Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 3 novembre 2015 à 15h00
Allocution du président du parlement panafricain et débat sur le plan urgent d'accès à l'électricité et à la lumière pour le continent africain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Je voudrais, au nom de mon groupe, saluer M. Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain, qui représente 1,2 milliard d’habitants et les cinquante-quatre pays du continent, un continent à qui la France est souvent liée par une histoire commune, une langue commune, un destin partagé. Chacun le sait, il y a entre l’Afrique et la France des liens très particuliers, des liens étroits, des liens intimes, qui sont ceux de la fraternité.

Je voudrais aussi saluer à mon tour Jean-Louis Borloo, qui est comme toujours inventif, imaginatif, créatif. Président de la fondation « Énergies pour l’Afrique », il a conçu cette initiative originale qui part d’un constat fondamental : deux tiers de la population africaine, c’est-à-dire environ 630 millions de personnes, n’ont pas accès à l’énergie, à l’électricité et à la lumière et, si rien n’est fait, la situation s’aggravera puisque la population du continent devrait doubler d’ici à 2050.

Plusieurs intervenants l’ayant déjà fait, je n’entrerai pas dans les détails de l’organisation de cette agence africaine de l’électrification et de sa structure de financement. Faisant appel légitimement aux pays développés, ses mécanismes seront certainement très efficaces.

Dans cette ère nouvelle, il faut aider l’Afrique à entrer dans le siècle des lumières car accroître l’accès à l’énergie est à la fois un facteur de croissance et un enjeu de société.

Aujourd’hui, René Dumont ne pourrait plus du tout écrire ce livre qui s’intitulait L’Afrique noire est mal partie. L’afro-pessimisme des années 60 et 70 n’est plus du tout de mise. Désormais, l’Afrique est une terre d’avenir et un espace de progrès économique. Pendant la dernière décennie, elle a connu une croissance moyenne de 7 %. Aujourd’hui, cette croissance reste d’environ 5 %.

Ce dynamisme économique est très remarquable, mais il devra encore s’amplifier pour faire face au défi démographique, car l’Afrique devrait compter 2,5 milliards d’habitants en 2050, dont, bien sûr, un très grand nombre de jeunes en quête d’emploi et d’avenir.

L’électrification de l’Afrique stimulera son développement économique. Elle apportera un mieux-vivre à la population, souvent tentée aujourd’hui de partir vers d’autres horizons, où l’existence paraît moins difficile.

Il faut assurer à la population africaine, et particulièrement à la jeunesse africaine, un avenir en Afrique. On ne répondra pas à la crise migratoire par l’égoïsme stérile des partis nationalistes et néopopulistes, en se barricadant derrière des murs et des barbelés. L’Europe ne peut être indifférente aux graves difficultés des peuples qui sont ses voisins.

Personne n’émigre, personne ne quitte son pays et, souvent, sa famille par plaisir. Au contraire, l’émigration est un arrachement et une souffrance. L’Europe doit soutenir les Africains, les aider à vivre mieux sur place, sur leur continent. Elle doit contribuer à y améliorer les conditions d’existence et d’emploi.

L’électrification, ce n’est pas seulement un accroissement de la croissance, c’est aussi un facteur de développement social. Ainsi, au temps des outils numériques, l’accès à l’énergie facilite l’accès à l’enseignement. Selon l’Africa Progress Panel, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, plus de 80 % des écoles primaires n’ont pas accès à l’électricité. Au Burundi et en Guinée, ce pourcentage atteindrait même 90 %. Il en va de même de l’accès aux soins et à la santé, notamment pour le fonctionnement des appareils médicaux.

Pourrais-je ajouter en toute franchise, puisque nous sommes entre parlementaires, entre collègues, qu’à part l’électricité, il y a aussi une autre lumière qui, selon la formule traditionnelle, éclaire le monde : elle s’appelle la liberté.

L’Afrique est maintenant liée à la démocratie. Alors même si l’Union africaine a pour règle une présidence tournante et sa rotation géographique au sein du continent, ce qui limite le libre choix, n’est-il pas paradoxal que soient parfois portées à sa tête des personnalités controversées comme, naguère, Mouammar Kadhafi ou, aujourd’hui, Robert Mugabe, qui ne se caractérise pas par son attachement aux droits de l’Homme ?

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