Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 3 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Permettez-moi de vous féliciter à mon tour, madame la ministre, d’avoir obtenu des arbitrages que nous savons difficiles en faveur de nos territoires ultramarins, qui bénéficient d’un des rares budgets à ne pas avoir été sacrifiés sur l’autel de la réduction des déficits.

Mais vous le savez bien, si nos territoires savent s’unir dans des élans solidaires dès lors qu’il s’agit de défendre les spécificités des outre-mer, il existe de fait une multitude de différences d’un territoire à l’autre. Ce sont elles qui font notre richesse mais aussi la complexité des solutions à apporter à nos difficultés. Et bien évidemment, elles se retrouvent au niveau budgétaire.

Aussi, si les crédits de la mission dont l’examen nous réunit aujourd’hui sont en légère augmentation à l’échelle des outre-mer, ils s’avèrent en baisse pour ce qui concerne le territoire dont je suis l’élu, la Guyane, avec une diminution de 1,4 % en autorisations d’engagement et de 1,8 % en crédits de paiement.

Cela me semble particulièrement préjudiciable, qui plus est lorsque l’on rapporte ces chiffres à une croissance démographique annuelle d’environ 4 %. Le constat est encore plus amer lorsque l’on prend en compte les chiffres de l’inflation, laquelle est supérieure à celle que l’on observe au niveau national.

Certes de nombreux efforts ont été réalisés. La création d’un dispositif de continuité funéraire, si elle peut sembler triviale aux yeux de nos collègues métropolitains, est une vraie bonne nouvelle pour les familles endeuillées qui subissent souvent une double peine du fait des tarifs exorbitants pratiqués par les transporteurs aériens. Il en va de même du maintien des crédits en faveur de la formation ainsi que du service militaire adapté, qui a fait la preuve de son efficacité même s’il ne doit pas nous détourner de l’objectif d’excellence qui nous anime.

Mais cela ne suffit pas, j’en ai bien peur, et je crains que l’on ne se dirige vers une dégradation du climat social.

Vous n’êtes pas sans savoir que tous les secteurs d’activité guyanais sont touchés par des mouvements sociaux à répétition. Le BTP, EDF, les transporteurs, la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement – la DEAL –, les dockers et bien d’autres ne cessent de crier le malaise qui règne désormais au sein d’une société guyanaise qui se paupérise et se fragilise, remettant en cause des équilibres extrêmement fragiles. Il faut dire que les statistiques économiques semblent par moments des écrans de fumée, tant elles sont tributaires des activités spatiales, aux retombées locales toutes relatives. Cette croissance économique, en partie virtuelle, n’est pas à même d’absorber les effets d’une poussée démographique qui ne semble pas faiblir.

Le pacte d’avenir pour la Guyane, annoncé par le Président de la République en décembre 2013, se fait désirer. Sans cesse évoqué, il est toujours attendu tandis que les baromètres de l’urgence ont déjà viré au rouge.

Personnellement, je n’ai pas cessé d’alerter le Gouvernement sur la situation de la Guyane, littéralement au bord du gouffre. Je vous adresserai d’ailleurs demain, lors de la séance des questions au Gouvernement, une question à ce propos, ma dix-huitième en trois ans, soit autant d’appels à enfin prendre la mesure de l’ornière dans laquelle l’inertie des gouvernements successifs semble nous avoir plongés.

Bien évidemment, votre ministère n’est pas le seul concerné par les difficultés guyanaises, mais vous disposez de nombreux leviers pour permettre à ce territoire de redresser la barre.

Tout d’abord en matière de logement. Une déclinaison locale du plan logement outre-mer a été annoncée. C’est un bon signe, mais il faut aller plus loin, revoir les modalités de financement du prêt locatif social, le PLS, remettre à plat les modalités de financement de la rénovation du parc locatif privé, le dispositif actuel montrant déjà ses limites, enfin et surtout, revoir totalement la question de la défiscalisation du logement social. Le dispositif actuel est adapté, j’en suis persuadé, mais la procédure est trop lourde et les bailleurs se sentent seuls et démunis face à Bercy qui n’a, semble-t-il, pas pris la mesure des enjeux qui se nouent dans nos territoires.

Le deuxième point est l’épineuse question des exonérations de charges et de la défiscalisation. En ce qui concerne les exonérations, n’aurait-il pas été plus judicieux d’imaginer un système modulable en fonction des secteurs d’activité et qui aurait favorisé les TPE et PME des secteurs prioritaires ? Je suis très favorable à la proposition de notre collègue Serge Letchimy de les compenser par un CICE réévalué pour les secteurs non prioritaires.

En ce qui concerne la défiscalisation, il faut absolument que nous trouvions un consensus en faveur de la prolongation du dispositif jusqu’en 2022 – je sais que cela sera difficile –, quitte à le revoir en profondeur, tout comme c’est le cas du dispositif de la LODEOM d’ailleurs. Ce serait l’occasion idéale de recentrer les dispositifs existants vers le développement de l’économie locale. Cela les rendrait assurément plus productifs et efficaces.

Quoi qu’il en soit, je tenais à vous réaffirmer aujourd’hui mon attachement au dispositif de la défiscalisation pour nos territoires. Il faut nous rendre à l’évidence et en réhabiliter l’image : son efficacité serait sans commune mesure avec celle du crédit d’impôt pour l’investissement en outre-mer.

Je prolongerai mon propos en vous posant deux questions mais je sais d’ores et déjà, madame la ministre, que vous saurez entendre nos doléances pour que nous puissions continuer à oeuvrer en bonne intelligence, comme nous l’avons toujours fait depuis le début de ce quinquennat. Je tiens à vous en remercier par avance.

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