commission élargie
Commission des affaires culturelles et de l'éducation
(Application de l'article 120 du Règlement)
Lundi 2 novembre 2015
Présidence de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de M. Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de M. François Loncle, membre de la Commission des affaires étrangères.
La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq.
projet de loi de finances pour 2016
Médias, livre et industries culturelles ; Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »
M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, et moi-même sommes heureux d'accueillir Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication – François Loncle, membre de la commission des affaires étrangère, doit nous rejoindre un peu plus tard.
Nous examinons cet après-midi les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que ceux de la mission « Culture ».
Je vais, dans un premier temps, donner la parole aux rapporteurs des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », pour une durée maximale de cinq minutes chacun. Après la réponse de la ministre, les représentants des groupes prendront à leur tour la parole, pour cinq minutes également. Enfin, chaque député qui le souhaite pourra s'exprimer à raison de deux minutes.
Je félicite chaleureusement les rapporteurs pour avis qui ont déjà eu l'occasion de présenter leur travail en commission des affaires culturelles ; il a nourri un débat riche et passionnant. La question numérique est très présente dans ces rapports pour avis, celui de Jacques Cresta tout d'abord, puisqu'il s'est penché sur le projet numérique de France Télévisions, mais également dans celui de Virginie Duby-Muller qui a étudié les enjeux du numérique dans le secteur de l'exploitation cinématographique. Je n'oublie pas le troisième rapport, de notre spécialiste maison, si j'ose dire, Michel Françaix, qui a de nouveau mis sa compétence et son énergie à aborder un sujet, certes pas neuf, mais d'une actualité criante : la réforme des aides à la presse.
Permettez-moi un mot sur France Télévisions. Conformément à la loi de 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, nous avons auditionné pendant trois heures, la semaine dernière, Delphine Ernotte qui nous présentait son projet stratégique. Pas moins de trente-trois députés ont enrichi cet échange et Delphine Ernotte leur a répondu avec le plus grand soin.
Or, depuis son audition, un événement a bouleversé le paysage audiovisuel français : le rapprochement annoncé entre Newen et TF1 qui a provoqué une émotion certaine dans le secteur et des réactions assez vives de France Télévisions et de sa présidente mais aussi de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP) et d'autres interlocuteurs encore. Leurs inquiétudes sont vives, notamment au sujet du tarif à venir des oeuvres produites par Newen à la suite dudit rapprochement avec TF1. Quid, en particulier, de la question des droits ? Je prendrai l'exemple emblématique de la fiction phare de France 3, Plus belle la vie, dont les droits seront renégociés l'année prochaine.
Aussi nos échanges, je n'en doute pas, seront-ils utiles puisque dans votre fonction de tutelle de l'audiovisuel public – et en l'occurrence de France Télévisions –, madame la ministre, vous pourrez répondre de manière complète à ces inquiétudes.
Je remercie et félicite à mon tour le rapporteur spécial Jean-Marie Beffara pour son travail.
Le projet de loi de finances pour 2016 propose d'inscrire à la mission « Médias, livre et industries culturelles » 591,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 601,7 millions d'euros en crédits de paiement, soit des baisses respectives de 17,6 % et de 15,8 % par rapport à la loi de finances pour 2015. Cette diminution correspond cependant à un effet de périmètre. Elle résulte en effet du transfert de la dotation de France Télévisions sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». À périmètre constant, les crédits de la mission sont quasiment stables – en légère baisse de 0,6 % en autorisations d'engagement et en hausse de 1 % en crédits de paiement. Je me félicite donc que cette mission soit globalement épargnée par les diminutions budgétaires car les médias constituent plus que jamais un relais démocratique essentiel.
Le secteur de la presse est fortement affaibli par la mise à mal du marché publicitaire des médias traditionnels puisque, entre 2013 et 2014, les recettes publicitaires de la presse ont chuté de 8,7 %. Le soutien à la presse demeure donc indispensable. Les aides à la diffusion, au pluralisme et à la modernisation se voient allouer un montant total de 128,8 millions d'euros, qui correspond à un soutien équivalent à celui fourni en 2015.
Malgré cela, je souhaite vous interroger sur un point, madame la ministre. Le début de l'année 2016 marque, en matière d'aide au transport postal, l'extinction des accords Schwartz qui ont régulé le secteur entre 2009 et 2015. À trois mois de l'échéance, il semble qu'aucune information relative aux tarifs postaux qui seront pratiqués en 2016 n'ait été fournie aux acteurs de la presse. Cela est particulièrement préjudiciable pour les types de presse qui dépendent quasi intégralement du transport postal, je pense notamment à la presse spécialisée.
Ce sera donc ma première question : quelles seront les conditions de sortie des accords Schwartz ? Et, plus largement, comment envisagez-vous l'évolution des aides à la distribution ?
Le programme destiné à la politique du livre et aux industries culturelles voit quant à lui ses autorisations d'engagement diminuer de 2,3 %, tandis que ses crédits de paiement augmentent de 2,6 %. Son financement est donc préservé. La filière est elle aussi confrontée aux évolutions économiques et technologiques. Cependant, le livre semble mieux résister que prévu à ces évolutions qui auraient pu le menacer de manière frontale. Il a été soutenu par un encadrement législatif exigeant et par le plan Librairie mis en oeuvre par le Gouvernement en 2013. Dans ce cadre, la création, en 2014, d'un médiateur du livre, a permis de consolider le secteur dans un environnement où les pratiques évoluent au rythme des innovations numériques. J'ai pu rencontrer Laurence Engel dans le cadre de mes auditions afin d'évoquer avec elle la première année de son mandat. Le bilan semble des plus positifs : le « soft law »qu'elle représente permet une adaptation rapide aux évolutions, une interprétation unifiée des textes sans recours au législateur, enfin la mise en place de mécanismes de conciliation fluidifiés et reconnus de tous. Je tiens donc à saluer tout particulièrement la réussite de cette institution.
Je terminerai par le financement de l'audiovisuel public, qui s'élève, aux termes du PLF pour 2016, à 3 917,4 millions d'euros dont 3 876,9 millions dans le cadre du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».Ce produit permet d'augmenter la dotation de presque tous les opérateurs.
Vous le savez, madame la ministre, la mission d'information sur le modèle économique de l'audiovisuel public au XXIe siècle, dont j'étais le rapporteur, a rendu ses conclusions fin septembre. L'une de ses recommandations essentielles était la stabilisation des ressources du principal opérateur, France Télévisions. Cela nécessite une affectation sécurisée de ses ressources et un financement en rapport avec les missions et les efforts demandés. C'est la raison pour laquelle je me réjouis des évolutions apportées au financement de l'audiovisuel public : d'abord en affectant une part de la taxe sur les opérateurs de télécommunications électroniques ; ensuite en supprimant intégralement, dès 2016, la dotation budgétaire et en augmentant de 25 millions d'euros les moyens alloués à France Télévisions.
Ces évolutions ont été possibles grâce à un amendement du Gouvernement reprenant les éléments de celui que j'avais présenté avec Patrick Bloche. Elles sont de nature à stabiliser l'ensemble du secteur de l'audiovisuel public.
Néanmoins, une incertitude demeure sur l'évolution de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). En effet, les évolutions technologiques et des usages impliquent que, dans les années à venir, le téléviseur n'aura plus le monopole de la télévision. Il me semble donc nécessaire d'engager rapidement une réflexion sur l'assiette de la CAP. J'avais, dans le rapport d'information, proposé d'étendre la redevance à tout support permettant d'accéder au service public audiovisuel en illimité et, en contrepartie, de créer un demi-tarif pour le million de jeunes qui payent aujourd'hui la redevance à taux plein. J'ai bien compris, madame la ministre, qu'au regard du contexte fiscal, cette proposition n'avait pas l'assentiment du Gouvernement. Envisagez-vous toutefois de poursuivre la réflexion sur ce sujet ?
Dans un univers médiatique en pleine mutation, France Télévisions est confronté à un véritable défi numérique, un défi qui doit être relevé avec fermeté, énergie et imagination. C'est pour cette raison que j'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport au projet numérique de France Télévisions.
Il s'agit d'un véritable enjeu démocratique car cette révolution numérique pose la question de la capacité du service public de l'audiovisuel à « toucher » les jeunes publics et à garantir, pour les nouvelles générations, une certaine diversité de la culture et de l'information.
L'année 2016 sera déterminante pour l'avenir numérique de France Télévisions avec la signature du prochain contrat d'objectifs et de moyens (COM), lequel devra impérativement accorder une place importante à cette question. Le projet stratégique que la nouvelle présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a présenté devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avant sa nomination, a d'ailleurs pleinement intégré cette dimension.
Le premier enjeu est économique. En 2014, le développement du numérique a représenté pour France Télévisions un coût de 78 millions d'euros pour 22,3 millions d'euros de recettes. Il conviendra donc que France Télévisions, au-delà de ses sources actuelles de revenus, trouve des pistes de monétisation accrue des plateformes numériques. Une réflexion est ainsi en cours au sein du groupe sur un développement plus important de services de vidéos à la demande payants.
Le second défi concerne la mise en cohérence d'offres multiples. Il s'agit bien, dans un univers très concurrentiel, de promouvoir une « marque » reconnue en matière d'audiovisuel public, comme y sont parvenus de grands acteurs internationaux, et de proposer une meilleure ergonomie des différentes offres numériques.
Le troisième défi consiste à promouvoir une mutualisation des projets numériques à l'échelle du service public de l'audiovisuel. J'ai en effet constaté la dispersion des moyens dans le développement numérique au sein de l'audiovisuel public. Le lancement, en septembre dernier, d'un service de subscription video on demand (SVOD) – vidéo à la demande avec abonnement (VADA) – par l'Institut national de l'audiovisuel (INA) illustre très bien le fait que, en matière numérique, la mise à niveau des acteurs de l'audiovisuel public s'effectue en ordre dispersé.
Le projet de chaîne publique d'information en continu peut constituer une occasion historique de coordonner et mutualiser les moyens des différents groupes de l'audiovisuel public en matière d'information. L'objectif est de proposer à l'usager une analyse de l'information, le numérique étant le vecteur idéal pour permettre une meilleure compréhension de l'actualité. Cette nouvelle chaîne devrait être mise en place en 2016. Une mise en commun des moyens de différents acteurs de l'audiovisuel public, comme Radio France, l'INA et France Médias Monde, est prévue.
Compte tenu de ces éléments, je souhaite vous poser deux questions :
Tout d'abord, à l'occasion de la signature des différents COM, envisagez-vous la mise en place d'une coordination des stratégies des différents acteurs de l'audiovisuel public en matière numérique ?
Ensuite, Delphine Ernotte a proposé, dans le projet stratégique présenté devant le CSA avant sa nomination, de développer la vidéo à la demande pour les programmes consacrés à la jeunesse. Or de tels développements dépendent de la capacité financière et juridique de France Télévisions à acquérir auprès des producteurs des droits d'exploitation en S-VOD : pouvez-vous nous préciser les pistes de réforme envisagées dans ce domaine ?
J'émets pour conclure un avis favorable sur les crédits en faveur de l'audiovisuel public.
Dans le dossier complexe des aides à la presse, un constat s'impose : il est aussi urgent de réformer un système qui présente des défauts majeurs qu'il est difficile de faire évoluer un domaine qui se porte mal. De fait, si, face aux contradictions et incohérences du système, la première tentation est celle des solutions radicales, on se rend compte que des modifications trop brusques font peser des risques mortels sur un secteur d'une extrême fragilité. Je me suis donc rallié à la conviction que la réforme des aides à la presse doit nécessairement procéder d'un équilibre subtil entre audace et prudence. De l'audace afin de mettre fin aux plus graves défauts et aberrations du système, de la prudence afin d'éviter des ruptures fatales alors que le dispositif d'aide a placé le secteur dans une grande dépendance à son égard.
Certaines évolutions récentes et d'autres annoncées fournissent des motifs de satisfaction. L'évolution récente sur la régulation renforcée qui devrait déboucher sur de nouveaux barèmes va dans le bon sens ; la mutualisation des deux messageries qui permet une société commune de moyens et un système d'information commun va dans le bon sens ; les réformes de la gouvernance de l'Agence France presse (AFP) vont également dans le bon sens. Certaines annonces sont par ailleurs prometteuses : extension de l'aide au pluralisme, aux publications fragiles, d'une périodicité autre que quotidienne – on compterait 75 bénéficiaires, pour 4 millions d'euros, qui pourraient être de nouveaux gagnants –, puis ciblage de l'aide postale en priorité sur la presse d'information politique et générale (IPG) avec la création d'une nouvelle catégorie de presse, du savoir et de la connaissance, à côté de la presse de loisir.
Néanmoins subsistent de nombreux points d'interrogation. À quelle date faire démarrer la convergence des titres de loisir vers le tarif universel et sur quelle durée pour ne pas provoquer l'effondrement de ces entreprises de presse ? On évoque une hausse de 70 % pour atteindre le prix normal de la Poste – et nous voyons bien qu'un délai de cinq à sept ans serait pour cela nécessaire. Quelle sera l'augmentation annuelle et aurons-nous la certitude d'une planification sur une durée allant de cinq à sept ans ?
Il faudrait également, madame la ministre, donner, dans les jours à venir, des précisions sur les critères concernant la nouvelle catégorie de presse de savoir et de la connaissance, faute de quoi la commission paritaire risque d'avoir à arbitrer de nombreux litiges. Il semblerait qu'il y ait 6 500 titres dont la moitié au moins pensent pouvoir bénéficier de ce nouveau statut, quand d'autres seront peut-être dans la catégorie des loisirs.
Je donnerai bien entendu un avis favorable à ce budget.
Est-il trop tôt pour annoncer l'application à la presse d'information politique et générale et à la presse de la connaissance et du savoir, d'un même taux d'augmentation de leur tarif postal, qui serait proche du taux d'inflation ?
Voici l'essentiel de nos autres recommandations : pour les titres de presse du loisir et du divertissement, établir une trajectoire acceptable de convergence vers le tarif universel de la Poste ; apporter une réponse à la distorsion de concurrence créée par la diffusion au tarif préférentiel IPG de suppléments spécialisés de titres IPG concurrents des autres catégories de presse ; pour le calcul de l'aide au portage, exclure le portage réalisé non pas de manière individuelle mais par paquets à destination des hôtels, des entreprises de location d'automobile ; réexaminer le rôle de la Poste dans le rôle du portage car lorsque la Poste va voir ses quantités à ce point réduites, il faudra trouver des moyens de compensation ; consacrer une partie des marges de manoeuvre financières dégagées par la réforme de l'aide postale à la mise en place d'une aide publique plus structurante et pérenne en faveur des diffuseurs ; redéployer une partie des crédits dégagés par la baisse de l'aide au transport postal vers le soutien aux initiatives émergentes et innovantes ; accélérer la mise en place de la conditionnalité des aides et mettre en place des critères relatifs au respect d'obligations déontologiques et à l'emploi des journalistes car s'il faut aider les journaux, il n'est pas obligatoire d'aider les journaux sans journalistes ; enfin, inscrire à l'ordre du jour des assemblées le projet de loi sur la protection du secret des sources.
J'attends qu'on accroisse la complémentarité entre les trois modes de diffusion que sont le postage, le portage et la vente au numéro, l'État lui-même se concurrençant un peu sur l'ensemble de ces modèles.
Madame la ministre, ma première question porte sur TV5 MONDE. La chaîne francophone a été victime, le 8 avril 2015, selon les termes de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), du « premier acte de cybersabotage commis sur le sol français, TV5 MONDE devenant le premier groupe de médias occidental victime d'une cyberattaque de cette ampleur ». Longuement et minutieusement préparée, elle a nécessité des compétences poussées et des investissements financiers importants. Elle avait pour objectif de détruire les infrastructures informatiques de la chaîne pour l'empêcher de produire et de diffuser. L'impact financier est considérable : il était estimé en août dernier à 4,8 millions d'euros en 2015, 2,4 millions d'euros au minimum en 2016, et un peu plus de 2 millions d'euros par an, de façon pérenne.
TV5 MONDE seule ne pourra faire face à ces coûts supplémentaires imprévus et indépendants de sa volonté, sans réduire considérablement son activité, son réseau de diffusion, sa production, ses acquisitions, ce qui aura pour conséquence d'induire d'autres coûts supplémentaires – indemnités de rupture de contrats, litiges… – et de réduire ses recettes de publicité et de distribution.
L'avenir de TV5 MONDE se trouve donc désormais dans les mains de ses gouvernements bailleurs de fonds. Or, à ce stade, ces derniers n'ont annoncé aucun engagement pluriannuel. Madame la ministre, peut-on avoir l'assurance de leur engagement financier, en fin d'année, au moment où se tiendra la conférence des représentants des États bailleurs de fonds ? Par ailleurs, TV5 MONDE n'est pas la seule chaîne qui peut être visée par ce type d'attaque et les coûts de protection informatique sont considérables. Comment peut-on les mutualiser entre opérateurs de l'audiovisuel public ?
Seconde point : il me semble que notre pays sous-estime la force et le poids de l'outil audiovisuel dans la bataille d'influence qui fait rage au niveau mondial. Nos concurrents et partenaires, les États-Unis bien sûr, mais aussi, aujourd'hui, la Russie, la Chine, le Qatar, et nos partenaires européens – en tête desquels le Royaume-Uni et l'Allemagne –, investissent massivement dans leur audiovisuel extérieur car ils en mesurent les retombées économiques et politiques positives. Le COM de France médias monde est en cours de négociation ; aussi n'est-ce pas le bon moment pour lancer une réflexion stratégique ? Ne pourrait-on envisager que votre ministère et celui de Laurent Fabius mettent sur pied une commission commune sur l'avenir de notre audiovisuel extérieur qui en définisse les objectifs et les moyens non pas à court terme mais pour les dix ou vingt années à venir ?
Je vous poserai, madame la ministre, quatre questions en très haut débit.
La première porte sur la diffusion de France 24 en télévision numérique terrestre (TNT) gratuite sur le territoire métropolitain, au-delà de l'Île-de-France actuellement couverte. Dans la mesure où France médias monde est désormais entièrement financée par le produit de la CAP, il m'apparaît logique d'en étendre la diffusion à tous ceux qui paient cette contribution sur le territoire métropolitain. Cela permettrait à tous ceux qui vivent en France – et d'abord à ceux d'origine étrangère – et aussi aux touristes étrangers venant sur notre sol, d'avoir accès gratuitement à une information de qualité face à d'autres chaînes internationales très dangereusement prosélytes.
Cela rejoint ma deuxième question : la création d'une chaîne publique d'information en continu annoncée avant l'été. L'objectif semble louable mais les contours du projet sont encore peu clairs, sans parler de son coût. Je ne crois pas que nous ayons les moyens de créer une nouvelle chaîne ex nihilo. Au contraire, il faut donner dans ce projet un rôle structurant de premier plan aux ressources et à l'expertise de France 24 voire de Radio France internationale (RFI).
Ma troisième question porte sur le projet de décrochage de France 24 en langue espagnole en Amérique latine. Notre diplomatie économique a fait de l'Amérique latine l'une de ses priorités. Seul 1,5 million d'euros manque à la première année de lancement du projet. L'État est-il prêt à faire cet investissement progressif dont l'effet de levier politique serait considérable et qui aurait des retombées économiques positives pour notre pays ?
Ma dernière question sera assez basique voire fruste : quel est l'avenir de l'audiovisuel extérieur de la France ? Comme tous les médias, dans l'univers numérique, notre audiovisuel extérieur doit complètement se redéfinir, se recréer pour continuer d'exister et de remplir les objectifs de la France dans ce nouveau monde de l'information – permanente, massive, coproduite par tout un chacun, délinearisée, sur supports multiples, et soumise à la valse des usages… Quelle est donc, sur ce point, la vision du Gouvernement ?
Cette année, la mission « Livre et industries culturelles » affiche une progression de ses crédits de paiement de 2,6 %. Je tiens dès à présent à souligner que cette augmentation est trompeuse et que nous ne devons pas en faire une interprétation erronée. En effet, cette année, deux nouvelles actions sont rattachées au programme : « Soutiens aux médias de proximité » et « Compagnie internationale de radio et de télévision », qui totalisent le crédit non négligeable de 3,1 millions d'euros, si bien qu'à périmètre constant, la progression n'est en réalité que de 1,4 %, loin des 2,6 % mis en avant dans votre présentation du budget de la mission. Une hausse encourageante, certes, mais à laquelle il manque toutefois 40 millions d'euros pour « recoller » au premier budget du quinquennat.
J'en profite pour vous interroger, madame la ministre, sur la pertinence du rattachement au programme de cette dernière action, de la Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT), sur laquelle sont désormais inscrits les crédits budgétaires alloués à la radio franco-marocaine Médi 1. Par ailleurs, à l'heure de fortes contraintes budgétaires et d'un déficit important, le montant des crédits octroyés me laisse perplexe : presque 1,7 million d'euros. Certes, la défense de la francophonie et la diversité radiophonique sont des objectifs que je partage, mais le financement de journalistes entre-t-il réellement dans le cadre cette ambition globale ?
Pour ce qui est des autres actions, je me concentrerai sur plusieurs points.
Au sein de l'action « Livre », je relève que les contrats « Territoires-lecture » seront dotés de 1 million d'euros supplémentaires. Je me félicite de la réussite de ce dispositif, mis en place en 2010 par Frédéric Mitterrand dans le cadre du plan de développement de la lecture. Je note ensuite la diminution du rendement des taxes affectées au Centre national du livre (CNL) : la taxe sur le matériel de reprographie et la taxe sur l'édition. Que comptez-vous faire pour y remédier et compenser cette baisse ? Vous le savez, le CNL joue un rôle pivot pour le soutien de la filière et notamment pour les libraires qui subissent aujourd'hui une importante crise du marché du livre.
Enfin, je déplore la réévaluation du coût total de la rénovation du quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BNF) qui passe à presque 233 millions d'euros. La dépense devait initialement s'élever à 211 millions d'euros. Évidemment, cette rénovation est nécessaire pour notre patrimoine mais, madame la ministre, comment expliquer ces difficultés de gestion budgétaire et en particulier ce dérapage de 22 millions d'euros ?
Quant à l'action « Industries culturelles », je note qu'après une amputation de ses crédits depuis deux ans, la subvention de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) progresse finalement de 2,5 millions d'euros pour atteindre 8,5 millions d'euros. Je le rappelle, l'activité de la HADOPI a elle-même progressé, puisque sur 361 dossiers transmis aux tribunaux depuis 2010, 169 l'ont été entre janvier et juillet 2015. Après cinq années de mise en oeuvre de la réponse graduée, jamais la HADOPI n'a traité autant de saisines depuis son lancement, contribuant à désengorger les tribunaux alors qu'elle n'était considérée que comme un instrument de répression. Je m'en félicite et c'est ici la preuve de l'utilité de cet organisme. Plusieurs propositions de réforme avaient pourtant été évoquées : qu'en est-il et comment envisagez-vous son avenir aujourd'hui ?
En conclusion, au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, je m'abstiendrai au moment du vote de ces crédits.
Je commencerai par les questions audiovisuelles qu'a évoquées le président Bloche et en particulier la proposition de rachat de Newen par TF1. Que des entreprises privées s'allient et concluent des partenariats, c'est leur liberté en tant que telles. Ma préoccupation de ministre de la culture et de la communication, en la matière, est de faire en sorte que le secteur audiovisuel français soit dynamique et contribue à la création française et à son rayonnement. Je suis très attachée à la diversité du tissu des entreprises de production et à leur indépendance, considérant qu'elles forment un atout indéniable du secteur. Cette diversité doit être maintenue comme l'un des piliers du renouvellement de la création et des talents.
Dans le même temps, chacun sait que nous avons besoin, dans le respect de cette diversité, de faire émerger, en France, des entreprises puissantes capables de défendre la création française à l'extérieur de nos frontières. Du reste, tous les experts qui se sont penchés sur la production audiovisuelle l'ont reconnu – je pense aux nombreux rapports parlementaires et au récent rapport de la Cour des comptes – et ont bien montré qu'il était nécessaire que le secteur se structure pour faire face à la concurrence. Aussi le maintien de la diversité et la constitution d'acteurs puissants dans la compétition internationale n'est-il pas incompatible ; mais nous devons veiller, nous pouvoirs publics, j'y insiste, à protéger cette diversité
Si nous ne mettons pas tout en oeuvre pour la faire vivre, nous risquons de voir notre création s'affaiblir durablement et même disparaître – nous devrons en effet faire face à des entreprises de taille considérable en train de se structurer en Europe et dans le monde. Je suis convaincue que nous ne défendrons pas l'exception culturelle si nous ne sommes pas capables de faire émerger nos propres champions, notamment parce que ce sont des entreprises que la France a la capacité de réguler, ce qui n'est pas le cas des entreprises multinationales dont le siège ne se trouve pas sur notre territoire et auxquelles, par conséquent, nous ne pouvons pas assigner d'obligations matière de financement de la création.
Si l'un des principaux producteurs français passait sous pavillon étranger, les préoccupations seraient légitimes et il s'agirait d'un échec de notre système de régulation. C'est ma responsabilité de ministre de la culture et de la communication de l'empêcher.
Mon autre responsabilité, bien sûr, est de veiller aux intérêts de France Télévisions et notamment à ses intérêts patrimoniaux et donc aux intérêts du service public. Je me suis battue, avec votre aide, d'ailleurs, pour les préserver – nous avons renforcé le financement de France Télévisions grâce au vote d'un amendement parlementaire repris par le Gouvernement, visant à augmenter de 25 millions d'euros la dotation du groupe. Et nous n'avons certainement pas agi dans ce sens pour que les programmes qui font la force et l'identité du service public lui échappent. France Télévisions travaille aujourd'hui avec de nombreuses entreprises privées de production d'émissions de flux ou de fiction et s'il est normal que ces entreprises vivent leur vie d'entreprises privées, il faut faire en sorte que les programmes emblématiques de France Télévisions soient protégés.
Des discussions sont en cours à ce propos dont je souhaite qu'elles rassurent le groupe France Télévisions sur l'avenir de ses programmes emblématiques. Le maintien de l'indépendance éditoriale de l'entreprise Newen est un impératif absolu. Je sais que l'on craint que la série Plus belle la vie ne quitte le service public. Eh bien, il faut tout faire pour que le projet de rapprochement entre TF1 et Newen ne le permette pas. De même, il faut tout faire pour rassurer les salariés – je serai très attentive sur les conséquences de cette alliance en matière d'emploi.
L'annonce de ce projet met en évidence une situation dont tout le monde reconnaissait depuis de nombreuses années la fragilité. Contrairement à d'autres pays, nous avons choisi de fonder notre secteur audiovisuel sur une séparation très forte entre la production et la diffusion. Je ne crois pas à un système qui ne laisserait plus aucune place à la production indépendante : ce serait mortifère pour la création et nous avons besoin de plus d'audace, de plus de prise de risques et de plus d'agilité. Il faut reconnaître que tous les diffuseurs ont besoin de diversifier leurs sources de revenus puisque vous savez bien que le marché de la publicité télévisée est très concurrencé par internet. Ils ont besoin de mieux protéger leurs investissements dans les programmes les plus emblématiques.
J'ai engagé dans cette perspective deux chantiers : celui de la transparence des devis et des recettes – sur lequel je souhaite que nous trouvions un accord d'ici à la fin de l'année, les diffuseurs devant pouvoir bénéficier plus rapidement des remontées de leurs recettes provenant des oeuvres dans lesquelles ils ont investi – ; celui ensuite de l'évolution de la réglementation et des modèles de production – un décret paru début 2015 permet d'ores et déjà aux diffuseurs de prendre des parts de coproduction dans les oeuvres qu'ils financent significativement mais il faut aller plus loin pour assurer un meilleur équilibre entre production indépendante et diffuseur, opposer les uns aux autres n'ayant plu aucun sens si l'on veut que le secteur puisse faire face aux mutations en cours partout dans le monde. Je souhaite que, de cette manière, nous ne subissions pas ces mutations mais que nous les anticipions pour mieux les accompagner.
En ce qui concerne le financement de l'audiovisuel public, monsieur Beffara, les modes d'accès à l'audiovisuel ont profondément évolué depuis une dizaine d'années et nous devons en tenir compte. Le financement de la création audiovisuelle, en effet, par exemple, reposait sur le principe de la contribution de l'ensemble des bénéficiaires de la circulation des oeuvres. Or, aujourd'hui, une partie croissante de la valeur ajoutée est perçue, captée par des acteurs qui ne sont pas régulés et qui ne contribuent pas au budget de l'État ni aux dispositifs de financement de la création. Le système par lequel l'État imposait aux diffuseurs des obligations de financement de la création, y compris en matière de pluralisme des idées et d'indépendance des rédactions, était lié au fait que ces diffuseurs occupent le domaine public, le domaine hertzien ; cependant, la consommation de plus en plus fréquente d'informations sur internet – par le biais des box, des téléphones mobiles ou des tablettes – remet en cause la logique sous-jacente de ce mode de financement. Il est donc indispensable que nous le réformions, au-delà du seul financement de la création.
L'affectation d'une partie de la taxe sur les opérateurs de communication électroniques (TOCE) participe de cette réforme, de cette modernisation puisqu'elle tient compte de ces nouveaux usages, mettant à contribution les fournisseurs d'accès à internet. Il faut donc approfondir la réflexion sur la modification de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Plusieurs pistes sont à l'étude sur cette question complexe ; les services du ministère de la culture y travaillent depuis des mois et de nombreux rapports parlementaires ont été rédigés sur le sujet. C'est le sens de l'histoire et une telle réforme s'impose pour tirer les conséquences de l'évolution des usages tout en devant respecter le principe d'équité sociale, de maîtrise de la pression fiscale sur les ménages.
M. Cresta m'a interrogée sur l'offre numérique de France Télévisions, question elle aussi des plus urgentes puisque les propositions numériques de l'ensemble des entités de l'audiovisuel public sont, vous l'avez souligné, plutôt dispersées. J'avais indiqué, dans ma réflexion sur l'avenir de France Télévisions, avant la nomination de la nouvelle présidente, que je souhaitais créer une nouvelle enceinte au sein de laquelle l'ensemble des entreprises ou des institutions de l'audiovisuel public travailleraient de manière très opérationnelle sur des sujets d'intérêt commun.
J'ai ainsi présidé, le 21 octobre dernier, le premier comité stratégique de l'audiovisuel public qui aura vocation à se réunir deux à trois fois par an. La stratégie numérique a été inscrite à l'ordre du jour pour que l'ensemble des entreprises échangent sur les mutualisations, les synergies voire les offres communes qu'elles pourraient développer. Figurent au programme du prochain comité : la mise en place des offres adaptées aux pratiques du public sur internet, la mutualisation des moyens, là où c'est possible, afin d'éviter les doublons et optimiser la capacité d'investissement des entreprises. Plusieurs projets sont d'ores et déjà en cours de discussion entre les organismes du service public de l'audiovisuel sur ces deux derniers points. Une plateforme commune permettrait de mieux utiliser les catalogues ou les actifs de ces entreprises.
Nous devons aussi réfléchir à la manière dont nous organiserons les modèles économiques à venir. Vous avez évoqué dans votre rapport, monsieur Cresta, la question du développement d'offres payantes de VAD, piste qui mérite d'être creusée pour peu qu'on trouve un juste équilibre entre services gratuits, contrepartie de la CAP, et services supplémentaires qui peuvent faire l'objet d'un paiement permettant de dégager de nouvelles ressources propres.
Vous avez également soulevé la question des droits d'exploitation numérique dont les chaînes doivent pouvoir disposer de façon sans doute plus flexible qu'aujourd'hui. Des discussions sont en cours entre France Télévisions et le secteur de la production ; elles portent notamment sur la nécessité d'une plus grande flexibilité. Je n'entends préjuger en rien du résultat de ces discussions mais je souhaite qu'elles s'inscrivent dans un nouvel équilibre global entre les diffuseurs, l'audiovisuel public et le secteur de la production indépendante. J'espère qu'elles se concluront assez rapidement, en tout cas avant la fin de l'année ou en tout début d'année prochaine, afin que nous renforcions l'offre numérique du service public.
Je reviens brièvement sur la chaîne d'information en continu. Comme je l'ai déjà indiqué devant la commission des affaires culturelles, j'y suis favorable puisque cette initiative va dans le sens des orientations stratégiques que nous avions données à France Télévisions. Le travail est en cours avec France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte… bref, avec l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public. Ce point a été du reste évoqué lors du comité stratégique de l'audiovisuel public que je viens d'évoquer. Il est en effet important de réfléchir sur les nouvelles façons dont les publics s'informent. Nous en sommes pour l'heure à la phase de conception et nous examinons les complémentarités éventuelles entre les entités de l'audiovisuel public pour faire en sorte que cette chaîne voie le jour.
En ce qui concerne la presse, sujet essentiellement abordé par MM. Beffara et Françaix, le transport postal est un service public essentiel pour ce secteur : il représente environ un quart des exemplaires diffusés. Mais il est également très important pour La Poste puisqu'il représente environ un objet acheminé par l'opérateur sur six. Tous les titres homologués en commission paritaire bénéficient aujourd'hui de tarifs de service public spécifiques inférieurs aux coûts. Ces tarifs ont progressé de façon substantielle depuis 2009, selon le rythme prévu par les accords Schwartz, l'État versant à l'opérateur postal une compensation partielle de 130 millions d'euros en 2015.
Le Gouvernement a préparé l'après-accord Schwartz en mandatant M. Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes, pour proposer des scénarios à compter de 2016. Cette réforme prend place dans un ensemble de mesures que j'avais annoncées aux éditeurs de presse le 2 juin dernier. J'en rappellerai les grandes orientations souhaitées par le Président de la République. Pour ce qui est des aides directes, les aides au pluralisme pour tous les quotidiens IPG ont été maintenues et ont été étendues aux périodiques qui n'en bénéficiaient pas du seul fait qu'ils étaient des hebdomadaires ou des mensuels, mais à condition de ne pas avoir été condamnés au cours des cinq années précédentes pour incitation à la haine raciale par exemple. Pour ce qui concerne les aides indirectes, j'ai souhaité maintenir le principe de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à un taux « super réduit » pour tous les acteurs, maintenir les aides postales pour la presse IPG et pour la presse de la connaissance et du savoir, et réorienter une partie de l'aide postale attribuée jusqu'alors à la presse de loisir et de divertissement en faveur de la création de médias, de l'émergence et de l'incubation de nouveaux acteurs mais aussi en faveur des marchands de journaux qui sont en très grande difficulté puisque près d'un millier disparaissent chaque année.
Plusieurs principes présideront à l'évolution du transport postal de presse à partir de 2016 : l'importance des titres à faibles ressources publicitaires et de la presse IPG pour le pluralisme du débat public ; la distinction nécessaire, parmi les autres familles de presse, entre la presse de la connaissance et du savoir et la presse de loisir et de divertissement ; la soutenabilité des hausses tarifaires et leur prévisibilité dans le temps ; le souci que le ciblage renforcé de l'aide au transport postal de presse permette de mieux soutenir l'émergence, je viens d'y faire allusion, l'innovation et les diffuseurs de presse.
Les arbitrages étant en cours et devant être rendus très prochainement, vous comprendrez qu'il m'est difficile, à ce stade, d'entrer davantage dans le détail des paramètres de la réforme. Je veillerai néanmoins à ce que les principes que je viens d'énoncer soient scrupuleusement respectés.
Il faudra entre six et neuf mois pour classer les titres qui relèveront de la presse de loisir et ceux qui relèveront de la presse d'accès au savoir. Une commission ad hoc sera constituée afin de classer les quelques milliers de titres de presse dans ces catégories. Au cours de cette année intermédiaire que sera 2016, je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal dont l'évolution soit le plus proche possible du taux d'inflation. Nous mettrons tout en oeuvre pour que les acteurs connaissent ce tarif au plus vite.
En outre, le PLF pour 2016 prévoit une baisse des crédits d'aide au transport postal. Vous avez récemment auditionné Emmanuel Macron qui a indiqué que si la réforme, décidée avant la remise des conclusions de M. Giannesini, n'était pas appliquée en 2016, cette diminution pourrait être revue. Il s'agit donc d'un point de flexibilité supplémentaire.
Sur la question de M. Françaix sur la presse magazine et le tarif universel, les éditeurs réclament avec raison de la visibilité dans la durée. C'est encore plus nécessaire pour les titres relatifs aux loisirs et divertissements, qui ont vocation à bénéficier prioritairement et progressivement de l'aide postale.
Nous travaillons actuellement avec La Poste et le ministère de l'économie à trouver un point d'équilibre permettant à celle-ci de résorber le déficit de son compte presse, qui est encore de 350 millions d'euros, et d'éviter à la presse de supporter un niveau de hausse incompatible avec son modèle économique. C'est la raison pour laquelle nous proposons des scénarios d'évolution des tarifs postaux gradués pour une dizaine d'années. Nous souhaitons là encore aller vite et faire en sorte que les arbitrages puissent être rendus au plus tard avant la fin de ce mois.
S'agissant des aides aux diffuseurs de presse, ce réseau connaît effectivement une crise et d'importantes difficultés du fait de la crise de la presse imprimée dans son ensemble. Je souhaite mobiliser les pouvoirs publics à l'appui de ce qu'on appelle le niveau 3 de la vente au numéro, c'est-à-dire celui qui est essentiel au maintien du pluralisme sur tout le territoire.
Nous étudions un plan d'action d'envergure dans le cadre des réformes des aides à la presse, qui vise à traiter les difficultés concernant l'équilibre économique des points de vente, les problèmes de trésorerie et la présence de ces points partout sur le territoire. Ce plan a vocation à compléter les dispositifs de soutien existants, que sont l'aide à la modernisation des diffuseurs – de 3,7 millions d'euros, votée dans le cadre du PLF 2016 et permettant aux journaux de moderniser et d'informatiser leurs points de vente – et la revalorisation de leur rémunération, effective depuis 2015 – je serai vigilante sur la poursuite de son déploiement, qui devrait atteindre 1,7 point supplémentaire d'ici à 2017. Par ailleurs, les autorités de régulation ont réuni les volontés des messageries, des dépositaires et des diffuseurs pour développer un système d'information commun, qui sera opérationnel avant l'été 2016 et devrait faciliter la vie des diffuseurs. L'État participe très activement au financement de ce projet grâce au fonds stratégique pour le développement de la presse, à hauteur de 4,4 millions d'euros.
Enfin, la loi donne depuis 2014 la possibilité aux collectivités, aux communes et aux intercommunalités d'exonérer entièrement les marchands de journaux indépendants de contribution économique territoriale. Il faudrait que davantage d'entre elles usent de cette faculté, qui peut être un véritable ballon d'oxygène pour les diffuseurs qui en bénéficient.
Concernant l'audiovisuel extérieur, après la cyberattaque dont TV5MONDE a été victime, l'ANSSI a adressé une liste de recommandations aux organismes de l'audiovisuel public, qui se sont d'ailleurs réunis à plusieurs reprises à mon initiative au ministère de la culture pour évaluer la solidité de leurs systèmes en cas d'attaque de ce type. J'ai souhaité en outre que, dans le cadre du comité stratégique de l'audiovisuel public, ces organismes puissent partager leurs expériences et réfléchissent à des projets communs pour renforcer la cybersécurité.
Au sujet de TV5MONDE en particulier, la protection de son système d'information et le renforcement de ses systèmes de sécurité informatique ont induit des charges supplémentaires lourdes, estimées à 4,9 millions d'euros en 2015, à 2,9 millions au moins en 2016 et à un peu plus de 2,4 millions par an pour les années suivantes. La France a décidé d'accompagner l'entreprise dans cette situation difficile en mobilisant les équipes d'expert de l'ANSSI, en acceptant le redéploiement au cours de 2015 d'1,2 million d'euros de ressources destinées à l'acquisition de programmes français vers des frais communs, en confirmant l'augmentation de 0,7 million de la dotation de TV5MONDE en 2016 et en laissant à la société le bénéfice intégral de l'économie fiscale d'1,7 million d'euros liée à son financement par la contribution à l'audiovisuel public.
S'agissant de France Médias Monde et de la stratégie à long terme de l'audiovisuel extérieur, les négociations du COM 2016-2020, qui ont débuté au printemps et se sont poursuivies jusqu'à cet automne, devraient faire prochainement l'objet d'un arbitrage. La dotation retenue dans le PLF 2016 a été déterminée à la lumière de ces travaux et la signature du COM est prévue au début de 2016. Ce deuxième COM doit permettre à la société de consolider sa distribution et ses audiences en s'adaptant aux évolutions mondiales des modes de diffusion et à une concurrence internationale croissante. France Médias Monde doit en particulier s'assurer la présence de France 24 sur la TNT, en développement en Afrique, renforcer la sécurité de ses emprises et de son système d'information afin de se prémunir des risques de cyberattaque et d'attentat, développer la notoriété de ses marques et adapter ses offres à l'antenne et sur le support numérique aux usages et aux attentes de ses différents publics.
Concernant de la création d'une version hispanophone de France 24, dans le cadre des négociations du COM, France Médias Monde a en effet présenté sur ce point un projet, qui a fait l'objet d'une étude de faisabilité menée par la société, comme le prévoyait le précédent COM. Ce projet présente un réel intérêt pour le développement de l'influence de la France en Amérique latine et, plus largement, sur l'ensemble du continent américain. Mais il supposerait une charge supplémentaire importante pour la société, de l'ordre de 7 millions d'euros. À ce stade, il est donc toujours à l'étude dans le cadre plus large des réflexions en cours sur la trajectoire financière du COM.
Pour ce qui est de la diffusion de France 24 sur la TNT, les antennes de France Médias Monde sont déjà assez largement diffusées sur le territoire national, puisque France 24 est présente sur la TNT en Île-de-France et accessible gratuitement à partir d'une large part des offres du câble, du satellite et de l'ADSL – touchant ainsi 70 % des foyers français. Toute extension de la diffusion en France nécessite de tenir compte de la rareté, de la diffusion disponible et de son coût économique. En outre, la mission de France Médias Monde est d'abord de participer au rayonnement de la France à l'étranger. Cela fait partie des sujets sur lesquels Marie-Christine Saragosse a fait des propositions, qui seront examinées dans le cadre du COM.
La réflexion sur l'avenir de l'audiovisuel extérieur dans dix à vingt ans est stratégique. Je rappelle que l'action de France Médias Monde s'inscrit dans le cadre d'une stratégie pluriannuelle puisque la réflexion sur le COM a aussi une forte dimension prospective, qui associe le ministère de la culture et celui des affaires étrangères. Si les contrats portent sur une durée de cinq ans, ils donnent en effet lieu à une réflexion prospective de long terme.
S'agissant des questions sur les industries culturelles, la CIRT et le livre, je rappelle que jusqu'en 2014, la subvention budgétaire allouée à la CIRT était issue du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure ». En loi de finances initiale pour 2015, aucune ressource publique ne lui a été attribuée en raison de recettes exceptionnelles tirées de la vente de ses parts dans Régie 3, qui ont permis de couvrir l'intégralité des coûts annuels de fonctionnement de la société. C'est la raison pour laquelle il est proposé de rétablir, dans le PLF 2016, un financement public d'1,65 million d'euros afin de financer les rémunérations des journalistes français mis à disposition de Medi 1. En raison de la suppression du programme 115, les crédits sont désormais rattachés au programme 334 « Livre et industries culturelles ».
En ce qui concerne les ressources du CNL, elles sont effectivement en baisse. Sans attendre les préconisations du rapport que j'ai demandé à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et au Contrôle général économique et financier (CGEFi), un certain nombre de choix stratégiques ont été définis et seront opérés en fin d'année par l'établissement pour construire un budget pour 2016, qui sera présenté au conseil d'administration. À mon sens, ces choix doivent accorder une priorité au moins relative aux interventions relevant des missions statutaires du CNL, c'est-à-dire les aides aux auteurs, aux éditeurs, aux librairies et à la vie littéraire notamment, ce qui peut avoir pour corollaire une baisse plus marquée d'autres postes. Sur la base du rapport, nous pourrons ouvrir des pistes d'évolution plus structurelles dans le courant de 2016.
Quant à la HADOPI, elle verra effectivement son budget conforté en 2016 puisqu'il atteindra 8,5 millions d'euros, soit une augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cela constitue un effort significatif après des années où la Haute Autorité a puisé dans son fonds de roulement pour assurer ses missions : il lui permettra de maintenir le périmètre de ses actions ou missions actuelles, ces dernières étant maintenues pour 2016 avec une pérennisation de la réponse graduée, qui a fait la preuve de son efficacité pédagogique et dont vous avez souligné, madame Duby-Muller, l'utilité. Parallèlement, les préconisations du rapport de Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de protection des droits de la HADOPI relative à la lutte contre la contrefaçon commerciale en ligne seront mises en oeuvre. Certaines ont d'ailleurs commencé à l'être, puisque j'ai annoncé un plan de lutte contre le piratage commercial en conseil des ministres le 11 mars dernier, en visant en particulier les sites illicites – de streaming, de téléchargement direct ou de référencement –, qui tirent profit des oeuvres piratées et les monétisent sans rémunérer les créateurs. Nous avons abordé le sujet par deux angles : la question de la publicité sur ces sites et celle des moyens de paiement en ligne, avec des chartes signées, d'une part, avec des annonceurs ou des régies publicitaires et, d'autre part, avec quasiment tous les acteurs du paiement en ligne.
Cette action, qui est mise en place depuis quelques mois, sera probablement très efficace, même s'il est prématuré aujourd'hui de dresser un bilan des missions de la HADOPI ou de ces chartes, qui recueillent l'adhésion des représentants des auteurs ou des ayants droit.
Tout d'abord, permettez-moi de saluer avec vous, madame la ministre, l'engagement du Gouvernement à donner à votre ministère les moyens de ses ambitions : la création, sa liberté – je pense bien sûr ici au projet de loi que nous avons examiné ensemble courant septembre –, la connaissance de l'autre, l'ouverture d'esprit – en somme la cohésion sociale. Quels défis majeurs en ce moment ! Mais surtout quelle nécessité !
Les missions budgétaires que nous examinons aujourd'hui sont le reflet de cet engagement.
Avec un budget global de 7,3 milliards d'euros, le budget du ministère de la culture et de la communication augmente de 2,7 % par rapport à la loi de finances pour 2015 et de 2,6 % par rapport au montant de 2016 initialement prévu dans le budget triennal 2015-2017.
Sur ces moyens supplémentaires alloués en 2016 et au regard des missions que nous examinons aujourd'hui, 16 millions d'euros viendront sécuriser le financement de l'audiovisuel public.
Permettez-moi de revenir sur les programmes et principales actions soumis à notre examen.
En matière de presse, les crédits alloués à l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, créée par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, issue d'une proposition de notre collègue Michel Françaix, ont été budgétisés à hauteur de 400 000 euros. En outre, les entreprises solidaires de presse d'information que nous avons créées par cette loi bénéficieront d'un soutien financier complété par deux mesures fiscales importantes : la réduction d'impôt pour les souscriptions en numéraire au capital d'entreprise de presse et la défiscalisation des dons des particuliers résultant de l'amendement « Charb ». Il serait d'ailleurs utile, madame la ministre, de connaître prochainement le nombre d'entreprises bénéficiant de ce statut et l'utilisation faite de ces avantages fiscaux.
Au-delà de ces points spécifiques, on constate une relative stabilité des aides à la presse ainsi que la hausse de 4 millions d'euros de l'aide au pluralisme. De plus, et en cohérence avec le COM, l'État augmente de 800 000 euros ses aides à l'AFP afin de lui permettre de mener à bien ses investissements prioritaires.
Une nouveauté mérite enfin d'être soulignée en matière d'aide à la presse : le fonds de soutien à l'information sociale de proximité, qui sera créé en 2016 et doté d'1,5 million d'euros, afin de soutenir les nouveaux médias de petite taille jouant un rôle essentiel pour le lien social dans les territoires.
En matière de livre et de lecture, les crédits d'intervention en région à l'appui de la politique du livre augmentent d'un million d'euros en 2016. Les partenariats entre l'État, les collectivités territoriales et les associations de développement de la lecture seront privilégiés. À ce titre, il faut noter l'efficacité et la pertinence des contrats territoire-lecture, conclus pour une durée moyenne de trois ans. Les conventions d'objectifs avec une cinquantaine de collectivités pour la période 2016-2018 seront donc renouvelées.
S'agissant des industries culturelles, je me réjouis de constater l'augmentation de 54,4 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action « Industries culturelles ». Cette hausse s'explique non seulement par l'augmentation des crédits destinés à la HADOPI et au transfert des crédits alloués au « Bureau export de la musique française », mais aussi par de nouvelles aides financées à travers cette action et destinées à promouvoir et à valoriser l'entreprenariat culturel. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser les raisons de cette forte hausse du budget de la HADOPI ?
En matière de cinéma, je me réjouis particulièrement du renforcement de l'attractivité de notre pays pour les tournages via le crédit d'impôt concernant toutes les oeuvres tournées en français, les films d'animation et les fictions dites à forts effets visuels.
Enfin, s'agissant, pour conclure, de l'audiovisuel public, je voudrais me réjouir, au nom du groupe SRC, de l'adoption de l'amendement du Gouvernement en première partie de ce PLF – à l'initiative de notre président Patrick Bloche et de notre collègue rapporteur de la Commission des finances, Jean-Marie Beffara, auteur du rapport de la mission d'information sur le financement de l'audiovisuel public –, destiné à renforcer l'indépendance financière de France Télévisions en anticipant d'un an l'extinction de sa dotation budgétaire, initialement prévue en 2017, par l'affectation directe de 140,5 millions d'euros à ce groupe.
Comme vous le savez, la Commission des affaires culturelles a auditionné mercredi dernier Mme Delphine Ernotte, qui a eu l'occasion de répondre à de nombreuses questions relatives à l'avenir de France 3 dans le COM de France Télévisions. Elle a indiqué que, selon elle, il ne faut pas repenser l'organigramme de la chaîne mais bien sa ligne éditoriale. Je ne peux que partager ce point de vue.
Madame la ministre, nous examinons aujourd'hui des crédits budgétaires renforcés pour les médias, le livre et les industries culturelles et, cela, après les événements terribles du début d'année. Nous nous réjouissons des orientations que vous nous proposez dans ce PLF et voterons ensemble ces crédits.
Entre les crédits ouverts en loi de finances 2015 et les crédits demandés en PLF pour 2016, on note une baisse de 15,8 %, qui s'élève à 21,5 % si l'on anticipe la disparition totale de la dotation de France Télévisions l'an prochain. On saisit rapidement les équilibres de cette mission « Médias, livre et industries culturelles » : les aides à la presse sont reconduites, du moins au sein du programme 180, les crédits du livre et des industries culturelles sont en hausse, notamment sous l'effet d'un changement de périmètre, tandis que les crédits en faveur de l'audiovisuel disparaissent, laissant ainsi dans le programme 313 les seuls crédits dédiés aux radios locales.
J'ai plusieurs remarques et plusieurs questions.
Sur la presse, à l'exception de la baisse notable de 8 % des aides au transport postal qui figurent dans la mission « Économie », le programme presse semble stabilisé, voire fossilisé dans l'attente de nouvelles décisions du Gouvernement. Seule évolution notable, la hausse des aides au pluralisme sous l'effet de l'extension aux périodiques des aides à la presse IPG – titres d'information politique et générale – à faibles ressources publicitaires. En juin dernier, vous annonciez l'ouverture du fonds stratégique pour le développement de la presse à de nouveaux acteurs. Or, dans votre budget, les crédits de ce fonds sont en baisse, ce que regrette également notre rapporteur Michel Françaix pour d'autres raisons. Comment expliquez-vous ce choix ?
Par ailleurs, Google lance un nouveau fonds d'aides, européen cette fois, qui prend la suite du Fonds pour l'innovation numérique de la presse et doté de 150 millions d'euros. Vous avez récemment annoncé la création d'un nouveau fonds de soutien à la création d'entreprises de presse : sera-t-il également un outil d'accompagnement du secteur vers le numérique ? Comment va-t-il se positionner par rapport au fonds Google et comment sera-t-il financé ?
Ensuite, s'agissant des industries culturelles, je me réjouis, au nom de mon groupe, de la hausse des crédits de la HADOPI à 8,5 millions d'euros, même si cette hausse revient en réalité à une stabilisation, l'institution ayant puisé dans son fonds de roulement pour hisser sa dotation de 2015 – de 6 millions d'euros – au niveau des 8,5 millions accordés en 2016. Sachant également que cette dotation est inférieure aux 9 millions d'euros demandés par l'institution et aux 10 millions dont elle aurait besoin pour effectuer l'ensemble de ses missions légales.
Mais, madame la ministre, quel chemin parcouru depuis la mort annoncée de l'institution en 2012, puis le projet de sa dissolution dans le CSA ! Je note même que vous avez parlé de son efficacité pédagogique en répondant à mes précédentes questions.
Enfin, concernant l'audiovisuel public, je commencerai par noter deux grandes évolutions plutôt positives dans les budgets des organismes de ce secteur.
Le Gouvernement semble enfin respecter ses engagements, en cessant de proposer des niveaux de parts de redevance ou dotations en retrait de plusieurs millions par rapport aux COM des organismes. Et il semble presque en avoir fini avec les prélèvements tous azimuts sur les fonds de roulement des institutions, à l'exception d'Arte France, qui se voit encore prélever 2,8 millions d'euros en 2016.
En revanche, notre groupe ne peut accueillir favorablement la manière dont vous disposez de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE).
L'article 20 du PLF amendé par nos collègues de la majorité augmente le taux de cette taxe et affecte directement le produit de la hausse – 75 millions d'euros en PLF initial puis 140,5 millions après amendement du Gouvernement – à France Télévisions, tout en supprimant l'intégralité de sa dotation. Cette opération a le mérite d'augmenter les recettes du groupe de 25 millions d'euros par rapport au PLF initial et de 2,7 % par rapport à 2015.
Toutefois, derrière cette hausse espérée des ressources, se cachent deux pièges, dénoncés par notre collègue Franck Riester.
Premièrement, le Gouvernement ne respecte pas la volonté du législateur de 2009, qui souhaitait le reversement de l'équivalent de l'ensemble du produit de la taxe à France Télévisions. On admirera ce tour de passe-passe ; madame la ministre, vous attribuez à France Télévisions une partie d'une taxe dont la totalité devrait lui revenir, et il faudrait s'en féliciter ! En effet, supprimer la dotation au groupe tout en gardant le produit de la taxe dans les caisses de l'État était déjà contestable. Mais, dans le même temps, augmenter cette taxe, en dépit d'ailleurs de toutes les promesses gouvernementales, et affecter directement le produit de cette augmentation à France Télévisions, en conservant le reste de la taxe dans le Trésor public, relève d'un raisonnement pour le moins étonnant.
Mais il y a plus problématique. Cette affectation directe fait peser un risque juridique sur l'existence même de la taxe, malgré les arguments que vous avez donnés en séance publique lors de l'examen de l'article 20. Le Conseil constitutionnel et les institutions de Bruxelles ont validé la taxe du fait même de sa non-affectation. Il serait dommage de mettre en péril un dispositif déclaré conforme alors même que France Télévisions a besoin des 25 millions d'euros promis, lesquels ne suffiront pas à compenser son déficit en 2016.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s'abstiendra sur les crédits de la mission.
Je souhaite tout d'abord revenir brièvement sur la situation financière de France Télévisions.
Les dispositions prévues dans ce projet de loi de finances vont permettre d'augmenter les ressources du groupe et de garantir, en tout cas en partie, son indépendance à l'égard du budget de l'État.
Cela va permettre de combler une partie du déficit annoncé ; c'est là une très bonne chose.
Mais il me semble qu'il en va aussi de notre responsabilité de permettre aux médias publics de disposer de ressources leur permettant de remplir, dans de bonnes conditions et dans la durée, leurs missions de service public.
Concernant France Télévisions, si des progrès peuvent encore être faits en matière de rationalisation et de mutualisation des moyens, des alternatives doivent être explorées. Surtout, les économies à réaliser pour endiguer un potentiel déficit ne doivent pas se faire au détriment des salariés.
C'est pourquoi il me semble nécessaire de regarder de près les autres pistes potentielles de financement.
Outre les négociations en cours entre diffuseur et producteurs, je souhaiterais revenir, madame la ministre, sur deux autres points, sur lesquels j'aimerais vous entendre. D'une part, pourquoi ne pas envisager, comme le suggère le rapport des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, de faire évoluer la contribution à l'audiovisuel public vers une « contribution forfaitaire universelle » ? D'autre part, je pense que nous devons être en mesure d'ouvrir à nouveau le débat sur la publicité avec, par exemple, le retour d'une « publicité raisonnable » en soirée, compatible avec les « valeurs du service public ».
On connaît aujourd'hui les effets négatifs de la suppression pure et simple de la publicité sans compensation suffisante. J'insiste : si l'on veut avoir un service public de l'audiovisuel de qualité, il faut lui en donner les moyens dans la durée. Or les mesures prévues dans le PLF demeurent insuffisantes.
La tranche horaire prioritaire où une telle interdiction de la publicité prendrait tout son sens est bien celle des émissions dédiées à la jeunesse, public le plus fragile face aux annonceurs. Au Sénat, une proposition de loi de mes collègues écologistes vient d'être adoptée et propose justement d'interdire la publicité dans les plages horaires consacrées à la jeunesse.
Comme l'a souligné ma collègue Isabelle Attard en commission, ce principe mérite d'être étendu aux différents projets numériques portés par France Télévisions. À ce propos, j'ai bien noté la proposition de Mme Ernotte de développer la vidéo à la demande pour les programmes jeunesse, qui a été mentionnée par notre rapporteur Jacques Cresta. Outre les problèmes d'acquisition de droits, je rappelle que le contribuable paie déjà la contribution à l'audiovisuel public et que cela doit être pris en compte quand on envisage des services payants.
Par ailleurs, je suis satisfaite de voir que le budget 2016 prévoit une nouvelle action de soutien aux médias de proximité qui agissent notamment à destination des jeunes des quartiers prioritaires ou dans les zones rurales à revitaliser.
Le soutien prévu aux radios associatives locales va également dans le bon sens. La diversité des médias est un enjeu pour la vie de la démocratie : on ne le répétera jamais assez.
De façon plus globale, comme l'a montré notre collègue Michel Françaix dans son rapport, les aides à la presse et aux médias évoluent dans le bon sens, notamment vers un meilleur soutien au pluralisme et à l'émergence de nouveaux médias, qui, je l'espère, sauront rester innovants et indépendants.
Mais beaucoup reste encore à faire.
Je rejoins le rapporteur sur le besoin de mieux cibler les aides postales, notamment sur l'IPG, et sur l'intérêt que peut représenter la création d'une nouvelle catégorie de presse du savoir et de la connaissance à côté de la presse de loisirs.
Les évolutions des aides au portage doivent aussi s'inscrire en cohérence avec ces évolutions.
Comme notre rapporteur, il me semblerait utile de disposer d'un premier bilan des réformes déjà engagées – je pense par exemple à l'harmonisation des taux de TVA entre presse papier et électronique.
D'ailleurs, la transition vers le numérique demeure encore pour ce secteur un enjeu.
Je souhaite aussi vous interroger sur le financement de la HADOPI, qui est en très forte hausse. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les missions nouvelles à l'origine de celle-ci ?
Par ailleurs, continuer à travailler sur l'épineuse question de la chronologie des médias me semble essentiel. Disposer d'une offre de qualité, rapidement accessible et à des tarifs acceptables et abordables pour tous peut être déterminant pour favoriser l'offre légale. Les progrès à faire sont encore énormes.
Cette question de la chronologie des médias est pour moi très importante, y compris pour la filière cinématographique, ce qui m'amène à saluer le rapport de Virginie Duby-Muller sur les salles de cinéma à l'heure du numérique.
De façon globale, je partage l'inquiétude de la rapporteure face au risque que représente la fragilisation des salles d'arts et d'essai, qui contribuent à notre richesse culturelle. D'autant que le maintien de ces salles est aussi un enjeu de maillage territorial et donc d'équité territoriale.
Pour conclure, nous voterons ce budget qui, si on fait abstraction de la HADOPI, va dans le bon sens et prolonge avec cohérence la volonté de renforcer ces secteurs cruciaux pour notre culture et notre démocratie.
Le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est globalement stable. Les crédits dévolus à la presse bénéficient d'une enveloppe constante par rapport au budget 2015 et le programme 334 « Livre et industries culturelles » est en progression.
De même, globalement, les financements aux sociétés de l'audiovisuel public sont stabilisés sur la période 2015-2017.
Mais, au-delà des seules questions budgétaires, j'aimerais insister sur la nécessaire accélération de la mutation numérique de ce secteur stratégique pour l'économie et la démocratie de notre pays. Il faut hâter le pas. Notre pays a été trop frileux concernant l'essor du numérique, pourtant inéluctable, en le percevant parfois même comme un frein à la vitalité économique des secteurs de la presse, du livre et des industries culturelles, ou dans l'audiovisuel public, comme le souligne le rapport de Jacques Cresta, qui marque une volonté d'agir de manière plus globale et efficace.
Les nouvelles technologies de l'information nécessitent une refonte des modèles économiques et de la politique éditoriale. Le rôle du Gouvernement est donc d'accompagner cette mutation par une politique innovante et audacieuse. La presse doit faire l'objet d'une attention particulière. Google l'a bien compris avec son fonds en faveur de l'innovation ; on ne peut lui déléguer cette responsabilité. Les pouvoirs publics ont des actions à mener.
L'érosion rapide de la diffusion papier ne signifie pas la fin d'une presse de qualité. Le numérique peut contribuer à une bonne information et à un pluralisme renforcé. Il revient aux acteurs de la presse de faire les efforts nécessaires pour répondre à ces défis. L'État doit orienter cette évolution pour préserver le pluralisme, garant de la démocratie.
Le Gouvernement a pris des mesures positives : la TVA à 2,1 % sur la presse en ligne et une légère réorientation des aides directes vers l'innovation dans la presse. Il poursuit aussi un soutien à la diffusion papier de la presse avec l'aide au portage et au transport postal.
Cependant, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le fait que s'il existe bien une multiplicité des titres, il y a une tendance à la concentration dans le secteur. Les titres sont souvent détenus par une poignée de grands groupes, qui se portent très bien financièrement et sont la propriété de quelques grands actionnaires dont la presse n'est pas l'activité principale. Aussi, ne pensez-vous pas que certaines de ces aides postales à la presse pourraient être en partie prises en charge directement par ces groupes qui, par ailleurs, bénéficient du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ?
Dans cet esprit, les aides directes doivent être mieux ciblées. Je rappelle que le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste reste très attaché au soutien aux titres ne disposant pas suffisamment de recettes publicitaires. Ils sont indispensables au pluralisme. Nous nous réjouissons d'ailleurs d'une aide supplémentaire de 4 millions d'euros sur ce point.
Assurer l'indépendance politique de la presse est un devoir pour une démocratie moderne, encourager le pluralisme de la presse et la protéger des puissances d'argent le sont tout autant. J'aimerais également, madame la ministre, connaître votre sentiment sur cette question.
Concernant les crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », ils sont en progression.
Je souligne notamment la volonté du Gouvernement de favoriser l'accès du public aux bibliothèques. C'est un bel engagement, qu'il faudra concrétiser avec les collectivités territoriales.
De même, je me félicite du soutien annoncé aux médias de proximité. Il s'agit d'une contribution essentielle au lien social dans plusieurs territoires, notamment ceux de la politique de la ville. Cela est bon pour la démocratie, le savoir et le débat public.
J'espère que ces remarques seront entendues par le Gouvernement. C'est dans cet esprit que notre groupe votera ce budget.
Je voudrais aborder en premier lieu l'audiovisuel public, à un moment où le financement de France Télévisions notamment connaît un virage.
Il n'est pas inutile de rappeler le rôle et l'ambition de l'audiovisuel et de la télévision publics. J'en avais déjà réaffirmé la nécessité lors du débat sur la loi sur la liberté de création en m'étonnant de l'absence de la notion d'audiovisuel public dans un texte traitant de culture – cela a depuis été rectifié. Il est important en effet de rappeler le rôle de l'audiovisuel public dans un moment marqué par des concentrations, qui pourraient un jour fragiliser le secteur public.
Il s'agit d'un vecteur culturel essentiel pour le plus grand nombre de nos concitoyens. Comment ignorer l'apport de cet outil populaire en matière de création et d'accès aux oeuvres, au savoir et à la connaissance ? Il est au coeur de cette exception culturelle à laquelle l'Assemblée nationale a réaffirmé son attachement. Ce n'est pas une marchandise comme une autre.
Je suis certaine qu'il est en mesure de participer au développement culturel de notre pays, de redonner un nouvel essor à notre démocratie, à la citoyenneté et au sens de la politique, si nous abordons son avenir à partir d'une ambition sur le projet au lieu d'une approche uniquement comptable.
En matière de culture ou d'information, les mots contrainte ou limite n'ont pas leur place. Et c'est avec une ambition pour la qualité de l'information dans notre pays que je partage l'objectif d'une chaîne publique d'information en continue, une chaîne qui développe la réflexion et l'intelligence de chacun, favorise une appétence pour la politique en ouvrant de vrais débats et en les nourrissant d'apports riches et variés de la société civile.
On ne peut évidemment concevoir cette chaîne que par la mutualisation des moyens, leur développement et non, simplement, par une mise en commun ne permettant pas de s'orienter vers l'excellence. Il faut aussi envisager de ne pas en rester au numérique, mais d'aller vers la TNT. Cela devra nous faire réfléchir sur l'avenir de l'audiovisuel extérieur, qui est parti sur de mauvaises bases dès l'origine, alors qu'on aurait pu l'adosser à la télévision publique et à Radio France – ce qui aurait permis une audience et un rayonnement beaucoup plus importants.
S'agissant des moyens, il faut veiller à ce que les ressources humaines ne soient pas de nouveau pénalisées dans les années à venir, de manière à retrouver un équilibre à Radio France et à France Télévisions. Or on envisage encore le non-renouvellement d'un poste sur deux dans les trois ans à venir. En se privant de ces ressources, on met en péril la qualité des chaînes publiques.
Sur la presse, je ne vais pas redire mon admiration au sujet des propositions formulées par notre collègue Michel Françaix. Cependant, madame la ministre, j'aimerais que vous nous répondiez plus précisément, non sur les mesures, mais sur le calendrier de leur mise en oeuvre, sachant que nous ne disposons guère de beaucoup de temps.
Concernant les concentrations, a été encore annoncé ce matin le rachat par LVMH du Parisien, regroupé avec Les Échos. Comment s'assurer qu'elles ne se font pas au détriment de la liberté et de l'indépendance des rédactions, de la déontologie et du travail des journalistes ? Quels sont vos moyens d'action en la matière ?
Enfin, je souhaite que la loi sur la protection du secret des sources des journalistes revienne à l'ordre du jour. J'ai une pensée pour Ghislaine Dupont et Claude Verlon, qui ont été assassinés il y a tout juste deux ans, à l'heure où la demande de levée de la classification auprès de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) n'a toujours pas abouti.
S'agissant du portage collectif, le portage à domicile est très important, l'envoi en paquet relevant plutôt de la publicité pour les quotidiens. Je souhaiterais donc que vous répondiez, madame la ministre, à la question posée par M. Françaix dans son rapport : peut-on faire en sorte que le portage collectif soit uniquement destiné au portage à domicile ?
Par ailleurs, le fonds d'aides lancé par Google de 150 millions prévu pour toute l'Europe est très insuffisant – de même que le fonds français correspondant. Nous devrions avoir une initiative européenne. Avez-vous des projets dans ce domaine, notamment avec l'Allemagne ?
S'agissant de France Télévisions, lorsque Mathieu Gallet, président de Radio France, a laissé entendre que les podcasts pourraient être payants à terme, l'ensemble de nos collègues s'est élevé, je pense, contre une telle mesure, car ces pratiques participent de quelque chose qui est déjà payé dans le cadre de la contribution audiovisuelle publique. Il n'est pas pensable qu'elles puissent être de nouveau payantes. J'aimerais donc vous entendre à nouveau sur ce sujet.
L'examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » nous permet de noter la grande stabilité des crédits accordés aux différents opérateurs qui en relèvent, tels que France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, TV5 ou l'INA.
En effet, les crédits octroyés pour 2016 ont été reconduits à des montants équivalents à ceux de 2015, voire, pour certains opérateurs, légèrement revus à la hausse.
Cette stabilité est la preuve que le Gouvernement souhaite que soient consolidés et pérennisés les crédits des acteurs de l'audiovisuel public, mais aussi la place et la force de celui-ci face à la concentration des médias à laquelle nous assistons.
Mme Ernotte, que la Commission des affaires culturelles a en effet auditionnée mercredi dernier, s'est engagée à faire du retour à l'équilibre une de ses priorités pour France Télévisions. Elle a ainsi montré sa détermination à n'exclure aucune piste pour sortir le groupe de la spirale déficitaire en diversifiant les sources de financement et en augmentant la part de ressources propres, par exemple en rendant payants certains services jusqu'alors totalement gratuits, comme l'accès à la rediffusion de certains programmes. Quelles sont à cet égard les attentes du Gouvernement vis-à-vis de France Télévisions ?
Vous avez, madame la ministre, déclaré être très favorable au projet défendu par Mme Ernotte d'une chaîne publique d'information continue. Quels acteurs l'État souhaite-t-il voir se réunir pour la réussite de cette chaîne ?
Mme Ernotte a déclaré aussi n'avoir aucun tabou en ce qui concerne la publicité et son retour après vingt heures. Certains de nos collègues, eux, souhaitent voir se renforcer le parrainage au motif que le marché publicitaire serait plus volatil et fluctuant. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
Enfin, M. Gallet a, lui aussi, demandé une plus grande ouverture aux soutiens financiers privés via un assouplissement des règles relatives à la publicité et au parrainage, afin d'augmenter les ressources propres de Radio France. Vous avez lancé une consultation sur ce point qui devait se clore hier. Pouvez-vous déjà nous donner quelques éléments de réponse à ce sujet ?
S'agissant de la presse et des médias audiovisuels, je rappelle que ce budget est le premier examiné après l'attentat de Charlie Hebdo et un certain nombre de décisions prises en faveur du pluralisme. Plusieurs évolutions, qui viendront concrétiser les engagements qui ont été pris, montrent bien le souhait du Gouvernement de consolider un secteur très utile pour animer le débat démocratique, mais profondément fragilisé par une crise quasiment existentielle.
Entre ce budget et la loi pour la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, dans laquelle ont été affirmés de grands principes sur la liberté de création, une véritable ambition pour le ministère de la culture a été défendue au cours des derniers mois en matière de soutien aux médias. Ce budget traduit une volonté très forte, qui s'incarne dans une autre priorité : l'indépendance de l'audiovisuel public.
Depuis 2012, le Gouvernement a en effet rétabli celle-ci, que ce soit à travers la procédure de nomination des présidents des organismes, qui est désormais la prérogative d'un collège – dont une partie des membres a d'ailleurs été nommée avant 2012 –, ou en rétablissant l'indépendance du financement du secteur, par l'affectation à ce dernier d'une partie du produit de la TOCE, ce qui est inédit.
Si je comprends que certains veuillent aller plus vite et lui affecter l'ensemble de ce produit, il fallait peut-être y penser au moment où a été décidé, très rapidement et sans étude d'impact, l'arrêt total après vingt heures de la publicité sur France Télévisions sans prendre véritablement en compte l'effet que cela aurait sur le modèle économique du groupe, et ne pas critiquer ceux qui procèdent à cette affectation.
Nous avons eu plusieurs échanges avec les services de la Commission européenne : cette affectation ne posera pas de problème juridique de nature à la compromettre. Et la jurisprudence de la Cour européenne et du Conseil constitutionnel montre bien qu'il est possible d'affecter une partie du rendement de la taxe.
Il est important que nous donnions à France Télévisions les moyens de prévoir ses recettes, ce que ne permet pas tout à fait la publicité. Le retour de la publicité après vingt heures ou la suppression de celle-ci telle qu'elle est proposée par deux sénateurs en journée pendant les programmes destinés aux jeunes montrent qu'elle donne lieu à des recettes aléatoires, dans un contexte économique compliqué. J'ai donc préféré garantir des sources de revenus très stables et pérennes pour l'audiovisuel public, ce que permet l'affectation d'une taxe au rendement assez facile à anticiper – à laquelle s'ajoute le produit de la contribution à l'audiovisuel public. Celui-ci ne dépend plus d'une subvention soumise au bon vouloir du pouvoir exécutif et aux régulations de fin de gestion, qui peuvent fragiliser les prévisions d'activité de l'audiovisuel public. Cette réforme correspond à une véritable logique comme à une véritable ambition d'indépendance du service public.
S'agissant des aides au pluralisme de la presse, le décret est prêt et sera publié dans les jours ou semaines à venir. Une quarantaine de titres – que ce soit des hebdomadaires, des mensuels, des bimestriels ou des trimestriels – devrait bénéficier de cette aide étendue, qui ira aux quotidiens à faibles ressources publicitaires – contre sept jusqu'à présent. Les titres condamnés au cours des cinq années précédentes sur la base des articles 24 et 24 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, relatifs à l'incitation à la violence ou à la haine, ou à l'apologie de crimes contre l'humanité, seront inéligibles à ces aides.
C'est un point auquel je tiens beaucoup, comme vous : les événements de l'an dernier ont montré la nécessité de protéger, y compris physiquement, nos organes de presse. Favoriser la diversité de l'offre, le pluralisme des idées et l'indépendance de la presse est crucial.
Aujourd'hui, plusieurs d'entre vous l'ont dit, nous voyons se dérouler un mouvement de concentration, dans l'audiovisuel comme dans la presse écrite.
Il est important pour nous de disposer d'organes de presse en bonne santé, disposant de moyens financiers, car c'est une condition pour qu'ils trouvent leur public. Mais une trop forte concentration, dans les mains d'actionnaires dont les intérêts économiques sont ailleurs, peut menacer l'indépendance des rédactions. Nous disposons, pour protéger l'indépendance des rédactions et le pluralisme des idées, de divers moyens. Ainsi, afin de traiter notamment de certaines aides indirectes, nous signons des conventions avec les éditeurs : nous pourrions très bien exiger qu'elles comprennent désormais un engagement à signer des chartes relatives, par exemple, à la responsabilité sociale et environnementale. Des discussions sont actuellement en cours, avec des associations de journalistes en particulier, pour que toutes les parties prenantes s'engagent volontairement à garantir l'indépendance des rédactions et le pluralisme des idées.
Dans le domaine de l'audiovisuel, cette réflexion est relativement neuve : jusqu'à présent, on se méfiait plutôt du contrôle des médias par de grands groupes qui détiennent également d'importants marchés publics. Aujourd'hui, les craintes concernent tous les intérêts économiques des actionnaires, ainsi que la capacité de certains annonceurs à faire pression sur le contenu éditorial.
La situation économique du secteur de la presse amène à poser ces questions démocratiques : il est légitime que le ministère de la culture et de la communication s'y intéresse et fasse des propositions. Nous y reviendrons dans les prochains mois.
S'agissant du Fonds stratégique pour le développement de la presse et du Fonds Google, ils ne sont absolument pas en concurrence. Le Fonds Google est une initiative privée, destinée à soutenir des projets innovants ; mais il ne se substitue en rien à l'État. Le Fonds stratégique pour le développement de la presse a quant à lui été complètement réorienté en 2014 vers l'innovation dans la presse : nous avons notamment fusionné ses différentes sections, ce qui a permis de mettre fin au cloisonnement daté entre aides à la presse imprimée et aides à la presse numérique. Je souligne ici que la très légère baisse des crédits affectés à ce fonds – doté cette année de 29,6 millions d'euros cette année, contre 30,4 millions d'euros l'an dernier – est uniquement due à l'extinction au 1er janvier 2016 des aides à la mutation industrielle portant notamment sur les rotatives.
Le comité d'orientation du Fonds a été élargi à des personnalités extérieures spécialistes de la transition numérique, ce qui permet d'ouvrir la discussion entre l'État et la presse à de nouveaux acteurs, qui ont beaucoup à nous apporter, notamment sur la question de la transition numérique. Désormais, la priorité est accordée aux projets mutualisés et technologiquement innovants. Un club des innovateurs, doté d'une enveloppe spécifique de 2 millions d'euros, a été créé en son sein ; il détermine les sujets technologiques transversaux les plus importants pour la filière. Il a lancé un appel à projets sur le thème de l'éducation aux médias.
Encore une fois, il n'y a donc pas concurrence entre le Fonds stratégique pour le développement de la presse et le Fonds Google.
C'est quoi qu'il en soit un vaste champ qui s'ouvre. Monsieur Rogemont, vous m'interrogez sur les réflexions menées à l'échelle européenne – vous savez comme moi que l'Allemagne et l'Espagne cherchent à mettre en place de nouveaux droits voisins, mais que, pour le moment, ces initiatives n'ont pas donné de résultats probants. À mon sens, il faut réfléchir très largement sur le partage de la valeur entre ceux qui produisent des oeuvres culturelles et les plateformes qui bénéficient de ces créations sans jamais participer à leur financement. Cela ne concerne pas uniquement la presse. À l'échelle européenne et pourquoi pas à l'échelle nationale, nous devons réexaminer le statut de ces intermédiaires qui, aujourd'hui, absorbent une part croissante de la valeur : ils ne doivent plus être traités comme des hébergeurs passifs – leur responsabilité extrêmement limitée empêche aujourd'hui de les assujettir à un certain nombre d'obligations. Je ne suis ni contre l'innovation ni contre les services au public – mais le cadre fiscal et réglementaire doit être le même pour tous les acteurs en concurrence.
Nous étudions cette question du statut des hébergeurs avec le concours de M. Pierre Sirinelli, membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Nous ferons prochainement des propositions à la Commission européenne.
En ce qui concerne le portage, monsieur Rogemont, la réforme de 2014 a déjà exclu le portage vers les compagnies aériennes, qui représentait un coût très important. Nous ne prévoyons pas de faire évoluer davantage le système d'aides, mais je note votre suggestion, que j'intégrerai à nos réflexions. Comme l'a souligné M. Françaix, il faut garder à l'esprit que la fragilité actuelle du secteur rend toute réforme extrêmement sensible.
En ce qui concerne la TVA, madame Pompili, vous savez que, depuis le mois de février 2014, le même taux s'applique à la presse en ligne et à la presse imprimée. Vous n'ignorez pas non plus que la Commission considère cette mesure comme contraire aux règles européennes ; une procédure précontentieuse a été ouverte. Le ministère a commandé une étude sur la substituabilité entre la presse en ligne et la presse imprimée, afin d'étayer son argumentaire tant auprès de la Cour de justice de l'Union européenne que des autres États membres. Je vous en transmettrai les conclusions lorsqu'elles nous parviendront.
En ce qui concerne le calendrier des différentes mesures, madame Buffet, le décret sur l'aide au pluralisme sera publié très prochainement – sans doute quelques semaines à peine. Nous publierons à la fin du mois de novembre les arbitrages du Gouvernement sur le transport postal, l'accompagnement de la fin des accords Schwartz et l'année de transition. Les éditeurs concernés auront ainsi une perspective pour les prochaines années. Nous publierons au même moment les grandes lignes de notre plan d'aide aux diffuseurs, récemment annoncé par le Président de la République. Ce plan est indispensable, au regard de la situation très difficile des kiosquiers.
En ce qui concerne la protection du secret des sources, nous avons travaillé avec la Chancellerie, vous le savez, à un projet de loi visant à la renforcer. La loi de 2010 a constitué une avancée, mais la pratique a montré que des clarifications s'imposaient : les journalistes considèrent en particulier que l'atteinte au secret des sources en raison d'un « impératif prépondérant d'intérêt public » peut être appréciée de façon trop large par les tribunaux. Après de nombreux échanges interministériels – car s'il faut garantir la liberté de l'information, il faut également protéger le déroulement de certaines enquêtes sensibles, notamment en cas d'atteinte grave à la sécurité des personnes ou de la nation –, le Premier ministre s'est engagé à inscrire le projet de loi renforçant la protection du secret des sources à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais. Notre travail continue donc.
Je reviens un instant à la question de la concentration pour souligner que l'Autorité de la concurrence a validé les récentes opérations qui ont eu lieu dans le secteur de la presse. Il revient naturellement au Gouvernement de veiller à la bonne application de la législation en la matière, notamment pour garantir le pluralisme de l'information en limitant la domination d'un seul éditeur, soit dans la presse, soit par le contrôle de différents médias. Mais un modèle économique robuste assure la pérennité des titres de presse, et donc le pluralisme. Parallèlement à cette indéniable concentration, nous devons donc continuer à travailler avec les éditeurs et les représentants des journalistes pour renforcer l'indépendance des journalistes et des rédactions.
En ce qui concerne le soutien apporté aux salles de cinéma indépendantes, madame Pompili, j'ai rappelé à l'occasion des vingt-cinquièmes rencontres de L'ARP quelle chance nous avons d'avoir un cinéma admiré dans le monde entier pour sa créativité, son dynamisme et ses succès. Nous avons su, ensemble, construire et faire vivre une politique qui favorise la diversité et le renouveau de la création, l'investissement des entreprises, le développement de savoir-faire de renommée internationale, et enfin, la cinéphilie du public. Cela tient beaucoup à la densité de notre réseau de salles, qui a su se moderniser et entretenir le lien avec le public. C'est exceptionnel : peu de pays ont réussi à combiner multiplexes et salles d'art et essai. Les pouvoirs publics doivent continuer d'apporter leur soutien à ces salles indépendantes, qui sont au coeur du modèle français de diversité culturelle.
Le plan de numérisation des salles, auquel le Parlement a apporté son appui, a été mené à bien. Notre action doit continuer. L'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) étoffera ses dispositifs en faveur de l'exploitation ; le CNC agit en faveur du cinéma d'art et essai ; enfin, des discussions sont en cours entre exploitants et distributeurs afin que les conséquences de l'introduction du numérique sur la diffusion des films soient mieux prises en considération. Vous le voyez, nous sommes très mobilisés, et vous pouvez compter sur nous pour que notre extraordinaire réseau de salles de cinéma continue d'irriguer notre territoire.
En ce qui concerne la chronologie des médias, c'est un pilier de l'exception culturelle : elle constitue la contrepartie du préfinancement, qui est à son tour la condition de la diversité du cinéma, et qui doit donc être protégé. Mais il est également indispensable de favoriser la diffusion des oeuvres. Des discussions pour parvenir à un équilibre satisfaisant sont, là encore, en cours ; j'ai bon espoir qu'elles aboutissent rapidement.
En ce qui concerne enfin l'extension des types d'annonceurs sur Radio France, madame Martinel, la consultation a été prolongée de quelques jours ; il est donc trop tôt pour vous répondre. L'objectif d'une telle modification du régime publicitaire serait de sécuriser – juridiquement et financièrement – la publicité sur Radio France.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-sept heures.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale