Intervention de Michel Françaix

Réunion du 2 novembre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour les crédits relatifs à la presse :

Dans le dossier complexe des aides à la presse, un constat s'impose : il est aussi urgent de réformer un système qui présente des défauts majeurs qu'il est difficile de faire évoluer un domaine qui se porte mal. De fait, si, face aux contradictions et incohérences du système, la première tentation est celle des solutions radicales, on se rend compte que des modifications trop brusques font peser des risques mortels sur un secteur d'une extrême fragilité. Je me suis donc rallié à la conviction que la réforme des aides à la presse doit nécessairement procéder d'un équilibre subtil entre audace et prudence. De l'audace afin de mettre fin aux plus graves défauts et aberrations du système, de la prudence afin d'éviter des ruptures fatales alors que le dispositif d'aide a placé le secteur dans une grande dépendance à son égard.

Certaines évolutions récentes et d'autres annoncées fournissent des motifs de satisfaction. L'évolution récente sur la régulation renforcée qui devrait déboucher sur de nouveaux barèmes va dans le bon sens ; la mutualisation des deux messageries qui permet une société commune de moyens et un système d'information commun va dans le bon sens ; les réformes de la gouvernance de l'Agence France presse (AFP) vont également dans le bon sens. Certaines annonces sont par ailleurs prometteuses : extension de l'aide au pluralisme, aux publications fragiles, d'une périodicité autre que quotidienne – on compterait 75 bénéficiaires, pour 4 millions d'euros, qui pourraient être de nouveaux gagnants –, puis ciblage de l'aide postale en priorité sur la presse d'information politique et générale (IPG) avec la création d'une nouvelle catégorie de presse, du savoir et de la connaissance, à côté de la presse de loisir.

Néanmoins subsistent de nombreux points d'interrogation. À quelle date faire démarrer la convergence des titres de loisir vers le tarif universel et sur quelle durée pour ne pas provoquer l'effondrement de ces entreprises de presse ? On évoque une hausse de 70 % pour atteindre le prix normal de la Poste – et nous voyons bien qu'un délai de cinq à sept ans serait pour cela nécessaire. Quelle sera l'augmentation annuelle et aurons-nous la certitude d'une planification sur une durée allant de cinq à sept ans ?

Il faudrait également, madame la ministre, donner, dans les jours à venir, des précisions sur les critères concernant la nouvelle catégorie de presse de savoir et de la connaissance, faute de quoi la commission paritaire risque d'avoir à arbitrer de nombreux litiges. Il semblerait qu'il y ait 6 500 titres dont la moitié au moins pensent pouvoir bénéficier de ce nouveau statut, quand d'autres seront peut-être dans la catégorie des loisirs.

Je donnerai bien entendu un avis favorable à ce budget.

Est-il trop tôt pour annoncer l'application à la presse d'information politique et générale et à la presse de la connaissance et du savoir, d'un même taux d'augmentation de leur tarif postal, qui serait proche du taux d'inflation ?

Voici l'essentiel de nos autres recommandations : pour les titres de presse du loisir et du divertissement, établir une trajectoire acceptable de convergence vers le tarif universel de la Poste ; apporter une réponse à la distorsion de concurrence créée par la diffusion au tarif préférentiel IPG de suppléments spécialisés de titres IPG concurrents des autres catégories de presse ; pour le calcul de l'aide au portage, exclure le portage réalisé non pas de manière individuelle mais par paquets à destination des hôtels, des entreprises de location d'automobile ; réexaminer le rôle de la Poste dans le rôle du portage car lorsque la Poste va voir ses quantités à ce point réduites, il faudra trouver des moyens de compensation ; consacrer une partie des marges de manoeuvre financières dégagées par la réforme de l'aide postale à la mise en place d'une aide publique plus structurante et pérenne en faveur des diffuseurs ; redéployer une partie des crédits dégagés par la baisse de l'aide au transport postal vers le soutien aux initiatives émergentes et innovantes ; accélérer la mise en place de la conditionnalité des aides et mettre en place des critères relatifs au respect d'obligations déontologiques et à l'emploi des journalistes car s'il faut aider les journaux, il n'est pas obligatoire d'aider les journaux sans journalistes ; enfin, inscrire à l'ordre du jour des assemblées le projet de loi sur la protection du secret des sources.

J'attends qu'on accroisse la complémentarité entre les trois modes de diffusion que sont le postage, le portage et la vente au numéro, l'État lui-même se concurrençant un peu sur l'ensemble de ces modèles.

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