En outre, je ne soutiens pas le Gouvernement par principe : je suis résolument favorable à l'AME.
Notre premier rapport de 2011 a montré que la fraude ne permettait pas d'expliquer la croissance de la dépense. Nous partageons un constat préoccupant : l'augmentation de la charge financière et une sous-dotation régulière de l'AME.
Non seulement nos premières préconisations ont été suivies d'effet, mais elles ont permis une réduction importante de la dépense. Néanmoins, cette réduction a été annulée par l'augmentation du nombre de bénéficiaires, dont il faut souligner que ce sont plutôt des hommes seuls, avec un coût moyen de prise en charge inférieur à 1 000 euros, et non des familles entières comme certains le disent !
S'agissant de la dette de l'État envers la sécurité sociale, elle a été résorbée entre 2007 et 2009, pour augmenter à nouveau à partir de 2011, mais dans des proportions moindres que précédemment. Notre rapport précise que le solde restant dû au 31 décembre 2014, de 57 millions d'euros, est équivalent au montant d'un mois de prestations.
La subvention forfaitaire de l'État de 40 millions d'euros au titre du financement des soins urgents délivrés dans le cadre de l'AME représente 38 % de la dépense globale affectée aux soins urgents. Or si nous devions prendre en compte les propositions de Claude Goasguen, nous en viendrions inéluctablement à transférer une part des dépenses de l'AME de droit commun sur les soins urgents. Car si les gens n'ont pas accès à un dispositif d'accompagnement structuré, leur état de santé s'aggravera, si bien qu'ils se tourneront vers les soins d'urgence plus onéreux, ce qui alourdira encore cette charge financière.
J'en viens à mes propositions.
Premièrement, je considère que l'aide médicale de l'État doit être préservée dans ses modalités actuelles. Un ticket d'entrée est inutile, car non seulement cela complexifie le dispositif, mais cela ne règle rien – le droit de timbre de 30 euros était généralement pris en charge par le mouvement associatif –, sans compter le risque d'éloigner les gens du processus de soins au prix d'une aggravation de leur pathologie.
Deuxièmement, le travail d'examen des dossiers d'AME doit être poursuivi. Il est faux de dire que les contrôles sont inexistants. Pour avoir visité des caisses primaires d'assurance maladie, je peux vous dire que les processus de contrôle ont été substantiellement modifiés, grâce aux agents dédiés et aux outils mis en place – cartes infalsifiables, vérification de l'effectivité de la résidence sur le territoire, photographies, etc. Comme l'indique notre rapport, 54 cas de fraude ont été détectés en 2014, pour un préjudice subi de 130 000 euros – à comparer aux 450 000 euros de préjudice subi du fait de deux cas de facturation d'actes fictifs par des professionnels de santé.
Troisièmement, il faut prendre en compte les besoins des hôpitaux. Seuls quelques établissements sont confrontés à la problématique de l'AME, comme le centre hospitalier de Saint-Denis qui a besoin de dispositifs spécifiques pour accompagner les bénéficiaires de l'AME. Le premier dispositif est relatif à l'interprétariat, aspect très important au regard de la multitude de nationalités des patients. Le deuxième concerne le suivi social et la gestion financière des dossiers, notamment pour obtenir l'encaissement des facturations, qui ont nécessité l'adaptation des équipes pour mobiliser des effectifs. Le troisième dispositif est la mise en place d'assistantes sociales pour faire sortir les personnes du centre hospitalier – l'hôpital de Saint-Denis mobilise cinq ETP sur cette mission. Dans ce contexte, l'accompagnement de l'État au travers des missions d'intérêt général (MIG) est insuffisant au regard des enjeux auxquels sont confrontés les centres hospitaliers. Il faut veiller à ce que ces derniers ne se retrouvent pas dans des situations financières impossibles.
Il faut maintenir le caractère universel de l'AME. J'ai du mal à comprendre qu'on puisse préconiser l'attribution d'un numéro de sécurité sociale à des personnes en situation irrégulière. Une intégration du financement de l'AME au sein du budget de la sécurité sociale rendrait impossible le suivi du dispositif, ce qui entretiendrait les fantasmes sur les abus, la fraude, le déficit. S'agissant de la question du panier restreint, j'invite à la prudence sur la comparaison avec les autres pays européens, dont les systèmes de protection sociale sont différents du nôtre. En Espagne, par exemple, un décret a exclu de l'assistance sanitaire les personnes en situation irrégulière, si bien qu'elles se tourneront forcément vers les soins hospitaliers d'urgence.
En conclusion, l'aide médicale de l'État doit être confortée, mais également encadrée.