de 3,5 millions d’euros les dotations du programme 107 « Administration pénitentiaire » pour la Martinique.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, le déficit d’investissements en direction du logement, comme des structures hôtelières et de l’immobilier pénitentiaire, ne pourrait qu’aggraver des conditions d’insalubrité déjà inacceptables sur nos territoires.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il proposer pour remédier à de tels constats ?
Je tiens tout d’abord à répondre à M. Chalus, qui a affirmé que les algues vertes ont été classées en catastrophe naturelle : tel n’est pas le cas, du moins si j’en crois ce que m’a dit le président de la Caisse centrale de réassurance que j’ai reçu – je vérifierai. N’opposons pas les populations les unes aux autres. Un plan du Gouvernement a permis d’aider les populations concernées en Bretagne. Il en est de même outre-mer pour les collectivités concernées par les sargasses : un plan du Gouvernement a permis de les aider.
Monsieur Azerot, le logement est une priorité du Gouvernement. Je partage votre point de vue : être logé décemment est essentiel pour un ménage. Nous nous sommes battus pour conserver la ligne budgétaire unique – LBU : à 247 millions, elle n’a pas perdu un euro.
Nous avons également cherché à lever les obstacles empêchant la construction de logements sociaux au niveau que nous souhaitions : le plan logement a permis à tous les partenaires de se rencontrer à cette fin. Nous avons travaillé sur la notion européenne de service d’intérêt général et le projet de loi de finances supprime la part obligatoire de 5 % de LBU. Nous sommes engagés à vos côtés pour améliorer la situation du logement social dans les outre-mer, qui bénéficient de 300 à 400 millions d’euros d’aides fiscales, sans compter l’extension du crédit d’impôt aux réhabilitations, ce qui répond à votre préoccupation concernant l’hôtellerie.
Nous n’ignorons pas que la prison de Ducos est surpeuplée. Il en est de même de plusieurs établissements pénitentiaires de Guadeloupe. La garde des Sceaux s’est engagée dans une politique de desserrement de la surpopulation carcérale, laquelle passe par la mise en place de peines alternatives. Or les outre-mer manquent des savoir-faire et des structures permettant la mise en oeuvre de ces peines alternatives.
Lorsque j’étais sur place, j’ai reçu les surveillants pénitentiaires pour prendre la mesure de leurs difficultés et les aider. Nous partageons vos priorités. Peut-être ne réalisons-nous pas tous vos souhaits : nous allons toutefois dans le bon sens.
Madame la ministre, ma question porte sur la baisse des exonérations des charges patronales, qui inquiète énormément les acteurs économiques locaux, notamment en Guyane. Je l’ai dit tout à l’heure : les indicateurs ne sont pas bons, et l’heure est malheureusement au pessimisme.
Partant du constat qu’un cadre coûte en moyenne 30 % plus cher en Guyane que dans l’Hexagone, et que le taux d’encadrement y est trois fois inférieur, les syndicats patronaux et les fédérations d’entreprises guyanaises ont écrit au Premier ministre afin de l’alerter sur ce qu’ils considèrent comme une trappe à bas salaires et comme une atteinte de trop au dispositif LODEOM prévu pour durer jusqu’en 2018. Il faut dire que le poids des filières informelles et de l’économie souterraine génère un véritable sentiment d’injustice chez les opérateurs légaux, qui supportent quasiment seuls les contraintes de l’économie locale.
Nous ne pouvons rester insensibles aux cris d’alerte de ceux qui font tourner tant bien que mal notre économie et qui, surtout, créent les emplois dont nous avons cruellement besoin. Je vous remercie donc, madame la ministre, de nous rassurer quant à la pertinence du nouveau dispositif pour la compétitivité de notre tissu économique. J’en profite pour vous rappeler que la fréquence de nos interrogations n’a d’égale que l’extrême inquiétude que nous sentons poindre sur le terrain.
J’ai bien compris qu’il y avait, en Guyane notamment, un sentiment d’inquiétude réel. Les entrepreneurs ont beaucoup discuté, notamment avec la préfecture, pour essayer d’obtenir des engagements de la part de l’État.
Nous devons commencer par utiliser ce qui existe. À la Martinique et, dans une moindre mesure, à la Guadeloupe, des exonérations de charges et des allégements de cotisations ont été décidés, mais sur le terrain, lorsqu’on va voir les entreprises, on s’aperçoit qu’elles ne savent souvent pas à quoi elles ont droit. Et quand elles le savent, elles n’en profitent généralement pas car elles sont incapables de monter le dossier et ne sont pas aidées. J’entends dire qu’il faut toujours en faire plus, mais il faut avant tout mettre en place un accompagnement des entreprises, notamment des plus petites, pour qu’elles puissent déjà tirer profit des exonérations et des aides existantes, qui ne sont pas totalement utilisées.
Nous voulons bien continuer dans la voie des exonérations de charges pour les entreprises, mais il faut aussi que l’État conserve des crédits pour alimenter l’investissement et la commande publique. En effet, nous parlons de territoires où, s’il n’y a pas d’effet d’entraînement généré par la commande publique, l’activité des entreprises est à la traîne. C’est pourquoi nous avons fait le choix, dans notre budget, de préserver au maximum la possibilité d’encourager l’investissement par le biais de la commande publique : sur cette politique, nous avons essayé de garder l’intégralité des crédits. De ce fait, il est vrai que l’effort budgétaire s’est concentré sur les exonérations, mais je ne vois pas pourquoi je supporterais sur mon propre budget des dépenses visant à alléger le coût du travail alors que cet objectif peut être atteint par le biais d’autres mesures que nous avons mises en place par ailleurs, dans le cadre du pacte de responsabilité. Il faut que les entreprises utilisent au mieux ce qui existe en matière d’allégement du coût du travail, notamment le CICE, sans oublier qu’elles ont intérêt à ce que nous continuions à aider leur activité.
Par ailleurs, dans un certain nombre de secteurs importants dans ces territoires, il y aura au contraire un renforcement des exonérations. Je ne sais pas comment le dire pour que cela soit entendu ! Si les gens comprennent que les exonérations seront diminuées, alors il y a un vrai problème ! Dans la plupart des secteurs qui fonctionnent, les exonérations seront renforcées.
Enfin, il est vrai qu’un certain nombre de cadres sont très compétents et gagnent très bien leur vie dans les outre-mer, mais il y a aussi beaucoup de gens diplômés qui connaissent le chômage. Par conséquent, nous souhaitons aujourd’hui permettre à des jeunes diplômés qui ont envie de revenir dans leur territoire d’origine, lequel a souvent contribué à leur formation, de trouver un emploi sur place. Dans ce vivier considérable de jeunes diplômés qui ont envie de s’investir dans les outre-mer, nous pouvons trouver des qualifications dont les entreprises ont besoin. J’espère que nous allons d’abord explorer ce vivier.
Nous terminons par les questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Napole Polutélé.
Comme mes collègues, madame la ministre, je vous félicite de présenter un budget stable, mais je ne peux vous cacher pour autant mes inquiétudes et ma déception devant les crédits qui nous sont alloués pour 2016.
Vous connaissez, madame la ministre, la situation de Wallis-et-Futuna. Vous savez que, pour ce qui nous concerne, ce budget ne permettra même pas de redonner espoir aux habitants. Notre territoire se vide et, régulièrement, de graves tensions surgissent. Il y a urgence ! L’incompréhension va croissant entre les habitants de nos îles et la métropole. L’eau n’est pas potable à Futuna. Il n’est plus possible de faire le tour de l’île, tant l’érosion et les cyclones ont mangé du terrain.
Madame la ministre, à la veille du sommet France-Océanie et de la COP 21, le Gouvernement ne peut pas laisser en l’état cette vitrine de la France dans le Pacifique.
Je vous demande avec insistance d’accepter de consacrer plus de 6 millions d’euros au contrat de développement conclu entre Wallis-et-Futuna et l’État. Je rappelle qu’il était initialement question de nous attribuer annuellement une dotation de 7 millions d’euros. Or, depuis la signature du contrat en 2012, la dotation annuelle a tout juste dépassé 5 millions d’euros.
Je vous demande aussi, madame la ministre, de débloquer les contrats de village, qui sont des leviers importants pour le développement de nos villages dans les districts.
Je vous demande surtout de trouver le plus rapidement possible une solution pour remplacer les opérations groupées d’aménagement foncier – OGAF. Les projets sont en cours : ne plus les financer, c’est renoncer à ce qui est déjà engagé. Il y a un désaccord entre votre ministère et celui de l’agriculture, entre vous deux et celui de la pêche. Je le comprends : vous cherchez tous à faire des économies ! Mais je vous demande de trouver entre vous un accord pour que les projets en cours aillent à leur terme. J’ai entendu les explications de vos conseillers, mais pensez-vous qu’elles soient comprises dans notre territoire ?
Madame la ministre, j’ai bon espoir quant au prochain désenclavement numérique de nos territoires. Mais les connexions électroniques ne permettront jamais de pallier l’isolement physique : d’ici dix-huit mois, nous n’aurons plus de liaisons aériennes depuis Futuna, car les avions seront réformés. Pouvez-vous nous indiquer l’état d’avancement de vos réflexions sur cette perspective ?
Madame la ministre, il y a l’image de la France – actuellement, c’est important – et la qualité de vie de nos concitoyens. Mais je vous le dis comme je le ressens : il y a aussi la paix civile, et sur nos îles, la colère monte.
Monsieur le député, vous savez que le Gouvernement est très attaché au développement de Wallis-et-Futuna. Effectivement, nous avons eu l’occasion de voir sur place un certain nombre de chantiers en cours – par exemple, la réfection des quais, et d’autres choses dont je reconnais qu’elles correspondent à des besoins tout à fait essentiels.
Nous avons apuré la dette de l’agence de santé. Nous avons aussi fait en sorte que les tarifs de l’électricité soient divisés par cinq. Nous travaillons de manière positive pour Wallis-et-Futuna. Bien entendu, nous continuerons de faire le nécessaire pour améliorer les infrastructures.
Nous avons prolongé le contrat de développement jusqu’en 2017, pour permettre aux Futuniens de disposer d’un accès à l’eau potable. Vous avez raison : il s’agit d’un droit tout à fait élémentaire. J’ai bien noté que vous demandiez des crédits complémentaires : nous allons regarder comment nous pouvons atteindre une exécution du contrat aussi élevée que possible d’ici 2017. Ainsi, vous savez que nous avons trouvé 400 000 à 500 000 euros qui permettront de répondre aux besoins du royaume d’Alo.
S’agissant des contrats de village, les crédits de 2015 seront bien pérennisés en 2016.
Quant à la desserte aérienne, nous savons qu’elle est tout à fait indispensable pour Wallis et pour Futuna. Nous accompagnons le territoire, au bénéfice des habitants et de l’économie de la collectivité. Nous avons prévu une assistance au territoire dans le cadre de l’appel d’offres et de la signature de la délégation de service public. Évidemment, le Gouvernement continuera de verser une subvention d’équilibre à l’opérateur aérien.
Enfin, concernant l’agriculture, le dispositif des OGAF n’existe plus en métropole depuis longtemps. La ligne budgétaire est éteinte. Par conséquent, il nous faut trouver le moyen de financer les opérations dans le cadre du contrat de développement. Nous sommes bien évidemment conscients de la nécessité de soutenir l’agriculture de Wallis et de Futuna.
Ma collègue Paola Zanetti a exposé le sentiment général du groupe SRC sur cette mission « Outre-mer ». Je n’y reviendrai pas.
Les crédits se concentrent, comme c’est le cas depuis trois ans maintenant, sur l’emploi et les conditions de vie dans les outre-mer. Mais pour que l’activité économique dans ces territoires tire le plus profit de ces mesures, il faut que la paix sociale soit au rendez-vous et que les forces vives se concentrent à les mettre en oeuvre. Ce n’est pas le cas à Mayotte, qui connaît ces derniers mois de nombreux conflits sociaux et qui a connu encore aujourd’hui une mobilisation générale autour de la mise en oeuvre de la départementalisation : 2 000 personnes ont défilé dans les rues de Mamoudzou aujourd’hui.
Je veux relayer ici ces inquiétudes, et parfois ces incompréhensions, et souligner l’absolue nécessité d’un dialogue social approfondi, donc apaisé, pour avancer dans tous les chantiers en cours – ils sont nombreux, et je ne pourrai pas tous les citer ici. Le fil directeur de ces mouvements est le rejet des discriminations de toutes sortes, l’aspiration à l’égalité et la place des Mahorais dans ces évolutions. Madame la ministre, vous serez à Mayotte la semaine prochaine : vos réponses sont très attendues.
Je veux insister aujourd’hui sur l’urgence à relancer vigoureusement la politique du logement en général, et du logement social en particulier dans ce département, à la fois pour résorber l’habitat insalubre, pour répondre aux besoins en logements de la population et pour relancer l’un des principaux moteurs de l’activité économique, dont bénéficient en particulier les TPE – ce moteur est tombé en panne il y a près de dix ans.
Dans le prolongement du plan « Logement outre-mer », pouvez m’indiquer, madame la ministre, où en est la mise en oeuvre de l’ensemble des outils permettant de relancer l’activité dans le secteur du logement à Mayotte ?
Je veux parler de la création effective de l’établissement public foncier et d’aménagement, et de sa dotation budgétaire dès cette année 2016 : quel est le calendrier précis ? En parallèle doit être mis en place un Fonds régional d’aménagement foncier et urbain – dispositif FRAFU –, attendu depuis un certain temps, sans lequel il n’y a pas de foncier aménagé, que ce soit pour le logement ou pour les équipements publics. Je veux aussi parler du prêt à taux zéro, ou encore de l’application effective de l’allocation de logement social et de l’allocation de logement familiale : leur paramétrage est-il achevé conformément à la réalité locale ?
C’est par la mobilisation de tous ces outils et de tous les acteurs que nous parviendrons à relancer ce secteur important pour le département.
Nous suivons évidemment avec beaucoup d’attention la situation de Mayotte et les mouvements sociaux qui s’y sont déroulés récemment. J’ai tendance à penser que Mayotte subit une sorte de crise de croissance. Voilà un territoire dont la population s’accroît rapidement et qui est amené à mettre sur pied un certain nombre d’installations modernes : il est pris dans une sorte de course à la modernisation qui n’est pas facile pour les habitants, mais l’État fait le maximum pour que cette aspiration à l’égalité, à laquelle nous sommes sensibles, puisse se traduire dans les faits.
Le rattrapage à effectuer en matière d’équipements et de structures est considérable. La population a mis tellement d’espoir dans la départementalisation qu’elle trouve aujourd’hui que rien ne va assez vite et qu’elle ne se sent pas prise en compte – je le comprends bien évidemment.
Cependant, regardez les chiffres ! La ligne budgétaire unique – LBU – a été intégralement préservée dans le budget pour 2016.
Dans le cadre du plan « Logement outre-mer », nous avons essayé de lever un certain nombre de freins qu’il pouvait y avoir en la matière.
En matière de construction et de gestion de logements locatifs intermédiaires et sociaux, la SIM va repartir dans la mesure où un prêt exceptionnel lui a été consenti. Nous sommes en train d’épauler cet acteur pour qu’il puisse répondre aux besoins de la population en ce domaine.
L’établissement public foncier, qui a été voté dans le cadre de la loi d’actualisation du droit des outre-mer, sera mis en place dans le courant de l’année 2016. Le FRAFU, quant à lui, sera également mis en place. Pour l’instant, il fait l’objet d’une consultation locale et la préparation entre dans sa phase finale.
Un grand nombre d’outils sont en train d’être mis en oeuvre à Mayotte. C’est passionnant pour les élus que vous êtes et les élus locaux qui sont en train de transformer ce territoire. En même temps, on comprend que cela ne peut se faire sans quelques difficultés.
En tout état de cause, sachez que nous sommes très attentifs. Comme vous l’avez rappelé, je serai à Mayotte la semaine prochaine. Par conséquent, j’aurai l’occasion de rencontrer les élus et les acteurs sociaux pour faire le point avec eux et voir comment on peut les aider à avancer de manière significative.
J’appelle les crédits de la mission « Outre-mer », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour soutenir l’amendement no 384 .
En préalable, je souhaite signaler une erreur matérielle. Le présent amendement ne vise pas à transférer 5 millions d’euros de l’action 03 « Pilotage des politiques des outre-mer » comme il est indiqué dans l’exposé sommaire, mais de l’action 01 « Soutien aux entreprises ». Je remercie Patrick Ollier de m’avoir signalé cette erreur.
En 2011, les collectivités calédoniennes ont signé avec l’État des contrats pour un total de programmes de 773 millions d’euros avec une contribution de l’État à hauteur de 408 millions d’euros, celle du ministère de l’outre-mer s’élevant à 373 millions d’euros.
Ces programmes contractés avec les trois provinces – contrats intercollectivités, contrats avec les communes – se sont hélas parfois perdus dans les limbes des régulations budgétaires multiples et des réductions qui ont pu être effectuées à l’occasion du vote du budget et des propositions du ministère.
Tant et si bien que deux rapporteurs, MM. Patrick Ollier et Ibrahim Aboubacar, appellent l’attention de notre assemblée et du ministère sur la situation dans laquelle se trouvent les collectivités calédoniennes.
Le Haut-commissariat de la République – lequel n’est pas un trublion en Nouvelle-Calédonie, mais un organisme très sérieux qui représente l’État au plan local – indique que les crédits inscrits aussi bien en autorisations d’engagement – au demeurant depuis 2011, je ne fais pas de procès inutile – qu’en crédits de paiement ont toujours été insuffisants. Ceux de 1995 ont fait l’objet d’une double régulation budgétaire, la première en mai, la seconde un peu plus tard. Cela a contribué à réduire de près de 20 % les crédits inscrits et votés au terme de l’année précédente.
Au total, les collectivités calédoniennes avec lesquelles j’ai fait le point avant d’intervenir en séance indiquent que ce ne sont pas 5 millions d’euros – il s’agit d’un amendement d’appel –, mais 25 millions d’euros qui font défaut afin que les programmes qui sont lancés puissent être poursuivis.
Dans l’hypothèse où l’État ne confirmerait pas d’une manière ou d’une autre les engagements qu’il a pris, des programmes pourraient, purement et simplement, être abandonnés, faute de moyens nécessaires. Le même constat figure dans le rapport de M. Ibrahim Aboubacar qui, lors de ses auditions, a entendu les mêmes échos sur les difficultés des collectivités calédoniennes à obtenir les crédits nécessaires de la part de l’État.
Je rappelle que ces contrats de développement sont prévus depuis les accords de Matignon, confirmés dans l’accord de Nouméa. Il s’agit de contrats entre l’État et les collectivités pour favoriser le rééquilibrage du pays et le rattrapage structurel dont la Nouvelle-Calédonie a besoin. Ce sont des engagements forts de l’État et il convient que l’État les respecte.
La parole est à M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Je remercie M. Gomes d’avoir soulevé un problème réel que j’ai effectivement pu constater sur place en Nouvelle-Calédonie. Je sais qu’on y parle d’année blanche, mais tel n’est pas exactement le cas. On pourrait parler de contrats élastiques en quelque sorte : des contrats prévus sur cinq ans qui durent six ans. Cela représente une perte sèche de près de 12 millions d’euros sur la durée des contrats – 373 millions d’euros prévus sur cinq ans, mais en fait, sur six ans.
Compte tenu des perspectives d’avenir de la Nouvelle-Calédonie, il serait opportun que le Gouvernement réfléchisse à ne pas baisser son soutien au développement dans les différentes provinces.
Néanmoins, votre amendement pose problème, vous avez vous-même reconnu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. On ne peut en effet diminuer l’aide aux entreprises pour soutenir davantage le développement. C’est un appel que vous lancez au Gouvernement pour qu’il vous réponde. Et en fonction de sa réponse, vous déciderez du sort de votre amendement. Cela étant, sur le principe, je suis favorable.
Je comprends bien évidemment que vous vouliez des crédits satisfaisants pour les Calédoniens. Je précise à mon tour qu’il n’y a pas d’année blanche. Si les contrats ont été prolongés, c’est pour permettre à la Nouvelle-Calédonie d’utiliser les crédits prévus, pour éviter une perte. Une telle prolongation a plutôt été une manière de les aider à réaliser leurs projets et à consommer les crédits prévus.
On ne peut pas affirmer que les Calédoniens soient lésés dans la mesure où la dotation des contrats de Nouvelle-Calédonie est la plus élevée des outre-mer, en valeur absolue et par habitant, 1 386 euros. Nous nous comportons à l’égard de la Nouvelle-Calédonie de manière juste.
Aujourd’hui, on pourra arriver à une exécution de l’ordre de 85 % des contrats, ce qui est un pourcentage assez satisfaisant. Vous proposez de rajouter des fonds supplémentaires en faveur de l’emploi et de les prendre aux entreprises. Compte tenu de nos débats précédents, j’avoue que le procédé est un peu singulier. J’ai bien compris que vous demandiez davantage de sous, c’est de bonne guerre, mais en l’état actuel, je suis défavorable à votre amendement.
Philippe Gomes ne demande pas plus de sous, madame la ministre. Il demande, au nom des trois présidents de province, du président du Gouvernement, du président du Congrès, que les engagements contractuels de l’État soient respectés.
Je regrette que vous ayez retenu de notre amendement que nous demandions plus de sous, ce qui n’était pas du tout son objet. Je demanderai au Premier ministre que ce sujet soit inscrit au prochain comité des signataires qui se tiendra en janvier 2016, de façon que les ajustements nécessaires pour les collectivités du pays soient réglés et que, cette fois-ci, les engagements de l’État puissent être respectés.
Je retire l’amendement, tout le monde aura compris qu’il n’avait pour but que d’aborder ce sujet.
L’amendement no 384 est retiré.
Il me semble que les collectivités d’outre-mer sont une variable d’ajustement. Quand à un moment donné, il faut rééquilibrer, on va voir en Nouvelle-Calédonie, si on ne peut pas raboter quelque chose…
Il s’agit dans cet amendement de crédits qui sont prévus dans le budget de l’État depuis 1988, depuis la signature des accords de Matignon, et concernent ce qu’on a appelé l’opération « 400 cadres » transformée en 1998 en opération « Cadres avenir ». C’est une opération majeure de rééquilibrage, volontairement inscrite par l’État dans son budget. Il s’agit d’une compétence de la Nouvelle-Calédonie, mais l’État voulait montrer à quel point il souhaitait que le rééquilibrage dans notre pays puisse prendre corps.
Cette opération est orientée principalement vers les Kanaks de Nouvelle-Calédonie qui bénéficient de ce programme à hauteur de 70 %, même si d’autres Calédoniens y accèdent également. Au total, 1 400 cadres ont ainsi pu être formés et occupent aujourd’hui des responsabilités dans l’administration, les entreprises et parfois même dans les institutions du pays.
À la lecture du budget de l’outre-mer, je constate que les crédits qui s’élevaient à 6,217 millions d’euros en 2015, sont réduits dans le budget pour 2016 à 5,917 millions, soit une baisse de 5 %, autrement dit : 300 000 euros.
Le Haut-Commissariat de la République qui a la charge de la gestion de ce programme dans le cadre d’un groupement d’intérêt public ad hoc a indiqué que les trois dernières années de fonctionnement de ce programme se sont soldées par trois déficits, oscillant entre 300 000 et 400 000 euros. Il a fallu prélever sur le fonds de roulement du GIP pour ajuster les dépenses aux recettes. Si cette somme était inscrite à ce niveau-là pour l’exercice 2016, il faudrait réduire les dépenses de manière significative et, donc, porter fortement atteinte au rééquilibrage engagé depuis trente ans. Il est très dommage de faire un tel constat dans le budget qui nous est soumis.
Sur place, dans le cadre de ma mission, j’ai fait le même constat. J’ai bien compris que l’attente de la population kanak par rapport au programme « Cadres avenir » est très forte. Dans ce cas, madame la ministre, il ne s’agit pas d’une demande d’augmentation des crédits, mais de leur maintien. Il semble difficile de prétendre que la demande est excessive : les 300 000 euros en question permettraient de maintenir le niveau de 2015 pour 2016. Je suis favorable au maintien de ces crédits.
Je répète, même si M. Gomes n’a pas l’air d’y croire, que les collectivités de Nouvelle-Calédonie ne sont pas défavorisées par rapport aux autres collectivités ultramarines. Les efforts, dans ce budget, sont plutôt demandés aux DOM qu’aux collectivités du Pacifique.
Compte tenu de la situation particulière dans ce territoire, nous avons été extrêmement attentifs à demander un effort limité à la Nouvelle-Calédonie. Pour autant, il est vrai qu’une diminution de 5 % du programme relatif à la formation professionnelle est prévue.
Je suis autant que vous attachée à ce que ce signifie en termes de rééquilibrage le programme « Cadres avenir ». Selon le Haut-Commissaire, 1 564 stagiaires ont été pris en charge, dont 72 % d’origine kanak. Sur le principe, nous tenons à ce dispositif qui est une réussite.
Cependant, ce qui a retenu l’attention, c’est le coût élevé du dispositif, notamment par rapport à celui qui est mis en oeuvre à Wallis-et-Futuna. Le Haut-Commissaire pense que sans avoir à diminuer le nombre de personnes prises en charge, il y a peut-être moyen de gagner en efficacité et de reconsidérer le coût des formations.
Encore une fois, ce n’est jamais qu’un effort de 5 %, moins que ce qui est demandé aux autres territoires des outre-mer. Si l’expérience montrait que les surcoûts observés en Nouvelle-Calédonie sont justifiés, on pourrait toujours, en gestion, abonder les 300 000 euros qui manquent. Mais pour l’instant, il faut regarder pourquoi on n’obtient pas un coût normalisé sur les prises en charge des stagiaires.
Si cela se révèle nécessaire, je pourrai compléter en cours d’année, à hauteur de 300 000 euros.
Je ne doute pas que le Haut-Commissaire actuel, à l’instigation du ministre peut-être, ait eu un oeil particulièrement exercé sur le sujet, contrairement aux dix qui se sont succédé au cours des trente dernières années et qui n’ont rien vu.
Ce dispositif particulier concerne en réalité de jeunes adultes qui sont déjà en situation de famille. Si donc on veut qu’ils puissent accéder à des responsabilités en leur finançant des études supérieures en métropole, il faut prévoir non seulement un accompagnement pédagogique de proximité qui leur donne des chances de réussite, mais également un accompagnement lié à leur famille. Il s’agit donc, depuis l’origine, d’un dispositif coûteux, qu’il n’est pas pertinent de comparer à d’autres. L’histoire calédonienne est une histoire singulière, comme le savent celles et ceux qui ont pris le temps de s’y intéresser.
Je rappelle également qu’au comité des signataires de 2013, sous la présidence du Premier ministre, le ministère de l’outre-mer avait annoncé un nouveau financement pour des formations de type MBA, annonçant en outre qu’il ajoutait au pot 800 000 euros afin que dix boursiers puissent être pris en charge chaque année par ce dispositif. Cela n’a pas été le cas : ce financement a été de 200 000 euros en 2014 et de 300 000 euros en 2015. Là encore, l’engagement de l’État n’a pas été respecté. Je tiens à l’indiquer, car cela relève du même chapitre.
Quant à l’amendement no 383 , qui était lui aussi un amendement d’appel, je le retire.
L’amendement no 383 est retiré.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés.
Je suis saisi d’un amendement, no 180 , portant article additionnel après l’article 57.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Cet amendement répond à deux objectifs.
Tout d’abord, il tend à opérer une rectification technique. En effet, alors que la loi de finances pour 2011 faisait évoluer le montant de la dotation territoriale pour l’investissement des communes – DTIC – selon les mêmes critères que celui de la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR –, ces critères d’évolution ont été supprimés à compter de 2012. Il s’agit donc de supprimer dans la loi un renvoi devenu inopérant et de prévoir que le montant de la DTIC sera fixé directement chaque année en loi de finances. Cette année, ce montant sera de 9,55 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.
Le second objectif est de fixer, comme chaque année désormais depuis la loi de finances pour 2015, le niveau de la dotation globale d’autonomie – DGA. Le montant de celle-ci évoluait, en principe, en même temps que celui de la dotation globale de fonctionnement – DGF –, mais le Gouvernement a choisi l’an dernier de procéder à sa désindexation, afin d’épargner à la Polynésie les effets de la baisse des dotations de l’État que subissent, comme nous l’évoquions tout à l’heure, la plupart des autres collectivités.
Le montant qui avait été fixé par la loi de finances initiale pour 2015 était de 84 millions d’euros. Si l’on avait appliqué en 2016 le principe d’une indexation sur la DGF, la DGA de Polynésie aurait été limitée à environ 75 millions d’euros. Le Gouvernement, usant de la possibilité d’alléger là encore les conséquences de la baisse des dotations aux collectivités, propose de fixer ce montant à 80 millions d’euros pour 2016.
Je me suis cependant engagée lors de la réunion de la commission élargie à rétablir en gestion les 84 millions d’euros qui constituent le socle de la DGA – et je le redis aujourd’hui. Un effort devra être consenti en contrepartie par la Polynésie, et je crois que vous en étiez d’accord, sur les dotations à la politique contractuelle. Compte tenu de la valeur symbolique du montant de DGA, je prends donc l’engagement de maintenir le niveau des dépenses afférentes à celle-ci.
Je fais la même analyse que Mme la ministre et j’ai émis sur cet amendement un avis favorable en commission élargie, car il ne modifie pas l’équilibre ni les dispositifs de la mission « Outre-mer ». Je maintiens donc cet avis favorable.
Madame la ministre, vous venez d’apporter un éclairage sur les solutions possibles en évoquant un rétablissement de la dotation initiale au moyen de frais de gestion. Pourriez-vous préciser comment cela se fera concrètement ?
Cette dotation, comme cela a été largement expliqué précédemment, revêt une haute valeur symbolique. Permettez-moi d’en retracer rapidement l’historique.
Créée à la fin des essais nucléaires, elle a vu son montant fixé à 90 millions d’euros pour dix ans. Trois ans avant le terme de ce contrat, le chef de l’État s’est rendu en Polynésie et a annoncé très clairement aux Polynésiens que cette dotation serait pérennisée, en expliquant que cette mesure était liée à une forme de reconnaissance de l’État et tenait compte également des bouleversements sociaux et économiques subis par la Polynésie à la suite des essais nucléaires.
Il faut également que vous ayez conscience du contexte : nous commençons à découvrir que les essais ont eu des conséquences sanitaires et environnementales qu’on nous avait toujours plus ou moins cachées. Une commission d’enquête de l’Assemblée de Polynésie s’en est saisie en 2004 et le délégué à la sûreté nucléaire a publié en 2006 un rapport de 400 pages détaillant chacun de ces essais.
Aujourd’hui, et depuis moins de dix ans, la Polynésie a pris pleinement conscience de ce qui s’était réellement passé. Au-delà d’un simple engagement financier, cette dotation exprime donc un geste fort de l’État.
Il est toujours désolant d’en arriver à discuter pour 4 millions d’euros, mais le montant de cette dotation a été gelé jusqu’à 2013 à 90 millions d’euros. Un peu plus, en réalité, car la dotation globale de développement économique – DGDE – initiale a été éclatée, à partir de 2010, en trois instruments : la DGA, la DTIC et le troisième instrument financier – 3IF. Cette mesure a d’une certaine manière ouvert la brèche, mais les crédits avaient été maintenus.
Or, depuis trois ans, vous avez raboté chaque année cette dotation. Après l’avoir fait une première fois, vous avez recommencé l’année dernière. Nous sommes alors montés avec force au créneau et, saisie de cette question, vous avez vous-même proposé de sanctuariser ce montant en le fixant dans le code général des collectivités territoriales.
Le fait d’y toucher à nouveau par voie d’amendement est un geste que nous avons du mal à comprendre, et cela d’autant plus que vous nous dites aujourd’hui que vous reviendrez sur cette mesure par le biais d’un mécanisme reposant sur les frais de gestion. Pourquoi, alors, adopter cet amendement ?
Je reconnais que cette mécanique budgétaire peut paraître un peu compliquée. À l’époque que vous évoquez, madame Sage, je faisais partie des gens qui étaient plutôt opposés à la reprise des essais nucléaires en Polynésie. Nous convenons parfaitement qu’il y a eu pour les Polynésiens un problème imputable à ces essais et nous nous sommes vraiment ligués pour y mettre fin.
Il ne s’agit cependant ici que de mécanique : si nous voulions rétablir ces 4 millions d’euros sur la ligne où vous souhaitez les voir figurer, il faudrait supprimer 16 millions d’euros d’autorisations d’engagement, ce qui ferait subir une saignée importante aux activités et aux projets que vous voulez mettre en oeuvre. C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé de ne pas procéder ainsi, mais avons voulu vous donner des assurances. Si en effet nous affichions cette augmentation de 80 à 84 millions d’euros, Bercy n’aurait pas la certitude, étant donné qu’il s’agit de crédits gérés par mon ministère et que nous ne pouvons pas afficher la diminution corrélative opérée sur une autre ligne, que nous procéderions effectivement à cette opération et reprendrions cette contrepartie de 4 millions d’euros. Nous ne pouvons donc que nous engager à le faire, mais ne pouvons afficher ce montant dans le texte budgétaire.
Je tiens toutefois à rappeler que nous ajoutons 12 millions d’euros au Régime de solidarité de Polynésie française – RSTF – et que nous nous efforçons de limiter, pour la Polynésie, les conséquences négatives de décisions prises avant nous. Nous faisons au mieux, mais nous ne pouvons pas faire plus.
Merci, madame la ministre, pour ces réponses. Vous m’excuserez d’insister encore sur la question des essais nucléaires, mais je tiens à appeler l’attention de toute l’Assemblée sur un problème qui me touche personnellement. En effet, mon beau-père, arrivé dans ma famille lorsque j’avais sept ans, a travaillé douze ans sur le site de Mururoa et, à près de 70 ans, souffre aujourd’hui d’un cancer de la thyroïde. Je peux vous dire que ce qu’il subit au quotidien me fait mal au coeur.
Les Polynésiens sont pourtant un peuple très accueillant. Depuis 1966, date à laquelle nous avons accueilli chez nous ces expérimentations, nous avons toujours fait preuve de cette fraternité et de cette attitude d’accueil vis-à-vis de la mère-patrie – la France. Nous comprenons la situation de l’État mais, grâce à la Polynésie, la France est une grande nation reconnue dans le monde. C’est à ce juste titre que la Polynésie souhaite une reconnaissance de ce qu’elle a pu apporter à la grandeur de la France.
Lorsque je vois mon beau-père et des familles que je côtoie souffrir des effets des maladies radio-induites, liées directement aux essais nucléaires, je ne peux pas rester insensible à cette situation. Venir raboter encore la DGA est un symbole fort pour les Polynésiens. Sachez qu’à cette heure même, toutes les associations de protection des victimes des essais nucléaires ont l’oeil fixé sur nous, parlementaires, qui devons défendre cette cause.
Je le répète, madame la ministre, je comprends votre position et la situation de l’État, mais ce message est un appel adressé à la nation, à l’État, au Président de la République et à tous les parlementaires de cette Assemblée : la Polynésie mérite mieux que ça.
Le ministère de l’outre-mer n’est pas une page blanche sur laquelle chaque nouveau ministre pourrait écrire librement. Il y a une histoire, souvent lourde. C’est celle de la Polynésie, et la France a une dette imprescriptible envers le peuple polynésien. C’est aussi l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, avec la colonisation, les événements et Ouvéa.
À certains moments de cette histoire, des actes forts sont accomplis par l’État. C’est le cas de la dotation polynésienne ou, pour la Nouvelle-Calédonie, de « Cadres avenir » et des contrats de développement pour le rééquilibrage. Ces actes forts ont une importance particulière dans la geste de chacune de nos collectivités. Il faut donc se rappeler l’histoire de chacune d’elles, afin d’éviter que, lorsqu’on les évoque à l’Assemblée, on ait l’impression que les députés de Polynésie ou de Nouvelle-Calédonie tendent la sébile à l’État : ils disent simplement que des engagements ont été pris à un moment de l’histoire, que la page n’est pas blanche et que nous ne devons pas oublier ces engagements.
J’ai bien entendu votre réponse et je vous remercie de l’engagement formel que vous avez pris ce soir, mais « chat échaudé craint l’eau froide » : l’an dernier, nous avions eu le même débat et je souhaiterais vraiment que d’ici la fin de l’examen de ce budget, vous puissiez formellement répondre à la Polynésie de cet engagement.
En effet, ainsi que mon collègue Philippe Gomes vient de le signaler, ce n’est pas une dotation comme une autre, d’autant que nous avons fait preuve de bonne volonté et ce, depuis plusieurs mois. Nous savions que vous alliez certainement engager des réductions des dotations ; nous avons proposé des solutions, nous avons proposé de ponctionner d’autres lignes de crédits pour vous permettre ces économies tout en préservant l’aspect symbolique de cette dotation.
J’ai bien compris que « c’est BQB » – « c’est Bercy qui bloque » –, comme nous l’avons dit en commission, madame la ministre. Vous aurez tout notre soutien pour défendre le maintien de cette dotation, mais sachez aussi que nous avons la responsabilité envers les Polynésiens, eu égard à notre histoire commune, de défendre jusqu’au bout ces engagements fortement symboliques, qui méritent d’être pris en considération.
Mon regret est que nous soyons obligés de recourir à des manipulations techniques du budget pour régler des situations qui auraient pu l’être autrement.
Je comprends tout à fait mes collègues : il n’est pas normal que, lorsqu’il s’agit de l’outre-mer, il y ait toujours un retard. Il est dommage que cela tombe sur votre budget, madame la ministre, mais voyez le temps qu’a pris l’État pour mettre à notre disposition des forces de sécurité quand les Antilles ont connu tous ces problèmes, en comparaison de la rapidité avec laquelle cent policiers ont été transférés lorsque Marseille a connu des difficultés. Chaque fois qu’il s’agit de l’outre-mer, il y a toujours du retard ! Je soutiens donc la demande de ma collègue.
Je souhaite intervenir parce que je suis troublé par ce que je viens d’entendre. J’ai donné un avis favorable, que je maintiens, concernant le budget et la gestion que la ministre en fera. La ministre a pris un engagement très fort pour que la masse budgétaire ne change pas : c’est en cela que j’ai donné un avis favorable.
Si je souhaite que vous confirmiez, madame la ministre, que la masse budgétaire ne changera pas en cours de gestion, je suis interpellé par le côté symbolique qui est ici évoqué. Par mon histoire personnelle, je suis attaché à soutenir ce que mes collègues ont dit sur le plan de la symbolique. Madame la ministre, je ne sais pas comment l’on peut concilier la valeur symbolique de leurs interventions, qui sont très importantes – il faut que l’on reconnaisse qu’ils ont raison sur le fond –, avec votre engagement, qui donne raison sur la forme. Puisque vous maintenez les crédits, je souhaiterais que vous le confirmiez de manière très forte.
Je souhaite répéter aux députés du Pacifique que si quelqu’un est respectueux des souffrances et des peines qu’ont subies certains peuples colonisés, c’est bien moi !
Cela étant, la douleur des victimes, la maladie, les conséquences dramatiques pour les familles de ces essais, qui ont permis à notre pays d’asseoir son statut de grande puissance sur la planète, et l’aspect symbolique, qui est très important pour vous comme pour nous tous, doivent être distingués de la réponse que je peux faire, qui est forcément beaucoup plus triviale et mathématique, et vise à vous donner satisfaction en respectant au mieux vos intérêts.
Si nous avions adopté l’autre solution, la Polynésie y aurait perdu en autorisations d’engagement et donc en possibilités de mettre en oeuvre des projets. Cette solution technique vous a été proposée précisément pour préserver tant la valeur symbolique de la dotation que vos intérêts.
L’inconvénient de cette solution, ainsi que je vous l’ai expliqué, est qu’elle fait reposer l’économie future sur une décision qui est propre au ministère des outre-mer dans la gestion de ses crédits : or on n’est pas obligé de nous croire sur parole. C’est pourquoi je vous dis clairement que, en gestion, vous aurez les 84 millions car, d’un point de vue symbolique, nous ne voulons pas modifier le montant sur lequel nous nous sommes mis d’accord l’année dernière.
Je rappelle que nous avions trouvé l’année dernière une solution pour éviter une baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. En effet, si nous avions laissé le texte en l’état, elle aurait considérablement baissé. C’est parce que nous l’avons désindexée que nous avons pu la maintenir à un niveau supérieur.
L’année dernière, nous avions donc trouvé une solution technique pour vous permettre de ne pas subir une baisse aussi importante que ce qui était prévu si les textes étaient restés en l’état. Cette année, c’est la même chose : nous vous proposons, pour vous donner satisfaction, de trouver une solution pour conserver ces 84 millions en valeur. En gestion, vous aurez les 84 millions, et nous savons que nous les obtiendrons de Bercy puisque nous les prendrons sur nos propres crédits.
Il n’y a donc pas de loup, ni de crainte à avoir : toute cette discussion témoigne de notre volonté de respecter tant l’orthodoxie budgétaire que les victimes et le symbole que peut représenter pour eux le fait d’avoir une dotation globale d’autonomie, dite DGA, qui traduise la reconnaissance de la dette de la France à l’égard de la Polynésie. Par cette solution, nous arrivons à concilier ces aspects contradictoires.
L’amendement no 180 est adopté.
Nous avons terminé l’examen de la mission « Outre-mer ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 :
Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly