Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 9 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Médias livre et industries culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce dont nous traitons, avec le budget de cette mission, c’est des moyens accordés par la nation au développement de la démocratie et de la citoyenneté.

Traiter des médias, de la presse et de ce qui, en leur sein, relève du service public, c’est en effet traiter du droit des citoyens à l’information, à la culture et à la maîtrise des enjeux qui permettent de débattre, de décider et d’agir. À ce titre, nous avons rappelé en commission notre attachement au service public de l’audiovisuel. Il s’agit d’un vecteur d’émancipation essentiel pour le plus grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes. On ne peut ignorer l’importance de cet outil populaire pour la création et l’accès aux oeuvres, pour l’accès aux savoirs et à la connaissance.

L’audiovisuel public fait partie de cette exception culturelle à laquelle nous tenons. Pour nous, ce n’est pas une marchandise comme les autres. Il ne faudrait pas que la séparation entre production et diffusion se solde par l’assèchement de la création de qualité sur les chaînes publiques – notre président nous a alertés quant aux risques que les négociations entre TF1 et Newen font peser sur France 3.

Une grande ambition pour France Télévision est pourtant possible, à condition de partir du projet, et donc des financements à dégager, et non de contraintes comptables présupposées.

Ainsi, l’idée de créer une chaîne publique d’information en continu me semble une exigence conforme aux missions du service public : une chaîne permettant de développer la citoyenneté et la démocratie ; une chaîne d’information diffusée sur le Web et la TNT qui développe la réflexion et l’intelligence de chacun et chacune ; une chaîne qui favorise une appétence pour la politique, en ouvrant de grands débats et en les nourrissant d’apports riches et variés. Cela nécessite d’en créer les conditions, aussi bien en termes de serveurs que de personnels, ce qui suppose des moyens. La mutualisation de ces derniers, dans le cadre d’un rapprochement entre France Télévision et Radio France, ne peut se faire que par le haut.

Non, ce secteur ne doit pas passer sous les fourches caudines de l’austérité. Le grand mouvement mené par les personnels de Radio France a permis d’annuler le plan de départ, mais je regrette que la direction envisage toujours de ne pas remplacer un départ en retraite sur deux pour revenir à l’équilibre. Non, l’équilibre dans l’audiovisuel public ne peut reposer sur de nouvelles restrictions des ressources humaines. Comment espérer améliorer la qualité des contenus en opérant de nouvelles coupes claires dans le professionnalisme et le savoir-faire ? Il faut plutôt réfléchir en termes de ressources nouvelles. Nombre de collègues ont salué le virage opéré dans le financement de l’audiovisuel, voyant dans la disparition programmée de la dotation d’État au budget de France Télévision une source d’indépendance pour le groupe. Pour ma part, je ne serai complètement enthousiaste que lorsqu’une réforme juste de l’assiette de la redevance permettra de sécuriser le devenir du service public.

Concernant la presse, madame la ministre, vous nous avez assuré qu’un calendrier était prévu pour la mise en oeuvre des réformes proposées dans l’excellent rapport de notre collègue Michel Françaix sur les aides à la presse. Je ne mets pas en doute cet engagement, mais le temps presse, aussi bien pour le recentrage des aides que pour la fusion des messageries. Et je reste dubitative quant aux moyens affectés à la mise en oeuvre de ces objectifs.

Je pense également que l’État ne peut rester insensible aux conséquences de la concentration croissante des groupes de presse, ou plus exactement à l’achat de groupes de presse par des groupes financiers. Je connais l’argument qui consiste à dire qu’il est nécessaire de jouer dans la même cour que d’autres pays, mais je vous appelle à faire attention au danger pour le pluralisme. Il est temps de mettre en place une nouvelle conditionnalité des aides, en instaurant des critères relatifs au respect d’obligations déontologiques, ainsi qu’à l’emploi et à l’indépendance des journalistes.

S’agissant du métier de journaliste, vous nous avez dit, madame la ministre, que nous allions prochainement débattre à nouveau du texte protégeant le secret des sources des journalistes. Je suis certaine que nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à nous en féliciter. Toutefois, il ne faudrait pas que, à l’issue de cette longue attente, le projet de loi nous fasse repartir à la case départ. J’espère que le travail effectué par notre commission pour trouver de vraies réponses aux besoins de cette profession sera pris en compte.

Madame la ministre, le débat sur cette mission nous a permis d’avoir, de votre part, des réponses concernant l’audiovisuel public et les aides à la presse. Mais le montant des crédits alloués à cette mission n’est au niveau, ni de nos attentes, ni de vos engagements : c’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche ne les voteront pas.

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