Mon intervention portera essentiellement sur la situation de l’enseignement du français à l’étranger et sur la baisse annoncée des crédits alloués à l’AEFE et aux bourses scolaires, pour la troisième année consécutive.
Ainsi que l’a rappelé le ministre des affaires étrangères lui-même en commission élargie, le budget de l’AEFE diminue de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Or, le réseau qu’anime l’Agence est unique au monde : implanté dans 136 pays, il scolarise 340 000 élèves, dont 60 % sont étrangers et 40 % français.
Le Président de la République avait fait de la jeunesse l’un des principaux axes de sa campagne, et de l’éducation l’une de ses priorités. Je rappelle que le budget de l’éducation est aujourd’hui le premier poste du budget de l’État. À cet égard, il n’y a aucune raison d’établir une distinction, voire une discrimination entre la jeunesse qui vit dans l’hexagone et celle qui est établie à l’étranger. À l’heure où les frais de scolarité dans les établissements français à l’étranger ne cessent d’augmenter, comme l’ont montré Philip Cordery et Claudine Lepage dans leur rapport, cette baisse du budget pénalise les familles. Certaines se voient contraintes de retirer leurs enfants des établissements français pour des raisons financières. Cette baisse affaiblit également la capacité d’action de l’Agence elle-même, face à des interlocuteurs locaux parfois tentés par une rupture des liens avec la France, comme l’illustrent des tentatives récurrentes de déconventionnement notamment en Amérique latine, ma circonscription, à Mexico et, plus récemment, à Montevideo et à Rio de Janeiro.
L’AEFE est désormais une agence qui n’a plus les moyens de participer aux projets d’agrandissement des établissements, d’accompagner dans leurs projets de développement des partenaires qui, pour l’essentiel, sont des établissements privés. Que se passe-t-il lorsque l’un des partenaires fait défaut financièrement, dans la convention qui lie l’Agence et les lycées ? Les établissements doivent simplement puiser sur leurs fonds propres pour financer leur agrandissement, leur développement. Or, ces ressources sont pour l’essentiel constituées des frais d’écolage, acquittés par les familles. Je le dis pour ceux qui l’ignorent, les établissements participent à la prise en charge d’une partie des salaires des enseignants en contrat résident, assument la rémunération des contrats locaux et, depuis un certain nombre d’années, financent en totalité les politiques de développement des établissements eux-mêmes.
Le constat est donc clair, limpide : l’affaiblissement financier de l’Agence, son désengagement, en quelque sorte, se traduit mécaniquement par une hausse des frais d’écolage. C’est pourquoi la décision de réduire l’enveloppe globale des bourses, alors même que le nombre d’enfants français scolarisés dans le réseau de l’Agence ne cesse d’augmenter, est un double mauvais coup porté à l’enseignement du français à l’étranger, à notre diplomatie culturelle et d’influence. Il met d’autant plus en difficulté les familles que celles-ci sont pénalisées par la réforme du barème d’attribution des bourses scolaires de 2013, bourses dont on propose de baisser le montant de plus de 10 millions d’euros cette année. Nos compatriotes sont ainsi victimes d’un effet de ciseau : d’un côté, des frais de scolarité qui augmentent sans cesse du fait du retrait de l’État, de l’autre une dotation en recul des bourses scolaires.
Ces dernières années, dans un contexte économique difficile, l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger avait obtenu la sanctuarisation de son budget. Grâce à cette mesure, elle avait pu remplir, parfois difficilement j’en conviens, les missions qui lui incombaient et maintenir ainsi dans le monde un réseau d’excellence unique et reconnu de tous. Aujourd’hui, brutalement et sans concertation, en raison des baisses budgétaires auxquelles elle est astreinte, elle va procéder, au titre de la contribution exceptionnelle demandée par l’État, à un prélèvement sans précédent de plus de 20 millions d’euros sur les fonds de roulement des établissements en gestion directe, abondés par les frais de scolarité payés par les familles. Cette décision a été prise alors que la grande majorité des structures concernées avait déjà élaboré leur budget. Mise devant le fait accompli, la communauté éducative a fait part de sa surprise et de son mécontentement.
Ce budget n’est pas tenable, et vous pouvez vous sentir concerné, monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes un ancien élève d’établissement français à l’étranger, le lycée de Berlin, où vous avez passé votre baccalauréat. Il sape l’avenir de notre jeunesse à l’étranger. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une pétition circule aujourd’hui, qui réunit les signatures d’une centaine d’élus consulaires, de toute appartenance, représentant au plus près nos concitoyens établis à l’étranger et au fait de leurs préoccupations. Il serait temps que la majorité tienne compte de ces revendications, car ce budget n’est pas acceptable. Concernant l’enseignement du français à l’étranger, il ne permet pas à la jeunesse de France de se projeter vers l’avenir dans de bonnes conditions.