Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 5 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Mission gestion des finances publiques et des ressources humaines

Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique :

Deuxièmement, il faudra engager une négociation sur la protection sociale des salariés du public incluant la question du jour de carence. Lorsque cette disposition a été instaurée, des maires ont négocié avec des assureurs mutualistes, coopératifs ou privés. Il en a résulté, pour les municipalités concernées, une augmentation de la dépense comprise entre 8 et 12 euros par salarié et par mois. Par conséquent, si vraiment vous voulez établir un strict parallélisme – ne serait-ce que pour 77 % des fonctionnaires –, vous obtiendrez une augmentation de la dépense comprise entre 8 et 12 euros par salarié et par mois. Bref, vous ne ferez pas d’économies.

Le jour de carence est donc une sorte de refrain qui oppose les Français les uns aux autres sans argument. Il n’a pas la moindre justification budgétaire, à moins de dire que les fonctionnaires sont des privilégiés, qu’ils sont tout le temps malades et qu’ils restent payés lorsqu’ils le sont, ce qui n’est pas vrai non plus ! À force de créer des tensions entre les personnes, on fait le lit des populismes – ces populismes que vous détestez, je le sais bien, mesdames et messieurs les députés de l’opposition.

Nous avons bien entendu déterminé les secteurs où l’on observait le plus grand nombre de jours de travail. La fonction publique hospitalière est la plus touchée, dans les services des urgences, dans les blocs opératoires et dans les maternités, c’est-à-dire là où existe effectivement une surcharge de travail et où nous ne pouvons pas créer de postes parce que nous avons décidé, ensemble et en responsabilité, d’encadrer l’ONDAM – objectif national des dépenses d’assurance maladie – et la dépense publique de nos hôpitaux.

Dans ces services, la qualité de vie au travail est un vrai sujet. Du reste, si l’accord sur la qualité de vie au travail que nous proposions n’a pas été signé alors qu’il convenait, je crois, à toutes les organisations syndicales, c’est parce qu’il ferait aujourd’hui sourire dans les hôpitaux français tant il est en décalage avec la réalité de ce que vivent nos fonctionnaires.

J’ai mené campagne en janvier dernier pour combattre ces clichés. Qui osera dire à un policier que la suppression du jour de carence accroît l’insécurité ? Qui osera soutenir son rétablissement devant un infirmier ou un agent de la fonction publique hospitalière, devant le fonctionnaire qui, à cinq heures et demie du matin, déblaie les routes, devant celui qui doit avoir fini la tournée de ramassage des ordures ménagères avant que les gens ne sortent, de manière à éviter les bouchons ?… Ça suffit, ces clichés qui ne reposent que sur la volonté de mettre à part une catégorie de personnes par rapport aux autres !

Je pense, moi, que c’est un honneur de servir l’État, pas forcément un privilège. Et, pour aller au bout du raisonnement, je rappelle que le statut de la fonction publique ne garantit pas l’emploi : il garantit simplement la carrière. Si l’on supprime des emplois, ce qui sera le cas et ce que vous n’avez pas manqué de me rappeler en commission, dans telle région, dans tel département ou au sein de l’État – et l’on sait que certaines directions connaîtront des suppressions massives –, il faudra que le fonctionnaire dont l’emploi est supprimé accepte d’aller ailleurs. Le choix ne lui est pas laissé. N’ayant pas droit à la rupture conventionnelle, il lui faut accepter la mobilité.

Ce jeu dangereux doit cesser. Permettez-moi de terminer sur ce point avant de parler des économies globales. Je répète souvent que la fonction publique n’est pas ce qui fait la solidité de l’État, mais ce qui fait la solidité de la nation. Lorsque l’on pense nation, comme ce fut le cas à partir de 1945, lorsque l’on a mieux écrit le rôle de la fonction publique dans la nation française, on évite ce genre de remarque qui déstabilise la nation.

Vous nous reprochez enfin d’avoir augmenté la masse salariale de l’État. Je rappelle les 60 000 postes supplémentaires à l’éducation nationale, mais aussi les postes de policiers et les recrutements de militaires demandés par tous, y compris sur les bancs du groupe Les Républicains : il faut y faire face. Avant 2012, du temps de la RGPP – révision générale des politiques publiques –, beaucoup de mesures catégorielles ont été prises au nom du fameux principe « moins de fonctionnaires mieux payés ». Il en a résulté un coût de 550 millions d’euros par an. Que je sache, il s’agissait aussi de dépense publique. Si vous ne voulez pas regarder ces chiffres en face, regardez au moins ceux d’aujourd’hui. Nous sommes plutôt fiers de ce que nous réussissons à faire, et vous, vous devriez être fiers de la fonction publique française !

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