Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial – cher Claude Goasguen –, madame la rapporteure pour avis, nous examinons ce matin la mission « Santé », composée de deux volets : le programme 204, la prévention, et le programme 183, l’aide médicale d’État.
En ce qui concerne la prévention, malheureusement peu suivie dans notre pays, selon l’Institut national de prévention et d’éducation de la santé, un élève sur six déclare à la fin du collège être un fumeur quotidien. La prévention en matière de lutte contre le tabagisme passe nécessairement par une campagne en milieu scolaire. Or chacun sait, madame la secrétaire d’État, que notre médecine scolaire est l’une des plus lamentables d’Europe ! Ce n’est pas le budget du programme 204 qui va combler ce vide…
Un oubli étonnant de ce projet de budget, signalé par ma collègue Isabelle Le Callennec, concerne la consommation de drogues et plus particulièrement celle de cannabis. Aucun document n’en parle ! C’est un réel souci ; dans la présentation de l’action 12, vous évoquez la santé des jeunes et les comportements à risque, mais vous n’abordez jamais clairement le sujet du cannabis – il semblerait que, sur le plan politique, vous soyez divisés sur la question, ceci expliquant peut-être cela. Les chiffres sont pourtant extrêmement mauvais : un jeune sur quatre déclare avoir consommé du cannabis au cours du dernier mois ; 17 % des 18-25 ans ont fumé du cannabis au cours du dernier mois et 4 % sont des fumeurs quotidiens. Pas un mot dans le bleu budgétaire : c’est quand même étonnant !
Un autre sujet, pourtant fréquemment abordé en Europe, n’est pas non plus traité : il s’agit de la pratique sportive, qui permet d’avoir des effets bénéfiques sur le traitement des maladies – je pense en particulier aux personnes souffrant de cancer ou de diabète. En la matière, des politiques audacieuses pourraient s’avérer très utiles, et notre collègue Valérie Fourneyron avait présenté des amendements au projet de loi de santé en vue de rattraper notre retard par rapport aux autres pays européens. Mais l’activité physique et sportive est quelque peu l’oubliée de ce budget.
Vous avez également annoncé un plan triennal pour développer les soins palliatifs. Nous n’en voyons guère la trace dans les documents budgétaires : je voudrais donc que vous nous en disiez quelques mots. Qui plus est, la Cour des comptes vous a indiqué que nous avons beaucoup de retard en la matière ; il faudrait que cela se traduise dans les chiffres !
Je tiens à relayer une demande de notre collègue Bérengère Poletti, concernant le stock de 250 000 vaccins antivarioliques non-réplicatifs de troisième génération réservés aux intervenants en première ligne en cas de menace terroriste, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national.
Nous avons déjà beaucoup parlé de l’aide médicale d’État. Je tiens à saluer Christophe Sirugue et Claude Goasguen pour le travail qu’ils ont accompli sur ce sujet. Claude Goasguen intervient régulièrement sur cette question qui, il faut bien le dire, scandalise nos concitoyens. Tous deux appellent à refondre ce système dont nous n’arrêtons pas de dire qu’il favorise, à l’évidence, le tourisme médical. Les propos qui ont été tenus tout à l’heure vont dans ce sens : il y a évidemment des effets d’aubaine. Une femme enceinte sur deux n’a pas de suivi normal dans son pays d’origine : c’est pour cela qu’elles viennent sur le territoire national. Cela se comprend aisément, et c’est une bonne chose que nos collègues le précisent.
Cette dérive est très importante, comme l’a fait remarquer Claude Goasguen en commission élargie. La dette cumulée est passée à 57,3 millions d’euros : malheureusement, la dérive continue ! La Cour des comptes elle-même indique, dans sa note d’analyse sur l’exécution budgétaire de la mission « Santé » pour l’année 2014, que le dynamisme persistant des dépenses d’aide médicale d’État compromet la soutenabilité de la mission. C’est ce qu’écrivent les sages de la rue Cambon : cela montre bien que ces dépenses dérivent tout à fait !
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un certain nombre de mesures de bon sens avaient été prises, notamment l’acquittement, par chaque bénéficiaire, d’une franchise annuelle de 30 euros. C’était un premier pas ; nous avions ensuite prévu une procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers programmés les plus coûteux. Ce genre de garde-fou était à l’évidence nécessaire. Dès votre arrivée au pouvoir, vous avez tiré un trait sur ces mesures ; il est donc logique que les dépenses d’aide médicale d’État explosent.
Ce budget progresse de 38 %, mais il a été chaque année sous-budgétisé. Les crédits ouverts en 2015 ont été de 677 millions d’euros ; on ne connaît pas le niveau d’exécution, mais on se doute que le Gouvernement a sous-estimé cette dépense. Pour l’année 2016, 744 millions d’euros sont prévus : cela confirme ce que nous soupçonnons, c’est-à-dire que ce budget a totalement explosé ! C’est très regrettable : comme l’a indiqué Claude Goasguen, il faudrait limiter la gratuité aux soins urgents et prioritaires. De plus, alors que l’aide médicale d’État explose, la prévention est quasiment en panne ou en régression en France : on ne peut qu’en être scandalisé, et je crois que nos concitoyens ne le supportent plus.