Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 3 novembre 2015 à 16h15
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, rapporteur :

Après avoir étudié pendant plusieurs années l'AME dans le cadre du CEC, mais aussi de la commission des finances – je vous invite à consulter mon rapport spécial sur les crédits de la santé pour 2016 –, j'ai la conviction que le système ne pourra pas se maintenir, pour plusieurs raisons.

Première raison : les chiffres présentés ne sont représentatifs de l'ensemble de la dépense. D'abord, ils sont minorés puisque les lois de finances rectificatives ouvrent selon les années entre 100 et 150 millions d'euros supplémentaires. Ensuite, ces chiffres ne tiennent pas compte des dettes de l'AME : une dette cumulée de l'État envers la sécurité sociale actuellement de 57 millions, d'une part ; une dette au titre des soins d'urgence, d'autre part, budgétés à 40 millions par le Gouvernement, mais atteignant en réalité 100 millions pour la sécurité sociale, soit une différence de 60 millions d'euros, qui s'ajoute encore aux coûts de l'AME.

J'ajoute que pour Mayotte, où l'immigration est considérable, il faudrait très certainement ajouter 100 millions d'euros supplémentaires. L'hôpital de Mayotte est le premier « fournisseur » d'enfants de toute l'Europe.

Enfin, en Guyane, la chambre régionale des comptes indique chaque année que les chiffres sont très en dessous de la réalité.

En bref, l'AME apportée par notre pays aux immigrés clandestins est bien plus élevée que ce que le Gouvernement veut bien nous le dire, ce qui me semble extrêmement malsain du point de vue budgétaire.

Deuxième raison : l'État abonde les caisses de la sécurité sociale qui n'exercent pas de contrôles. Les caisses n'ont pas les moyens d'effectuer les contrôles que même les préfectures ou les commissariats ne peuvent assurer eux-mêmes ! L'ouverture systématique de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative est ainsi une incitation à l'absence de contrôles, lesquels ne concernent que quelques dizaines de cas sur 300 000 personnes.

Troisième raison : le Gouvernement annonce une économie de 50 millions d'euros pour 2016, sans produire des évaluations justes et cohérentes. D'abord, Mme Marisol Touraine m'a parlé d'économies attendues sur les médicaments ; or celles-ci ne représenteront que 5 millions. Ensuite, les économies sur la dépense générée par la suppression des coefficients de majoration des tarifs hospitaliers appliqués jusqu'en 2014 sont évaluées à 60 millions d'euros, dont 55 millions d'euros en 2015, soit une économie de seulement 5 millions en 2016. Enfin, il m'a été répondu que l'accélération des procédures en matière de droit d'asile permettrait, sur la base de 18 000 demandeurs d'asile déboutés, d'économiser les 40 millions restants. Or cela est impossible, car si les demandeurs d'asile sont déboutés rapidement, ils bénéficieront non de la CMU, mais de l'AME, ce qui grèvera d'autant plus son budget.

Quatrième raison : la France est désormais le seul pays européen à avoir ce système. Or je ne vois pas au nom de quoi notre pays maintiendrait cette spécificité, alors que la dépense des autres pays européens est plus contenue face à la pression migratoire. Malgré quelques restrictions, notre panier de soins est très complet par rapport à celui pris en charge gratuitement chez nos voisins.

Cela m'amène à mes propositions.

Il faudrait imaginer un système proche de celui de nos partenaires européens, avec un panier limité aux soins urgents et aux soins jugés prioritaires, à hauteur de 200 millions d'euros. Les soins urgents et ceux jugés prioritaires qui pourraient être pris en charge gratuitement figurent dans le rapport, page 40. Cette évolution pourrait s'accompagner de la suppression de la condition de résidence de trois mois, ce qui simplifierait les formalités administratives.

À côté des soins urgents ou jugés prioritaires, je préconise un basculement des autres soins dans l'assurance maladie selon un régime adapté, ce qui aurait pour effet de transférer la prise en charge des étrangers en situation irrégulière dans le régime de sécurité sociale. Ce transfert contribuerait à mieux contrôler la dépense.

Avec toute l'estime que j'ai pour Christophe Sirugue, je n'ignore pas qu'il est difficile de critiquer le Gouvernement que l'on soutient. Je me suis moi-même heurté à Mme Bachelot qui avait fait preuve sur le sujet d'une surdité exceptionnelle, ce qui a abouti à la pseudo-réforme de la contribution de 30 euros à la charge des bénéficiaires de l'AME !

En conclusion, il est clair que les hôpitaux subissent la désorganisation croissante provoquée par la gestion actuelle de l'AME. Ce système est devenu ingérable : je ne demande pas sa disparition, mais la prise en compte de mes propositions.

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