Madame Karamanli, vous avez évoqué la nécessité d'établir un lien entre les dotations de l'État et l'effort fiscal des collectivités, ainsi que la possibilité de créer une forme d'indice de pauvreté. Nous avons simulé cette solution, suggérée par un des membres du Comité des finances locales (CFL), mais elle ne répond malheureusement pas à la réalité du terrain. Les indices synthétiques – qui servent au calcul de la DSU et de la DSR – incluent déjà les logements sociaux et des critères de pauvreté ; faut-il prendre ces paramètres en compte deux fois ? Les logements sociaux et le dégrèvement du foncier bâti représentent un vrai sujet et pourraient donner lieu à un autre type de mesure, qui ne s'appuierait pas sur un indice, mais sur une réalité : celle de la compensation du foncier bâti des logements sociaux. J'ajoute enfin que la compensation des dégrèvements de la taxe d'habitation au-delà de 3,44 % des revenus imposables est gérée correctement, même si l'on nous reproche des retards. Prendre en compte les mêmes critères plusieurs fois m'apparaît difficile ; mieux vaut agir par le biais du foncier bâti – ce qu'on ne peut pas encore faire cette année.
Monsieur Poisson, vous nous reprochez les problèmes de terrain qui provoquent la colère des maires en milieu rural. Mais une des associations, bien connue, est favorable à la réforme qui crée une dotation unique par habitant – la même pour toutes les communes, de l'ordre de 70 ou 75 euros – et une dotation de ruralité. En effet, nous avons besoin de terrains agricoles, d'espaces naturels, de sites « Natura 2000 » et d'espaces de protection des captages d'eau, et l'indice tenant compte du nombre d'habitants et de la superficie répondait précisément à la nécessité de garder des espaces non construits. En dehors du nombre d'habitants, la DGF ne comporte qu'un indice de ressources, le bâti ; or il faut arrêter de bâtir sur les terres agricoles. L'indice répond donc à ce double objectif, et j'espère qu'il sera adopté car il en va de notre indépendance alimentaire en 2030, 2040 ou 2050. Aujourd'hui, il n'est plus acceptable de perdre un département tous les dix ans. La dotation de ruralité convenait donc à certains maires ruraux, d'autant qu'on garantissait une aide minimum par habitant.
Je ne reviens pas sur la TVA dite « sociale » ; vous reprendrez sans doute ce débat en séance.
La masse des crédits consacrés aux dotations aux collectivités territoriales est supérieure au montant global de l'impôt sur le revenu payé par les Français, même s'il s'agit de grandeurs comparables. Or ce sont les mêmes foyers qui paient l'impôt local et l'impôt national. Par ailleurs, si l'on veut baisser la dépense publique et diminuer notre déficit sans augmenter la pression fiscale, où trouver les 150 milliards d'euros que d'aucuns réclament très rapidement ?
Monsieur de Courson, vous avez attiré notre attention sur les conseils départementaux. Beaucoup ont oeuvré pour qu'on les maintienne, mais je reste persuadée que la prise en charge des routes par ces instances pose problème. En effet, moins il y a d'habitants, et plus le kilomètre de route par habitant est difficile à financer. On aurait pu imaginer une péréquation à l'échelle régionale, mais nous n'avons pas, collectivement, fait ce choix ; les départements ayant le moins d'habitants se retrouvent donc avec le plus de charges, notamment en matière de voirie.
Pour ce qui est du RSA, nous sommes tout à fait d'accord avec l'analyse du reste à charge ; nous sommes d'ailleurs le premier gouvernement à avoir dit publiquement que le reste à charge des départements était trop important par rapport aux engagements. Le transfert du RSA n'est pas de notre fait, mais nous l'assumons au nom de la continuité de l'État. Aujourd'hui s'ouvre le débat national sur cette allocation, et nous disposons de quatre mois pour le conclure. J'espère que les citoyens vont se l'approprier, car aujourd'hui le Gouvernement, les départements et les parlementaires se renvoient des arguments techniques, tandis que le citoyen ignore que le RSA est en grande partie financé par l'impôt local et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). La vraie question est de savoir qui doit assumer la solidarité : la personne, au travers d'un ticket modérateur ? Sa famille ? Le département – auquel cas il s'agit d'une assiette locale ? L'échelon national, via l'impôt sur le revenu ou la contribution sociale généralisée (CSG) ? J'espère que ce débat ne sera pas reporté, comme d'autres réformes.
Monsieur Alauzet, en fusionnant les fonds de solidarité relatifs aux catastrophes naturelles et aux calamités publiques, nous avons répondu à tous ceux qui avaient besoin de crédits. Il n'y a pas de problèmes de paiement ; les seuls problèmes concernent la procédure et sont traités par le ministère de l'intérieur. Certes, il faut aller plus vite en matière de crédits de paiement, mais c'est plutôt une bonne nouvelle pour les communes touchées. Vous demandez comment les choses doivent se dérouler lorsque des événements de ce type provoquent une atteinte aux biens des collectivités territoriales. Si le montant des dégâts est supérieur à 150 000 euros hors taxes, l'État peut intervenir au titre de la solidarité nationale ; mais lorsqu'il s'agit de dégâts supérieurs à 6 millions d'euros hors taxes, le nouveau fonds pourra être mobilisé immédiatement. Le PLF 2016 doit procéder à la création d'une dotation budgétaire, issue de la fusion des deux fonds, qui s'appellera « dotation d'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques ». Cette dotation doit simplifier et améliorer les procédures d'indemnisation. Aux termes de notre engagement, les crédits inscrits doivent répondre à la projection de l'année qui vient de s'achever dans des conditions difficiles, même si nous espérons ne pas avoir à faire face, l'année prochaine, à autant de catastrophes. Le ministère de l'intérieur vous fera parvenir une note spécifique sur ce sujet, avec des chiffres plus précis.
Je regrette, monsieur Giraud, que vous n'ayez pas été associé aux débats sur la réforme qui ont eu lieu en commission, mais le fonctionnement des groupes politiques – y compris le vôtre – est ce qu'il est, et le Gouvernement ne saurait se charger de désigner leurs représentants.
La question de la DETR est essentielle. Le montant des autorisations d'engagement s'élève à près de 816 millions d'euros, celui des crédits de paiement à environ 666 millions. Avec l'apport de la réserve de crédits de paiement, tous les besoins ont pu être satisfaits à l'euro près. La DETR ne pose donc aucun problème, et tout montant qui ne serait pas versé cette année pourra l'être l'an prochain. Cette dotation a d'ailleurs permis à de nombreuses collectivités de résoudre les difficultés qu'elles rencontraient en raison de la baisse globale des dotations – que je ne nie pas.
S'agissant des communes de montagne et des parcs naturels, il nous est plus facile d'envisager la réalité des collectivités que de raisonner par logarithmes. Un mot tout d'abord sur le calendrier : si la mission parlementaire a perdu du temps, monsieur Poisson, c'est parce que nous souhaitions qu'elle se compose d'un parlementaire de la majorité et d'un autre de l'opposition – en l'occurrence, de la nouvelle majorité sénatoriale. Or, après avoir longuement tergiversé, cette dernière nous a finalement indiqué qu'elle ne participerait pas à la mission pour ne pas se retrouver « pieds et poings liés » – comme si cela pouvait se produire dans le cadre d'une mission parlementaire transpartisane. En clair, nous avons perdu du temps et l'équilibre politique n'a pas été respecté. Cela étant, nous avons travaillé tout l'été, dès la remise du rapport de mission, pour résoudre la difficulté des communes-centre situées au coeur de grands espaces. En nous fondant sur la réalité de leur situation, nous avons donc modifié les paramètres des logarithmes pour veiller à ce que les charges de centralité de ces communes soient mieux couvertes qu'auparavant.
Peut-être aurions-nous pu ne pas mettre en oeuvre le CICE, monsieur Sansu, mais il me semble que personne n'est opposé à la compétitivité de nos entreprises. N'ayant pas mandat pour répondre plus en détail à votre question, je me contenterai de vous indiquer que je soutiens l'ensemble des décisions prises par le Gouvernement.
J'approuve les propos de M. Dussopt concernant le soutien à l'épargne et les capacités d'investissement. Compte tenu du report de l'entrée en vigueur de la réforme, c'est en 2017 que nous réviserons la gestion de la DSU ; je pense qu'il faudra alors étendre l'exonération de contribution au FPIC au-delà des seules communes relevant de la DSU « cible », même si nous devrons hélas apporter à votre proposition la même réponse que l'an dernier. Actuellement, 180 des 280 communes éligibles à la DSU cible sont totalement exonérées de contribution au FPIC, et les 100 autres le sont partiellement, à quoi s'ajoute le premier quart des communes éligibles à la DSR « cible », soit 2 500 communes. Cet état de fait est sans doute l'un des motifs ayant suscité la réforme : aller au-delà reviendrait en effet à mettre le FPIC en difficulté. Il faudra donc trouver d'autres règles, ce que vous pourrez faire en améliorant l'article 58.
Quant aux frais de gestion de la fiscalité locale – sur lesquels, monsieur Dussopt, je vous ferai une réponse plus détaillée par écrit –, je rappelle qu'ils servent à couvrir les dégrèvements. Or, si l'État transfère le produit de ces frais de gestion aux collectivités locales, je vous le dis en toute franchise : il lui faudra trouver ailleurs le financement des dégrèvements – qui est déjà problématique dans certains cas. En clair, ce transfert n'aura pas lieu – en tout cas pas cette année.
J'en viens à la métropole du Grand Paris (MGP). Le ministère a conduit une concertation spécifique sur l'application du FPIC à la MGP, et la présentation générale des travaux s'est achevée le 3 novembre en présence de l'ensemble des représentants qui le souhaitaient et qui ont travaillé à l'ordonnance financière et fiscale. Je précise à M. Ollier que je ne décide pas de la composition des délégations ; je ne fais que les inviter. L'objectif du Gouvernement est d'éviter que la création de la MGP bouleverse le FPIC, car c'est la question centrale qui se pose à chacun. Le consensus obtenu prévoit donc d'appliquer les versements et les prélèvements du FPIC aux établissements publics territoriaux (EPT), c'est-à-dire aux nouveaux territoires du Grand Paris – et non à la MGP elle-même, ce qui aurait été très défavorable sur tous les plans – pendant une période transitoire permettant de bâtir la solidarité métropolitaine, qui dépendra du lissage des taux de cotisation foncière des entreprises (CFE) à l'échelle locale, tout d'abord, puis à celle de la métropole. Cette période transitoire sera assez longue.
En attendant, c'est le choix du niveau des EPT qui produit les résultats les plus cohérents : le solde du FPIC évolue certes négativement pour les territoires les plus riches que sont Paris, La Défense et la communauté d'agglomération de Grand Paris Seine-Ouest, mais dans des proportions soutenables. Il évolue positivement pour toutes les autres. D'un solde négatif de 2 millions d'euros, le territoire des aéroports passera ainsi à un solde positif de 4 millions ; idem pour l'EPT de Grand Paris Est, dont le solde négatif de 8,5 millions se transformera en solde positif de 600 000 euros, et celui d'Est-Ensemble, qui passera de 6 à 7 millions en solde positif. Tous ces chiffres vous seront précisément communiqués avant l'examen du texte en séance publique – y compris par commune – mais, en tout état de cause, les cas les plus difficiles ont été traités dans de bonnes conditions et chacun s'est satisfait des résultats obtenus.
Les résultats de ces travaux, qui durent depuis plusieurs mois, auraient pu être affectés par la réforme de la DGF. Nous avons donc envisagé, comme le rappelait Mme Kosciusko-Morizet, d'appliquer la réforme à l'échelle de la MGP mais, en dépit du statut particulier de la métropole, la porosité des fonds entre structures pose un problème d'ordre constitutionnel. Le mécanisme ne pourra pas être mis en place dès 2016. Une difficulté demeure en outre concernant les communes dont les attributions de compensation sont, pour une raison ou pour une autre, supérieures au montant de la fiscalité économique transférée à leurs EPCI. Sans doute faudra-t-il prévoir, comme le faisait la loi NOTRe – qui n'est donc pas entièrement mauvaise, monsieur Ollier… – de réduire progressivement ces attributions de compensation pour aboutir progressivement à une situation de neutralité. En somme, monsieur Popelin, nous proposerons un amendement au projet de loi de finances afin de garantir la continuité du dispositif tout au long de la période transitoire. Ainsi, la MGP ne subira pas un passif éternel, y compris lorsqu'elle aura dans quelques années récupéré le produit de la fiscalité économique. Le résultat final, toutefois, est le suivant : il y a peu de moyens. Nous le savions et l'avions prédit bien en amont. C'est pourtant le choix – insatisfaisant – qu'ont fait 94 % des élus du Grand Paris. Nous vous fournirons naturellement toutes les simulations budgétaires dont nous disposons.
À Mayotte, monsieur Aboubacar, nous sommes nombreux à avoir constaté l'extrême difficulté d'appliquer certaines règles fiscales. Ainsi, comment asseoir la fiscalité sur les propriétés, comme c'est le cas dans toutes les communes de France, lorsqu'il n'existe pas de cadastre ? C'est pour répondre à ces difficultés que les communes mahoraises ont bénéficié de mesures favorables concernant la DGF et les fonds de péréquation, et qu'elles sont exonérées de contribution au redressement des finances publiques de 2014 à 2017. On ne saurait faire autrement que de renforcer au sein de la DGF la péréquation en faveur des communes de Mayotte. De même, la création d'EPCI y permettra le versement dès 2016 d'une dotation d'intercommunalité qui se traduira par une meilleure gestion des collectivités – dont je rappelle qu'elles sont naturellement des bénéficiaires nets du FPIC. Enfin, je précise que la réforme de la DGF prévue à l'article 58 est favorable à toutes les communes d'outre-mer, dont celles de Mayotte.