Intervention de Laurence Rossignol

Séance en hémicycle du 6 novembre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Santé

Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, messieurs les députés, ce projet de loi de finances est discuté simultanément au projet de loi de modernisation de notre système de santé, que votre assemblée examinera prochainement en nouvelle lecture. Il en traduit les grandes orientations.

Ce projet traduit la priorité accordée au renforcement de la prévention, qui est l’un des piliers de la modernisation de notre système de santé. La préservation des crédits dédiés à la prévention est un choix politique fort dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Les crédits de prévention de la mission « Santé » sont maintenus sur toute la durée du triennal au niveau de la loi de finances de 2014, soit 162 millions d’euros ; 130 millions d’euros sont mobilisés au profit des fonds d’interventions régionaux.

Il s’agit, concrètement, d’encourager les comportements favorables à la santé dans les domaines de la prévention des maladies chroniques, de la nutrition, de la lutte contre l’obésité, ainsi que de la prévention des pratiques addictives et de la santé environnementale, en fonction des caractéristiques sanitaires et sociales des territoires.

Cet effort en faveur de la prévention est prolongé par les ressources qu’apporte l’assurance maladie d’une part aux montants consacrés au Fonds d’intervention régional par les agences régionales de santé, à hauteur de 220 millions en 2015, d’autre part au Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire – FNPEIS –, dont les dotations atteindront 455 millions en 2017.

La priorité que nous attachons aux actions de prévention se traduit aussi, je tiens à le rappeler, sur le versant de l’autre loi financière pour 2016, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, non seulement avec l’extension de la gratuité des examens de dépistage et de surveillance intégrale aux femmes ayant certains antécédents familiaux de cancer du sein, qui doivent faire l’objet d’une surveillance spécifique, mais aussi avec la mise en place d’une approche innovante de prévention de l’obésité chez les enfants à risque, conjuguant l’intervention de professionnels tels que des diététiciens et des psychologues et un bilan d’activité physique, ou avec la prise en charge de l’intégralité du parcours de contraception des mineures.

Les crédits de prévention sont ainsi intégralement préservés de l’effort demandé au programme budgétaire 204, qui porte essentiellement sur les opérateurs. Cet effort est significatif. Sur la durée du triennal, les agences sanitaires sont mises à contribution à hauteur de 1 % de leurs dépenses hors rémunérations. Mais ces économies ne sont pas le fruit d’une politique de rabot. Parce que nous avons refusé ce qui aurait été une facilité, c’est par la transformation de notre système sanitaire que nous réalisons les économies.

S’agissant des agences sanitaires, le projet de loi de modernisation de notre système de santé crée une Agence nationale de santé publique, qui reprendra les missions actuellement exercées par trois opérateurs. Cette réforme permettra d’améliorer l’efficacité de la réponse aux risques sanitaires, d’aboutir à une approche intégrée de la santé publique et de réaliser des synergies.

Afin de laisser aux trois agences qui fusionnent le temps de transition nécessaire, et afin que la future agence ne soit pas seulement la juxtaposition de trois entités, mais un établissement efficient disposant d’une réelle cohérence d’ensemble, aucune ponction sur les réserves et sur les effectifs ne leur sera demandée en 2016. Nous sommes, vous le voyez, à l’opposé d’une logique de rabot.

Contribuer aux efforts d’économie tout en finançant nos priorités, c’est également le sens de notre action au sein du programme budgétaire 183, qui assure la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale.

Avant d’en venir au financement de l’aide médicale d’État – AME –, je tiens à rappeler que l’État a rétabli depuis 2015 sa contribution au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – FIVA –, ce qui permettra de réduire les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation.

Le Gouvernement vous propose également de permettre de mettre fin aux situations douloureuses qui ont résulté des évolutions de la jurisprudence sur l’indemnisation de certaines victimes par le FIVA. Je vous propose l’abandon des créances résiduelles du FIVA vis-à-vis des victimes de l’amiante ou de leurs ayants droit qui avaient bénéficié d’un trop perçu du fait des évolutions de la jurisprudence, et pouvaient légitimement penser à une renonciation des fonds à recouvrer. Je présenterai également un amendement abondant le FIVA pour compenser les conséquences de cette décision.

J’en viens à présent à l’aide médicale d’État, en commençant par remercier Christophe Sirugue et Claude Goasguen pour leurs travaux sur le dispositif.

Je rappellerai tout d’abord pourquoi nous ne pouvons pas suivre les amendements, aussi nombreux que récurrents, que dépose l’opposition sur le sujet.

Cette dépense est nécessaire, à la fois parce qu’elle correspond à nos valeurs, mais aussi parce qu’elle permet de prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l’urgence. La durée moyenne de séjour et la prévalence de certaines pathologies sont en effet bien plus élevées pour les soins urgents que pour l’AME dite de droit commun. Comme le souligne très bien Christophe Sirugue, la proposition consistant à limiter l’AME aux soins urgents et prioritaires, loin de favoriser la régulation de la dépense, occasionnerait un recours aux soins hospitaliers plus tardif et donc plus coûteux.

Cela ne signifie pas pour autant que l’AME est exemptée de l’effort d’économies. Les rapporteurs le rappellent : la réforme de la tarification hospitalière a conduit à une réelle économie, évaluée à 60 millions d’euros et intégrée dans la construction budgétaire pour 2016. Nous avons par ailleurs demandé au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie d’intensifier le contrôle qui s’exerce lors de l’ouverture des droits ; cela vaudra pour l’AME comme pour d’autres prestations, pour les bénéficiaires comme pour les professionnels de santé.

J’en viens au montant de la dépense consacrée à l’AME, car il est nécessaire de rappeler la vérité des chiffres. Pour 2016, nous prévoyons 700 millions d’euros pour l’AME : on est donc très loin des chiffres avancés par certains.

Cette évaluation repose sur une budgétisation crédible, fondée sur plusieurs hypothèses : une progression tendancielle des effectifs de 5 %, comme les années précédentes ; un niveau de dépenses par individu stable, comme cela a été constaté ces dernières années, en partie du fait des mesures d’économies réalisées sur les tarifs hospitaliers ; les conséquences de la réforme du droit d’asile, qui, grâce à une instruction accélérée des demandes, va permettre de réduire le nombre de personnes déboutées du droit d’asile demeurant sur notre territoire.

La dépense prévue pour 2016 se situe à un niveau assez proche de celui constaté en 2013 – 715 millions d’euros – et en 2014 – 722 millions d’euros – et de celui prévu pour 2015 – 735 millions d’euros. L’écart entre la loi de finances initiale et l’exécution devrait être en 2015 bien inférieur aux années précédentes, ce qui montre que nous progressons dans la précision de l’évaluation de la dépense.

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