Les collectivités territoriales sont une richesse pour notre pays. Alors qu'elles sont les premiers investisseurs de France, porteurs de croissance, ce budget menace clairement leur capacité d'investissement.
Je m'honore d'avoir préconisé, à l'époque où j'appartenais à la majorité, une baisse lente et continue de 1 % à 2 % par an de la DGF. Je m'étais fait agonir, au-delà de l'opposition, par mes propres amis politiques. Je ne suis donc pas de ceux qui disent aujourd'hui que la majorité a tort de réduire la DGF ; je constate seulement que le rythme de cette baisse est insoutenable. Ne vous étonnez pas de l'effondrement des investissements publics qui en découle ! Ils ont reculé de 10 % en 2014, ils auront reculé à nouveau de 10 % en 2015. Ils n'augmenteront pas de 2 % en 2016, contrairement aux estimations du Gouvernement : ils continueront de chuter. Environ une quarantaine de départements sont aujourd'hui en faillite ou disons, car le terme « faillite » est excessif, qu'ils sont en déficit de fonctionnement. Pour ma part, j'espère que mon conseil général refusera d'augmenter les impôts : une commission spéciale nous montrera comment l'État gère mieux que nous nos collectivités.
J'en reviens aux questions de procédure. Elles montrent bien que le Gouvernement ne sait plus où il va. On ne décide pas au dernier moment, en plein débat budgétaire, de différer une réforme que l'on s'apprêtait à voter. Vous n'avez même pas de texte pour remplacer ce qui était prévu, et comme vous n'êtes pas prêts, vous déposerez un amendement ultérieurement. Mais à quoi servons-nous ? Ce n'est plus ce que j'appelle un fonctionnement normal du Parlement. À gauche, à droite ou au centre, je ne suis pas le seul à le penser ; tout le monde partage cette opinion.
Venons-en à l'article 58 auquel le Gouvernement entend renoncer. Le groupe Union des démocrates et indépendants a toujours défendu le principe d'une participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement de nos comptes publics. Nous étions ouverts aux propositions de Mme Pires Beaune et de notre défunt collège du Sénat, Jean Germain. Nous partagions leurs constats, et nous considérons, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi de finances, que « les montants par habitant de DGF sont très hétérogènes et issus de dotations historiques stratifiées, sans que ces différences ne soient toujours justifiées par des écarts de richesse ou de charges ». Rappelons que la DGF est née sous la forme d'une compensation de la suppression de l'ancienne taxe locale sur le chiffre d'affaires. Il ne faut donc pas s'étonner que son montant n'ait rien à voir avec la richesse d'une commune : il suffisait d'avoir de nombreux commerces pour avoir une grosse DGF. Pendant trente ans, elle a ensuite été tripatouillée dans tous les sens au point qu'aujourd'hui l'on n'y comprend plus grand-chose : deux collectivités dans des situations identiques peuvent bénéficier de dotations par habitant totalement différentes sans qu'il soit possible d'expliquer ces écarts.
Pour autant, si la refonte de la DGF est nécessaire, une réforme de qualité exige des bases de travail solides et des simulations fines et exhaustives alors que vous faites preuve d'un certain amateurisme dans la mise en oeuvre de cette réforme.
Le Comité des finances locales (CFL) s'est prononcé à l'unanimité, moins l'abstention de Mme Pires Beaune, pour avertir le Gouvernement qu'il courait à la catastrophe, et lui suggérer de prendre le temps de l'année 2016 pour préparer un texte spécifique. Vous ne nous avez pas écoutés et, aujourd'hui, vous vous êtes plantés, comme disent les jeunes. Après tout, on peut se tromper ; l'essentiel, c'est de le reconnaître.
Nous avons déjà voté en première partie du projet de loi de finances la contribution des communes au redressement des finances publiques pour 1,45 milliard d'euros, et celle des EPCI pour 621 millions d'euros. Nous voulions appeler votre attention sur l'article 58, car nous nous demandons si les villes petites et moyennes ne vont pas être les grandes perdantes de la réforme. Vous avez en effet retenu une puissance cinq appliquée aux critères de population pour protéger les grandes intercommunalités, ce que j'appelle la haute aristocratie, autrement dit les communautés urbaines devenues, pour la plupart d'entre elles, des communautés d'agglomération. Cette grande aristocratie d'Ancien Régime a des privilèges et elle dispose d'une DGF de 150 ou 180 euros par habitant contrairement aux modestes membres du tiers état auquel j'appartiens (Sourires) – je rappelle que je préside une communauté de commune à fiscalité additionnelle.
Il n'est de l'intérêt de personne de continuer ainsi, en tout cas pas de celui des collectivités locales et du peuple français. Le groupe Union des démocrates et indépendants vous invite en conséquence à revenir à la solution que nous préconisions au CFL : retirez vos propositions et travaillons sur le sujet !