La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs au conseil et au contrôle de l’État, aux pouvoirs publics, à la direction de l’action du Gouvernement et au budget annexe relatif aux publications officielles et à l’information administrative (no 3110, annexes 8, 13 et 36).
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs, avant de dire quelques mots sur chacune des missions qu’il me revient de vous présenter, permettez-moi de saluer la qualité de nos débats en commission élargie et de rendre hommage au travail accompli par les trois rapporteurs spéciaux, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Marc Le Fur et M. Philippe Vigier. Je tiens à les en remercier, ainsi que l’ensemble des députés qui sont intervenus lors de la commission élargie le 29 octobre.
Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » resteront stables entre 2015 et 2016, à hauteur de 500 millions d’euros. Cette stabilité est le résultat des efforts de maîtrise des dépenses réalisés par les juridictions administratives, les juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental et le Haut Conseil des finances publiques.
Une telle stabilité des crédits est d’autant plus remarquable que les institutions que je viens de citer ont une activité souvent intense. À cet égard, je relève que le contentieux administratif augmente en moyenne de 6 % par an. Cette très forte croissance s’explique, comme l’a très justement souligné Philippe Vigier, rapporteur spécial, par l’augmentation des contentieux sociaux, à commencer par celui du droit au logement opposable. Pour y répondre, trente-cinq équivalents temps plein supplémentaires sont recrutés chaque année depuis 2015.
L’activité de la Cour des comptes progresse également. Le législateur lui a en effet confié de nouvelles missions, notamment la certification des comptes des collectivités locales. L’expérimentation de cette mission, confiée à la Cour par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, se met peu à peu en place.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » connaît elle aussi une stabilité remarquable de ses crédits, alors que le financement de dépenses nouvelles est à prévoir, notamment pour préparer le déménagement dans l’ensemble immobilier Ségur-Fontenoy, dès l’été 2016, de la CNIL et du Défenseur des droits.
Cette mission bénéficiera de cinquante-neuf équivalents temps plein supplémentaires en 2016. Ces recrutements traduisent les priorités du Gouvernement puisqu’ils sont destinés à sécuriser les systèmes d’information de l’État, à mettre en oeuvre la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui crée la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, pour laquelle je proposerai à votre assemblée un amendement d’ajustement budgétaire, et à protéger les droits et libertés, puisque quinze équivalents temps plein sur cinquante-neuf seront affectés à la CNIL, au Défenseur des droits et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
À périmètre constant, le schéma d’emplois de la mission est cependant négatif, avec vingt-huit équivalents temps plein en moins, soit une baisse de 1 % par rapport à 2015.
En 2016, commencera également la mise en oeuvre de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions. La restructuration des secrétariats généraux pour les affaires régionales s’effectuera grâce à un accompagnement personnalisé des agents, dans un souci d’égalité des territoires au sein des nouvelles régions.
Quant à la mission « Pouvoirs publics », elle concerne les crédits de nos institutions et vous me permettrez de ne pas vous présenter les budgets des assemblées et des chaînes parlementaires. M. Marc Le Fur souligne avec raison dans son rapport la gestion exemplaire opérée par la Présidence de la République. Grâce aux économies réalisées depuis 2012, le budget de l’Élysée a substantiellement diminué, passant de 112,3 millions en 2011 à 100 millions d’euros depuis 2014. Je crois qu’il s’agit là d’un signal fort de l’exemplarité de nos institutions, dont nous pouvons tous nous féliciter.
Tels sont, représentés à grands traits, mesdames, messieurs les députés, les crédits des trois missions que le Gouvernement vous invite à adopter ce matin.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec une satisfaction toute particulière que j’ai pris connaissance du rapport de notre collègue Marc Le Fur sur le budget de la Présidence de la République.
Son rapport salue les multiples efforts d’économie réalisés, au point de souligner que cette rigueur budgétaire semble avoir trouvé ses limites sous peine d’obérer le bon fonctionnement de la Présidence de la République. Venant d’un député de l’opposition dont on connaît la pugnacité, ces observations constituent un bel hommage à la manière exemplaire dont François Hollande gère les dépenses de l’Élysée. Je m’y associe sans réticence.
Sourires.
L’opacité a fait place à la transparence. Quel changement depuis 2005 où je dénonçais, un peu seul, l’argent caché de l’Élysée. Aujourd’hui, je formule le souhait qu’avant la fin du quinquennat, le budget de la Présidence soit rendu public intégralement sur internet, comme le pratique l’Assemblée nationale depuis trois ans.
S’agissant de l’Assemblée nationale, je souligne l’ampleur des économies réalisées ces dernières années. J’ai procédé récemment sur mon blog à une analyse de la période 2006-2014, qui fait apparaître une diminution en valeur réelle du budget de l’ordre de 10,5 %, mais ce chiffre global passe à 32 % pour les seules dépenses de fonctionnement et à 8 % pour l’ensemble des dépenses parlementaires : rémunérations, secrétariat, déplacements, téléphone, etc. C’est dire que, contrairement aux idées reçues, l’Assemblée participe activement et efficacement aux efforts d’économie réclamés à nos compatriotes.
Autre pouvoir public, le Conseil constitutionnel.
À la veille de son départ de la présidence, il convient de saluer la gestion exemplaire de Jean-Louis Debré. Pour la septième année consécutive, la dotation réclamée à l’État est en diminution. Sur l’ensemble de cette période, la baisse en valeur réelle compte tenu de l’inflation atteint 26 %.
Au-delà de cette gestion rigoureuse, je voudrais souligner l’attachement sans faille de notre ancien président à l’idéal républicain qui caractérise sa famille depuis que son grand-père, Robert Debré, alors jeune étudiant, découvre l’éthique républicaine avec le combat mené en faveur de l’innocence du capitaine Dreyfus, sur l’initiative de son ami socialiste Charles Péguy.
Dans la mission « Conseil et contrôle de l’État », si bien analysée par Philippe Vigier, je m’attacherai aux juridictions financières, Cour et chambres régionales des comptes. Personnels et budgets sont stables : 1 840 emplois et 214 millions de dépenses. C’est bien, mais il conviendra de s’interroger, comme le fait d’ailleurs le rapporteur spécial, sur les moyens futurs dont la Cour et les chambres devront disposer pour faire face à des attributions élargies.
À cette occasion, on pourra peut-être réexaminer les modalités de détachement des magistrats dans les organismes extérieurs, plus particulièrement dans les cabinets ministériels, dans la mesure où ces détachements, qui concernent tout de même plus du quart des magistrats, soulèvent de multiples questions au regard des conflits d’intérêts, de la neutralité politique et de la déontologie.
Lecteur du rapport public depuis 1965, j’ai relevé l’augmentation sensible de l’activité de la Cour et des chambres régionales. Contrairement là aussi aux idées reçues, les recommandations formulées sont suivies d’effet, dans la proportion de 70 %, nous dit la Cour. Ce chiffre mériterait peut-être d’ailleurs d’être précisé sous l’angle qualitatif car, pour ma part, je regrette que trop de recommandations d’économies structurelles susceptibles de réduire le déficit du budget de l’État – 73 milliards encore en 2015 – ne soient pas retenues par le Gouvernement.
Enfin, concernant les crédits du Premier ministre, qui évoluent au gré d’un périmètre qui se modifie chaque année, ce qui ne facilite d’ailleurs pas l’examen de ce budget, je m’attacherai seulement à la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique, dont on a déjà pu apprécier la rigueur du travail concernant la vérification des déclarations de patrimoine.
La rapporteure spéciale souligne l’augmentation des crédits mais je crains que la prévision budgétaire pour 2016 ne prenne pas en compte les conséquences des textes en cours d’examen, qui vont augmenter de façon sensible le périmètre de la commission puisqu’il y aura environ 5 000 déclarations de patrimoine supplémentaires à examiner. Lors de la création de cette Haute Autorité, nous avions bien prévu de lui fournir les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses tâches. Peut-être faudra-t-il y revenir en cours d’année.
Avec l’avis favorable des trois rapporteurs spéciaux, ces missions ont fait l’objet d’un vote unanime en commission élargie. Il devrait en être de même ce matin. En tout cas, le groupe SRC ne fera pas défaut.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les missions que nous examinons ce matin concourent à l’effectivité, au bon fonctionnement et au contrôle de l’action de l’État.
La mission « Conseil et contrôle de l’État » se décompose en quatre programmes. L’ensemble des dotations budgétaires pour 2016 sont en baisse par rapport à 2015, à l’exception de celles consacrées au Conseil d’État et aux juridictions administratives, dont les crédits augmentent de 4 millions par rapport à 2015.
Plus de 60 % des crédits budgétaires de la mission sont consacrés à la justice administrative, contre près de 30 % aux juridictions financières.
Le Gouvernement prévoit pour 2016 que les délais moyens de jugement seront globalement tenus. Je salue cette ambition de stabiliser, voire de diminuer ces délais, sachant que l’on observe une augmentation préoccupante du nombre d’affaires enregistrées dans toutes les juridictions administratives.
L’activité du Conseil d’État et de ses juridictions administratives est ainsi marquée par la hausse continue du contentieux : en 2014, il y a eu 18 % de recours de plus qu’en 2013 dans les tribunaux administratifs, 7,5 % de plus à la Cour nationale du droit d’asile.
Le contentieux des étrangers est également considérable, et en expansion constante : avec 58 261 requêtes, il a représenté, en 2014, 30 % du contentieux des tribunaux administratifs et 48 % du contentieux devant les cours administratives d’appel. Le rapporteur spécial Philippe Vigier note d’ailleurs judicieusement : « Eu égard au contexte international, on peut penser que cette hausse devrait se poursuivre. » Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement va-t-il faire face à cette explosion des contentieux ?
Le budget du Conseil économique, social et environnemental s’établit à 38 millions d’euros en crédits de paiement, dont plus de 85 % pour les dépenses de personnel. Si je tiens à saluer le travail accompli par le CESE pour rationaliser et rendre plus transparente sa gestion, il convient de s’interroger sur la valeur ajoutée de cette institution.
Quelques mots sur la mission « Pouvoirs Publics » : la stabilisation des crédits alloués à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout comme la réduction de ceux de la Présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, s’inscrit dans une démarche de transparence et de maîtrise des dépenses publiques qu’il faut saluer. Faut-il rappeler que c’est l’ancien Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, qui a permis à la Cour des comptes d’examiner chaque année les comptes de l’Élysée et de rendre publiques ses constatations ?
Les crédits demandés par la Présidence pour 2016 sont de 100 millions d’euros, identiques à ceux demandés en 2015. Pour la première fois, les prévisions de charges de la Présidence ne diminuent donc pas. Cette impossibilité à faire diminuer encore son budget semble montrer que l’effort d’économies a atteint ses limites. De fait, entre l’exercice 2012 et les prévisions pour 2016, les dépenses de la Présidence n’auront baissé que de 1,05 %.
Concernant les assemblées parlementaires, il faut là aussi souligner les efforts de transparence – qui ne sont pas seulement le fait de l’actuelle majorité.
Depuis 1994 pour l’Assemblée nationale, et depuis 2002 pour le Sénat, les assemblées rendent publics les rapports annuels de leur commission spéciale chargée de la vérification des comptes. S’agissant des dotations, elles sont stables : 876,7 millions d’euros en 2015 – 59,1 % pour l’Assemblée nationale, 36,9 % pour le Sénat et 4 % pour la chaîne parlementaire. Pour la quatrième année consécutive, les deux assemblées ont reconduit leurs demandes de crédits aux mêmes montants en euros courants que ceux obtenus pour l’année précédente, consolidant ainsi l’économie de 3 % réalisée sur le budget 2012 sous l’impulsion de Bernard Accoyer. La dotation attribuée à la chaîne parlementaire est, nous devons le reconnaître, assez faible par rapport à l’enveloppe globale : elle s’élève à 35,5 millions, dont 18,8 millions pour Public Sénat et 16,6 millions pour LCP-Assemblée nationale.
S’agissant de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’invite le nouveau secrétaire général, qui a pris ses fonctions cette année, à porter une attention particulière au délai de mise en application des lois et de transposition des directives européennes.
La réforme territoriale va impliquer des coûts de redéploiement des administrations. Or nous constatons que les prévisions de coût de ladite réforme ne sont pas renseignées. Quel est son pilotage budgétaire et comment le Gouvernement envisage-t-il de financer les dépenses qu’elle induit ?
Enfin, concernant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, nous invitons son président, M. Nadal, à porter un regard particulier au recrutement de ses agents pour que ceux-ci soient garants de la neutralité politique qu’exige la charge de contrôler les responsables politiques et administratifs, et afin de prévenir tout conflit d’intérêts.
Telles étaient aussi les conclusions de mon rapport, au nom de la commission des finances, sur la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure spéciale, les efforts budgétaires entrepris par le Conseil d’État et la Cour des comptes, dont on rappellera qu’ils ne sont pas soumis à régulation budgétaire, sont à saluer. En effet, chacune de ces institutions mène depuis plusieurs années d’importantes réformes structurelles pour diminuer ses dépenses et utiliser de manière plus efficiente l’argent public.
Je tiens à souligner ici même les efforts tout particuliers du Conseil économique, social et environnemental. J’avais déjà, en tant que rapporteur spécial, souligné la nécessité de placer le CESE, jusqu’ici exempté de régulation budgétaire, sous le régime budgétaire et comptable de droit commun. Je me félicite que la politique volontariste du président Delevoye et de ses équipes ait permis de maîtriser efficacement les dépenses. La gestion du CESE est désormais plus rationnelle, assainie et transparente. Je veux insister également sur la profonde réforme de la caisse de retraite des conseillers du CESE, qui permettra de limiter l’érosion du fonds de réserve jusqu’en 2022. Mais tous ces efforts doivent être poursuivis afin de limiter encore davantage les dépenses du Conseil économique, social et environnemental tout en pérennisant son mode de fonctionnement. Il y a aussi la possibilité d’obtenir de nouvelles ressources, notamment par la valorisation du palais d’Iéna.
Concernant la justice administrative, nous pouvons nous satisfaire d’une gestion rigoureuse des dépenses de fonctionnement. Cependant, l’accroissement très fort du contentieux de masse, tel que celui du droit au logement opposable et celui des étrangers, pose de nombreuses questions – pour ce dernier, en lien avec la crise des migrants que connaît actuellement l’Europe, y compris bien entendu la France. Ces sujets ne sauraient être traités de manière cloisonnée.
Sur ces cinq dernières années, le contentieux du RSA a augmenté de 360 %, celui des étrangers de 27 % et le contentieux lié au DALO a presque doublé. Les juridictions administratives arrivent donc à saturation et nous devons, en tant que parlementaires, trouver de nouvelles solutions pour aider notre justice et les magistrats.
Afin de freiner leurs dépenses, les tribunaux administratifs maîtrisent efficacement leurs frais de fonctionnement et d’investissement, la commission des finances a pu le constater. La rigueur en matière de dépenses de fonctionnement est réelle et doit être saluée. Les juges administratifs font également de réels efforts pour modifier leur organisation de travail en faisant appel au télérecours. Même si cette démarche ne pourra répondre, à elle seule, à l’accroissement du contentieux de masse, la dématérialisation des procédures permet, il est vrai, de réaliser des économies substantielles.
Il est important que le Gouvernement suive attentivement cette révolution technologique : elle permet de faire de réelles économies et d’améliorer la célérité des procédures. Ce processus doit être étendu à l’ensemble de l’administration afin de faciliter la vie de nos concitoyens et donner corps au choc de simplification promis par le Gouvernement.
Par ailleurs, comme le suggérait le Conseil d’État en 2008, la généralisation d’un recours administratif obligatoire en préalable au recours contentieux pourrait notoirement diminuer le contentieux de masse et faciliter ainsi la tâche du juge administratif. Néanmoins, une augmentation des effectifs paraît inévitable.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit en commission élargie que vous étiez disponible pour travailler sur ces sujets. J’espère que nous pourrons ensemble, dans les meilleurs délais, avancer. Je crois que ce serait rendre un grand service au Conseil d’État.
La gestion menée par la Cour des comptes et par les juridictions financières relève, elle aussi, de la rigueur et du sérieux. Nous devons ainsi saluer une gestion des ressources humaines adaptée à l’évolution des missions et le regroupement réussi des chambres régionales des comptes, un très bel exemple à méditer. Saluons également, malgré la diminution des crédits budgétaires, le renouvellement des outils informatiques et l’importante réhabilitation des locaux. Cette gestion exemplaire de la Cour démontre que l’on peut faire mieux avec moins.
Enfin, j’avais indiqué en commission élargie que je souhaitais déposer une proposition de loi organique pour que le Haut Conseil des finances publiques ne fasse plus l’objet d’un programme budgétaire à part. Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’y seriez pas hostile. J’espère donc que cette proposition de loi sera suivie par le Gouvernement. Je la déposerai très prochainement. Elle simplifierait l’action de la Cour des comptes.
Le groupe UDI votera évidemment les crédits de cette mission.
J’appelle les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Pouvoirs publics », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisie d’un amendement du Gouvernement, no 239.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour le soutenir.
La Commission nationale de contrôle des techniques de contrôle de renseignement a été créée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Cette commission a vocation à vérifier la légalité et à assurer le contrôle de proportionnalité des demandes et de la mise en oeuvre des interceptions de sécurité.
Dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2016, la CNCTR a initialement été dotée d’un plafond d’emplois de quinze équivalents temps plein et de 1,8 million de crédits inscrit au titre 2. Le décret du 29 septembre 2015 relatif à l’organisation administrative et financière de la CNCTR conduit le Gouvernement à abonder les crédits prévus dans la maquette initiale du budget pour son fonctionnement. En effet, ce décret prévoit que ceux de ses membres qui se consacrent exclusivement à leurs fonctions au sein de la CNCTR perçoivent une rémunération ainsi qu’une indemnité. Sur la base des informations qu’elle nous a communiquées, il s’avère que le président ainsi que trois autres membres de cette commission se consacreront exclusivement à leurs fonctions.
Le montant de 750 000 euros proposé dans l’amendement est donc la traduction des dispositions du décret. Il correspond aux rémunérations, indemnités et contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » de ces quatre membres, dont le président, de la Commission nationale des techniques de contrôle du renseignement. La question du niveau de rémunération de son président a été soulevée lors des travaux préparatoires à notre débat d’aujourd’hui. Je précise que l’article 1er du décret prévoit que le président de la CNCTR reçoit une rémunération de base égale au traitement afférent au premier groupe supérieur des emplois de l’État classés hors échelle. Cette rémunération correspond, je tiens à le souligner, au traitement habituellement versé au président d’une autorité administrative indépendante.
Telles sont les raisons qui amènent le Gouvernement à présenter à votre assemblée cet amendement nécessaire au fonctionnement de la CNCTR.
Ça risque de le devenir !
Sourires.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.
Avant de donner l’avis de la commission, je voudrais exprimer, à titre personnel, un sentiment plus réservé. J’avais d’ailleurs demandé des explications sur cet amendement qui majore effectivement de 750 000 euros les crédits d’origine de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui s’élevaient déjà à 1 827 643 euros.
Je déplore, monsieur le secrétaire d’État, alors que la loi créant cet organisme a été adoptée en juillet 2015 et que la teneur du PLF était déjà forcément connue, qu’on soit dans l’urgence, en dernière minute, obligé de rajouter une telle somme pour rémunérer le président et trois autres membres à temps plein de la CNCTR. Mais je tiens à être fidèle aux débats de la commission et précise donc qu’elle a adopté l’amendement.
Je n’ai pas d’objection au vote de cet amendement, mais j’en profite, monsieur le secrétaire d’État, pour revenir sur ce que je soulignais dans mon intervention concernant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique : nous allons voter prochainement plusieurs textes qui vont augmenter considérablement sa charge de travail.
Or je ne suis pas sûr que le budget prévu l’ait prise en compte. J’appelle votre attention sur ce point car il ne faudrait pas que, faute de moyens, la Haute Autorité ne puisse plus accomplir la tâche que nous lui avons confiée.
Je suis un des représentants de l’Assemblée nationale à la CNCTR – de manière évidemment non rémunérée. Je tiens à dire qu’il ne faut pas mésestimer l’aventure considérable que représente la mise en place de cette institution, la charge de travail qu’elle va avoir et le rôle important qui est le sien. Par rapport à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité qui l’a précédée, ses responsabilités et son champ de contrôle sont sans commune mesure. La montée en charge de ses moyens est donc tout à fait normale.
L’amendement no 239 est adopté.
Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », modifiés, sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative », inscrits à l’état C.
Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » sont adoptés.
Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs au conseil et au contrôle de l’État, aux pouvoirs publics, à la direction de l’action du Gouvernement et au budget annexe relatif aux publications officielles et à l’information administrative.
La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures dix.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la santé (no 3110, annexe 42 ; no 3114, tome II).
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, messieurs les députés, ce projet de loi de finances est discuté simultanément au projet de loi de modernisation de notre système de santé, que votre assemblée examinera prochainement en nouvelle lecture. Il en traduit les grandes orientations.
Ce projet traduit la priorité accordée au renforcement de la prévention, qui est l’un des piliers de la modernisation de notre système de santé. La préservation des crédits dédiés à la prévention est un choix politique fort dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Les crédits de prévention de la mission « Santé » sont maintenus sur toute la durée du triennal au niveau de la loi de finances de 2014, soit 162 millions d’euros ; 130 millions d’euros sont mobilisés au profit des fonds d’interventions régionaux.
Il s’agit, concrètement, d’encourager les comportements favorables à la santé dans les domaines de la prévention des maladies chroniques, de la nutrition, de la lutte contre l’obésité, ainsi que de la prévention des pratiques addictives et de la santé environnementale, en fonction des caractéristiques sanitaires et sociales des territoires.
Cet effort en faveur de la prévention est prolongé par les ressources qu’apporte l’assurance maladie d’une part aux montants consacrés au Fonds d’intervention régional par les agences régionales de santé, à hauteur de 220 millions en 2015, d’autre part au Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire – FNPEIS –, dont les dotations atteindront 455 millions en 2017.
La priorité que nous attachons aux actions de prévention se traduit aussi, je tiens à le rappeler, sur le versant de l’autre loi financière pour 2016, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, non seulement avec l’extension de la gratuité des examens de dépistage et de surveillance intégrale aux femmes ayant certains antécédents familiaux de cancer du sein, qui doivent faire l’objet d’une surveillance spécifique, mais aussi avec la mise en place d’une approche innovante de prévention de l’obésité chez les enfants à risque, conjuguant l’intervention de professionnels tels que des diététiciens et des psychologues et un bilan d’activité physique, ou avec la prise en charge de l’intégralité du parcours de contraception des mineures.
Les crédits de prévention sont ainsi intégralement préservés de l’effort demandé au programme budgétaire 204, qui porte essentiellement sur les opérateurs. Cet effort est significatif. Sur la durée du triennal, les agences sanitaires sont mises à contribution à hauteur de 1 % de leurs dépenses hors rémunérations. Mais ces économies ne sont pas le fruit d’une politique de rabot. Parce que nous avons refusé ce qui aurait été une facilité, c’est par la transformation de notre système sanitaire que nous réalisons les économies.
S’agissant des agences sanitaires, le projet de loi de modernisation de notre système de santé crée une Agence nationale de santé publique, qui reprendra les missions actuellement exercées par trois opérateurs. Cette réforme permettra d’améliorer l’efficacité de la réponse aux risques sanitaires, d’aboutir à une approche intégrée de la santé publique et de réaliser des synergies.
Afin de laisser aux trois agences qui fusionnent le temps de transition nécessaire, et afin que la future agence ne soit pas seulement la juxtaposition de trois entités, mais un établissement efficient disposant d’une réelle cohérence d’ensemble, aucune ponction sur les réserves et sur les effectifs ne leur sera demandée en 2016. Nous sommes, vous le voyez, à l’opposé d’une logique de rabot.
Contribuer aux efforts d’économie tout en finançant nos priorités, c’est également le sens de notre action au sein du programme budgétaire 183, qui assure la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale.
Avant d’en venir au financement de l’aide médicale d’État – AME –, je tiens à rappeler que l’État a rétabli depuis 2015 sa contribution au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – FIVA –, ce qui permettra de réduire les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation.
Le Gouvernement vous propose également de permettre de mettre fin aux situations douloureuses qui ont résulté des évolutions de la jurisprudence sur l’indemnisation de certaines victimes par le FIVA. Je vous propose l’abandon des créances résiduelles du FIVA vis-à-vis des victimes de l’amiante ou de leurs ayants droit qui avaient bénéficié d’un trop perçu du fait des évolutions de la jurisprudence, et pouvaient légitimement penser à une renonciation des fonds à recouvrer. Je présenterai également un amendement abondant le FIVA pour compenser les conséquences de cette décision.
J’en viens à présent à l’aide médicale d’État, en commençant par remercier Christophe Sirugue et Claude Goasguen pour leurs travaux sur le dispositif.
Je rappellerai tout d’abord pourquoi nous ne pouvons pas suivre les amendements, aussi nombreux que récurrents, que dépose l’opposition sur le sujet.
Cette dépense est nécessaire, à la fois parce qu’elle correspond à nos valeurs, mais aussi parce qu’elle permet de prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l’urgence. La durée moyenne de séjour et la prévalence de certaines pathologies sont en effet bien plus élevées pour les soins urgents que pour l’AME dite de droit commun. Comme le souligne très bien Christophe Sirugue, la proposition consistant à limiter l’AME aux soins urgents et prioritaires, loin de favoriser la régulation de la dépense, occasionnerait un recours aux soins hospitaliers plus tardif et donc plus coûteux.
Cela ne signifie pas pour autant que l’AME est exemptée de l’effort d’économies. Les rapporteurs le rappellent : la réforme de la tarification hospitalière a conduit à une réelle économie, évaluée à 60 millions d’euros et intégrée dans la construction budgétaire pour 2016. Nous avons par ailleurs demandé au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie d’intensifier le contrôle qui s’exerce lors de l’ouverture des droits ; cela vaudra pour l’AME comme pour d’autres prestations, pour les bénéficiaires comme pour les professionnels de santé.
J’en viens au montant de la dépense consacrée à l’AME, car il est nécessaire de rappeler la vérité des chiffres. Pour 2016, nous prévoyons 700 millions d’euros pour l’AME : on est donc très loin des chiffres avancés par certains.
Cette évaluation repose sur une budgétisation crédible, fondée sur plusieurs hypothèses : une progression tendancielle des effectifs de 5 %, comme les années précédentes ; un niveau de dépenses par individu stable, comme cela a été constaté ces dernières années, en partie du fait des mesures d’économies réalisées sur les tarifs hospitaliers ; les conséquences de la réforme du droit d’asile, qui, grâce à une instruction accélérée des demandes, va permettre de réduire le nombre de personnes déboutées du droit d’asile demeurant sur notre territoire.
La dépense prévue pour 2016 se situe à un niveau assez proche de celui constaté en 2013 – 715 millions d’euros – et en 2014 – 722 millions d’euros – et de celui prévu pour 2015 – 735 millions d’euros. L’écart entre la loi de finances initiale et l’exécution devrait être en 2015 bien inférieur aux années précédentes, ce qui montre que nous progressons dans la précision de l’évaluation de la dépense.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le budget de la mission « Santé » prévu pour 2016 est en légère augmentation par rapport à 2015 : il atteint 1,26 milliard d’euros. Malgré cette légère hausse de 4 %, sur laquelle vous avez prévu de partiellement revenir en 2017, il s’agit d’un budget extrêmement modeste au regard de l’importance de ses missions.
Ce budget comporte deux volets principaux : la prévention et l’aide médicale d’État pour les soins vitaux à apporter aux étrangers en situation irrégulière.
La prévention est le parent pauvre du système sanitaire français, qui reste toujours très axé sur les soins. Pourtant, prévenir les maladies est, n’en doutons pas, le meilleur traitement à leur opposer ; cela représente de surcroît, pour l’assurance maladie, un important gisement d’économies potentielles.
Le Gouvernement met en avant les plans nationaux de santé publique, contre l’obésité ou le cancer par exemple ; ceux-ci sont en effet une bonne chose et permettent de montrer le volontarisme du Gouvernement dans ces domaines. Toutefois, le volontarisme, s’il est nécessaire, ne suffit pas ; force est de constater que, dans le présent projet de budget, le volet prévention est en baisse – une baisse certes peu importante, mais constante depuis plusieurs années, ce qui est en contradiction avec la volonté déclarée du Gouvernement de développer la prévention dans notre pays.
J’en veux pour preuve l’évolution des crédits de trois actions essentielles dont le budget diminuera en 2016, notamment s’agissant des dépenses d’intervention ; cette basse est continue depuis plusieurs années, et date d’avant votre arrivée au pouvoir. Il s’agit de l’action « Accès à la santé et éducation à la santé », qui vise à corriger les inégalités et à garantir les meilleures chances pour tous face à la maladie, et dont le budget baisse de 5 % en 2016 par rapport à cette année et de plus de 31 % depuis 2010 – première année d’application du nouveau périmètre de la mission « Santé » – ; de l’action « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins », qui regroupe notamment les campagnes de vaccination, de dépistage et de prise en charge des maladies transmissibles, et dont le budget baisse de 14 % en 2016 et de plus de 42 % depuis 2010 ; de l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », dont le budget baissera lui aussi de 13 % l’an prochain, alors même que les maladies chroniques touchent près de 15 millions de nos concitoyens, sont à l’origine de 60 % des décès avant 70 ans et constituent, écrivez-vous dans la présentation de l’action, « un défi pour le système de santé tant sur le plan financier que dans l’organisation des soins ».
Concernant l’aide médicale d’État, nous nous félicitons que le Gouvernement ne cède pas aux injonctions irresponsables d’une partie de la droite et qu’il en augmente le budget, notamment pour faire face à l’afflux de migrants ; cette augmentation explique la hausse globale du budget de la mission « Santé ». L’aide médicale d’État est indispensable, pour au moins deux raisons.
La première est humanitaire. Je rappelle que l’AME concerne des soins urgents ou nécessaires ; en sont ainsi exclus l’aide médicale à la procréation, les médicaments à service médical rendu insuffisant et les cures thermales. Il s’agit donc de soins absolument nécessaires. Doit-on laisser une personne sans soins, quelles qu’en soient les conséquences, parce qu’elle est en situation irrégulière ? Je suis très préoccupée par les réponses que certains de nos collègues apportent à cette question.
La seconde raison est de santé publique, car même si les personnes atteintes sont en situation irrégulière, les microbes et les virus des maladies infectieuses, par exemple la tuberculose ou le sida, se propagent. Traiter les personnes qui en sont porteuses, fussent-elles en situation irrégulière, c’est évidemment préserver l’ensemble de la société. En ce sens, il n’est pas excessif de dire que celles et ceux qui réclament une restriction de l’accès à l’aide médicale d’État font preuve d’irresponsabilité.
Pour conclure, si nous soutenons le Gouvernement dans sa volonté de préserver l’aide médicale d’État, nous ne pouvons admettre la poursuite de la baisse des crédits consacrés à la prévention. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce budget.
La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, les moyens de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016 s’élèvent à 1,25 milliard d’euros, en progression de près de 5 % par rapport à 2015. Le programme 204, consacré aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et à l’offre de soins représente 44 % de ces crédits, tandis que 744 millions d’euros vont à l’aide médicale d’État, dans le cadre du programme 183.
S’agissant du programme 204, je veux dire ici ma satisfaction de voir la France enfin dotée d’une grande agence de santé publique. Ce sera un centre de référence indépendant qui aura pour mission d’éclairer la décision publique, à l’instar des agences d’autres pays qui font autorité en la matière – aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention, au Royaume-Uni le National Institute for Health and Care Excellence, ou encore, au Québec, le célèbre Institut national de santé publique.
Cette nouvelle structure reprendra les missions auparavant assurées par trois agences – Mme la secrétaire d’État l’a indiqué –, mais aussi par la plate-forme « Addictions drogues alcool info service », ou ADALIS, qui sera internalisée ; elle disposera d’un budget de 220 millions d’euros et emploiera plus de 600 personnes. Il est à remarquer qu’en commission élargie, sa création a été saluée conjointement par Claude Goasguen, rapporteur spécial de la commission des finances, et par Bernadette Laclais, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales : c’était un bel instant d’unanimité, avant que la majorité et l’opposition ne se séparent, sans surprise, sur le programme 183 qui traite de l’aide médicale d’État.
Membre de très fraîche date du CEC, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, j’ai pu prendre connaissance du rapport d’information rédigé, à la demande du groupe Les Républicains, par nos collègues Claude Goasguen et Christophe Sirugue sur la mise en oeuvre des conclusions de leur rapport de 2011. Ce rapport, tout comme le rapport initial, est extrêmement riche en informations ; il nous apprend beaucoup sur la réalité de l’AME, en tordant le cou à certaines approximations. J’en reprendrai quelques éléments.
Fin 2014, on comptait 294 300 personnes enregistrées à l’AME – rappelons, ce n’est jamais inutile, que ce dispositif de prise en charge est ouvert aux étrangers en situation irrégulière résidant depuis plus de trois mois de façon ininterrompue sur notre territoire et dont les ressources sont inférieures au plafond identique à celui fixé pour bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire. Les bénéficiaires sont le plus souvent – dans 56 % des cas – des hommes isolés âgés de 20 à 45 ans ; deux tiers d’entre eux sont du ressort des huit caisses de la région parisienne et 40 % relèvent des caisses primaires de Paris et de Seine-Saint-Denis. En province, ils sont les plus nombreux à Marseille, à Nice, dans le Rhône et l’Hérault et, hors métropole, en Guyane, qui accueille 6 % du total des bénéficiaires.
Le rapport cite une étude de Médecins du monde portant sur 28 000 patients précaires accueillis en 2010 dans une trentaine de villes françaises, qui nous apprend que 92 % d’entre eux sont de nationalité étrangère et que 50 % sont en situation irrégulière, donc éligibles à l’AME – selon les critères rappelés. Globalement, ils souffrent de retard dans le recours aux soins, avec une couverture vaccinale plus faible ; des risques élevés de tuberculose ont été diagnostiqués chez plus de 1 % des patients dépistés. À la caisse primaire d’assurance maladie de Paris, la tuberculose coûte en moyenne 18 000 euros, en raison de souches multirésistantes plus fréquentes ; or une tuberculose multirésistante coûte cent fois plus cher à soigner qu’une tuberculose ordinaire – d’où l’intérêt du dépistage. L’étude de Médecins du monde note aussi que parmi ces personnes les sérologies positives au VIH et aux hépatites B et C sont en moyenne dix fois plus élevées que dans la population générale et qu’une femme enceinte sur deux a un retard de suivi de sa grossesse.
La dépense moyenne annuelle pour un bénéficiaire de l’AME s’élevait à 2 823 euros en 2014, soit l’équivalent de ce qu’elle était en 2007 – 2 846 euros – et en 2008 – 2 829 euros. Cette stabilité, après une augmentation significative en 2011, est le fruit de la réforme de la tarification des séjours hospitaliers engagée dès 2012, avec un rendement attendu de 60 millions d’euros en 2016. Notons que la prise en charge de certains patients porteurs du VIH qui pourraient bénéficier de la procédure dite « étranger malade » grève indûment le budget de l’AME.
Selon le rapport, la fraude est très marginale depuis la sécurisation des titres en 2010, et les contrôles opérés a priori et a posteriori par les agents de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés n’en ont relevé que cinquante-quatre cas en 2014, pour un préjudice de 130 000 euros.
Je termine en disant ma conviction que l’on peut parler ici de l’AME de façon apaisée. La conclusion des deux rapporteurs s’accorde sur des pistes d’amélioration, mais diverge fondamentalement sur le fond : l’un, le rapporteur spécial de la commission des finances, considère que le système de l’AME est caduc et qu’il faut impérativement limiter la prise en charge ; l’autre estime à l’inverse que le désengagement de l’État se traduirait par un retard dans l’accès aux soins, avec in fine un renchérissement de la dépense et un probable basculement, pour des raisons humanitaires, de la charge financière sur les associations et les collectivités.
Mes chers collègues, la commission élargie a voté les crédits de la mission « Santé ». Cela ne vous étonnera pas que le groupe SRC, conforté par le rapport du CEC sur l’AME, émette également un vote favorable.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial – cher Claude Goasguen –, madame la rapporteure pour avis, nous examinons ce matin la mission « Santé », composée de deux volets : le programme 204, la prévention, et le programme 183, l’aide médicale d’État.
En ce qui concerne la prévention, malheureusement peu suivie dans notre pays, selon l’Institut national de prévention et d’éducation de la santé, un élève sur six déclare à la fin du collège être un fumeur quotidien. La prévention en matière de lutte contre le tabagisme passe nécessairement par une campagne en milieu scolaire. Or chacun sait, madame la secrétaire d’État, que notre médecine scolaire est l’une des plus lamentables d’Europe ! Ce n’est pas le budget du programme 204 qui va combler ce vide…
Un oubli étonnant de ce projet de budget, signalé par ma collègue Isabelle Le Callennec, concerne la consommation de drogues et plus particulièrement celle de cannabis. Aucun document n’en parle ! C’est un réel souci ; dans la présentation de l’action 12, vous évoquez la santé des jeunes et les comportements à risque, mais vous n’abordez jamais clairement le sujet du cannabis – il semblerait que, sur le plan politique, vous soyez divisés sur la question, ceci expliquant peut-être cela. Les chiffres sont pourtant extrêmement mauvais : un jeune sur quatre déclare avoir consommé du cannabis au cours du dernier mois ; 17 % des 18-25 ans ont fumé du cannabis au cours du dernier mois et 4 % sont des fumeurs quotidiens. Pas un mot dans le bleu budgétaire : c’est quand même étonnant !
Un autre sujet, pourtant fréquemment abordé en Europe, n’est pas non plus traité : il s’agit de la pratique sportive, qui permet d’avoir des effets bénéfiques sur le traitement des maladies – je pense en particulier aux personnes souffrant de cancer ou de diabète. En la matière, des politiques audacieuses pourraient s’avérer très utiles, et notre collègue Valérie Fourneyron avait présenté des amendements au projet de loi de santé en vue de rattraper notre retard par rapport aux autres pays européens. Mais l’activité physique et sportive est quelque peu l’oubliée de ce budget.
Vous avez également annoncé un plan triennal pour développer les soins palliatifs. Nous n’en voyons guère la trace dans les documents budgétaires : je voudrais donc que vous nous en disiez quelques mots. Qui plus est, la Cour des comptes vous a indiqué que nous avons beaucoup de retard en la matière ; il faudrait que cela se traduise dans les chiffres !
Je tiens à relayer une demande de notre collègue Bérengère Poletti, concernant le stock de 250 000 vaccins antivarioliques non-réplicatifs de troisième génération réservés aux intervenants en première ligne en cas de menace terroriste, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national.
Nous avons déjà beaucoup parlé de l’aide médicale d’État. Je tiens à saluer Christophe Sirugue et Claude Goasguen pour le travail qu’ils ont accompli sur ce sujet. Claude Goasguen intervient régulièrement sur cette question qui, il faut bien le dire, scandalise nos concitoyens. Tous deux appellent à refondre ce système dont nous n’arrêtons pas de dire qu’il favorise, à l’évidence, le tourisme médical. Les propos qui ont été tenus tout à l’heure vont dans ce sens : il y a évidemment des effets d’aubaine. Une femme enceinte sur deux n’a pas de suivi normal dans son pays d’origine : c’est pour cela qu’elles viennent sur le territoire national. Cela se comprend aisément, et c’est une bonne chose que nos collègues le précisent.
Cette dérive est très importante, comme l’a fait remarquer Claude Goasguen en commission élargie. La dette cumulée est passée à 57,3 millions d’euros : malheureusement, la dérive continue ! La Cour des comptes elle-même indique, dans sa note d’analyse sur l’exécution budgétaire de la mission « Santé » pour l’année 2014, que le dynamisme persistant des dépenses d’aide médicale d’État compromet la soutenabilité de la mission. C’est ce qu’écrivent les sages de la rue Cambon : cela montre bien que ces dépenses dérivent tout à fait !
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un certain nombre de mesures de bon sens avaient été prises, notamment l’acquittement, par chaque bénéficiaire, d’une franchise annuelle de 30 euros. C’était un premier pas ; nous avions ensuite prévu une procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers programmés les plus coûteux. Ce genre de garde-fou était à l’évidence nécessaire. Dès votre arrivée au pouvoir, vous avez tiré un trait sur ces mesures ; il est donc logique que les dépenses d’aide médicale d’État explosent.
Ce budget progresse de 38 %, mais il a été chaque année sous-budgétisé. Les crédits ouverts en 2015 ont été de 677 millions d’euros ; on ne connaît pas le niveau d’exécution, mais on se doute que le Gouvernement a sous-estimé cette dépense. Pour l’année 2016, 744 millions d’euros sont prévus : cela confirme ce que nous soupçonnons, c’est-à-dire que ce budget a totalement explosé ! C’est très regrettable : comme l’a indiqué Claude Goasguen, il faudrait limiter la gratuité aux soins urgents et prioritaires. De plus, alors que l’aide médicale d’État explose, la prévention est quasiment en panne ou en régression en France : on ne peut qu’en être scandalisé, et je crois que nos concitoyens ne le supportent plus.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, avant d’examiner, lundi prochain en commission, le projet de loi de santé, nous nous retrouvons ce matin en séance pour voter les crédits de la mission « Santé » prévus par le projet de loi de finances pour l’année 2016.
Je débats souvent avec Mme Touraine, ministre de la santé et des affaires sociales, et j’avoue ne toujours pas comprendre, trois ans après votre arrivée au pouvoir, quels sont les objectifs du Gouvernement en matière de santé. Vous pourrez lui en faire part, madame la secrétaire d’État. Le projet de loi de modernisation de notre système de santé devait être la grande loi du quinquennat en matière d’organisation de l’offre de soins sur le territoire. Force est de constater que ce texte ne résout en rien les questions liées à la désertification médicale, ni ne prépare l’avenir de notre système de santé.
À l’image de ce texte, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et le projet de loi de finances pour l’année 2016 manquent cruellement d’ambition. La hausse globale des crédits alloués à la mission cache, comme toujours avec ce Gouvernement, des évolutions contrastées selon les programmes.
Après une baisse de 25 % entre 2014 et 2015, les crédits alloués au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » – dont Dominique Tian a souligné l’importance – diminueront à nouveau de 12,1 millions d’euros. Parallèlement, les crédits du programme 183 « Protection maladie », qui incluent l’aide médicale d’État, augmentent de près de 11 % pour les raisons décrites tout à l’heure par Jacqueline Fraysse. C’est tout à fait normal. Dans la mesure où le programme 204 constitue le socle de notre système de santé publique, on peut s’interroger sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à de tels arbitrages, cette année comme l’an dernier.
Dans la lignée de ses prédécesseurs, le Président de la République a annoncé un troisième plan cancer, et l’engagement d’actions importantes pour l’année 2016. Dans le même temps, les subventions versées à l’Institut national du cancer baissent de 6,5 millions d’euros par rapport à 2015. Cette baisse est justifiée par la maîtrise des dépenses de fonctionnement et des économies réalisées sur certaines dépenses de recherche et développement. Vous conviendrez néanmoins, madame la secrétaire d’État, que la juxtaposition de ces deux faits a de quoi surprendre !
J’appelle votre attention sur les crédits de l’action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » du programme 204. Cette action contribue davantage aux efforts d’économies que toutes les autres actions de ce programme réunies. Elle comprend l’accompagnement des personnes atteintes de maladies neurodégénératives ; je crois que la prévention de ces maladies, et l’accompagnement des personnes touchées par la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques doivent être des priorités. Sur ce point également, le Gouvernement manque d’ambition.
J’en viens au marronnier de ces débats : l’AME. Je trouve que les débats sur ce sujet, notamment entre Claude Goasguen et Christophe Sirugue, sont de qualité. Comme l’a dit Gérard Sebaoun, leur rapport nous permet d’envisager ce sujet délicat de manière sérieuse et sereine. Il nous semble cependant que la suppression de la franchise de 30 euros pose une question d’équité vis-à-vis de nos compatriotes. La sous-budgétisation de l’AME – qui est historique, me direz-vous – pose la question de sa sincérité budgétaire. Cette année encore, on estime que l’exécution ne sera pas conforme au budget initialement voté : on parle d’un dérapage supérieur à 100 millions d’euros pour l’AME de droit commun. Vous nous en direz peut-être un peu plus sur ce point, madame la secrétaire d’État.
Nous souhaitons qu’une politique de santé globale, cohérente et efficace, soit définie au niveau européen, pour accompagner les populations concernées dans un souci humanitaire. Les remarques que j’ai formulées nous renforcent dans cette conviction.
Chers collègues, la mission « Santé » est essentielle, car elle doit contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, et à soigner les plus fragiles. Nous déplorons, madame la secrétaire d’État, l’absence de solution globale et pérenne pour accompagner les mutations que connaît notre système de soins, qui est confronté, comme je l’ai dit, à l’augmentation des maladies chroniques, au vieillissement de la population – question que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État –, à l’évolution des attentes des patients et au progrès scientifique. Il est urgent de s’attaquer à des questions aussi essentielles que la désertification médicale, le rapprochement entre le public et le privé, la carte hospitalière, la répartition territoriale équitable des établissements de santé et leur nécessaire modernisation, que ce soit en termes de sécurité sanitaire, d’innovation ou de recherche.
Pour toutes ces raisons – madame la secrétaire d’État, vous vous en doutez bien – le groupe UDI ne votera pas les crédits de la mission « Santé ».
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur spécial, chers collègues, la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016 est un des leviers d’action de l’État en faveur de notre politique de santé publique.
Elle ne couvre pas l’ensemble des actions de santé, mais elle vise un objectif essentiel : la prévention. C’est donc à regret que je constate que le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » est, cette année encore, en baisse. Je pense en particulier à l’action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », qui fait à nouveau l’objet d’une baisse allant jusqu’à plus de 13 % pour l’année 2016. Il s’agit pourtant d’une action essentielle qui englobe : la mise en place du troisième plan cancer, notamment l’amélioration des dépistages ; la santé mentale, qui est l’une des priorités de la stratégie nationale de santé ; les maladies neurodégénératives et les maladies liées au vieillissement ; les maladies rares, ainsi que les addictions.
Ces différentes maladies touchent malheureusement de plus en plus de Françaises et de Français ; elles sont souvent liées à des facteurs environnementaux, à la dégradation de notre qualité de vie, ou plus simplement au vieillissement. Ces facteurs n’évoluent pas dans le bon sens, et ces maladies sont de plus en plus fréquentes. Il semble donc inopportun de soumettre à l’effort budgétaire l’action qui permet la prévention et la prise en charge, le plus tôt possible, des malades.
J’ai bien pris note qu’une partie de ce budget sera prise en charge par la Sécurité sociale – je pense en particulier aux dépistages du cancer du sein pour les femmes les plus exposées. J’aimerais cependant, madame la secrétaire d’État, que vous nous éclairiez sur ce point : les moyens d’action en matière de prévention seront-ils bien préservés malgré la baisse ?
La prévention est un axe politique trop souvent négligé ; elle est pourtant la clé de nombreuses problématiques, qu’elles soient sanitaires, environnementales ou encore sociales. Prévenir l’échec scolaire, prévenir les situations de rupture avec le milieu de l’emploi, prévenir les risques environnementaux ou sanitaires : tout cela permet tout d’abord d’éviter des situations personnelles douloureuses, mais également d’éviter des dépenses bien plus élevées quand il s’agit de remédier a posteriori à ces situations.
C’est d’ailleurs tout le sens de l’aide médicale d’État, que l’opposition ne cesse pourtant de critiquer.
Il s’agit de permettre à des personnes qui n’ont pas les moyens de se soigner d’accéder aux soins. Au-delà de l’idée humaniste de la société que nous sommes nombreux à partager, cela permet d’éviter qu’elles soient prises en charge plus tard, lorsque leur situation est devenue urgente, ce qui coûte bien plus cher à la collectivité. Par ailleurs, pour préserver la santé des Françaises et des Français, il faut aussi préserver la santé de celles et de ceux qu’ils côtoient tous les jours.
Les maladies ne font pas de différences entre ceux qui ont des papiers et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui ont une couverture sociale et les autres. Pour ces raisons, nous soutenons les mesures annoncées concernant l’aide médicale d’État. Par ailleurs, nous apportons notre soutien, comme nous l’avons fait lors de l’examen de la loi santé, à la mise en place de la nouvelle Agence nationale de santé publique qui regroupera l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’Institut de veille sanitaire et l’Établissement de préparation aux urgences sanitaires. Il s’agit là d’une mutualisation constructive, permettant de limiter les dépenses de fonctionnement mais surtout d’améliorer l’efficacité des missions qui relèvent aujourd’hui de ces différents opérateurs.
J’en viens aux moyens alloués aux agences régionales de santé. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à l’occasion de l’examen du budget de la mission « Solidarité et égalité des chances », dans laquelle est comprise une part des dépenses de fonctionnement des ARS, et qui baisse légèrement. Je me réjouis donc de voir que les moyens dévolus aux projets régionaux de santé par l’intermédiaire du Fonds d’intervention régional sont maintenus, voire en légère hausse. Il est nécessaire que nos politiques de santé publique soient adaptées aux enjeux territoriaux par les acteurs décentralisés que sont les ARS.
Chers collègues, si j’attends quelques précisions quant aux inquiétudes que j’ai formulées, ce projet de budget me semble malgré tout équilibré. Dans un contexte de rigueur budgétaire, il porte malgré tout des projets ambitieux et maintient l’aide aux plus fragiles. C’est pourquoi nous voterons ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par une question du groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure pour avis.
La parole est à Mme Bernadette Laclais.
Madame la secrétaire d’État, je profite du temps de parole qui m’est donné pour reprendre les propos qu’a tenus Mme Massonneau. Nous allons beaucoup parler, au cours de ce débat, de l’aide médicale d’État : certains amendements nous y inviteront.
Je m’arrêterai quelques instants sur le Fonds d’investissement régional, comme je l’ai fait dans le rapport pour avis que j’ai déposé sur cette mission au nom de la commission des affaires sociales. Certains s’interrogent quant à la traduction, dans cette mission, des objectifs de la loi santé : je crois que les crédits alloués au FIR en fournissent une bonne illustration. Cela témoigne bien de notre volonté de prendre en considération les besoins des territoires, de permettre, par des politiques innovantes, de soutenir des projets issus des territoires. Je suis allée dans les agences régionales de santé, j’ai rencontré les bénéficiaires de ce fonds : ils ont bien perçu, eux, l’intérêt de ce dispositif et de son élargissement progressif depuis 2012. Il est donc très pertinent de le conforter grâce aux crédits alloués par cette mission.
Je salue les équipes impliquées pour la réussite de ces projets. Deux étapes seront importantes en 2016. Tout d’abord, au 1er janvier, un certain nombre d’ARS seront fusionnées. Elles sont d’ores et déjà à l’oeuvre pour réussir cette étape.
La deuxième étape sera la modification des dispositifs comptables, le FIR ayant désormais la possibilité d’avoir un budget annexe et, ce faisant, de mieux lisser les projets dans le temps, donc de mieux accompagner les partenaires.
Il ne s’agissait pas véritablement d’une question, vous l’aurez compris, mais, puisque nous aborderons beaucoup d’autres sujets, je trouvais dommage de ne pas saluer les acteurs de terrain et les ARS.
Si elle n’était pas vraiment une question, en effet, votre intervention me permet d’abonder dans votre sens. La réforme permettra aux ARS de gérer elles-mêmes des enveloppes de prévention et d’organisation de l’offre de soins : celles-ci sont aujourd’hui payées par les caisses primaires d’assurance maladie, ce qui est préjudiciable à une bonne vision par les ARS de la consommation de leurs crédits. Les ARS pourront donc mieux utiliser leurs ressources et reporter une partie des crédits non consommés, ce qui leur permettra une gestion pluriannuelle, gage de bonne gestion. Vous l’avez dit, leurs agents, que je tiens à saluer, sont mobilisés sur ce chantier comme sur d’autres, à commencer par la réforme territoriale, qui aura un impact sensible dans plusieurs régions.
Quant à la baisse des crédits alloués à l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », madame Massonneau, monsieur Richard, elle correspond en réalité à une diminution du montant du fonds de roulement, important, de l’Institut national du cancer, l’INCa. Le Gouvernement, vous le savez, est vigilant en ce domaine : il n’y aura donc pas de baisse des moyens dévolus à la lutte contre le cancer et aux actions de l’INCa, mais seulement, je le répète, une baisse du fonds de roulement.
Mon amendement tend à corriger une inégalité de traitement flagrante entre les Français, dont certains, établis à l’étranger, se trouvent dans le plus grand dénuement en matière de santé : après avoir fait appel à des organismes locaux bien entendu incompétents en la matière, et qui leur répondent de la manière que vous imaginez, ils se tournent, par exemple et notamment, vers la Caisse des Français de l’étranger, qui n’a que 392 000 euros à leur consacrer, soit mille fois moins que le budget de l’aide médicale d’État, destinée aux étrangers sur notre sol.
Face à ce véritable scandale, je vous propose de réaliser des économies sur l’AME. Celle-ci, paraît-il, fait consensus ; mais nous sommes au moins trois, M. Tian, M. Goasguen et moi, à y voir un scandale.
L’AME, rappelons-le, concerne les étrangers en situation irrégulière, dont le ministre de l’intérieur est d’ailleurs incapable de nous donner le nombre exact. Au moins 264 000, en tout cas, bénéficient de l’AME, laquelle est financée sur l’endettement, donc sur nos impôts.
Le Parti socialiste, ou plutôt le Premier ministre, vient de se convertir au réalisme en enterrant votre projet fumeux du droit de vote des étrangers : je vous invite donc seulement à aller un peu plus loin.
Je parle de réalisme, chers collègues, je parle d’économies sur un budget qui, je le répète, est financé par l’endettement et par l’impôt : tel est le sens de mon amendement, que je vous invite à voter.
Avec cet amendement je propose, moi aussi, de transférer une partie des crédits de l’AME vers le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
L’AME organise un tourisme médical, puisque ses bénéficiaires sont aujourd’hui au nombre de 300 000. De fait, pour bénéficier de la gratuité des soins en France, il suffit d’y être entré illégalement, ce qui est quand même un comble. Lorsque l’on sait que les assurés sociaux, eux, doivent cotiser et payer le reste à charge, on mesure l’ampleur du scandale.
Si l’on ne soignait pas les 300 000 bénéficiaires de l’AME, dit-on, on verrait revenir les grandes épidémies ; mais l’argument paraît étrange, d’autant que, si ces personnes étaient restées chez elles, elles n’auraient pas été touchées par une épidémie…
C’est scandaleux d’entendre des choses pareilles ! Ces propos sont honteux !
La moitié des femmes enceintes bénéficiaires de l’AME, a-t-on également observé, ne peuvent recevoir, dans leur pays d’origine, les soins qui conviennent ; mais l’on est justement en droit de supposer, dès lors, qu’elles sont venues dans notre pays pour en bénéficier.
Autrement dit, elles ont fait un choix qui relève du tourisme médical. Le seul problème, c’est que le budget est en train d’exploser, puisqu’il est passé de 75 millions d’euros en 2000 à 744 millions aujourd’hui. Une telle dérive, on le voit bien, est scandaleuse.
J’ajoute, pour conclure, que 96 % des décisions de reconduite à la frontière ne sont pas exécutées, de l’aveu même des services de l’État : on voit donc la catastrophe qui s’annonce.
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La commission n’a pas examiné ces amendements. Cependant, les exclamations que l’on a entendues montrant à quel point l’AME suscite toujours des débats passionnels, je veux dire qu’à titre personnel, je suis totalement favorable aux amendements de mes collègues.
La suppression de l’AME, dit-on, nous exposerait à des risques épidémiologiques ; mais je ne sache pas qu’en Allemagne ou en Italie, où les crédits d’urgence sont la règle, ces risques soient majeurs. Bref, on peut très bien régler le problème de façon plus cohérente, en rétablissant une égalité entre les Français, dont certains, avec un salaire de 1 000 euros par mois, doivent payer leurs soins et leurs médicaments.
Ils ne comprennent pas que des étrangers en situation irrégulière, eux, bénéficient de la gratuité absolue des soins.
Vous parlez d’un autre sujet, madame Fraysse, sur lequel nous sommes au demeurant d’accord, sans en tirer toutefois les mêmes conclusions.
Quoi qu’il en soit, le budget de l’AME est en trompe-l’oeil puisque les crédits sont déjà dépensés – Mme la secrétaire d’État me corrigera si je me trompe –, si bien que, comme chaque année, il faudra un projet de loi rectificatif, ce qui est une très mauvaise solution. Des dépenses ne sont pas budgétées et les chiffres, s’agissant de plusieurs départements, notamment la Guyane, sont contestés. Mayotte, qui fait aussi face au problème, ne figure pas dans les lignes budgétaires de l’AME, par exemple.
Tout cela montre, au-delà des réactions offusquées de la majorité, que le système n’est plus gérable, et qu’il explosera l’année prochaine ou la suivante. En cette matière, la solution est dans une harmonisation européenne fondée sur les problèmes d’urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous rassure, monsieur Marsaud : il n’y a pas de consensus sur l’AME ; ou plutôt faut-il dire qu’il y a deux consensus. Le premier rassemble des députés de la partie droite de l’hémicycle, puisque Mme Marion Maréchal-Le Pen et M. Collard…
…avaient eux aussi déposé un amendement sur le même sujet. La seule différence entre ces amendements porte sur le niveau de réduction de l’AME : Mme Maréchal-Le Pen proposait de l’abaisser jusqu’à zéro, et vous proposez de l’amputer. Mais la philosophie est exactement la même.
Le deuxième consensus réunit, dans la partie gauche de l’hémicycle, les humanistes…
« Oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
…qui considèrent, eux, que les Français sont un peuple solidaire, ayant choisi la prévention et l’humanité.
L’aide médicale d’État est un sujet récurrent, et je vois bien les rapprochements que vous cherchez en cette période.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mais vous rendez au fond le plus bel hommage à l’anthropologue René Girard, au lendemain de sa mort, en développant la théorie du bouc émissaire sur laquelle il fondait ses ouvrages. Avis défavorable aux amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Co-auteur avec Claude Goasguen d’un nouveau rapport sur l’AME, je veux répondre à certains propos qui ne laissent pas de me surprendre.
Je vous engage d’abord, chers collègues, à la prudence sur les comparaisons avec les pays étrangers, où le mode de prise en charge des soins n’est pas du tout le même.
Des organisations territoriales ou des agences, en particulier, viennent compléter la prise en charge. Si vous voulez faire des comparaisons, il faut donc tout intégrer à l’analyse, pour éviter de nous induire en erreur.
D’autre part, ce sont les soupçons de fraude – et M. Tian n’y était pas étranger – qui avaient motivé le précédent rapport, que j’avais commis avec M. Goasguen en 2011 ; or, en ce domaine, nous avons tous deux constaté que la réalité n’avait rien à voir avec ce que d’aucuns prétendaient, qui font de la fraude une sorte d’étendard contre l’AME.
Troisième point : Claude Goasguen a raison, l’AME est sous-dotée budgétairement, comme cela est précisé dans nos conclusions communes ; mais nous y faisons aussi le constat que cette sous-dotation tend à se réduire. Il n’est donc pas anormal de mettre en relief les avancées, lorsqu’elles sont avérées.
Enfin, nous avons l’expérience de ce qui se passe en l’absence d’aide médicale d’État. Lorsque vous avez instauré le ticket d’entrée à 30 euros – je renvoie sur ce point, au sujet duquel Claude Goasguen ne me contredira pas, aux débats en commission élargie –, cette mesure a provoqué le retrait d’un nombre important de bénéficiaires de l’AME, lesquels se sont alors reportés sur les urgences, où l’on a, de fait, constaté une augmentation considérable des prises en charge.
Au-delà des discours doctrinaires, chers collègues, il faut prendre en compte la réalité du terrain, à moins de prôner l’expulsion de toutes les personnes dont nous parlons, ce qui est un autre débat. Il est d’ailleurs faux de dire que la prise en charge est la même entre, d’une part, les Français et les étrangers installés régulièrement sur notre sol, et, de l’autre, les bénéficiaires de l’AME : le panier de soins est différent.
Cessons donc les contrevérités, car elles risquent de vous faire accuser, messieurs, d’agiter des peurs sans rapport avec ce dont vous parlez.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Juste un mot pour répondre à M. Sirugue.
Il y a toujours de la fraude ; en l’espèce, le chiffre de 54 cas sur 300 000 personnes ne fait pas très sérieux…
Quoi qu’il en soit il ne s’agit pas de ne pas soigner, mais de mettre sur un pied d’égalité les étrangers en situation irrégulière et les étrangers en situation régulière, en préservant un bloc budgétaire – que j’évalue à 250 millions d’euros –, le reste étant assumé par la Sécurité sociale. Nous lui faisons en quelque sorte, avec le système actuel, une donation qui ne l’incite assurément pas aux contrôles et à une gestion rigoureuse. Gardons-nous de toute caricature, d’autant que, j’en suis convaincu, la voie que je préconise sera celle que l’on finira par suivre.
Défavorable.
L’amendement no 261 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 447 .
J’ai évoqué cet amendement dans mon intervention liminaire : il vise, comme d’ailleurs l’amendement no 446 rectifié , à mettre fin aux situations inextricables nées des décisions de justice successives sur le montant des indemnités allouées par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – le FIVA – à certaines victimes.
En effet, certaines victimes avaient reçu, à la suite d’arrêts de la cour d’appel, des indemnisations qui ont, par la suite, été remises en cause par la Cour de cassation. Ces revirements de jurisprudence, ainsi que le délai écoulé, ont rendu la récupération des sommes difficile et douteuse.
L’amendement no 446 rectifié , qui viendra plus tard en discussion, autorise donc un abandon des créances du FIVA correspondant à ces situations. Quant à l’amendement no 447 , il tend à abonder la dotation au FIVA à hauteur de 3,4 millions d’euros.
Même s’ils traitent de sujets proches, l’amendement no 447 et l’amendement no 446 rectifié – que nous examinerons dans quelques instants – ne sont pas identiques.
Il va de soi que l’amendement no 447 doit être adopté, car il s’agit de régulariser une situation qui est tout à fait intenable.
Je suis plus circonspect sur l’amendement no 446 rectifié : je ne vois pas en effet pourquoi, de façon systématique, alors que les crédits de prévention inscrits au titre du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont, dans la première partie de la mission, en baisse, on augmenterait la facture alors que c’est celle de l’AME qui augmente.
Je trouve qu’il aurait été parfaitement possible de transférer sur la facture relative à l’AME nos décisions relatives au FIVA : c’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je suis favorable à l’amendement no 446 rectifié et défavorable à l’amendement no 447 .
Monsieur le rapporteur spécial, la commission des finances a-t-elle examiné l’amendement no 447 et l’amendement no 446 rectifié ?
L’amendement no 447 est adopté.
Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.
Défavorable.
L’amendement no 265 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 446 rectifié .
Je l’ai déjà défendu en même temps que l’amendement no 447 .
L’amendement no 446 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
Nous avons terminé l’examen de la mission « Santé ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 :
Mission « Travail et emploi ».
La séance est levée.
La séance est levée à onze heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly