La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux médias, au livre et aux industries culturelles. (no 3110, annexe 32 ; no 3111, tomes V, VI et VII ; no 3113, tome VIII.)
La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances pour l’année 2016, que le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen, prévoit d’orienter résolument à la hausse la contribution de la nation à la vie médiatique et culturelle de notre pays. Pour l’an prochain, il vous est proposé de porter le budget de mon ministère à 7,3 milliards d’euros, en l’augmentant de 2,7 %. La barre symbolique de 1 % du budget de l’État serait ainsi franchie.
De quoi ce geste est-il le signe ? Il est celui d’une promesse tenue. Le Premier ministre s’y était engagé devant les Français ; aujourd’hui, nous mettons en oeuvre cet engagement : tout en redressant les comptes publics, nous faisons le choix déterminé de la culture. Réaffirmons-le ici : ce n’est pas incompatible.
Ce geste est le signe que nous nous donnons les moyens de nos convictions. Nous faisons le choix de la culture, parce que nous sommes convaincus que la culture peut beaucoup et qu’elle donne beaucoup.
Elle peut beaucoup pour nous réconcilier avec nous-mêmes, nous ouvrir davantage au monde et davantage aux autres. La culture est notre réponse à ceux qui agitent à tout crin le spectre de l’identité assiégée.
Elle donne beaucoup pour élargir nos horizons, ouvrir de nouveaux champs d’expérimentation, faire rayonner notre pays pour le rendre toujours plus attractif. Elle donne beaucoup pour protéger la France comme pour la faire grandir. La culture est notre réponse à tous ceux qui croient que la réussite ne se mesure qu’à l’argent qu’on a gagné ou qu’on a fait fructifier.
Alors, mesdames et messieurs les députés, pour que la culture continue de pouvoir toujours plus – contre ceux qui la veulent impuissante –, la création et l’information ont besoin de moyens plus grands et de financements sécurisés. C’est une première priorité.
Pour que la culture continue de donner – contre ceux qui la rêvent avare et étriquée –, il faut réorienter nos moyens pour que les Français soient plus nombreux encore à y accéder, et en particulier les plus jeunes. C’est la seconde priorité.
Ces deux priorités, je les ai placées au coeur de la mission « Culture » comme de la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont la programmation relève de mon autorité.
Pour 2016, le projet de loi de finances prévoit que la mission « Médias » sera dotée de 600 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter, pour le débat qui nous occupe, les 3,8 milliards que l’État consacre au compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public », ainsi que le fonds de soutien géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, qui disposera de 672 millions d’euros.
Qu’il s’agisse de l’audiovisuel public, de la création cinématographique ou de la création musicale, l’ambition du Gouvernement est de sécuriser leurs outils de financement, pour garantir leur indépendance et leur diversité, et de renforcer leur compétitivité, essentielle à leur avenir.
Nous garantissons l’indépendance de l’audiovisuel public en asseyant ses ressources sur des recettes stables et identifiées.
La contribution à l’audiovisuel public, d’abord. En 2016, son produit évoluera mécaniquement, du fait de l’inflation et de la progression du nombre de redevables. En complément, le Gouvernement a fait le choix d’augmenter la taxe sur les opérateurs de télécommunications, ou « taxe télécom » et d’affecter une partie de son produit à France Télévisions. Ce choix, vous l’avez renforcé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, en permettant que cette affectation porte sur 100 millions d’euros au lieu de 75. Cela permet d’éteindre dès 2016 les crédits budgétaires affectés à l’audiovisuel public – je présenterai tout à l’heure un amendement en ce sens. Avec ce budget, nous faisons donc le choix de renforcer France Télévisions et l’ensemble de l’audiovisuel public, leur indépendance et leur financement.
Cet engagement est nécessaire. Il n’exonère pas pour autant les organismes de l’audiovisuel public de poursuivre les efforts de gestion qu’ils ont engagés depuis plusieurs années ou de renforcer leur coopération.
Nous continuerons de protéger la diversité du cinéma et d’améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d’impôt.
En 2016, les moyens du CNC seront stabilisés : il n’y aura ni ponction, ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle.
En 2016, le crédit d’impôt sera amélioré pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Cette mesure sera soumise à votre examen dans quelques jours. Le Gouvernement propose notamment de l’élargir, d’une part aux oeuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques, d’autre part aux films d’animation et aux films à fort effet visuel tournés vers le marché international. Le taux sera majoré à 30 % pour les oeuvres tournées en français, et le plafond, pour une même oeuvre, sera relevé à 30 millions d’euros, contre 4 millions auparavant. Cette amélioration représente un effort supplémentaire de 45 millions pour les finances publiques, lesquelles en bénéficieront en retour, puisque un euro de crédit d’impôt génère 11 euros d’investissement sur le territoire et 3,60 euros de recettes fiscales et sociales pour l’État.
Nous continuerons de protéger la diversité de la création musicale en France, tout en soutenant la filière dans son adaptation à la mutation numérique.
Après l’augmentation du plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz en 2015, le Gouvernement a prorogé le crédit d’impôt phonographique au titre des dépenses engagées pour l’enregistrement de nouveaux talents. Cet effort, qui bénéficie en particulier aux TPE et aux PME, représente 11 millions d’euros. Nous accompagnerons davantage les organismes de soutien à l’export, en augmentant les crédits que nous leur consacrons d’un demi-million d’euros. Nous pérenniserons enfin le Fonds de soutien à l’innovation et à la transition numérique, dans la suite des plans conduits en 2014 et en 2015.
Enfin, pour que toujours plus de Français aient accès à la culture, en particulier ceux qui en sont éloignés, le Gouvernement souhaite renforcer en 2016 l’action de l’État dans les territoires.
Le financement du Fonds de soutien aux médias de proximité sera pérennisé, car ceux-ci portent un regard différent sur l’actualité et contribuent de façon essentielle au lien social sur les territoires.
Les contrats territoire-lecture, qui ont fait leurs preuves pour améliorer l’accès de nos concitoyens au livre, seront dotés de 1 million d’euros supplémentaires.
Enfin, comme l’a annoncé le Président de la République, le Gouvernement proposera par amendement de mobiliser la dotation générale de décentralisation « Bibliothèques » – la DGD « Bibliothèques » pour soutenir des projets d’extension ou d’évolution des horaires d’ouverture des bibliothèques, afin de les adapter aux modes de vie des Français.
Soutenir la diversité et le renouvellement de la création, préserver l’indépendance de l’audiovisuel public et la pluralité de l’information, renforcer partout en France la participation de tous à la vie culturelle, en particulier à la lecture : telles sont les ambitions du Gouvernement pour 2016.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un contexte de révolution numérique à l’échelle mondiale et d’évolution des pratiques des usagers, la viabilité économique de l’audiovisuel public tel que nous le connaissons aujourd’hui nous préoccupe tous. L’inquiétude est si réelle que deux rapports parlementaires particulièrement riches en propositions viennent d’être publiés.
Le débat budgétaire nous donne l’occasion de réfléchir à l’avenir de cet audiovisuel public. Mais avant d’aborder ce sujet, j’évoquerai tout d’abord le programme « Presse » et la politique de soutien de la presse qui en l’état, dans ce projet de budget pour 2016, n’évolue guère et aurait même tendance à se fossiliser, madame la ministre.
Certes, ce statu quo est induit par le fait que nous sommes dans l’attente d’une réforme des aides à la presse.On constate toutefois une baisse réelle des aides au transport postal. Des précisions, madame la ministre, sur les conditions de sortie des accords Schwartz seraient les bienvenues, tout comme une certaine lisibilité des tarifs postaux en 2016 – sujet cher à M. Françaix. Que va-t-il se passer le 1er janvier prochain ? Aurez-vous le temps d’établir une nouvelle tarification ou bien s’achemine-t-on vers un nouveau moratoire ? Les éditeurs ont besoin, pour établir leurs budgets, de connaître le coût de la distribution postale, surtout ceux de la presse spécialisée dont la diffusion est assurée à plus de 90 % par voie postale.
Les aides au pluralisme sont en hausse, ce qui ne peut que nous convenir lorsque l’on se rappelle les événements du début de l’année. Cela me permet d’évoquer le décret en attente visant l’extension de l’aide aux mensuels d’information générale à faibles ressources publicitaires, alors que les mensuels régionaux n’en bénéficieraient pas.
Je souhaite également, madame la ministre, souligner une forme d’incohérence de la politique du Gouvernement qui, à côté des aides à la presse, fait voter l’assujettissement de toute la presse à l’écotaxe sans que les éditeurs aient la possibilité de s’en acquitter en nature, par la mise à disposition d’espaces publicitaires pour sensibiliser les lecteurs aux bonnes pratiques en faveur du développement durable. Là aussi, un décret d’application est en attente : j’espère qu’il ne sera pas trop préjudiciable à la presse écrite.
Un mot sur l’ouverture à de nouveaux acteurs du Fonds stratégique pour le développement de la presse. Les crédits de ce fonds sont en baisse de 2,6 %, alors que les aides à la presse devraient mieux cibler l’innovation, en vue d’aider ce secteur à bien négocier le virage du numérique, qui aboutit à de nombreux bouleversements.
Je redis, comme chaque année, mon inquiétude quant à la situation difficile des diffuseurs : la vente au numéro subit un déclin significatif qui entraîne la disparition progressive des points de vente. Les efforts doivent perdurer, en matière de rémunération comme d’approvisionnement et de logistique.
Les crédits du livre et des industries culturelles sont en hausse, du fait notamment d’un changement de périmètre. Le livre, comme la presse, doit lui aussi relever le défi du numérique et je suis heureux d’avoir lu dans le rapport de la commission des finances que l’évolution législative de l’encadrement des ventes à distance, que nous avons voulu collectivement ici, avait peut-être permis aux librairies de proximité et aux grandes surfaces culturelles d’afficher de bons résultats au cours du premier semestre de 2015.
L’instauration du médiateur du livre, qui dispose d’un budget tout à fait modeste de 200 000 euros, traduit également une volonté de faire évoluer les pratiques des différents opérateurs du secteur du livre et des systèmes de vente, en dehors de toute action judiciaire.
La hausse, jusqu’à 8,5 millions d’euros, des crédits de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, ou Hadopi, est à relever, même si ce niveau de dotation, inférieur aux 9 millions d’euros demandés par l’institution, ne lui permettra pas de mettre en oeuvre l’ensemble de ses missions.
Enfin, s’agissant de l’audiovisuel public, il est à noter que le Grand Soir de son financement n’est toujours pas venu. La réforme attendue de l’assiette de la contribution, malgré vos déclarations optimistes du début de l’automne, madame la ministre, a été renvoyée une nouvelle fois aux calendes grecques. Pourtant le téléviseur n’a déjà plus le monopole de l’accès au service public de l’audiovisuel, nous le savons tous ici. La réflexion, je vous l’accorde, n’est pas simple mais des pistes doivent être explorées, faute de quoi nous prendrons ensemble le risque de ne pas faire évoluer le financement de l’audiovisuel public pour l’adapter aux nouveaux usages.
Ce qui reste essentiel c’est la sécurisation de ce financement. Certes, vous supprimez intégralement dès 2016 la dotation budgétaire en affectant une part plus importante de la taxe sur les opérateurs de télécommunications. Mais comme l’a déclaré ma collègue Virginie Duby-Muller en commission élargie, notre groupe ne peut accueillir favorablement la manière dont vous disposez de cette taxe.
Oui, monsieur le président. Je ne vois pas le temps passer en votre compagnie.
Sourires.
Son augmentation de 0,4 point est d’abord contraire à la promesse du Gouvernement de ne plus alourdir la fiscalité sur les entreprises et les ménages, puisqu’on sait pertinemment que l’augmentation sera répercutée sur ces derniers.
France Télévisions devra toutefois faire des efforts afin de maîtriser ses coûts et de faire des économies tout en assurant une programmation ambitieuse – à cet égard, madame la ministre, nous avons noté que la nouvelle présidente de France Télévisions a réalisé quelques belles prises, qui sont tout à son honneur.
Grâce à un contrat d’objectif et de moyens en cours d’achèvement, Radio France – qui vient de vivre une année difficile – s’apprête à trouver de nouvelles sources de financement et à assainir sa masse salariale. Espérons ensemble que 2016 sera une année charnière qui nous permettra de préparer un avenir plus serein que ne le fut son passé !
En l’état et compte tenu des réserves que j’ai formulées, madame la ministre, nous ne pourrons pas voter ces crédits.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Sourires
Je rappelle que le temps de parole des porte-parole des groupes est de cinq minutes.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » revêt un caractère particulier après les attentats que la France a connus au début de l’année.
Nous avons été malheureusement les témoins impuissants de la menace qui pèse sur la liberté d’opinion et de diffusion. Aussi, il est plus que jamais de notre devoir d’assurer et de garantir la diffusion des courants de pensée et d’opinion dans notre pays et de défendre la presse, dont la liberté, l’indépendance et le pluralisme sont intrinsèquement liés à la démocratie et à la vitalité du débat citoyen.
Outre la menace sur la liberté d’opinion, le livre, la presse et l’industrie culturelle dans son ensemble sont confrontés à un environnement de plus en plus concurrentiel marqué par des bouleversements technologiques.
Cette mission budgétaire doit permettre d’accompagner la mutation numérique de ce secteur stratégique tant pour la démocratie que pour l’économie. En effet, si la culture ne sera jamais une marchandise comme les autres, il n’en reste pas moins que l’industrie culturelle représente 3 % de notre produit intérieur brut. C’est un secteur d’excellence, vital pour la croissance, l’innovation et l’emploi ainsi que pour l’attractivité et le dynamisme de la France.
L’État soutient la presse de longue date et le programme 180 doit constituer le socle budgétaire solide sur lequel s’appuie l’évolution des dispositifs de soutien en sa faveur.
Après une baisse de 9 % des aides à la presse l’an dernier, nous regrettons cette année que le soutien de l’État continue de cibler massivement la diffusion papier alors même qu’il est urgent de mettre l’accent sur l’innovation pour que le secteur prenne avec succès le virage du numérique.
Par ailleurs, nous estimons que les aides à la presse doivent davantage bénéficier à la presse quotidienne régionale, qui constitue le principal vecteur d’information du pays.
Le programme 334, quant à lui, doit permettre de soutenir le développement de la création littéraire et de promouvoir la pratique de la lecture : ce sont des objectifs louables soutenus par le groupe UDI.
Nous sommes en revanche plus circonspects quant aux crédits alloués aux industries culturelles et plus particulièrement, madame la ministre, quant à la situation dans laquelle se trouve la HADOPI.
Certes, sa subvention augmente par rapport à 2015 puisqu’elle s’élève à 8,5 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ; néanmoins elle demeure incontestablement insuffisante pour lui permettre de mettre en oeuvre ses missions. Ai-je besoin de rappeler qu’en 2012, la subvention à la HADOPI s’élevait à 11 millions d’euros ?
Le Gouvernement, au mépris de la loi, organise donc l’extinction de cette dernière. Pourtant, je tiens à le rappeler, créée par la loi, elle ne peut être supprimée et éventuellement remplacée par un autre dispositif, madame la ministre, que par l’adoption d’une nouvelle loi.
Depuis deux ans et demi que nous attendons de grands changements, rien ne bouge. La HADOPI devait disparaître et le CSA reprendre ses activités : aujourd’hui, il n’en est rien ! Le Gouvernement ne peut ignorer que la HADOPI est aujourd’hui exsangue.
Je vous pose donc à nouveau la question, madame la ministre : que voulez-vous faire de la HADOPI ?
Sourires
Si la situation continue, l’institution court à la catastrophe. La faiblesse de son budget lui interdit de remplir les missions que le législateur lui a confiées.
Enfin, je conclurai mon intervention par quelques mots sur les crédits relatifs à l’action audiovisuelle extérieure.
Il me semble que notre pays sous-estime la force et le poids de l’outil audiovisuel dans la bataille d’influence qui fait rage sur le plan mondial.
Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde est en cours de négociation entre la société et ses ministères de tutelle. Ce moment particulier doit être l’occasion de s’interroger sur les objectifs et les moyens de notre audiovisuel extérieur afin qu’ils soient à la hauteur des ambitions diplomatiques de la France.
Mes chers collègues, le groupe UDI attend de ce Gouvernement une vraie réflexion sur les finalités assignées à la HADOPI. Aussi, en l’état, nous ne pouvons soutenir ce projet de budget.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce premier projet de budget dédié aux médias depuis les attentats de Charlie Hebdo se devait d’incarner une mobilisation en faveur d’une presse indépendante et du pluralisme.
On ne le dira jamais assez : la diversité des médias est un enjeu pour la vie de la démocratie. Garantir la liberté d’expression et d’opinion, garantir la liberté de la presse, garantir l’existence d’une presse indépendante, ce sont là des principes de base et intangibles, non seulement pour permettre l’existence d’un débat démocratique mais, aussi, tout simplement, pour assurer à chacun l’accès à une connaissance plurielle et donc à l’exercice de son esprit critique.
Nous avons besoin d’une presse diverse, libre et plurielle qui puisse vivre et se déployer sur l’ensemble de notre territoire.
Suite aux attentats du mois de janvier dernier, le Gouvernement a agi en ce sens – je pense, par exemple, à la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République ou, pour en revenir à ce budget, au soutien aux radios associatives locales, aux nouvelles actions envers les médias de proximité qui agissent notamment à destination des jeunes des quartiers prioritaires ou dans les zones rurales à revitaliser.
De façon plus globale, je pense aux évolutions en cours concernant les aides à la presse et aux médias, qui reflètent une volonté partagée de soutenir le pluralisme et l’émergence de nouveaux médias qui, je l’espère, sauront rester innovants et indépendants.
L’élargissement annoncé des aides directes à la presse aux magazines à faibles ressources publicitaires va, me semble-t-il, en ce sens. Il en est de même d’autres mesures que nous avons votées comme l’harmonisation des taux de TVA entre presse papier et électronique ou encore la création du statut d’entreprise solidaire de presse d’information.
Bien sûr, il faut désormais regarder de près les aides indirectes, en gardant bien à l’esprit que la pérennisation de la distribution et des points de ventes ne sont pas des questions secondaires. Pour être effective, la liberté de la presse doit être accompagnée d’une garantie d’accès pour le lecteur et cela quel que soit le lieu où l’on réside.
Autre enjeu essentiel auquel répond pour partie ce budget : le financement de France Télévisions.
Certes les dispositions prévues vont dans le bon sens et permettent de combler une partie du déficit annoncé mais nous devons aller jusqu’au bout de la logique en permettant aux médias publics de disposer de ressources financières suffisantes pour qu’ils puissent remplir leurs missions de service public dans de bonnes conditions et dans la durée.
En évitant le pire à France Télévisions, cette loi de finances souligne indirectement l’urgence d’explorer d’autres pistes pour sécuriser son financement.
Les négociations en cours entre diffuseur et producteurs constituent une piste intéressante mais il faut aller plus loin dans les réflexions et envisager de faire évoluer la contribution à l’audiovisuel public vers une contribution forfaitaire universelle, comme les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux le suggèrent dans leur rapport.
De même, n’ayons pas peur de rouvrir le débat sur la publicité. Étant donné les besoins financiers du groupe et les effets d’une suppression non pleinement compensée, pourquoi ne pas envisager le retour d’une « publicité raisonnable » en soirée, compatible avec les valeurs du service public ?
Cela m’amène à souligner l’intérêt de la proposition de loi de nos collègues écologistes qui vient d’être adoptée au Sénat et qui propose d’interdire la diffusion de messages publicitaires pendant les plages horaires consacrées à la jeunesse, public le plus fragile face aux annonceurs.
J’espère d’ailleurs que les projets numériques portés par France Télévisions sauront répondre à cette exigence vis-à-vis des jeunes publics car la pérennisation des financements de France Télévisions, si elles est une priorité, n’est pas sans limite.
Outre le respect de valeurs éthiques et la préservation des publics sensibles, je souhaite ici rappeler deux choses : d’une part, le développement de services payants est problématique puisque le contribuable les paie déjà via la contribution à l’audiovisuel public ; d’autre part, demander à France Télévisions de parcourir l’autre moitié du chemin pour combler le déficit annoncé ne doit pas être synonyme de pression supplémentaire sur les salariés ou de nouvelle détérioration des conditions de travail.
Dernier point sur lequel je souhaite insister, l’augmentation conséquente du financement de la HADOPI demeure peu justifiée et peu compréhensible. Loin de moi l’idée de revenir sur la faiblesse du nombre de dossiers instruits car c’est là plutôt une bonne nouvelle pour celles et ceux qui, comme moi, ne soutiennent pas le dogme de la riposte graduée.
Il est urgent en revanche de réaliser de réels progrès quant à l’amélioration de la chronologie des médias et au développement d’une offre légale de qualité, rapidement accessible à des tarifs acceptables et abordables pour tous.
Pour conclure, nous voterons ce budget qui, hors le débat sur l’opportunité de la HADOPI, prolonge avec cohérence la volonté de renforcer des secteurs cruciaux pour notre culture et pour notre démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est globalement stable. Les crédits dévolus à la presse bénéficient en effet d’une enveloppe constante par rapport au budget 2015. Le programme « Livre et industries culturelles », quant à lui, progresse.
De même, les financements aux sociétés de l’audiovisuel public sont globalement stabilisés pour la période 2015-2017, même si plusieurs interrogations subsistent concernant la pérennité des financements dont France Télévisions pourrait bénéficier.
Mais au-delà des seules questions budgétaires, j’aimerais insister sur la nécessaire accélération de la mutation numérique de ce secteur stratégique pour l’économie et la démocratie dans notre pays.
Il faut hâter le pas. Concernant l’essor du numérique, pourtant inéluctable, notre pays a été trop frileux. Certains ont même perçu cette évolution indispensable comme un frein à la vitalité économique des secteurs de la presse, du livre et des industries culturelles.
Les nouvelles technologies de l’information nécessitent une refonte des modèles économiques et de la politique éditoriale. Le rôle du Gouvernement est donc d’accompagner cette mutation par une politique innovante et audacieuse.
Dans ce cadre, le secteur de la presse doit faire l’objet d’une attention particulière, notamment la presse écrite. Google l’a d’ailleurs bien compris : son fonds en faveur de l’innovation le prouve. Mais on ne peut lui déléguer cette responsabilité, qui relève de l’action des pouvoirs publics. Il faut notamment revoir l’ampleur et les modalités d’attribution du fonds stratégique public à l’innovation et, certainement, redéfinir les critères d’attribution. Il ne serait pas responsable de notre part que de laisser les géants du numérique agir seuls en ce domaine.
L’érosion rapide de la diffusion papier ne signifie pas la fin d’une presse de qualité. Le numérique peut contribuer à une bonne information et à un pluralisme renforcé. Il revient aux acteurs de la presse de faire les efforts nécessaires pour répondre à ces défis. L’État doit orienter cette évolution pour préserver le pluralisme, garant de la démocratie.
Le Gouvernement a pris des mesures positives : la TVA à 2,1 % pour la presse en ligne ainsi qu’une légère réorientation des aides directes vers l’innovation dans la presse. Il poursuit aussi son soutien à la diffusion papier de la presse avec l’aide au portage et au transport postal.
Cependant, madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la tendance à la concentration dans ce secteur, en dépit de l’existence d’une multiplicité de titres. En effet, ces titres sont souvent détenus par une poignée de grands groupes qui se portent très bien financièrement. En bout de chaîne, ils sont la propriété de quelques grands actionnaires dont la presse n’est pas l’activité principale. Industrie du luxe, banque, finance, armements, télécommunications, ce sont en vérité quelques mains qui détiennent les dizaines de titres existants.
Les dernières opérations de rachat qui ont eu lieu dans ce secteur ont encore renforcé cette tendance à la concentration de la propriété.
Aussi, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’une partie de ces aides postales à la presse pourrait être directement prise en charge par ces groupes, qui bénéficient par ailleurs de fonds publics, notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ?
Dans cet esprit, les aides directes doivent être mieux ciblées. Je rappelle que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste reste très attaché à une politique de soutien aux titres qui ne disposent pas de recettes publicitaires suffisantes car ils sont indispensables au pluralisme. Nous nous réjouissons d’ailleurs qu’une aide supplémentaire de 4 millions d’euros leur soit consacrée, même si elle ne sera pas suffisante. Assurer l’indépendance politique de la presse est un devoir pour une démocratie moderne ; encourager le pluralisme de la presse et la protéger des puissances d’argent le sont tout autant. J’aimerais, madame la ministre, connaître votre sentiment sur cette question.
De même, madame la ministre, notre groupe souhaite que l’indépendance éditoriale des journalistes soit mieux protégée, tout comme nous serons très attentifs à l’évolution des engagements du Gouvernement en faveur de la protection des sources.
Les crédits du programme 334, « Livre et industrie culturelle », sont en progression. Je salue la volonté du Gouvernement de favoriser l’accès du public aux bibliothèques : c’est un bel engagement, qu’il faudra concrétiser, avec le concours des collectivités territoriales. De même, je me félicite du soutien annoncé aux médias de proximité et aux radios locales, qui contribuent d’une manière essentielle au lien social dans nombre de territoires, notamment dans ceux relevant de la politique de la ville. C’est une bonne chose pour la démocratie, pour le savoir et pour le débat public.
En conclusion, monsieur le président, les crédits du projet de budget pour 2016 en faveur des médias, du livre et des industries culturelles sont la traduction d’une politique qui rencontre les préoccupations de mon groupe. Vous l’aurez compris, madame la ministre : nous souhaitons insister sur la nécessaire préservation de la pluralité de l’information, parce qu’elle est garante de notre démocratie. Je ne doute pas que cette préoccupation soit partagée par le Gouvernement, et c’est dans cet esprit que notre groupe votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce dont nous traitons, avec le budget de cette mission, c’est des moyens accordés par la nation au développement de la démocratie et de la citoyenneté.
Traiter des médias, de la presse et de ce qui, en leur sein, relève du service public, c’est en effet traiter du droit des citoyens à l’information, à la culture et à la maîtrise des enjeux qui permettent de débattre, de décider et d’agir. À ce titre, nous avons rappelé en commission notre attachement au service public de l’audiovisuel. Il s’agit d’un vecteur d’émancipation essentiel pour le plus grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes. On ne peut ignorer l’importance de cet outil populaire pour la création et l’accès aux oeuvres, pour l’accès aux savoirs et à la connaissance.
L’audiovisuel public fait partie de cette exception culturelle à laquelle nous tenons. Pour nous, ce n’est pas une marchandise comme les autres. Il ne faudrait pas que la séparation entre production et diffusion se solde par l’assèchement de la création de qualité sur les chaînes publiques – notre président nous a alertés quant aux risques que les négociations entre TF1 et Newen font peser sur France 3.
Une grande ambition pour France Télévision est pourtant possible, à condition de partir du projet, et donc des financements à dégager, et non de contraintes comptables présupposées.
Ainsi, l’idée de créer une chaîne publique d’information en continu me semble une exigence conforme aux missions du service public : une chaîne permettant de développer la citoyenneté et la démocratie ; une chaîne d’information diffusée sur le Web et la TNT qui développe la réflexion et l’intelligence de chacun et chacune ; une chaîne qui favorise une appétence pour la politique, en ouvrant de grands débats et en les nourrissant d’apports riches et variés. Cela nécessite d’en créer les conditions, aussi bien en termes de serveurs que de personnels, ce qui suppose des moyens. La mutualisation de ces derniers, dans le cadre d’un rapprochement entre France Télévision et Radio France, ne peut se faire que par le haut.
Non, ce secteur ne doit pas passer sous les fourches caudines de l’austérité. Le grand mouvement mené par les personnels de Radio France a permis d’annuler le plan de départ, mais je regrette que la direction envisage toujours de ne pas remplacer un départ en retraite sur deux pour revenir à l’équilibre. Non, l’équilibre dans l’audiovisuel public ne peut reposer sur de nouvelles restrictions des ressources humaines. Comment espérer améliorer la qualité des contenus en opérant de nouvelles coupes claires dans le professionnalisme et le savoir-faire ? Il faut plutôt réfléchir en termes de ressources nouvelles. Nombre de collègues ont salué le virage opéré dans le financement de l’audiovisuel, voyant dans la disparition programmée de la dotation d’État au budget de France Télévision une source d’indépendance pour le groupe. Pour ma part, je ne serai complètement enthousiaste que lorsqu’une réforme juste de l’assiette de la redevance permettra de sécuriser le devenir du service public.
Concernant la presse, madame la ministre, vous nous avez assuré qu’un calendrier était prévu pour la mise en oeuvre des réformes proposées dans l’excellent rapport de notre collègue Michel Françaix sur les aides à la presse. Je ne mets pas en doute cet engagement, mais le temps presse, aussi bien pour le recentrage des aides que pour la fusion des messageries. Et je reste dubitative quant aux moyens affectés à la mise en oeuvre de ces objectifs.
Je pense également que l’État ne peut rester insensible aux conséquences de la concentration croissante des groupes de presse, ou plus exactement à l’achat de groupes de presse par des groupes financiers. Je connais l’argument qui consiste à dire qu’il est nécessaire de jouer dans la même cour que d’autres pays, mais je vous appelle à faire attention au danger pour le pluralisme. Il est temps de mettre en place une nouvelle conditionnalité des aides, en instaurant des critères relatifs au respect d’obligations déontologiques, ainsi qu’à l’emploi et à l’indépendance des journalistes.
S’agissant du métier de journaliste, vous nous avez dit, madame la ministre, que nous allions prochainement débattre à nouveau du texte protégeant le secret des sources des journalistes. Je suis certaine que nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à nous en féliciter. Toutefois, il ne faudrait pas que, à l’issue de cette longue attente, le projet de loi nous fasse repartir à la case départ. J’espère que le travail effectué par notre commission pour trouver de vraies réponses aux besoins de cette profession sera pris en compte.
Madame la ministre, le débat sur cette mission nous a permis d’avoir, de votre part, des réponses concernant l’audiovisuel public et les aides à la presse. Mais le montant des crédits alloués à cette mission n’est au niveau, ni de nos attentes, ni de vos engagements : c’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche ne les voteront pas.
La parole est à M. Michel Pouzol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui, à l’issue des travaux de la commission élargie et de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui ont examiné et voté les crédits pour 2016 des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Avances à l’audiovisuel public ». Permettez-moi tout d’abord de saluer nos rapporteurs pour leur excellent travail : M. Jacques Cresta pour l’audiovisuel, M. Michel Françaix pour la presse, dont il est le spécialiste universellement reconnu
Sourires
et, enfin, Mme Virginie Duby-Muller, pour la mission « Livre et industries culturelles ».
Concernant les crédits de l’audiovisuel public, je me félicite de ce projet budget, qui s’inscrit dans la continuité du travail engagé par le Gouvernement depuis le début du quinquennat. En effet, dans le prolongement de la loi du 15 novembre 2013, qui est venue renforcer l’indépendance statutaire et organique des sociétés de l’audiovisuel public, ce budget renforce leur indépendance financière. L’effort principal sera assumé par les fournisseurs d’accès à internet, qui contribueront à hauteur de 140,5 millions d’euros, issus de l’affectation directe d’une partie de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Un amendement émanant du groupe SRC relèvera d’ailleurs le taux de cette taxe de 0,9 à 1,3 %.
Ce choix, assumé par le Gouvernement et soutenu par la majorité, permettra d’accompagner progressivement, et de façon équitable, la diminution du financement public issu du budget général, sans pour autant augmenter ce que les Français ressentent comme une pression fiscale supplémentaire. Le défi important que notre majorité a relevé était de trouver un équilibre entre l’exercice de la tutelle de l’État sur ces sociétés, d’une part – tutelle qui implique nécessairement un soutien financier – et leur totale indépendance politique, d’autre part, incarnée notamment par la liberté de programmation, réaffirmée à l’article 2 du projet de loi sur la création.
Les Français verront leur redevance augmenter d’un euro, soit l’augmentation la plus faible depuis 2008. Compte tenu de la progression du nombre de redevables, il en résulte une hausse de 1,7 % des recettes issues de la contribution à l’audiovisuel public. Il est important de préciser que le Gouvernement a rejeté l’idée de faire peser sur les Français une taxe sur les objets connectés, pourtant préconisée par le rapport Lescure, alors même que les usages et la consommation de contenus ont été bouleversés par le numérique. Dans les années à venir, nous devrons nous pencher collectivement sur cette question de l’élargissement de l’assiette, car si les contenus restent les mêmes, les modes de consommation et les supports, eux, évoluent à une vitesse exponentielle. Nous devons le faire en toute transparence, sans a priori ni tabou.
Réjouissons-nous cependant que, pour l’année 2016, le financement de l’audiovisuel public soit assuré par des recettes stables et identifiées. Permettez-moi de m’attarder un instant sur l’arrivée très prometteuse à la tête de France Télévision de Delphine Ernotte qui saura, j’en suis certain, défendre un réel projet numérique. Nous serons attentifs à ce que son projet ambitieux de chaîne d’information en continu soit conforme obligations de service public, en proposant un décryptage de l’information objectif et de qualité. Nous serons également très vigilants quant à la gestion de la question sociale dans cette entreprise.
Sans transition, passons au volet « Presse ». Ce budget est très important symboliquement, puisqu’il s’agit du premier projet de budget « post-Charlie ». Les parlementaires de tous les bancs sont par conséquent particulièrement exigeants à son égard. Ce budget doit adresser un message de soutien à l’ensemble de la presse et des journalistes, qui sont la pierre angulaire de la démocratie. Il est donc important de souligner que ce budget est en hausse, traduisant la volonté du Gouvernement de défendre les valeurs de liberté, de création et de protection des artistes.
La hausse de l’aide au pluralisme en témoigne : elle progresse de 4 millions, soit une augmentation de 35 % par rapport à 2015.
Le budget de cette année est aussi innovant, puisqu’un fonds de soutien à l’information sociale de proximité sera créé en 2016 et doté de 1,5 million d’euros, l l’objectif poursuivi étant de soutenir les médias de petite taille, qui jouent un rôle essentiel dans la préservation du lien social sur les territoires.
J’ai gardé pour la fin ce qui, à mes yeux, est le meilleur. Je ne peux que me féliciter de la nouvelle mouture du crédit d’impôt cinéma. Aligné sur le crédit d’impôt international, le taux du crédit d’impôt, porté à 30 %, permettra d’éviter les délocalisations de tournage, au bénéfice de l’emploi. Qu’un producteur et un réalisateur français s’apprêtent à mettre en chantier une production aussi importante que Valérian, au budget estimé de 170 millions d’euros, c’est une bonne nouvelle pour l’ensemble de notre économie.
Le relèvement de 4 millions du crédit d’impôt pour les films à la fin de l’année 2013 a engendré une augmentation de 30 millions de l’investissement en France. La relocalisation des films génère chaque année une activité économique forte, ainsi que des recettes fiscales et sociales importantes pour les collectivités publiques, largement supérieures à la dépense fiscale initiale. Grâce à ces mécanismes, l’activité de tournage produit un chiffre d’affaires global de 1,4 milliard d’euros et crée des milliers d’emplois : on dénombre 17 000 emplois supplémentaires en huit ans pour l’emploi en région et une progression de 32 % de la création d’emplois permanents sur tout le territoire.
Il est donc primordial de renforcer ces dispositifs, qui sont déterminants pour assurer la compétitivité de notre industrie face à des mécanismes étrangers agressifs. Comment ne pas regretter, par exemple, que l’obligation de tournage en français nous ait privés, il y a vingtaine d’année, de la suite qu’Elia Kazan souhaitait donner, grâce à des fonds français, à son chef-d’oeuvre America America ?
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, je vous remercie chaleureusement, madame la ministre, et vous aussi, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, d’avoir entrepris cette démarche exceptionnelle. Il ne fait aucun doute que le groupe SRC la soutiendra pleinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Nous en venons à une question du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Sophie Dessus.
Monsieur le président, madame la ministre, si les livres pouvaient parler, et si nous savions les entendre, ne doutons pas que, du haut de leurs étagères, ces Voix du silence nous interpelleraient : « Législateurs, qu’avez-vous fait de votre loi dite « anti-Amazon » ? Tel Don Quichotte face aux moulins à vent, vous avez tenté de rappeler aux Misérables que sont Jeff Bezos et les siens, que s’il y a des droits, il y a aussi des devoirs ; que la loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure ; que lorsque l’on s’implante dans un pays, on en paie les impôts, sans Orgueil et préjugés ; que l’exploitation humaine est prohibée, sous peine de retour à La case de l’oncle Tom ; que le libéralisme à tous crin ne fera mûrir que Les raisins de la colère. »
Ici, dans cette enceinte, c’est à l’unanimité que nous avons voté contre la gratuité des frais de port. Mais Autant en emporte le vent : nous nous retrouvons comme La conjuration des imbéciles face à un coût de livraison fixé à un centime d’euro. Et voilà comment, sans autre forme de Procès, est détournée la loi en toute légalité !
La Peste soit d’Amazon et de ses semblables. Vingt ans après la naissance de ces groupes, auteurs américains, allemands et japonais se mobilisent contre l’arme de destruction massive qu’ils incarnent. Ils demandent l’ouverture d’une enquête au département américain sur la situation monopolistique d’Amazon et viennent au secours de Flammarion, bloqué dans la vente de certains de ses livres.
Et nous, législateurs, quel levier pouvons-nous actionner dans cette guerre économique, digne de L’Iliade, où l’un des belligérants veut s’octroyer le monopole de la librairie électronique jusqu’à en donner La nausée ? Comment le Gouvernement peut-il remettre la librairie indépendante au coeur de la cité et faire du livre la priorité qui nous ramène vers De grandes espérances, puisque là où disparaît une librairie surgit le Front national ?
Comment, enfin, amener les 200 millions d’utilisateurs d’Amazon à résister à ce Barbe bleue des temps modernes et à s’aventurer À l’ombre des jeunes filles en fleur, pour que vivent diversité culturelle et liberté de penser ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vous remercie, madame la députée, de cette très belle question, nourrie de l’évocation de nombreuses oeuvres : vous avez raison, la France doit mener le combat contre l’uniformisation des pratiques et la standardisation des goûts, qu’ils soient littéraires, cinématographiques, audiovisuels ou musicaux. Si la France ne menait pas ce combat, quel pays pourrait le mener ?
Je partage votre appel enthousiaste à ce que la France continue d’être en pointe dans ce combat contre des groupes « hors-sol », qui, opérant depuis l’extérieur, ne paient pas d’impôts et qui, non contents de ne pas contribuer au financement de la création, menacent la diversité culturelle.
Puisque j’ai visité à vos côtés vendredi dernier une libraire indépendante dans votre ville d’Uzerche, vous savez, madame la députée, à quel point nous sommes attachés à la préservation de ce réseau des librairies indépendantes. Il n’est que de constater la tristesse suscitée par la disparition totale de ces librairies dans les pays qui n’ont pas su les soutenir pour se convaincre de la nécessité de les préserver. Le plan Librairies que nous avons lancé en 2012 a permis à un certain nombre de librairies indépendantes de faire face à la concurrence déloyale de ces plate-formes numériques.
Dans un contexte de fragilisation de l’ensemble de la chaîne du livre, ce plan de soutien à la librairie est indispensable. Il a permis aux librairies de se moderniser et de conforter leur modèle économique et culturel. Le ministère de la culture a mobilisé pas moins de 11 millions d’euros pour aider les librairies à faire face à une conjoncture défavorable. Les éditeurs se sont également engagés à participer substantiellement à cet effort.
Il faut continuer à travailler avec les éditeurs et avec les libraires, notamment sur les questions de formation. Nous l’avons constaté l’une et l’autre vendredi, un algorithme froid et automatique ne remplacera jamais la médiation d’un libraire. Nous devons continuer à aller de l’avant ensemble, avec le Parlement et tous les libraires indépendants qui souhaitent pouvoir ajuster leur modèle à la transition numérique, non seulement pour qu’elles bénéficient d’un soutien financier, mais également pour qu’elles soient accompagnées dans cette transition.
J’appelle les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement no 423 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
L’amendement no 423 à l’article 24, comme du reste l’amendement no 424 à l’article 26, tire les conséquences de l’adoption par l’Assemblée nationale de l’amendement no 822 déposé par le Gouvernement à la première partie du projet de loi de finances.
L’amendement no 423 a pour objet de supprimer les 40,5 millions d’euros de dotation budgétaire prévus à l’article 24 du projet de loi de finances pour 2016 pour France Télévisions. Comme vous le savez, depuis la loi de finances initiale pour 2013, le Gouvernement a choisi de modifier la structure du financement de l’audiovisuel public, en diminuant progressivement la part de la subvention budgétaire directement attribuée par l’État, dans l’objectif de la supprimer totalement en 2017. Il s’agit d’assurer l’indépendance et la solidité du financement de l’audiovisuel public.
À l’initiative de parlementaires, j’ai proposé en première partie de la discussion budgétaire d’accélérer la mise en oeuvre de cet engagement en prévoyant l’extinction des crédits budgétaires dès 2016.
Un financement plus indépendant et plus solide, c’est aussi un financement à la hauteur des ambitions qui sont les nôtres pour France Télévisions. C’est pourquoi, au-delà des 40,5 millions d’euros, vous avez adopté un amendement du Gouvernement accordant 25 millions d’euros supplémentaires à France Télévisions. L’État prend donc ses responsabilités en parcourant sa partie du chemin vers le redressement de la situation économique de l’entreprise. Ce sont en définitive 65,5 millions d’euros supplémentaires, issus du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui seront affectés à France Télévisions.
Quant à l’amendement no 424 , que je défendrai à l’article 26, il vise à modifier celui-ci pour tenir compte de cette augmentation de la dotation publique de France Télévisions. Il prévoit, après prélèvement des frais d’assiettes et de recouvrement de 1 %, un relèvement de 64,9 millions d’euros des crédits alloués à France Télévisions sur le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Au total, la dotation publique de France Télévisions s’élèverait ainsi à 2 509,8 millions d’euros, en progression de 28,8 millions par rapport à 2015.
Dans un contexte financier délicat pour l’entreprise, qui l’aurait, à ressources publiques constantes, conduite à un déficit de plus de 50 millions d’euros en 2016, le Gouvernement prend ainsi ses responsabilités pour assurer un financement pérenne des missions de l’entreprise et soutenir des ambitions fortes pour le service public. Toutefois, ce soutien financier, comme je l’ai déjà souligné, n’exonère pas l’entreprise d’une réflexion sur la modernisation de son action et de la mise en oeuvre de mesures d’économies qui seront discutées dans le cadre des négociations du prochain contrat d’objectifs et de moyens.
La parole est à M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 423 .
Ces amendements tirent les conséquences de l’amendement no 822 du Gouvernement que nous avons adopté en première lecture et qui reprenait l’idée, soutenue par le président de la commission des affaires culturelles, M. Patrick Bloche, et par moi-même, de renforcer le financement de France Télévisions de 25 millions supplémentaires pris sur le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. C’est faire la moitié du chemin vers la réduction du déficit prévisionnel de France Télévisions, qui s’engage à faire l’autre moitié en prenant des mesures d’économies.
L’amendement no 423 supprime la dotation budgétaire dont nous savons tous qu’elle était une source d’insécurité et d’instabilité pour l’ensemble de l’audiovisuel. Ces crédits seront désormais remplacés par l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.
La commission et moi-même sommes donc évidemment favorables à ces deux amendements.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je tiens à me féliciter de ces deux amendements du Gouvernement, qui sont la suite logique de l’adoption, au cours de la discussion de la première partie du PLF, de l’amendement no 822 , que vous aviez soutenu, madame la ministre, et dont l’objet reprenait celui de l’amendement que M. Beffara et moi-même avions déposé, visant à assurer 25 millions d’euros de ressources supplémentaires à France Télévisions en 2016. Il s’agit de faire, comme vous l’avez si bien dit l’un et l’autre, la moitié du chemin dans la réduction du déficit prévisionnel, évalué à quelque 50 millions d’euros.
Ce faisant, nous finalisons la restauration de l’indépendance budgétaire de France Télévisions. Il convient de prendre la mesure de ce moment, que je n’oserai cependant qualifier d’historique. La loi du 15 novembre 2013 a permis d’assurer une première indépendance à France Télévisions, à Radio France et à France Médias Monde, par la restitution au Conseil supérieur de l’audiovisuel de son pouvoir de nomination. Il s’agit aujourd’hui du deuxième acte de cette restauration de l’indépendance de l’audiovisuel public puisque dès 2016, France Télévisions ne dépendra plus d’une subvention de l’État. C’est là un vote excessivement important : en termes de ressources publiques, France Télévisions ne dépendra plus que de la redevance, qui est son principal financement, et de la réaffectation d’une grande partie du produit de la taxe Copé.
Le budget de France Télévisions ne dépendra donc plus des aléas du budget de l’État, entre annulations et gels de crédits. C’est, grâce au gouvernement, madame la ministre, et à cette majorité, l’acte II du recouvrement de son indépendance par l’audiovisuel public. Nous pouvons collectivement nous réjouir d’être complètement revenus sur les mauvais choix faits par Nicolas Sarkozy en 2009.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre, votre amendement vise à anticiper d’un an l’extinction de la dotation budgétaire à France Télévisions, puisqu’elle ne devait pas être proposée avant le PLF pour 2017.
Au cours de la discussion générale, notre excellent collègue Jean-Noël Carpentier a souligné que le budget de France Télévisions serait stabilisé, notamment grâce à la progression du rendement de la contribution à l’audiovisuel public. Le budget initial du PLF prévoit en effet une nette diminution des crédits de paiement destinés à France Télévisions, qui passent de 160,4 millions d’euros dans le PLF 2015 à 40,5 millions dans le PLF pour 2016. Ainsi le transfert de la dotation de France Télévisions sur le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » fait qu’à périmètre constant les crédits de la mission sont quasiment stables.
Il semblait donc qu’un point d’équilibre était trouvé pour un média qui constitue un relais démocratique essentiel au sein de notre paysage médiatique. C’est pourquoi l’extinction anticipée de la ligne budgétaire consacrée à France Télévisions, que cet amendement propose dès la loi de finances pour 2016, soulève plusieurs questions, notamment quant à la signature du contrat d’objectifs et de moyens, qui doit avoir lieu en 2016, et au véritable défi numérique que le groupe doit relever et qui lui a déjà coûté en 2014 quelque 78 millions d’euros pour 22,3 millions d’euros de recettes.
Il s’agit certes par ce amendement d’amener le service public de télévision vers une totale indépendance, mais n’est-il pas prématuré de sortir dès 2016 France Télévisions du périmètre de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ? Avant d’assurer à France Télévisions une totale indépendance via le rendement de la contribution à l’audiovisuel public, il semble nécessaire de stabiliser et de sécuriser ses ressources et son financement.
Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements, d’une part sur l’opportunité d’avancer d’un an l’extinction effective de la dotation budgétaire à France Télévisions et, d’autre part, sur les garanties dont bénéficiera le service public de France Télévisions pour sécuriser et pérenniser ses ressources ?
La parole est à M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Madame la ministre, je vous ai posé une question sur Hadopi : pourriez-vous y répondre ? Je vous remercie.
Monsieur Falorni, je tiens à vous rassurer : comme l’ont rappelé le rapporteur spécial et le président de la commission des affaires culturelles, ce budget procède à une sécurisation et une pérennisation des ressources de France Télévisions, qui se traduisent d’ailleurs par une augmentation significative du budget alloué à France Télévisions. En effet, l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques fait plus que compenser l’extinction de la dotation budgétaire allouée à l’audiovisuel public, si bien que le budget de France Télévisions est en hausse de 28,8 millions d’euros pour 2016. Les moyens ne sont donc pas stables : ils sont en augmentation, ce qui aidera en partie France Télévisions à retrouver l’équilibre à l’horizon de 2017, comme l’a indiqué la nouvelle présidente de France Télévisions, et à mettre en oeuvre les ambitions que celle-ci a affichées en matière éditoriale et de développement de programmes de fiction ou de flux.
C’est donc bien à une pérennisation des recettes, ainsi qu’à un retour de l’indépendance tant de la nomination que des ressources financières de l’audiovisuel public, que nous assistons, et non pas à une baisse ou à une fragilisation des recettes, puisque celles-ci augmentent au contraire.
Monsieur Rochebloine, même s’il n’est pas de tradition pour les ministres de répondre aux porte-parole des groupes lors de l’examen des lois de finances, je veux bien répondre à vos interrogations sur la Hadopi. Il n’est pas question d’empêcher la Hadopi de remplir les missions qui lui sont assignées par la loi. Si ses crédits augmentent, c’est parce que la Haute autorité avait puisé sur son fonds de roulement les années précédentes pour assurer une partie de ses dépenses de fonctionnement. Il n’est pas question, je le répète, d’interdire à la Hadopi de remplir les missions que le législateur a souhaité lui confier.
Je tiens par ailleurs à préciser, en réponse à d’autres orateurs, que le décret relatif à l’aide aux titres de presse à faibles ressources publicitaires est paru ce week-end. Quant à la réforme des aides au transport postal, elle fera l’objet d’une communication de ma part au conseil des ministres vendredi prochain. Ce sera pour moi l’occasion de préciser les modalités de sortie des accords Schwartz.
L’amendement no 423 est adopté.
Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », modifiés, sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », inscrits à l’état D.
Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement no 424 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
L’amendement no 424 a été défendu, monsieur le président.
L’amendement no 424 , accepté par la commission, est adopté.
Les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », modifiés, sont adoptés.
Nous avons terminé l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et des crédits relatifs au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la culture (no 3110, annexes 9 et 10 ; no 3111, tomes II et III).
La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, monsieur le président et madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les députés, je l’ai dit tout à l’heure en introduisant les débats sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » : alors même qu’il a engagé un effort sans précédent de redressement des comptes publics, le Gouvernement a fait le choix de la culture. Il vous invite aujourd’hui à lui donner les moyens de ses convictions en choisissant avec lui de soutenir la création et de renforcer l’accès de tous à la culture, en agissant en particulier en faveur de la jeunesse.
Il vous invite aussi à être cohérents avec les dispositions que vous avez votées pour donner une reconnaissance législative au régime de l’intermittence, élément indispensable de prise en compte de la spécificité des métiers du spectacle.
Il vous invite enfin à financer les priorités qu’il a inscrites au projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, que vous avez adopté à une large majorité. La mission « Culture » du projet de loi de finances en est la traduction concrète. Pour 2016, il vous est donc proposé de la doter d’un montant de 2,75 milliards d’euros.
La première priorité du Gouvernement est de renforcer la participation de tous à la vie culturelle, en particulier pour ceux de nos concitoyens qui en sont les plus éloignés, dans tous les territoires de France. La progression de 30 % des crédits que nous affectons à la démocratisation culturelle depuis le début du quinquennat suffit à le démontrer : ils s’élèveront à près de 100 millions d’euros en 2016, contre 75 millions en 2012.
C’est à la jeunesse que nous consacrons en priorité cet effort, à travers l’éducation artistique et culturelle, qui représente plus de la moitié de nos financements en la matière – 54,6 millions d’euros, pour être précis, soit 35 % de plus qu’en 2015.
Cette augmentation des crédits vient notamment appuyer le retour de l’État dans le financement des conservatoires conventionnés, à hauteur de 8 millions d’euros, le renforcement du plan d’éducation artistique et culturelle, porté l’an prochain à 14,5 millions d’euros, pour repenser l’accès à la culture à partir des pratiques contemporaines, et le soutien à des projets emblématiques comme le dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale – DEMOS –, qui favorise la pratique musicale en orchestre pour des enfants résidant dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans des zones rurales.
Nous réserverons aussi une journée à l’accueil des enfants et des publics les plus éloignés de la culture au Louvre, au musée d’Orsay et à Versailles, en leur offrant des conditions d’accueil sans équivalent, avec notamment des parcours adaptés et inédits. Ce sont soixante-cinq postes qui seront créés entre 2015 et 2016 pour accompagner cette ouverture.
Les territoires pourront compter sur le soutien de l’État pour développer l’accès de tous à la culture. De fait, les crédits en région augmenteront de 2,2 % par rapport à 2015, pour atteindre 780 millions d’euros. Les moyens consacrés aux pactes culturels, que j’ai signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture, seront renforcés. Nous en avons déjà conclu une soixantaine, et je souhaite en signer plus encore en 2016, pour être aux côtés de toutes les collectivités qui font le choix de la culture.
La deuxième priorité du Gouvernement est de soutenir la création, dans sa diversité et son renouvellement. Sans politique d’accompagnement des artistes, il n’y a pas de politique culturelle. De fait, l’intervention de l’État en faveur de la création bénéficiera d’un budget de 400 millions d’euros, dont 365 millions pour le spectacle vivant et 35 millions pour les arts plastiques. Ces crédits sont en augmentation de 4 % par rapport à 2015.
Nous avons souhaité les affecter en priorité à la jeunesse, comme je m’y étais engagée en organisant des Assises de la jeune création. Ainsi, nous consacrerons plus de 7 millions d’euros à la mise en oeuvre des conclusions des Assises, pour financer notamment le compagnonnage artistique et l’accompagnement de tiers-lieux, le développement des résidences d’artistes et le soutien aux jeunes créateurs, via des pépinières artistiques, des ateliers de fabrication numérique ou des plates-formes de ressources en ligne.
De même, les écoles sont un creuset de la vie créative : c’est pourquoi les crédits que nous consacrons à la formation des artistes seront en hausse de 4,9 millions d’euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse financera en particulier la mise en place de classes préparatoires aux écoles de l’enseignement supérieur culturel et l’accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Nous financerons aussi le passage au statut d’enseignant-chercheur dans les écoles d’architecture, qui se traduira par la création de trente postes supplémentaires.
Enfin, nous financerons à hauteur d’un million d’euros la programmation « avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, projet emblématique de la politique que mène le Gouvernement en faveur des arts et de la culture : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux oeuvres et aux pratiques.
Enfin, la troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère, sur le long terme, les moyens de son ambition – en d’autres termes, de préparer l’avenir.
Préparer l’avenir, c’est accompagner la réforme territoriale en veillant à maintenir une présence efficace de l’État sur la totalité du territoire. C’est aussi le sens de la hausse des crédits alloués aux directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, que j’évoquais plus tôt.
Préparer l’avenir, c’est aussi sécuriser les outils de financement, en particulier pour l’archéologie préventive. Pour stabiliser le financement des activités de diagnostic assurées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives – INRAP –, le projet de loi de finances prévoit ainsi de budgétiser la redevance d’archéologie préventive : elle sera toujours acquittée par les aménageurs mais sera directement reversée au budget général de l’État. Cette réforme profitera autant aux collectivités territoriales disposant de services archéologiques agréés qu’au Fonds national d’archéologie préventive : leurs ressources seront plus claires et plus stables.
Préparer l’avenir, c’est enfin préserver les crédits consacrés aux investissements. L’an prochain, ils seront portés à 524 millions d’euros, soit 1,5 % de plus qu’en 2015.
Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Les crédits de paiement seront même en hausse de 2 millions d’euros l’an prochain, et les autorisations d’engagement portées à 338 millions d’euros. Ces crédits bénéficieront en particulier aux territoires, via les services déconcentrés.
À ces investissements pour les monuments historiques, il faut ajouter le financement de grands chantiers poursuivis ou lancés en 2016. Je pense en particulier aux archives, qui ont des besoins importants et auxquelles nous consacrerons 18 millions d’euros, à la préparation du déménagement de l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille au sein du futur Institut méditerranéen de la ville et des territoires, au financement des schémas directeurs du château de Versailles, de celui de Fontainebleau et du Centre Pompidou, au lancement des études consacrées au relogement du Centre national des arts plastiques, au réaménagement des Ateliers Berthier, ou à la fin de la première phase du chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, dont l’ouverture est très attendue.
Mesdames, messieurs les députés, vous l’aurez compris : pour l’accès de tous à la culture comme pour la création, nous misons en priorité sur la jeunesse, parce que miser sur la jeunesse, c’est miser sur l’avenir. L’avenir de la France est la première préoccupation du Gouvernement. Cet avenir passe par la culture : c’est l’une de ses convictions majeures. Le projet de loi de finances pour 2016 en témoigne.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la culture est une promesse : celle de permettre au plus grand nombre de s’élever, de célébrer et de transmettre les valeurs d’une civilisation, d’une nation. En ces temps troublés où la cohésion nationale peut vaciller, cette mission revêt une importance toute particulière.
La France se reconnaît dans La Liberté guidant le peuple de Delacroix, les fortifications de Vauban, les oeuvres de Berlioz. Mais pour que vive ce patrimoine culturel, nous devons le partager – partager notre héritage esthétique, nos références visuelles, musicales, cinématographiques. Quel défi pour le ministère de la culture, particulièrement en ces temps contraints !
Madame la ministre, nous sommes tous conscients de la situation budgétaire, mais celle-ci ne doit pas nous empêcher d’être à la hauteur des enjeux auxquels le monde de la culture doit fait face.
La hausse des crédits de la mission, pour la deuxième année consécutive, constitue un signal à première vue positif, mais elle appelle deux remarques. La première est que l’augmentation des crédits ne pourra faire oublier la diminution du budget de la culture subie au début du quinquennat, contrairement aux engagements qui avaient été pris par le candidat François Hollande. La seconde est que la hausse de 5,8 % des crédits de la mission – 6,4 % avec les fonds de concours – dissimule en réalité un transfert des crédits de la redevance d’archéologie préventive, la RAP. À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission augmentent donc de 1,3 % – 1,8 % en comptant les fonds de concours. On est loin du budget de 2012 !
Je commencerai par quelques mots sur le programme « Patrimoines », qui traduit la politique de l’État en matière de patrimoine culturel. Le budget du programme 175 est en hausse, et les subventions retirées aux opérateurs lors des exercices 2013 et 2014 leur sont partiellement restituées. Les crédits de paiement augmentent de 121 millions d’euros, dont 118 millions servent à reconstituer la dotation des opérateurs de l’archéologie préventive. Les choix budgétaires opérés par le ministère montrent que la protection du patrimoine monumental n’est plus assurée et que l’État s’appuie toujours plus sur les collectivités territoriales.
J’en profite pour saluer, au nom du groupe UDI, la qualité du travail des rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles, Marie-Odile Bouillé et notre collègue Michel Piron. Il traite d’un thème particulièrement important en ces temps de disette budgétaire. Quel musée peut vivre de ses seules recettes ? Cette question mérite d’être méditée à l’heure où très peu de musées peuvent vivre de leurs recettes d’exploitation : à Paris, seuls le musée d’Orsay et le musée Rodin sont dans ce cas.
J’en viens ensuite au programme 131, « Création », qui est le socle sur lequel repose le soutien à la diversité et au renouvellement de l’offre culturelle à toutes les étapes de la vie d’une oeuvre, et au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle est poursuivi et ses moyens sont renforcés, selon les annonces du Gouvernement. Les crédits alloués au spectacle vivant, mis à mal l’an passé, connaissent une légère augmentation. Enfin, nous espérons que la hausse des crédits de ces programmes touchera les territoires les plus éloignés de l’offre culturelle.
Mes chers collègues, les autorités centrales et locales ont beaucoup investi dans les musées et, plus largement, dans la culture. Cette politique a donné de très bons résultats, puisque la fréquentation des musées nationaux a triplé, que celle des autres musées de France a doublé, et que chacun de nos territoires possède un lieu culturel, que ce soit un musée, une compagnie théâtrale ou une école de musique. Néanmoins, les collectivités, qui ont financé les investissements et font vivre la politique culturelle, peinent désormais à maintenir les dotations de fonctionnement de ces établissements. En définitive, ce sont les politiques culturelles qui souffrent le plus des réductions budgétaires résultant du désengagement massif de l’État.
Ce budget est donc sans doute « plus un budget de consolation que de promotion », pour reprendre les mots de mon collègue et ami Michel Piron. Vous comprendrez que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants fasse le choix de s’abstenir.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, la hausse des crédits de la mission « Culture » est une bonne chose. Il était temps qu’elle survienne ! Permettez-moi de rappeler, madame la ministre, que la majorité demandait avec insistance une telle hausse depuis bientôt deux ans.
Préserver et enrichir la création artistique et le patrimoine, favoriser la diffusion des idées : voilà un devoir fondamental qui doit plus que jamais guider notre action politique. La culture, l’art et la création sont les moteurs d’une démocratie en mouvement. L’oublier, c’est ouvrir des brèches à la bêtise, à l’obscurantisme, au fanatisme. Après plusieurs années de baisse, il était donc indispensable de préserver la culture des restrictions budgétaires.
Je ne peux pas suivre l’opposition dans la description cataclysmique qu’elle fait de l’état de la culture dans notre pays.
M. Herbillon, chef de file du groupe Les Républicains lors des débats en commission élargie, en a fait des tonnes. Il s’est livré, au nom de votre formation politique, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, à une véritable opération d’enfumage.
Je vous renvoie à la période 2008-2011, celle où vous étiez au pouvoir avec M. Sarkozy. Durant cette période, les crédits de la culture ont fortement baissé.
Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, mesdames, messieurs de l’opposition : moins 30 % pour le patrimoine, moins 8 % pour la création, moins 30 % pour la recherche culturelle !
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. En matière de coupes budgétaires dans la culture, M. Herbillon et M. de Mazières sont des experts !
Concernant la place de la culture dans les collectivités territoriales, je vous en conjure, mesdames, messieurs de l’opposition, cessez de faire du misérabilisme ! Vous le savez, les politiques locales sont aussi des choix budgétaires, des priorités à mettre en place.
Nous verrons bien, mesdames, messieurs de l’opposition, quels seront les choix de vos municipalités !
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Là aussi, monsieur de Mazières, monsieur Herbillon, nous verrons que le double langage n’est pas tenable !
Pour sa part, madame la ministre, le groupe RRDP apprécie l’augmentation des crédits de votre budget et souhaite qu’il en aille de même l’an prochain.
Nous nous félicitons en premier lieu du montant des crédits octroyés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » – plus de 1 milliard d’euros, ce qui en fait un budget très important de la mission.
Pour promouvoir la diversité culturelle et assurer sa transmission en la rendant accessible à tous, il faut effectivement rendre plus attractif l’enseignement supérieur dans les filières culturelles. À cet égard, le taux d’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur Culture constitue un atout indéniable.
Il faut ensuite assurer un meilleur accès à la culture sur tout le territoire français comme à l’international. Cela nécessite notamment une action éducative renforcée au sein des établissements scolaires, grâce à des structures subventionnées par le ministère de la culture. En 2013, 30 % des enfants scolarisés en ont bénéficié ; ils seront 42 % en 2016. C’est une bonne orientation. Néanmoins, il faudra également veiller à nouer des collaborations positives avec les collectivités territoriales.
Les crédits du programme 131, relatif à la création, sont en légère hausse. L’État sanctuarise notamment les crédits destinés aux artistes bénéficiant pour la première fois de commandes, d’acquisitions et d’aides à la création.
Quant aux crédits consacrés au programme « Patrimoines », la hausse est forte : 16 % par rapport au PLF 2015. L’effort concerne particulièrement le patrimoine archéologique.
Mais le reste du patrimoine ne doit pas être négligé. Nombre de musées ont un besoin urgent de soutien financier. Ce constat peut d’ailleurs s’articuler à la politique gouvernementale visant à améliorer l’accès de tous les publics au patrimoine culturel sous toutes ses formes. Évitons donc les contradictions entre les objectifs et les moyens budgétaires.
Il faut améliorer les conditions d’accueil du public, en particulier des jeunes, dans nos grands lieux de culture. À cet égard, l’ouverture facilitée de ces joyaux que sont le Louvre, le château de Versailles ou le musée d’Orsay aux groupes scolaires est une action particulièrement bienvenue du Gouvernement. En effet, l’éducation à la citoyenneté, à l’esprit critique, à la liberté suppose la connaissance de l’art et une pratique culturelle régulière le plus tôt possible.
Enfin, les institutions relevant du programme 175 disposeront de moyens accrus pour proposer aux volontaires du service civique « citoyens de la culture » des missions favorisant l’accès de tous aux oeuvres patrimoniales. C’est un bel objectif.
Telles sont les remarques que je souhaitais apporter à notre débat. Au total, le Gouvernement a souscrit des engagements qui vont dans le bon sens et qui corrigent un peu les baisses antérieures. Madame la ministre, nous voterons votre budget en vous demandant de l’augmenter de nouveau l’an prochain.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement aux annonces qui ont pu être faites, le budget de la mission « Culture » n’est pas en hausse de 2,7 %. Je suis contraint de vous dire, madame la ministre, chers collègues, que ce budget est un budget stable, comme l’indiquait Michel Herbillon parlant au nom de l’opposition lors de la réunion de la commission élargie. Malheureusement, il n’a pu être des nôtres aujourd’hui.
En effet, à périmètre constant, les crédits du ministère de la culture et de la communication n’augmenteront en 2016 que de 1 %, soit approximativement le niveau de l’inflation.
Votre présentation d’un budget en hausse, s’il satisfait très probablement le Premier ministre qui, il y a quelques mois, reconnaissait que la baisse historique du budget de la culture, au début du quinquennat, était une erreur, n’est en réalité que pur affichage.
Je ne sais pas si notre collègue Carpentier était missionné pour contrer par avance tout ce que je pourrais dire, mais je lui rappelle un simple fait : en 2012, nous avions atteint le 1 % culturel, alors qu’en 2015, la part de la culture a plongé à 0,8 % du budget de l’État. Telle est la réalité, monsieur Carpentier. La droite n’a donc aucune leçon à recevoir car elle a maintenu le budget de la culture.
Concernant le programme « Patrimoines », l’affichage d’une augmentation de 121 millions d’euros des crédits de paiement s’explique par un changement de périmètre qui correspond à la budgétisation, à hauteur de 118 millions d’euros, de la redevance d’archéologie préventive. De fait, si l’on neutralise l’effet de cette budgétisation et que l’on intègre l’inflation, les crédits du patrimoine diminuent en réalité de 4,5 millions d’euros.
Madame la ministre, on constate, hélas, que la protection du patrimoine monumental ne sera plus assurée à un niveau satisfaisant. Les crédits de l’action correspondante sont en effet stabilisés par rapport à 2015, mais ils le sont à un niveau bien inférieur à celui de 2012 puisqu’ils sont réduits de 50 millions d’euros. Face à cette diminution des crédits, les gestionnaires des monuments historiques n’ont qu’une solution : retarder leurs investissements et privilégier les opérations d’urgence.
À titre d’exemple parmi tant d’autres, le centre des monuments nationaux avait prévu un investissement annuel de l’ordre de 30 millions d’euros pour l’entretien de la centaine d’édifices dont il a la charge. Ce montant s’est effondré à moins de 20 millions d’euros.
Ces trois années de disette pour le patrimoine sont une vraie bombe à retardement, d’autant plus que la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine en créant la cité historique va demander un surcroît considérable de travail à des directions régionales déjà terriblement perturbées et fragilisées par la mise en place de ces grandes régions, dont certaines n’ont absolument aucune identité culturelle.
Lorsque je vous ai interrogée sur cette question en commission élargie, madame la ministre, vous ne m’avez pas annoncé de renforts spécifiques en personnel. Comment du reste, pourriez-vous le faire puisque le plafond d’emplois de votre ministère diminue de soixante-trois équivalents temps plein ?
L’ouverture des trois musées du Louvre, de Versailles et d’Orsay, sept jours sur sept, annoncée à l’emporte-pièce par le Président de la République sans aucun travail préalable, suscite le même type d’interrogation. Certes, vous prévoyez dans votre projet de budget la mobilisation de près de soixante-dix emplois, mais l’excellent rapport pour avis de notre collègue Michel Piron évoque le chiffre de quatre-vingt-quatorze emplois.
Si l’on ajoute à cela les pertes de recettes liées à une journée de plus d’exploitation et les problèmes de conservation que pose cet usage intensif de locaux parfois très fragiles – je pense notamment au château de Versailles –, cette mesure apparaît très inopportune.
Le programme « Création » a été heureusement davantage protégé. Personne ici n’est dupe sur l’origine de cette faveur et chacun sait que le monde du patrimoine est moins revendicatif. Dans le contexte de cette politique de l’édredon, où il s’agit de tout étouffer, de renvoyer tous les sujets difficiles à l’après 2017, on comprend que depuis 2012 une plus grande attention ait été portée à ce secteur. Ne nous en plaignons pas, mais ne nous y trompons pas non plus : le vrai danger pour le dense tissu d’équipements culturels de notre pays, qui fait notre fierté, réside dans les coupes claires opérées dans les dotations aux collectivités locales lesquelles, chacun en a bien conscience dans cette assemblée, financent à près de deux tiers ces établissements.
Madame la ministre, vous savez combien nombre d’élus sont agacés de vous voir systématiquement pointer du doigt les collectivités locales alors qu’on leur diminue aussi drastiquement leurs moyens et ce n’est pas la centaine de contrats que vous passerez avec certaines d’entre elles – concept dont je salue l’intelligence tactique en termes de communication – qui y changera grand-chose.
Concernant l’enseignement artistique et culturel, nous prenons acte de votre volonté de soutenir les conservatoires, par un budget avoisinant 15 millions d’euros. Face à notre mobilisation, vous avez eu l’honnêteté de reconnaître une erreur, mais nous ne pouvons que constater que vous n’avez fait que la moitié du chemin puisque le budget attribué aux conservatoires était en 2012 d’environ 30 millions d’euros pour un domaine qui couvre les champs du théâtre, de la musique et de la danse.
Par ces exemples concrets, madame la ministre, chers collègues, je pense que la démonstration est faite que ce budget est fragile, même si l’on note certaines améliorations par rapport aux deux exercices précédents. Pour ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas les crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme Régine Povéda, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, la culture est un combat, notre combat. C’est une ouverture sur le monde, sur d’autres univers que le nôtre.
Elle est et doit rester une priorité dans une société où certains repères manquent. Le Gouvernement, le Président François Hollande et vous-même, madame la ministre, avez réaffirmé que la culture est le socle commun de notre société, un des piliers de notre « vivre-ensemble », de notre « faire-ensemble ».
C’est pourquoi le budget que vous nous proposez est en hausse de 2,7 %, et l’importance de cette hausse mérite d’être soulignée dans une période de dépenses contraintes.
Faire de la création une priorité est une orientation importante et forte sur le plan symbolique. Renforcer la démocratisation de la culture, telle est notre ambition, madame la ministre. L’offre culturelle dans les zones rurales et les territoires urbains classés zones prioritaires est souvent trop absente pour répondre au désir des citoyens.
Dans ma circonscription très rurale, l’offre culturelle diversifiée se concentre sur quelques mois d’été, avec par exemple le Garorock en juin ou le festival d’art lyrique du Marmandais en août. En dehors de ces grands événements nationaux, il est difficile de faire vivre une offre culturelle plus locale.
Le Gouvernement a parfaitement conscience de ces difficultés et je suis heureuse pour nos territoires que nous puissions avancer sur ces questions en impliquant les collectivités territoriales. Les aides aux régions, bien souvent des partenaires indispensables de la création et de la vie culturelle, augmentent de 780 millions d’euros : voilà une bonne nouvelle pour les festivals, les associations et les institutions culturelles !
Alors que certains attisent la haine de l’autre, nous sommes fiers de soutenir le Musée national de l’histoire de l’immigration, qui pourra ainsi continuer son travail auprès de tous les publics et surtout des enfants. La transmission de la mémoire et le « faire-ensemble » pour notre avenir y trouvent tout leur sens.
Le plan Conservatoire et le plan Lecture, dotés de plus de 15 millions d’euros, sont indispensables pour permettre à chaque citoyen d’avoir accès à une culture exigeante, belle et créative.
La pratique culturelle amateur est aussi une ambition forte, pour que chacun puisse avoir une pratique musicale ou artistique. Je pense ici aux écoles de musique associatives ou municipales de ma circonscription, celle de Meilhan-sur-Garonne par exemple, qui offrent la possibilité de s’ouvrir à la musique et à la culture pour tous.
Les médias de proximité seront également soutenus par les fonds d’aides pérennisés. Je sais à quel point ces médias locaux peuvent être importants pour les habitants.
La jeunesse est la priorité du quinquennat et cela se ressent dans ce projet de budget pour 2016. Le budget alloué à l’éducation artistique et culturelle augmentera de près de 34 %. Depuis 2012, ce budget a augmenté de 80 %. En tout, le Gouvernement consacre près de 100 millions à ces actions.
Dans ce cadre, le projet DEMOS, dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale, participe à la réduction des inégalités.
L’ouverture un jour par semaine de grandes structures telles que le Musée du Louvre aux publics empêchés, aux jeunes et aux groupes scolaires leur permettra de découvrir des oeuvres incontournables de notre patrimoine. À ce sujet, il est important de souligner que le budget consacré au patrimoine augmente pour l’entretien, la réhabilitation et la conservation de nos musées et monuments, fondement de notre histoire commune.
Le cinéma est lui aussi un élément très important de notre patrimoine culturel. L’amélioration du crédit d’impôt cinéma permettra un meilleur soutien des entreprises françaises avec, à la clé, davantage d’emplois et de retombées économiques pour les territoires.
Tous les arts, y compris la musique, le théâtre et les arts de la rue, ont également toute leur place dans ce budget, avec un soutien appuyé à la création et aux jeunes artistes. Vous avez rappelé, madame la ministre, que ce budget préparait l’avenir. N’ayons pas peur de le dire : ce budget est un vrai budget engagé pour notre culture.
La culture n’est pas seulement affaire de spécialistes ou d’esthètes ; elle participe bien à la vie et à la bonne marche de notre pays. Notre société, notre jeunesse, ont plus que jamais besoin d’échanges, de compréhension, de rencontres, de culture – cette culture qui nous élève, dans tous les sens du terme.
C’est pourquoi le groupe SRC, que je représente, votera ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, dernière oratrice inscrite, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le budget qui nous est présenté connaît une légère augmentation. On ne peut que se féliciter, après que le budget de la culture a chuté de 4 % en 2013 et de 2 % l’an dernier, de voir la tendance s’inverser.
On peut aussi se dire qu’il aurait été inacceptable que ce budget connaisse une nouvelle baisse à un moment où la liberté de création et le patrimoine de l’humanité sont martyrisés là-bas par des barbares et malmenés ici par la poussée des conservatismes.
Permettez-moi cependant, madame la ministre, d’exprimer le regret que ce budget ne retrouve pas encore le niveau d’une grande ambition pour la culture, alors que la loi relative à la la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, que nous avons adoptée en première lecture, nous avait ouvert l’appétit – nous espérons du reste l’améliorer encore en deuxième lecture, notamment pour ce qui concerne les droits des professionnels du spectacle.
Lors des débats sur ce texte, j’ai fait part de ma satisfaction de voir, réaffirmer par amendement le rôle du service public en matière d’accès et de développement culturel, l’État étant ainsi pleinement impliqué. Si l’on ne peut que souscrire au fait que les collectivités territoriales soient associées à la mise en oeuvre des différents programmes de cette mission et si nous avons été nombreux à nous battre pour le maintien de la compétence partagée en matière de culture comme de sport, je m’interroge toutefois sur les moyens dont les collectivités vont disposer pour la faire vivre.
Vous nous avez affirmé, madame la ministre, que tout était question de choix politique. Certes, investir dans la culture est un choix de gestion qui n’est pas anodin – l’engagement et le bilan des municipalités de gauche, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, en témoignent –, mais soyons justes : pour faire des choix, encore faut-il disposer de quelques moyens. À cet égard, les 3,7 milliards pris aux collectivités seront un handicap sérieux à l’établissement de bons pactes entre celles-ci et le ministère.
Puisqu’il est question d’action publique, j’évoquerai, dans le contexte de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – loi NOTRe –, les personnels du ministère. Vous m’avez répondu, madame la ministre, qu’il n’y aurait pas de mobilité subie au niveau des directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, auxquelles vous vouliez faire jouer un nouveau rôle de proximité. J’espère que vous pourrez nous éclairer sur ce que vous entendez par là. On ne peut que regretter par ailleurs la diminution du nombre des postes au niveau de l’administration centrale.
Je tiens cependant à dire ma satisfaction devant le triplement des dotations accordées aux conservatoires conventionnés, qui confirme les engagements pris par vos représentants lors d’une rencontre que j’avais organisée ici même avec les parents d’élèves et les personnels du conservatoire d’Aubervilliers-La Courneuve. Je souscris à votre proposition de créer un fonds permettant le prêt des instruments pour favoriser l’accès de tous et toutes à l’éducation artistique et culturelle et je réitère ici notre invitation à venir parler des conservatoires à Aubervilliers et à La Courneuve.
Je dois cependant constater aussi que le programme « Création » n’est pas à la hauteur s’agissant d’accompagner l’amélioration des droits des professionnels du spectacle et celle du régime des intermittents.
De même, alors que notre commission a examiné la situation des musées, permettez-moi de contester le bien-fondé de leur ouverture sept jours sur sept, compte tenu de ses conséquences pour les personnels. La raison invoquée – l’élargissement des publics – ne tient pas. Aujourd’hui, en effet, les scolaires et les personnes victimes d’un handicap peuvent visiter les musées. Ce qui restreint la diversité des publics n’est pas le nombre de jours d’ouverture, mais la mise en cause de la gratuité de ces équipements et, surtout, les insuffisances de l’accompagnement permettant à certains de nos compatriotes d’y accéder.
Je voudrais dire un mot sur un établissement qui a accueilli 8 000 scolaires cette année : ce lieu chargé de poésie et d’engagement littéraire qu’est la Maison d’Aragon et d’Elsa Triolet à Saint-Arnoult – le « Moulin » – risque de devenir un simple bien immobilier de rapport si l’État ne décide pas enfin de le faire entrer dans le domaine public. Bien que cette décision ne relève pas, je le sais, de votre ministère mais de Bercy, j’espère, madame la ministre, que vous nous soutiendrez dans cette action.
Je voudrais, pour finir, en appeler à la mobilisation de la représentation nationale : ne laissons pas se creuser le fossé entre les potentialités et attentes culturelles de notre pays et les moyens que leur consacre la République. Notre histoire nous indique le chemin : celui d’une politique culturelle nationale ambitieuse, pour faire vivre une véritable démocratie. Dans l’héritage des Lumières comme dans celui d’Antoine Vitez, la culture mérite mieux que l’arrêt de la baisse de ses crédits. En clair, il nous faut retrouver pour la France la force et l’ambition qui ont si bien su la définir aux yeux de son peuple et du monde : le rayonnement de sa culture, de ses créateurs, de ses artistes.
Ce budget n’est pas à la hauteur de cet objectif. Aussi les députés du Front de gauche s’abstiendront.
Nous en venons aux questions.
La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne les directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, qui mettent en oeuvre localement la politique culturelle définie par le Gouvernement.
La loi NOTRe, que nous avons adoptée fin 2014, redessine la carte des régions françaises : à partir de l’année prochaine, seize régions vont ainsi fusionner et les directions administratives devront se réorganiser.
De nombreux acteurs de la culture ont été auditionnés pour préparer ce budget et nous avons entendu leurs interrogations, voire leurs craintes à ce sujet. Les DRAC sont des interlocuteurs incontournables et reconnus par tous – scènes nationales, associations ou collectivités locales. La notion de proximité dans les rapports de travail étant particulièrement importante dans le monde culturel, l’éloignement probable des centres de décision peut en effet inquiéter.
Pouvez-vous préciser comment vous comptez réorganiser les DRAC afin de conjuguer l’objectif de simplification issu de la loi NOTRe avec les objectifs de proximité, d’efficacité et de compréhension fine des réseaux culturels qui sont en quelque sorte la marque de fabrique des DRAC ?
Par ailleurs, le fait que les emplois des DRAC soient maintenus dans ce budget est un signal positif, mais pouvez-vous indiquer plus précisément quelles seront les conséquences concrètes pour les agents qui travaillent dans ces directions ?
Madame la députée, le ministère de la culture et de la communication accompagne cette réforme, qui doit être une occasion de moderniser en profondeur le fonctionnement des services de l’État – parmi lesquels, bien évidemment, les services de déconcentrés de ce ministère.
Je tiens à souligner à nouveau que les DRAC ont réalisé en la matière un travail exemplaire que, comme certains d’entre vous, j’ai déjà salué lors de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Dès la revue des missions des DRAC et des nouvelles organisations des services déconcentrés, j’ai souhaité affirmer certains principes, comme la « modularité des organisations » et l’« unicité de la direction ».
La modularité des organisations signifie que l’organisation des DRAC sera établie en fonction des spécificités de chaque territoire, et non pas selon un schéma type qui s’imposerait partout. Quant à l’unicité de direction, elle signifie qu’il y aura bien une seule DRAC dans les régions fusionnées.
Ces principes permettront néanmoins de garantir la proximité des services, qui continueront à apporter leur expertise, leurs conseils et leur accompagnement au plus près des territoires, comme le souhaitent du reste les élus, et de préserver la capacité du ministère à porter une vision stratégique des politiques culturelles de l’État en régions.
La réforme territoriale permettra également de renforcer l’approche partenariale entre l’État et les collectivités territoriales, avec pour objectif de maintenir les politiques culturelles comme un vecteur majeur de l’action de l’État sur les territoires. Elle sera aussi l’occasion de renforcer la force de frappe du ministère au niveau départemental, avec la création de conseillers en action culturelle dans une quarantaine de départements. C’est cela aussi que j’entendais exprimer, madame Buffet, en, évoquant le renforcement de cette dimension de proximité. Ces nouveaux conseillers, qui seront au plus près des territoires, pourront en effet accompagner les départements dans la mise en oeuvre de leur politique d’éducation artistique et culturelle et de transmission des savoirs.
Vous le voyez, la culture demeure un domaine d’action et de responsabilité partagée par excellence et je souhaite que la réforme des DRAC permette au ministère de la culture de conserver cette approche de proximité et cette politique partagée avec les collectivités territoriales.
Je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur le financement de la protection du patrimoine et sur la réelle participation des collectivités locales à la mise en valeur du patrimoine mondial.
L’article 23 de votre projet de loi relatif à la création, à l’architecture et au patrimoine, que vous avez évoqué tout à l’heure et qui a été récemment adopté par notre Assemblée, cantonne en effet les collectivités locales dans un rôle consultatif et ne leur reconnaît donc qu’un statut secondaire dans cette mission de protection. Concrètement, ce rôle se situerait au niveau de la délimitation de la zone tampon et de la réalisation du plan de gestion du patrimoine mondial. Il n’est pas acceptable que les collectivités territoriales ne participent que sous cette forme consultative à ces missions et se voient imposer les décisions d’une seule et unique autorité administrative, à savoir l’État.
Les collectivités locales sont en effet en première ligne dans la mission de protection du patrimoine, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Rochebloine.
Ainsi, depuis 1979, date de l’inscription du Mont-Saint-Michel et de sa baie au patrimoine mondial par l’UNESCO, les collectivités locales ont largement contribué à sa protection et à son financement. Cette protection s’illustre notamment par la construction du barrage sur le Couesnon et le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, qualifiés de « succès » par le Président de la République lors de sa visite du 31 octobre, à laquelle vous participiez.
Par ailleurs, le rôle simplement consultatif assigné aux collectivités territoriales est encore moins concevable lorsque leur budget est mis à contribution dans le cadre de la mission de préservation du patrimoine. Toujours dans le cas du Mont-Saint-Michel, un établissement public national ou local – on ne le sait pas encore –, regroupant l’État, la région, le département et la communauté de communes Avranches-Mont-Saint-Michel serait ainsi en charge de la phase postérieure du chantier de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, mais ces collectivités ne disposeraient pas d’une présence suffisante au sein du conseil de direction.
Le directeur du patrimoine de votre ministère se rendra bientôt dans la baie du Mont-Saint-Michel pour rencontrer les élus à ce propos. Pouvez-vous préciser quels moyens juridiques et financiers seront réellement accordés aux collectivités pour leur permettre de contribuer efficacement, comme elles le font depuis des années, à la protection du patrimoine ?
Monsieur le député, le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine propose en effet des instruments nouveaux, plus souples et mieux adaptés à la protection du patrimoine mondial : la zone tampon et les plans de gestion. La définition des zones tampons et l’élaboration des plans de gestion auront lieu en concertation étroite avec les collectivités territoriales, mais elles ne peuvent être soumises à l’accord de celles-ci – cela serait impossible lorsque plusieurs dizaines de collectivités sont concernées, comme c’est notamment le cas pour la baie du Mont-Saint-Michel.
Comme vous le savez sans doute, mes services seront jeudi dans la baie du Mont-Saint-Michel pour évoquer avec l’ensemble des représentants des collectivités concernées la définition de cette zone tampon, sur laquelle nous avons eu, me semble-t-il, un dialogue assez fructueux depuis plusieurs mois afin de trouver une solution souple et adaptée aux besoins des collectivités territoriales et de la protection de ce monument merveilleux qu’est le Mont-Saint-Michel, en tenant compte des contraintes des collectivités territoriales. Dans cet esprit de concertation, nous parviendrons à trouver une solution qui permette de concilier l’objectif de protection prescrit par l’UNESCO et les contraintes propres aux collectivités territoriales.
J’appelle les crédits de la mission « Culture », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 478 .
Cet amendement tend à transférer 15,7 millions d’euros du budget du programme « Création » vers celui du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Il s’agit de souligner, comme cela a déjà été fait à plusieurs reprises ici, l’importance des conservatoires, qui bénéficiaient en 2012 d’un financement de 29,2 millions d’euros.
Il est vrai que nous nous sommes beaucoup mobilisés pour alerter sur la disparition très discrète, voire quasiment secrète, de cette ligne budgétaire. Nous nous sommes aperçus de cette disparition très étonnante au moment où vous affirmiez, à juste titre, l’importance de la démocratisation culturelle, alors qu’il s’agit précisément d’instruments de cette démocratisation culturelle.
Reconnaissant vous-même que c’était une erreur, vous avez inscrit des crédits, mais à hauteur de 15 millions d’euros seulement. Or il nous semble qu’il serait bon de revenir au montant de 2012, même hors inflation, c’est-à-dire d’inscrire 15 millions supplémentaires.
La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.
Monsieur le député, vous proposez donc de priver le programme 131, consacré à la création, de 15,7 millions d’euros pour abonder les aides aux conservatoires. Le Gouvernement y est défavorable pour plusieurs motifs.
Tout d’abord, et vous le savez puisque nous avons eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises, le Gouvernement a souhaité se réengager dans le financement des conservatoires en 2016. L’objectif n’est pas d’aider au fonctionnement des structures en question – pour mémoire, jusqu’en 2012, le financement de l’État était très minoritaire puisqu’il représentait en moyenne 6 % de leur budget –, mais de soutenir des structures dont le projet d’établissement portera un volet ambitieux d’éducation et de formation artistique en faveur de la jeunesse, de la diversité artistique et culturelle et de l’égalité culturelle des territoires.
Il s’agit en effet du premier réseau de proximité pour l’accès à l’éducation et à la formation aux pratiques artistiques, et les conservatoires sont des partenaires privilégiés en matière d’éducation artistique et culturelle. C’est pourquoi j’ai décidé de consacrer 13,5 millions d’euros au réseau des conservatoires, soit 8 millions de plus qu’en 2015.
Un prélèvement de 15,7 millions d’euros sur le programme 131, soit 2,1 % des crédits de ce programme, remettrait en cause la politique gouvernementale en matière de création. Il s’agit de soutenir ces jeunes artistes et ces jeunes créateurs pour lesquels j’ai organisé les Assises de la jeune création et pour lesquels nous avons adopté un certain nombre de mesures très attendues – les résidences d’artistes, le compagnonnage, le soutien aux jeunes compagnies indépendantes, la consolidation de l’emploi artistique, l’aide au renouvellement des générations et des esthétiques –, et donc extrêmement importantes, dans la droite ligne des conclusions des Assises de la jeune création.
Ces crédits supplémentaires permettront également de renforcer les moyens dédiés à l’ensemble des acteurs culturels – les compagnies et les ensembles indépendants – et de mieux soutenir leur relation avec les lieux labellisés dans l’ensemble du territoire.
Si j’entends votre préoccupation à l’égard des conservatoires – je la partage puisque j’ai souhaité réengager l’État auprès de ces établissements qui sont importants pour la démocratisation culturelle –, je ne souhaite vraiment pas revenir sur les engagements que j’ai pris par ailleurs ni sur la priorité que j’ai accordée à la jeune création et au soutien aux jeunes créateurs. Pour cette raison, je suis défavorable à votre amendement.
Nous sommes tout autant que vous attachés à la création. Mais la création commence par la formation et c’est bien là le problème ! Si vous voulez des créateurs talentueux, ils doivent être formés. La qualité de la formation est à la base de notre système culturel et c’est le célèbre plan Landowski, imaginé par ce grand directeur de la musique durant le ministère Malraux, qui a construit toute la dynamique culturelle de la France.
Prétendre soutenir la création tout en refusant de rétablir au niveau qui était le sien la dotation aux conservatoires est un mauvais raisonnement. Nous sommes bien entendu ravis que vous augmentiez les crédits de la création, mais je constate que, depuis 2012, le patrimoine et la formation ont subi des baisses très importantes tandis que les hausses étaient réservées à la création : je m’en réjouis, mais il faut savoir faire des arbitrages équilibrés.
L’amendement no 478 n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 476 .
Je sais bien, madame la ministre, que vous n’approuverez pas cet amendement, mais il est important. Il vise en effet à réaffecter le million que vous avez prévu pour le projet de la villa Médicis à Clichy-Montfermeil à la création et, en l’occurrence, à la formation.
Si je vous propose cet amendement, c’est parce que votre projet de villa Médicis à Clichy-Montfermeil pose un vrai problème. Dans une période budgétaire faste, à la rigueur, nous serions ravis de la création d’un établissement supplémentaire ; mais vous n’allez absolument pas au bout de votre raisonnement.
Pour créer une institution, il faut des autorisations d’engagement : je n’ai jamais vu, et cela ne s’est jamais produit dans l’histoire du ministère de la culture, que l’on crée un établissement sans investir. Vous avez d’ailleurs vous-même reconnu que cela coûterait au minimum 30 millions d’euros. Comment peut-on lancer un projet sans prévoir d’autorisations d’engagement ? Je ne vous parle pas de crédits de paiement mais bien d’une planification de ces travaux.
Cette incohérence relève de ce que j’appelle une politique de communication, domaine où vous excellez : vous avez beaucoup communiqué sur ce grand projet, en le présentant comme un projet formidable pour la diversité. Seulement je constate qu’il n’y a rien derrière : c’est du vent !
Monsieur de Mazières, un immense chantier est en cours : le chantier du Grand Paris. Dans le cadre de ce chantier, historique en termes d’infrastructures et qui façonnera le futur visage de la métropole du Grand Paris, la Société du Grand Paris dispose de crédits consacrés à l’animation culturelle et à l’accompagnement culturel de chantier.
Certains de ces crédits sont d’ores et déjà fléchés pour financer la destruction de la tour, les études préliminaires et le chantier de la future tour Médicis à Clichy-Montfermeil. Je ne comprends donc pas très bien comment vous pouvez tout à la fois dire qu’il n’y a pas de crédits et refuser de les voter quand la loi de finances les prévoit, ou bien demander leur suppression pour les transférer ailleurs : il faut être un peu cohérent. Vous pouvez certes exprimer votre désaccord avec ce projet – je conçois que l’on ne soit pas d’accord avec ce projet –, mais j’y vois pour ma part une nouvelle façon de faire de la culture dans les territoires, qui ne passe pas forcément par une institution, avec un établissement public à l’ancienne.
Aujourd’hui, il y a d’autres façon d’envisager cela. Il y a des tiers-lieux, qui ne sont pas forcément des structures telles qu’on les concevait jusqu’ici. Des partenariats pourront être noués avec d’autres acteurs, y compris économiques, comme la Société du Grand Paris ou la Caisse des dépôts. D’autres partenaires pourront participer à ce projet sans qu’il soit nécessaire de tout inscrire d’ores et déjà dans le projet de loi de finances : son financement sera original par rapport à ce que l’on a connu jusqu’à présent.
J’y vois aussi un élément majeur de démocratisation culturelle, comme les Assises de la jeune création que j’évoquais tout à l’heure. En effet la tour Médicis a vocation à être un lieu de diffusion et même de formation – vous rappeliez tout à l’heure de votre attachement à la formation –, un lieu de résidence où les artistes pourront être au contact avec la population locale.
Il est vrai que cela bouscule nos habitudes parce que jusqu’ici la villa Médicis se trouvait à Rome, en plein coeur de cette magnifique capitale. Eh bien ! désormais il y en aura une à Clichy-Montfermeil, au milieu d’une des plus grandes zones d’opération de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine : c’est quelque peu original, mais c’est précisément pour cela que je souhaite ce projet et que j’y suis attachée.
Vous comprendrez donc que je ne sois pas favorable à votre amendement. Vous avez le droit de ne pas être convaincu de la nécessité de donner de la fierté aux habitants de ces quartiers, de leur apporter une offre culturelle qui n’est pas forcément présente dans ces territoires ; pour ma part, je considère que c’est essentiel et que cela relève de ma responsabilité en tant que ministre de la culture.
Le député de la circonscription qui compte Clichy-sous-Bois et Montfermeil sur son territoire voudrait dire quelques mots au député-maire de Versailles, qui nous propose de supprimer les crédits destinés à amorcer cette opération.
Ce projet n’est pas né sous cette majorité : à l’origine, cette idée a été approuvée par un ministre de la culture qui s’appelait Frédéric Mitterrand. La différence entre le précédent quinquennat et aujourd’hui, c’est qu’à l’époque on annonçait, à des fins de communication et de publicité, un certain nombre d’opérations pour lesquelles on ne prévoyait jamais le début du commencement d’un crédit.
Madame la ministre, vous aviez annoncé, après votre visite du site en juillet dernier, que le Gouvernement engageait une réflexion sur la mise en relation de ce futur équipement culturel avec le métro du Grand Paris et la future gare de Clichy-Montfermeil, ainsi que sur la mise en place d’une programmation « hors les murs » avant l’installation de cet équipement, qui demandera du temps et des investissements. Nous vous remercions de concrétiser, à travers ce budget, cet engagement de l’État. Ainsi dans nos territoires, dans les quartiers populaires, la parole de l’État ne se réduira pas à des annonces : elle se traduira en actes budgétaires concrets.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je disais précisément que si l’on veut que ce projet se fasse, il faut voter les crédits nécessaires. Un million, ce n’est rien ! Pour avoir présidé moi-même une institution de cette nature, que j’avais d’ailleurs créée – j’ai eu cette chance de –, je sais que sa programmation ne coûte pas un million, mais une dizaine de millions ! Pour faire quelque chose qui ait « de la gueule », il faut des moyens !
On communique chaque année sur ce grand projet en affirmant qu’on va le faire, et on ne le fait pas. J’aimerais que l’on aille jusqu’au bout des annonces. Ce que je reproche aujourd’hui à la communication en matière de culture, c’est qu’on fait beaucoup de promesses mais qu’il n’y a rien derrière.
Je comprends parfaitement que mon collègue soit enthousiaste : qui ne le serait ? Mais que pourra-t-on faire avec un million ? Peut-être une modeste préfiguration, mais certainement pas le grand projet que vous annoncez !
L’amendement no 476 n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 479 .
Il s’agit d’un amendement d’appel, tout comme les deux précédents, mais cela nous permet de parler au fond d’un projet qui vous tient à coeur et je suis sûr que mon intervention précédente vous sera finalement utile.
Je m’inquiète de l’extension des horaires d’ouverture du musée du Louvre, du château de Versailles et du musée d’Orsay, qui seront ouverts sept jours sur sept. Ainsi que Mme Buffet l’a très bien dit tout à l’heure, cela pose un double problème. Tout d’abord, la charge sera très lourde pour les personnels et les emplois nécessaires n’ont pas été prévus. Certes, vous nous dites que soixante-dix emplois seront mobilisés, mais je n’arrive pas à comprendre comment vous y parvenez alors que vous prévoyez une réduction d’emplois de soixante-trois ETP sur l’ensemble du ministère. Je crains que ce ne soit à ces établissements de faire un effort supplémentaire.
Le deuxième problème est moins fondamental : il y a une vraie inquiétude pour la conservation du château de Versailles. L’ouvrir au public sept jours sur sept présente un vrai danger pour les lieux les plus visités. L’annonce du Président de la République avait été faite un peu rapidement et les équipes ont dû ensuite se mettre à travailler. Je me souviens que le représentant du ministère au conseil d’administration avait dû avouer que cette annonce n’avait été précédée d’aucune étude du ministère et qu’ils étaient en train d’étudier comment faire.
Puis vous avez trouvé la solution de réserver cela aux scolaires – solution qui n’est pas idiote en soi et qui est même intéressante. Mais je n’arrive pas à comprendre comment on peut annoncer des décisions aussi importantes, qui ont des conséquences très significatives pour la survie d’un patrimoine, sans avoir mené des études préalables et prévu les emplois nécessaires.
La commission n’a pas examiné cet amendement. Un amendement à un euro ne peut être qu’un amendement d’appel ! J’imagine donc que les explications que la ministre va vous fournir vous amèneront à retirer cet amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Monsieur de Mazières, il y a eu un rapport de l’inspection générale des affaires culturelles,…
Non, très récemment ! Celle-ci a examiné la manière dont les opérations ayant lieu le jour de fermeture pourraient être menées dans le cadre d’une ouverture sept jours sur sept ou d’un jour supplémentaire pour accueillir de nouveaux publics. Les modalités d’une réorganisation ont donc bien fait l’objet d’étude préalables. Il y a eu aussi des échanges avec les organisations syndicales. Ne dites donc pas qu’il n’y a pas eu de préparation ni de concertation. Cela fait déjà plusieurs mois que nous travaillons avec mes services sur cette question de l’ouverture d’un jour supplémentaire au Louvre, à Orsay et à Versailles.
Par ailleurs, nous avions anticipé depuis de nombreux mois déjà la nécessité de moyens supplémentaires si on ne voulait pas faire peser sur les agents une charge de travail supplémentaire non absorbable.
Dans le projet de loi de finances pour 2016, le solde net des créations et suppressions d’emploi pour les opérateurs du programme 175, « Patrimoines », est de vingt et un pour les emplois du titre III, sous plafond d’emplois des opérateurs, et de trente-huit pour ceux du titre II, qui sont directement financés sous le plafond d’emplois du ministère. Nous sommes donc loin du constat alarmiste que vous dressez. Les emplois des trois établissements qui auront à ouvrir un jour supplémentaire ont été sanctuarisés pour cette année et, plus spécifiquement, pour permettre la mise en oeuvre de cette mesure, les budgets des trois musées ont été consolidés ou augmentés.
Par ailleurs, nous mobilisons quatre-vingt-cinq emplois supplémentaires, dont soixante-cinq créations nettes : vingt emplois au musée d’Orsay, quatorze rémunérés par l’opérateur et six par l’État, dix emplois au musée du Louvre, auxquels s’ajoutent vingt emplois non supprimés dans l’établissement, ce qui fait une trentaine d’emplois supplémentaires, et trente-cinq emplois rémunérés par l’État au château de Versailles pour 2016, auxquels s’ajoutent les quinze emplois déjà créés en 2015.
La mesure bénéficie donc de moyens tout à fait conséquents, qui reflètent bien l’ambition du Gouvernement. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à votre amendement.
L’amendement no 479 n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Culture » sont adoptés.
La parole est à M le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour soutenir l’amendement no 465 .
Cet amendement tend à mettre en place, à compter du 1er janvier 2017, un mécanisme propre à stimuler la compétitivité des diffuseurs d’art et d’objets d’art en France. Il crée pour cela un dispositif fiscal autorisant un différé de paiement de l’impôt sur les sommes provisionnées en vue de constituer des stocks d’oeuvres et d’objets d’art de collection ou d’antiquité.
Plus précisément, ce dispositif permet aux professionnels du marché de l’art et des antiquités un amortissement linéaire sur trois ans des achats d’oeuvres et d’objets d’art de collection ou d’antiquité intervenus au cours d’un exercice quelconque lorsque ces oeuvres ou objets n’auront pas été revendus au jour de la clôture dudit exercice.
Tout ce qu’un marchand, galeriste ou antiquaire aura acheté pendant un an et qui n’aura pas été revendu à la date de clôture de l’exercice, pour une somme de 12 000 euros par exemple, pourra bénéficier d’un amortissement automatique linéaire sur trois ans, soit trois fois 4 000 euros, à condition que ce professionnel consacre l’année suivante au moins la même somme au réinvestissement dans son stock que celle provisionnée l’année précédente, soit, dans mon exemple, 4 000 euros.
Ce dispositif, qui ne coûte quasiment rien puisqu’il se contente de décaler d’un an l’imposition du résultat, recèle en revanche de nombreux avantages potentiels. Il tend d’abord à renforcer les fonds propres des acteurs du marché de l’art et des antiquités dans une logique d’investissement, ainsi que les ressources des artistes plasticiens, car les oeuvres de ces artistes seront non pas seulement prises en dépôt mais achetées, ce qui est tout de même un peu différent. Ce dispositif tend par ailleurs à soutenir l’économie nationale des biens culturels dans un contexte concurrentiel – celui du marché de l’art – défavorable à la France depuis plusieurs années. Enfin, ceci étant dit pour persuader Bercy, ce dispositif tend à augmenter les recettes fiscales induites de TVA et d’impôt sur les sociétés par un effet multiplicateur sur l’activité.
La commission des finances n’a pas examiné cet amendement mais, devant les explications limpides et lumineuses du président, j’émettrai à titre personnel un avis favorable.
Vous avez raison, président Bloche, l’activité de marchand d’art impose de constituer des réserves d’oeuvres, qui représentent le plus souvent une très grande immobilisation financière. Ainsi 77 % des marchands français ont besoin de plus d’une année pour vendre une pièce de leur stock, alors que la moyenne mondiale est de 49 %, et un peu plus d’un tiers d’entre eux ont besoin de plus de trois ans pour effectuer cette vente. Il est donc vrai que les entreprises du secteur sont très souvent confrontées à des problèmes de liquidités et de sous-investissement.
Pour leur permettre de faire face au coût d’immobilisation que représente la constitution de leurs réserves, vous proposez d’instituer un différé d’imposition pour la constitution du stock.
L’année d’entrée en vigueur de la disposition, cette mesure entraînerait une minoration de la perception de l’impôt sur les sociétés dont l’impact n’est pas encore évalué avec précision. Je vous invite donc à retirer vos deux amendements, celui-ci et le suivant, dont l’objectif est à peu près le même, au bénéfice d’un examen plus approfondi en projet de loi de finances rectificative. À défaut, j’y serai hélas défavorable.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir justifié cet amendement au début de votre réponse. J’ai cru comprendre que vous y étiez fondamentalement favorable et que seule l’absence d’évaluation de son impact budgétaire vous conduisait à souhaiter que son adoption éventuelle soit différée jusqu’à un projet de loi de finances rectificative, sans attendre le projet de loi de finances pour 2016.
Je prends date. Vous connaissez assez la commission des affaires culturelles pour savoir que nous sommes raisonnables mais que nous savons nous rappeler au bon souvenir du Gouvernement d’une façon très insistante une fois que nous avons pris date.
Pour ne pas compliquer votre tâche, je retire cet amendement, mais je voudrais au moins présenter l’amendement no 466 .
L’amendement no 465 est retiré.
Vous avez donc la parole, monsieur le président de la commission, pour soutenir l’amendement no 466 .
Je tiens à le présenter parce que les membres de la commission, notamment Yves Durand, y portent un grand intérêt. Je ne peux donc résister au plaisir de solliciter l’attention de la représentation nationale sur tous les bancs.
Cet amendement, comme le précédent, tend à mettre en place à compter du 1er janvier 2017 un mécanisme propre à stimuler la compétitivité des diffuseurs d’oeuvres et d’objets d’art en France par un amortissement sur trois ans des investissements en stock. Il est toutefois plus ciblé puisque seules sont prises en compte pour la constitution de la provision les sommes dépensées pour des achats d’oeuvres originales d’artistes vivants.
Son adoption aurait été plus encore plus justifiée, surtout quand on sait ce que peut être le niveau de vie d’un artiste plasticien qui n’est pas encore très reconnu.
La condition de l’emploi des sommes provisionnées vaut pour six ans au lieu d’un an pour l’amendement précédent, afin de permettre aux professionnels de s’adapter aux évolutions et aux mouvements du marché de l’art contemporain, plus volatile que l’ensemble du marché des oeuvres et objets d’art. Pour le reste, le mécanisme est identique.
Mais j’ai cru comprendre que le Gouvernement y était défavorable.
Je vais encore vous suggérer de retirer votre amendement, monsieur Bloche, d’autant plus que le secrétaire d’État chargé du budget vient d’entrer dans l’hémicycle !
Sourires.
Il y a une différence entre les deux amendements. Celui-ci, est manifestement de nature à soutenir très fortement les jeunes artistes contemporains. Je partage donc totalement l’objectif mais, pour les raisons déjà évoquées, c’est-à-dire la nécessité d’évaluer l’impact qu’aurait cette mesure sur le rendement de l’impôt sur les sociétés, je vous propose de prendre date et de retirer votre amendement au bénéfice d’un examen ultérieur.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je ne peux pas croire un seul instant que le fait que le secrétaire d’État chargé du budget soit désormais dans notre champ de vision soit un élément de dissuasion budgétaire tel que nous soyons toutes et tous terrorisés, ni que lui-même ait senti la nécessité d’avancer le moment de son arrivée pour parer à un risque fatal de dégradation du solde budgétaire, pour reprendre un terme qu’il a souvent employé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.
Attendons donc, comme vous me l’avez proposé, madame la ministre, l’évaluation de l’impact budgétaire de ces deux amendements qui sont conformes à une logique à la fois économique et culturelle car ils permettraient au marché de l’art français de bénéficier d’atouts supplémentaires et aux artistes plasticiens de voir leurs revenus augmenter de façon significative.
Rendez-vous donc lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. En attendant, je retire l’amendement, en remerciant le rapporteur spécial de la commission des finances de son intérêt et de l’avis favorable qu’il a exprimé à titre personnel.
L’amendement no 466 est retiré.
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux relations avec les collectivités territoriales (no 3110, annexe 40 ; no 3117, tome XII).
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, partager entre l’État, les collectivités et notre système de santé l’effort de redressement des finances publiques ne signifie pas que l’on sacrifie l’avenir : d’abord parce que nous laissons à nos enfants et petits-enfants les marges de progrès que nous leur devons ; ensuite parce que le Gouvernement vous propose d’accompagner de mesures fortes l’effort demandé aujourd’hui aux collectivités territoriales.
Nous sommes tous convaincus du rôle essentiel que jouent les collectivités territoriales, lorsqu’il s’agit d’offrir des services publics de qualité à nos concitoyens ou de soutenir l’activité économique. Ce rôle, nous devons le pérenniser et le conforter. C’est pourquoi, outre les mesures de péréquation contenues dans le PLF, un fonds de 1 milliard d’euros est inscrit à l’article 59 afin de soutenir l’investissement local.
Les crédits seront alloués dès 2016 et répartis comme suit : 500 millions d’euros seront destinés à de grandes priorités, telles que la rénovation des bâtiments, les mises aux normes ou le développement durable ; 300 millions d’euros aux bourgs et villes centres de moins de 50 000 habitants ; 200 millions d’euros seront inclus dans la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR –, dont je rappelle qu’elle compensera, avec la dotation de solidarité rurale – DSR –, la baisse des dotations de nos petites communes.
En outre, les dépenses de fonctionnement ne doivent pas être négligées ni vues comme accessoires par rapport aux dépenses d’équipement. C’est un débat difficile et récurrent dont il faudra, un jour ou l’autre, préciser les termes. L’assiette du fonds de compensation pour la TVA – FCTVA – a été élargie aux dépenses d’entretien des bâtiments publics lors de l’examen de la première partie du PLF, grâce à la présence active et efficace de Christian Eckert, et vous y avez intégré le périmètre de la voirie, ce qui était inattendu pour beaucoup. Nous pensons pouvoir aider les communes relevant de la politique de la ville, en permettant que des crédits d’État puissent conforter l’épargne nette pour garder la possibilité d’appeler les crédits ANRU.
Cela étant, pour les collectivités territoriales, le point essentiel de cette seconde partie du PLF, c’est avant tout l’architecture de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. De manière exceptionnelle, nous nous intéressons cette année à la fois à la DGF 2016 et à l’architecture rénovée de la DGF 2017.
Les composantes de cette DGF réformée sont décrites à l’article 58 du PLF. Les avis sont unanimes sur la nécessité de modifier son architecture afin de corriger les écarts injustifiés pointés dans l’excellent rapport rédigé par Christine Pires Beaune et le regretté Jean Germain, qui avait accepté cette mission parce que les groupes Les Républicains et UDI du Sénat avaient refusé ce travail pourtant indispensable.
Le Gouvernement a été alerté sur la nécessité de simuler au mieux l’impact de cette réforme pour chaque collectivité. Aussi, afin de tenir compte de la refonte de la carte intercommunale et, au besoin, d’adapter les principes actuellement décrits à l’article 58, le Premier ministre a décidé de différer la mise en oeuvre de cette réforme, désormais applicable au 1er janvier 2017.
En conséquence, au titre de l’année 2016, le Gouvernement a déposé en fin de semaine dernière un amendement permettant de procéder aux ajustements nécessaires pour reconduire en 2016 les règles de répartition en vigueur en 2015. Cet amendement conserve le niveau de progression de la péréquation de la DGF prévu dans le texte initial, soit une hausse de 180 millions d’euros pour la dotation de solidarité urbaine – DSU – et de 117 millions d’euros pour la DSR.
Pour les départements est prévu, comme l’an dernier, un abondement de 20 millions d’euros des dotations de péréquation au sein de la DGF. Pour le bloc communal, cette augmentation, complétée des 220 millions d’euros prévus à l’article 59 pour le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – permettra de protéger, si vous en êtes d’accord, les collectivités les plus fragiles, même si la progression du FPIC est moins importante que celle de 370 millions d’euros programmée par la loi de finances initiale et que le fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France – FSRIF – ne progresse pas. Différentes hypothèses nous ont été soumises : une marche intermédiaire nous semblerait raisonnable.
Nous en discuterons tout à l’heure.
La progression de la péréquation est justifiée en soi par l’importance des écarts de bases fiscales, et donc de croissance des ressources, entre les collectivités. Ce sont en effet les collectivités qui ont le plus de ressources fiscales qui voientleurs ressources croître le plus, grâce à la dynamique des bases. La baisse des dotations justifie un niveau élevé de progression de la péréquation.
C’est en cela que l’effort demandé aux collectivités est juste. Toutes les collectivités, sauf Mayotte et les collectivités d’outre-mer, financent la contribution au redressement des finances publiques via la baisse des dotations, en proportion de leurs recettes réelles de fonctionnement. Les collectivités les plus fragiles sont davantage préservées, afin que leur contribution après péréquation soit proportionnée à leurs capacités.
Ainsi, avec la progression des dotations de péréquation au sein de la DGF et du FPIC, les collectivités les plus fragiles, celles qui bénéficient des parts cibles de la DSU et de la DSR, bénéficieront au total, comme en 2015, d’une stabilité de leur dotation. L’évolution du FPIC proposée à l’article 59 pour exonérer totalement les communes bénéficiaires de la « DSU cible » et les 2 500 premières communes éligibles bénéficiaires de la « DSR cible » améliorera ce résultat pour 2016.
La réforme de la DGF du bloc communal aurait permis d’aller encore plus loin pour 69 % des communes représentant 65 % de la population. Les communes supportant d’importantes charges de centralité, ainsi que celles en situation de sous-densité ou bénéficiaires de dotations de péréquation resserrées, auraient été particulièrement gagnantes. Cela aurait également été le cas des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – les plus intégrés et les moins favorisés. Les territoires ruraux, de montagne et d’outre-mer et tous les territoires ayant des dotations historiquement faibles auraient été les principaux bénéficiaires.
Le Gouvernement propose désormais d’appliquer cette réforme au 1er janvier 2017. Au regard des effets attendus que je viens de vous décrire, il me paraît impératif de la mener à son terme. Une méthode de travail permettant d’aboutir à ce résultat vous est proposée.
Concernant le cas spécifique des métropoles de Paris et de Marseille, un amendement définit les modalités de répartition de la DGF pour la métropole du Grand Paris – MGP – et la métropole d’Aix-Marseille-Provence – MAMP – à compter de 2016. Ces deux EPCI percevront une dotation de compensation et une dotation d’intercommunalité.
Concernant la métropole du Grand Paris, il est prévu d’appliquer les reversements et prélèvements du FPIC au niveau des établissements publics territoriaux – EPT – et non au niveau de la métropole elle-même. Cette mesure, introduite par un amendement du Gouvernement, évitera que la création de la métropole ne bouleverse la répartition du FPIC en son sein même, mais aussi entre la métropole francilienne, ce qui était très important et très attendu,…
…et le reste du pays. Par ailleurs le Gouvernement vous proposera deux amendements pour traiter en équité la situation de certaines communes ou EPCI qui auraient pu voir leurs ressources évoluer très défavorablement du fait de la création de la métropole du Grand Paris. Je pense à d’anciens syndicats d’agglomération nouvelle – SAN – ou à des communes dont les attributions de compensation versées par la MGP auraient diminué à compter de 2017.
Permettez-moi également de rappeler que le Gouvernement oeuvre à la mise en musique financière de la réforme territoriale. C’est pourquoi les transferts de compétences prévus par la loi NOTRe seront intégralement compensés par le transfert des ressources afférentes : qu’il s’agisse des transferts de compétences de l’État aux régions – gestion des fonds européens ou des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, les CREPS – ou qu’il s’agisse de compenser les transferts de propriété, d’aménagement, d’entretien et de gestion des ports qui relèvent désormais du département.
Sur ce point précis, les modalités de compensation financière sont également prévues par un amendement du Gouvernement à un article qui sera discuté ultérieurement – je tiens à cette précision pour rassurer ceux qui m’ont exprimé leur inquiétude dans les couloirs…
Enfin, le Gouvernement proposera de faire passer le taux maximal de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale – CNFPT – de 1 à 0,9, après avoir envisagé un passage de 1 à 0,8, de manière à supprimer progressivement l’excédent actuel du CNFPT qui devrait approcher les 65 millions d’euros à la fin de 2015, conformément aux informations du CNFPT lui-même. Dans le contexte actuel de forte contrainte des finances publiques, il n’est pas envisageable de prélever des contributions sur les collectivités territoriales pour nourrir les excédents du CNFPT.
Il y a là quelque chose qui ne va pas ! C’est comme si les collectivités territoriales versaient des subventions à des associations qui ont un fonds de roulement de deux ou trois mois. Cela n’est plus acceptable aujourd’hui où nous sommes à un euro près. Il faut donc dire et redire que, comme les collectivités territoriales, tous les opérateurs publics doivent contribuer à l’effort de redressement. Lorsque les excédents auront été résorbés, a priori dans un délai maximum de trois ans, le taux sera à nouveau ajusté à la hausse si nécessaire, comme nous l’avions fait en 2012 – nous aurions d’ailleurs peut-être dû modifier ce taux dès 2014.
Selon M. Loïc Cauret, président du Centre de gestion de la fonction publique territoriale des Côtes-d’Armor, les centres de gestion auraient constitué un fonds de roulement de quelque 200 millions d’euros. Dans la même perspective, si l’existence de ce fonds de roulement était avérée, il faudrait baisser les cotisations temporairement pour supprimer cet excédent.
Enfin, ce PLF contient des mesures capitales, puisqu’il dessine les contours de la future DGF, principale dotation de l’État aux collectivités. Avec les mesures de péréquation intégrées à la DGF 2016 et le soutien financier aux collectivités, le Gouvernement confirme sa volonté de soutenir l’action publique territoriale, malgré un contexte financier difficile.
J’ai l’habitude de dire que l’action publique est une. Elle est certes exercée par l’État, par les collectivités territoriales et par les établissements hospitaliers, mais elle demeure une, et on doit assumer collectivement la baisse de la dépense publique et des déficits lorsqu’on en a décidé ainsi pour protéger les générations futures. À la différence de certains, qui depuis longtemps préconisent le démantèlement progressif de notre modèle de service public, le Gouvernement ne cesse d’oeuvrer pour que tous nos concitoyens continuent de bénéficier des fruits d’une action publique volontariste dans une France toujours plus solidaire parce qu’il faut le répéter sans cesse : le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, je veux d’abord saluer le travail important accompli par mes deux collègues, Christine Pires Beaune et Jean Germain, qui a conduit, un an après les annonces par le Gouvernement de la réforme de la DGF, à cinq propositions concernant la DGF communale historique et la création d’une nouvelle DGF, celle-ci intercommunale. Simplification, lisibilité et équité sont les maîtres mots des propositions traduites dans le projet de loi présenté par le Gouvernement pour sortir du maquis de critères qui se sont sédimentés au cours des décennies en créant de véritables injustices. Il y a donc nécessité à agir. Ce projet sera encore approfondi courant 2016 afin de mieux mesurer l’impact des nouvelles règles.
Je veux insister ici sur le fait que si la baisse des dotations de l’État est sans doute le meilleur moment pour faire cette réforme au regard des collectivités les plus défavorisées, pour lesquelles il faut absolument amoindrir l’impact de cette baisse, c’est aussi le plus mauvais moment pour celles qui devront contribuer plus alors que va s’appliquer pour l’ensemble des collectivités la baisse importante et rapide de 11 milliards de dotations sur trois ans.
D’expérience, nous savons que la diminution des dépenses de fonctionnement ne se fait pas du jour au lendemain, l’inertie est forte : il faut du temps pour pouvoir inverser la tendance. C’est donc l’investissement qui est d’abord touché ; ce phénomène est palpable sur nos territoires, dans nos circonscriptions ; il est non seulement palpable, mais aussi mesurable : alors que la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités est passée de 2,3 % en 2014 à 1,7 % en 2015 – soit une petite baisse –, l’investissement, lui, a reculé fortement, de 8,6 % en 2014, puis de 7,3 % en 2015. L’investissement public global est passé de 84,9 milliards à 78,6 milliards d’euros de 2013 à 2014.
C’est pourquoi les différents dispositifs favorables à l’investissement proposés par le Gouvernement sont indispensables et bienvenus. Il a parfaitement mesuré le risque de sous-investissement des collectivités, notamment pour l’activité économique locale, en particulier dans le bâtiment et les travaux publics, a donc fléché une enveloppe d’un milliard d’euros vers des projets locaux liés aux priorités nationales. Je fais ici référence bien entendu à l’article 59 de ce projet de loi de finances qui mobilise deux enveloppes de 500 millions d’euros : la première sera consacrée à de grandes priorités d’investissement définies entre l’État, les communes et les intercommunalités, prenant notamment en compte l’accueil de populations nouvelles ou la réalisation de projets de rénovation énergétique ; la seconde sera plus spécifiquement consacrée aux bourgs-centres et aux villes moyennes, avec 300 millions qui iront directement au développement des villes de moins de 50 000 habitants.
Les collectivités locales pourront également profiter du fonds de compensation pour la TVA pour les chantiers d’entretien de leurs bâtiments et de la voirie, à hauteur de 143 millions d’euros en année pleine, dont 12 millions dès 2015. À ces nouveaux dispositifs, il faut ajouter les mesures sur le FCTVA votées en PLF 2015 ou encore le fonds d’aide pour les emprunts toxiques décidés en 2014. Au total, l’État abonde les budgets d’investissement des collectivités de plus de 1,5 milliard d’euros par an, à mettre en relation avec les 6,5 milliards d’euros d’efforts qui leur sont demandés sur trois ans. L’effort en sera donc réduit de 20 % à 25 %. Je rappelle que la majorité d’hier nous promettait une baisse des dotations du même niveau, et cela bien avant même de nous effrayer avec une baisse des dotations deux fois et demie supérieure à celle qui est proposée par ce gouvernement, soit 120 milliards contre 50 milliards. Il faut le dire très fortement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il faut aussi ajouter d’autres éléments positifs, tels que la baisse des taux d’intérêt – même si personne n’y est pour rien ici puisque c’est le résultat de la crise – et du prix de l’énergie, qui minimisent l’impact des baisses de dotations. C’est le revers positif de la médaille de la crise. Quand l’inflation et le prix de l’énergie étaient élevés, il était de bon ton d’y faire référence pour critiquer l’insuffisance relative des dotations de l’État : à l’inverse, quand ces deux éléments sont à la baisse, chacun peut admettre qu’il peut en tirer quelques avantages financiers.
Pour les collectivités, c’est un véritable jeu d’équilibriste ! Le challenge consiste pour elles à transformer la contrainte financière en opportunité pour qu’émergent des solutions innovantes et pour leur permettre de faire réellement le choix des priorités.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, nous examinons les crédits et les articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Le contexte est difficile pour nos collectivités puisqu’en première partie, nous avons voté une nouvelle baisse de 3,67 milliards d’euros des prélèvements sur recettes à leur profit.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a présenté une réforme structurelle de la DGF, selon les recommandations du rapport de notre rapporteure spéciale Christine Pires Beaune. Je tiens à saluer, au nom de mon groupe, la qualité et le sérieux du travail qu’elle a accompli.
J’avais rejoint, en commission élargie, notre rapporteure spéciale sur la nécessité de mettre en place une réforme d’équité de la DGF au moment même où les crédits baissent et donc quand les inégalités structurelles se font encore plus ressentir. je m’étais donc formellement placé du côté des réformateurs – ce qui est logique pour un Vaudois. Toutefois, devant la promesse de la constitution d’un groupe de travail transpartisan des deux chambres – confirmé, je l’espère, par le Gouvernement –, la promesse que cette réforme ne sera pas remise aux calendes grecques et surtout la prise en compte des principales revendications que je porte avec mon groupe, j’ai fini par convenir avec vous, madame la rapporteure spéciale, de l’opportunité de la méthode du retrait qui, je l’espère, a l’image de celle du docteur Ogino, permettra d’accoucher collectivement d’une belle reforme d’équité et de justice d’ici six mois !
Sur la réforme de la DGF en 2017, j’ai plusieurs
observations de fond.
La première porte sur un point fondamental : la suppression du critère superficiaire dans la dotation de ruralité, dont je sais que la préoccupation qu’elle suscite est remontée jusqu’au bureau du Premier ministre. En effet, la réforme n’a pas retenu le critère de superficie dans le calcul de la dotation. Ce critère prenait en considération la situation particulière des communes de montagne, mais également celle de communes de très grande superficie – que ce soit en Camargue ou dans certaines îles. Cela aboutit à des baisses excessives de DGF spontanée, pour des communes de montagnes notamment, plus particulièrement pour celles situées en tout ou partie dans un parc national, avec des effets tout à fait importants. Je ne citerai qu’un seul exemple, dans un endroit que connaît bien M. le secrétaire d’État Vallini : la commune de Valjouffrey, dans le département de l’Isère.
En effet !
Hors tunnel, cette commune de 130 kilomètres carrés, ce qui n’est pas négligeable, verra sa DGF de base baisser de 116 000 à 34 000 euros. Cela fait partie des questions sur lesquelles nous devons retravailler et les six mois à venir seront à cet égard tout à fait importants.
50 % des communes de montagne seraient impactées par la baisse des dotations par cette réforme, ce qui contredirait les engagements du Premier ministre lors du Conseil national de la montagne.
S’agissant des communes nouvelles, il est souhaitable de proroger les garanties financières votées pour trois ans dans la loi de 2015 en décalant de six mois la date à laquelle les communes doivent avoir fusionné afin qu’elles disposent du temps nécessaire après leur réception par les services de l’État – que nous espérons toujours – des simulations, permettant de délibérer avant le 31 mars 2016. Et puis je souhaite attirer votre attention sur un point crucial : il faut que soient maintenues durant les trois années ces garanties financières dans l’hypothèse, plus que plausible, ou une commune tiers rejoindrait cette commune nouvelle dans la même période. Sur ces deux points, je me félicite vivement que notre commission des finances présente des amendements qui ont été adoptés a l’unanimité.
Ensuite, je note qu’au regard de la dotation de centralité, les villes de 10 000 à 50 000 habitants étaient initialement perdantes, mais je suis sûr que le calibrage sera revu dans les six mois qui viennent de façon que cette réforme soit également équitable à leur endroit. J’appelle d’ailleurs votre attention, madame la ministre, sur la répartition finale de la dotation de centralité entre communes-membres d’un EPCI : la référence à la population prise en compte pour la DGF et non à la population totale peut se révéler localement inopérante puisqu’en zone touristique, des communes à faible population, sans équipement permanent voire sans aucun commerce ouvert à l’année, ont une population DGF supérieure à celle des communes bourg-centre des EPCI dont elles sont membres. Nous proposons donc, uniquement pour cette répartition finale, de se référer à la population totale et non à la population prise en compte pour la DGF. Nous aimerions qu’une telle scorie ne soit pas laissée dans le futur texte car, sinon, les simulations qui ne manquent pas d’être faites vont mettre à bas des projets de fusion de communes ou d’intercommunalités en induisant un biais qui rend plus riches les communes déjà les plus riches – ce qui est toujours relativement fâcheux lorsque l’on veut faire de la solidarité.
Je termine sur la DETR – la dotation d’équipement des territoires ruraux. En 2015, suite à la mobilisation des députés de la majorité, les crédits ont été majorés de 200 millions d’euros par voie d’amendement, pour être portés à 815 millions d’euros. Si dans ce PLF, les autorisations d’engagement de DETR au sein du programme 119 sont équivalentes à celles de 2015, les crédits de paiement ne se s’élèvent qu’à 666 millions d’euros. Aussi, cela équivaut, dans la pratique, à une baisse d’environ 149 millions d’euros de DETR pour les communes et leurs groupements, soit 18 % en moins, dans un contexte de nouvelle baisse de 3,67 milliards des prélèvements sur recettes. Nous proposons donc au Gouvernement un amendement de crédits pour proroger le niveau de DETR de 2015. Autre possibilité : nous avons sous-amendé l’amendement du Gouvernement sur la DGF de 2016 afin d’augmenter de 149 millions d’euros l’année prochaine la dotation de solidarité rurale. Il ne faudrait pas que la réforme de la DGF dans le respect d’une nécessaire équité ne renvoie qu’à la notion médiévale de la chimère, ces fameux désirs irréalisables. Il serait hautement souhaitable qu’à l’issue de ces six mois, nous arrivions enfin à une réforme équitable dans ce pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le sujet que nous discutons ce jour est sans doute l’un des plus contestables du projet de loi de finances pour 2016 : il ne s’agit pas seulement des 3 milliards 800 millions d’euros de dotations en moins pour les collectivités territoriales dans les programmes concernés, mais du sort qui leur est fait dans ce texte de loi. Le choix ici réaffirmé, celui d’une réfaction de 12 milliards et demi d’euros en quatre ans, et donc de 28 milliards d’euros en cumulé des dotations aux collectivités locales apparaît, au fil des mois qui passent, comme une erreur manifeste.
On trouvera toujours, çà et là, dans la diversité des situations, une collectivité pour qui la baisse de la dotation globale de fonctionnement sera quasi indolore, mais dans leur très grande majorité, les collectivités locales sont très fortement touchées par cette baisse et le congrès de l’association des maires de France, la semaine prochaine, exprimera l’inquiétude et la colère qui montent de nos territoires de France. Ces diminutions brutales et massives ont des incidences sur les choix des élus locaux mais aussi, plus grave encore, sur la vie des territoires et sur leur possibilité de relever les enjeux de l’avenir. C’est d’autant plus vrai que cette diminution vient après la suppression de la taxe professionnelle et l’inconséquence du nouvel impôt économique, et après le gel des dotations entre 2010 et 2013, gel contre lequel la gauche, toute la gauche, avait protesté avec raison. En plus des bouleversements territoriaux, marqués par une métropolisation qui ne vise qu’à mettre en concurrence les territoires, le garrot financier qui leur est appliqué pousse leurs représentants, élus par le peuple, à entrer dans un triple cercle vicieux.
En effet, déjà un tiers des communes et des intercommunalités ont accru la pression fiscale, un autre tiers annonce vouloir le faire et 80 % vont revoir les tarifs des services publics à la hausse. C’est la décentralisation de l’accroissement de l’impôt, une erreur car l’impôt local est beaucoup moins juste qu’un impôt sur le revenu qui pourrait être plus progressif et porter sur les plus riches. Il apparaît d’autant plus injuste de pousser à l’augmentation de l’impôt local quand on apprend dans un journal du soir comment les classes dirigeantes, aujourd’hui en place au plus haut niveau de la Commission européenne, ont encouragé l’évasion fiscale et ses dizaines de milliards d’euros soustraits au profit d’une caste !
Quant à la suppression ou l’amoindrissement des services publics de proximité, elle amplifie de toute façon les inégalités car les plus aisés pourront y remédier par des services privés – je pense à la garde d’enfants –, ce qui ne sera pas le cas des plus modestes.
Enfin, le troisième cercle vicieux, c’est l’effondrement de l’investissement public local, avec des risques sur le bon entretien des équipements et la bonne maintenance du patrimoine, et ses conséquences sur l’emploi. Nous avons eu connaissance, en fin de semaine dernière, du cri d’alarme du président de la Fédération nationale des travaux publics, qui parle d’une progression majeure de sinistres d’entreprise dans ce secteur et de milliers d’emplois perdus. Bien sûr, on peut imaginer que l’effondrement de l’autofinancement soit compensé pour partie par le recours à l’emprunt, mais alors qu’est-ce que cela aura permis en termes de réduction du déficit ? Rien ! L’enveloppe prévue n’y répondra pas avec seulement 150 millions d’euros de crédits de paiement.
Qui plus est, les agences de l’État – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Agence nationale pour la rénovation urbaine, Agence de financement des infrastructures de transport de France, les agences de l’eau –, qui sont des cofinanceurs, voient leurs crédits diminuer.
Ainsi, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, plus les discussions avancent sur cette question du soutien aux collectivités locales, que ce soit dans le cadre de la commission d’enquête pour laquelle j’ai été élu rapporteur, dans les commissions parlementaires ou dans les associations d’élus, plus la faute est indéniable.
Diminuer de 11 milliards d’euros en trois ans les dotations aux collectivités locales aura pour conséquence une baisse de 5,5 milliards d’euros de recettes de l’État selon l’Observatoire français des conjonctures économiques : quel gâchis !
Mais surtout, diminuer de 11 milliards d’euros les dotations avec des conséquences plus prégnantes sur les petites et les moyennes villes, en clair sur les communes et intercommunalités qui sont les actrices d’un territoire équilibré et dynamique, c’est accepter que notre pays mette en péril la République décentralisée qui prévaut depuis trente ans.
Dans ce cadre, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, indispensable pour assurer équité et justice doit se faire à notre sens par le biais d’un projet de loi spécifique, demandé par le Comité des finances locales.
À l’heure où un trop grand nombre de nos concitoyens, à juste titre ou non, ont un sentiment d’abandon, ont le sentiment que la métropolisation est un outil de la guerre économique libérale qui ravage nos territoires, les quelques gains attendus sur le déficit budgétaire seront peu de chose face aux dégâts occasionnés en termes de cohésion sociale et territoriale.
Le groupe des députés du Front de Gauche, membres de la Gauche démocrate et républicaine, vous appelle, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, à un sursaut. Utilisez 3,5 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi qui vont aux secteurs non exposés comme les banques, les assurances, la grande distribution pour les reverser aux collectivités locales qui, dans leur quasi-unanimité, sont des institutions bien gérées par des élus honnêtes.
C’est ainsi que notre pays pourra reprendre confiance. C’est ainsi que nous pourrons répondre collectivement aux enjeux climatiques par la transition écologique, aux enjeux d’accueil des populations fragiles et de ces millions d’enfants, de femmes et d’hommes qui fuient la guerre et la persécution par l’expression de la solidarité sur tous les territoires, c’est ainsi que nous répondrons aux enjeux de la connaissance.
Laissez-moi enfin m’étonner, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, de l’absence d’évaluation globale de la baisse de dotation aux collectivités territoriales sur la croissance nationale, sur l’égalité des territoires, sur la cohésion nationale.
En conséquence, nous nous prononcerons contre ce budget.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, les crédits pour 2016 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », comme toutes les années précédentes, ont la particularité de ne donner à voir qu’une petite partie des transferts financiers de l’État vers les collectivités territoriales, moins de 4 % en 2016.
La dépense publique locale représente 21 % de la dépense publique globale, soit 243 milliards d’euros. C’est en référence à ce pourcentage que l’effort des collectivités s’élève, sur le triennal, à 11 milliards d’euros au sein des 50 milliards d’économies en dépenses, ce que traduit la réduction de 3,67 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement en 2015.
Rappelons ici que la dette de l’État a augmenté de 17 points de PIB entre 2007 et 2012, alors que son évolution a été seulement de 3 points entre 2013 et 2015.
Les quatre dotations que la mission porte sont néanmoins significatives, puisqu’elles atteignent environ 3,8 milliards d’euros, notamment dans un contexte où l’architecture d’une partie des dotations et concours est sur le point d’être redessinée.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui en fait est double, a largement retenu notre attention. Faire bouger l’ensemble des éléments est à la fois nécessaire pour en maintenir l’équilibre global, mais aussi difficile, en raison des ajustements que cela appelle lors de la phase d’élaboration finalisée que constitue l’examen du projet de loi de finances par nos commissions.
L’article 58, parce qu’il porte, dans sa version initiale, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, a fait l’objet d’un amendement du Gouvernement.
Je souhaite ici saluer la méthode. Après avoir entendu dire beaucoup de choses ces dernières semaines, je veux m’exprimer au nom des très nombreux députés qui, sans faire de bruit médiatique, travaillent de façon presque discrète et toujours constructive.
Faire une réforme ce n’est pas décider seul. Faire une réforme, dont les effets sont multiples, ce n’est pas décider sans analyser, tout au long du processus de mise au point les effets transversaux dont cette réforme est porteuse.
Au moment où l’opinion est gagnée par une tentation du pire, du on-verra-après ou encore du confort de la réforme par l’expertise, notre groupe a porté le débat, partant du principe que l’on est meilleur à plusieurs. C’est cela la démocratie et l’efficacité.
Le Premier ministre a alors pris la décision, après une large concertation, de reporter l’effectivité de la mise en oeuvre de la réforme à 2017, souhaitant de la sorte conjuguer au mieux justice et lisibilité. Il a fait droit aux interrogations de nombreux élus, locaux et parlementaires, conscients de la nécessité de laisser le moins d’incertitudes sans réponse claire.
L’article 58 n’est cependant pas l’unique article qui nous intéresse. L’article 61, dernier article présentant l’effort de péréquation au travers du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC –, mérite aussi notre attention car l’amélioration de la péréquation entre collectivités communales et ensembles intercommunaux est ici poursuivie, comme elle doit l’être.
De même, l’article 59 relatif au fonds destiné à l’investissement en faveur des communes et intercommunalités, avec un double niveau de répartition – régions et départements – ne peut être considéré comme n’étant pas articulé aux autres mesures en faveur des collectivités territoriales.
Notre action de soutien aux réformes est sans faille. Il ne suffit pas simplement de dire que l’on porte une réforme : il faut être capable de montrer que la réforme est la plus juste possible. C’est ce que le Gouvernement et notre groupe ont fait en travaillant de concert sur l’architecture et les principes d’une évolution de la DGF à la suite d’un rapport de notre collègue, Christine Pires Beaune.
Il appartient donc au Gouvernement de préciser les conditions dans lesquelles les améliorations envisagées seront discutées et arrêtées. L’engagement du Gouvernement sur ces points sera, à n’en pas douter, un élément de conduite du changement au profit non seulement des collectivités territoriales mais aussi et surtout de leurs habitants qui seront in fine les bénéficiaires d’une répartition plus équilibrée des dotations.
Pour toutes ces raisons, pour la méthode et le fond, nous voterons les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, nous sommes confrontés, madame la ministre, à la suite de la mise en oeuvre de la politique de votre Gouvernement. Les prélèvements – ou plutôt, la baisse drastique des dotations – que vous avez annoncés sur les collectivités se poursuivent, pour deux raisons.
La première raison a été annoncée par le Président de la République lui-même, il y a quelques jours : vous avez eu tort, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, de supprimer la TVA sociale à votre arrivée.
Vous vous êtes privés par là des recettes fiscales qui vous manquent aujourd’hui, afin d’éviter de considérer les collectivités territoriales comme des variables d’ajustement de votre politique budgétaire.
Le lien est que de l’argent manque : vous n’en avez plus, monsieur Mennucci.
Vous continuez ainsi à faire en sorte que les collectivités soient privées d’une partie importante de leur capacité d’autofinancement, qu’elles ne puissent donc plus rendre les services qui sont attendus dans un certain nombre de territoires.
Madame la ministre, les efforts que vous déployez pour essayer de faire croire aux communes que la plupart d’entre elles sont bénéficiaires de la loi de finances pour 2016, ne suffiront pas à les convaincre. Il n’est que de voir la manière dont les maires ont protesté, le 19 septembre dernier, dans tout le pays contre la politique que vous conduisez, madame la ministre, depuis trois ans.
Le 19 septembre a été un échec !
Ce projet de loi de finances que vous proposez ne changera rien au ressentiment extrêmement fort qui existe dans les communes.
S’agissant du contenu de votre budget, il faudra dans quelques années refaire l’histoire de l’article 58 du présent projet de loi.
Je l’écrirai !
Si vous voulez l’écrire, madame la ministre, nous vous lirons car nous y voyons un précédent intéressant. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi vous n’avez pas voulu réécrire entièrement l’article 58.
Nous aurions d’abord gagné du temps en séance. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais quitte à débattre pour rien, autant que ce soit de manière brève. Et quitte à reporter une réforme d’un an, écrivez-la une fois pour toutes. Que tout cela s’applique l’année prochaine !
Ne perdons pas du temps à débattre d’amendements qui ne serviront à rien. Je suppose que nous assisterons à une rafale de retraits dans les quarts d’heure qui suivent, montrant qu’en définitive, le Gouvernement a découvert il y a quelques jours qu’une loi NOTRe s’applique au mois de mars prochain, que les territoires seront reconstitués et qu’il n’est évidemment pas en situation de donner des bases de calcul des nouvelles dotations pour les communes et les intercommunalités. C’est parfaitement normal : personne n’en connaît le périmètre ! Il n’y a rien d’étonnant à cela.
À moins que les ministères ne soient pas dotés de calendrier, accordez-moi, madame la ministre, que vous auriez pu vous en rendre compte un peu plus tôt, du moins à Matignon !
En fin de compte, pourquoi sommes-nous ici ? Pour débattre du coeur du problème qui, encore une fois, est la dotation aux collectivités. Elle sera, cette année, identique à celle de l’année dernière. Ce n’est donc pas la peine d’en discuter. Nous sommes là pour savoir si, oui ou non, la réforme que vous avez commencé d’écrire peut être appliquée à partir du 1erjanvier 2017. Comme le mentionnait Nicolas Sansu il y a quelques minutes, prenez donc le temps, madame la ministre, ainsi que l’a préconisé le Comité des finances locales, de rédiger un texte spécifique sur la dotation globale de financement…
De fonctionnement !
Oui, pardonnez ma rapidité, monsieur le secrétaire d’État. Prenons le temps d’en débattre au fond, de manière détaillée. Venons dans cet hémicycle. Nous aurons le temps d’examiner ce sujet au fond car il mérite largement qu’on y consacre davantage de temps que ne le permettent des navettes d’amendements et une réécriture à la va-vite, entre la commission et l’hémicycle.
Je suis en outre très surpris de votre volonté, madame la rapporteure spéciale, de maintenir un prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, à hauteur de 370 millions d’euros. Nous prônons que ce montant soit gelé, tout simplement parce que, je le répète, de nombreuses communes n’ont plus les moyens d’y faire face.
Vous écouterez les amendements, monsieur Rogemont, vous en aurez le temps, tout à l’heure.
En définitive, puisque les communes n’ont plus les moyens de faire face aux divers prélèvements que vous leur soumettez, madame la ministre, écoutez ceux qui souhaitent que ce fonds soit gelé au montant actuel, ce qui donnera un peu d’oxygène à de nombreux territoires.
Dans l’hypothèse probable où le débat sur les amendements ne modifierait pas profondément les crédits proposés, notre groupe s’opposera à ces textes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, avec une diminution continue des dotations de l’État aux collectivités territoriales, de l’ordre de 3,7 milliards en 2015 et bientôt en 2016, soit 11 milliards sur la période 2015-2017, ce budget, dont le montant, je le rappelle, est inférieur à deux années de réduction de DGF, représente une véritable menace pour la capacité d’investissement de nos territoires.
Cette diminution s’est déjà traduite, en 2014, par une baisse de l’investissement du bloc communal de plus de 12 %, qui s’est poursuivie en 2015, à hauteur d’environ 10 %, et qui continuera sa baisse au même rythme en 2016, si l’on en croit les résultats de l’enquête effectuée notamment par l’Association des maires de France.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a toujours été favorable au principe d’une participation des collectivités territoriales, au même titre que de l’État et de tous ses opérateurs, à l’effort de redressement de nos comptes publics. J’ai d’ailleurs toujours défendu – très seul – l’idée d’une baisse de la dotation globale de fonctionnement, lente et continue, alors même que j’étais dans la majorité.
C’est exact !
À cette époque, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, j’ai même expliqué à vos amis, au sein du Comité des finances locales, qu’ils ne pouvaient pas continuer à demander des augmentations de la DGF, alors que l’État était lui-même en quasi-faillite, au sens technique du terme. Ils ont alors poussé des cris d’orfraie… Et aujourd’hui, c’est moi le modéré ! Du fait des efforts qui n’ont pas été réalisés dans le passé, nous sommes pris à la gorge !
Or, madame la ministre, nos préconisations n’avaient rien de comparable à la baisse drastique et insoutenable que vous proposez.
Comment ne pas s’indigner de la méthode utilisée pour réformer la DGF, qui témoigne d’une véritable improvisation de votre part ? On nous annonce, au beau milieu du débat budgétaire, et à la veille de l’examen des crédits de la mission en commission élargie, le report d’un an de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, principale dotation de l’État aux collectivités. Cette décision tardive a retiré tout intérêt au débat sur l’article 58 et laissé place, c’est le moins que l’on puisse dire, à une certaine confusion.
Ce report vous contraint non seulement à modifier l’article 58, afin d’en fixer la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2017, mais également à improviser les règles de fixation de la dotation globale de fonctionnement pour 2016, par la voie d’un amendement dont nous n’avons pris connaissance que vendredi ! La commission des finances, n’ayant pu examiner l’amendement à la date prévue de sa réunion, a dû reporter son examen à une autre réunion, deux heures avant la séance publique ! Cette méthode et ces conditions de travail témoignent d’un véritable mépris à l’égard du Parlement.
Nous n’étions pourtant pas hostiles à l’idée d’une contribution de nos collectivités à l’effort de redressement de nos finances publiques. Nous n’étions pas non plus opposés à la réforme de la DGF. Le rapport de Mme Pires Beaune et de M. Germain avait d’ailleurs formulé des constats que nous partagions largement.
Cette dotation est aujourd’hui perçue par la quasi-totalité des élus et gestionnaires locaux comme un financement inéquitable et opaque. Les montants par habitant de DGF sont très hétérogènes et issus de dotations historiques stratifiées, certaines correspondant au fait que la DGF s’est substituée à des impôts locaux qui ont été supprimés, sans que ces différences ne soient toujours justifiées par des écarts de richesse ou de charges.
En outre, la DGF n’a pas été mise en cohérence avec les dernières évolutions qu’ont connues nos territoires : l’achèvement de la carte intercommunale, l’approfondissement de l’intégration des établissements public de coopération intercommunale – les EPCI –, la création du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ou, plus récemment, les réformes relatives aux communes nouvelles et à la délimitation des régions.
Cependant, si une refonte de la DGF était nécessaire, une réforme de qualité eût exigé des bases de travail solides et des simulations exhaustives. Un projet de loi spécifique est indispensable si l’on veut concevoir une réforme solide, basée sur des simulations et sur une réflexion approfondie. C’était d’ailleurs, madame la ministre, la position adoptée par le Comité des finances locales à son unanimité – moins Mme Pires Beaune, qui s’était abstenue sans pour autant voter contre. On aurait pu examiner un tel texte au printemps, en prenant notre temps et en faisant de nombreuses simulations afin d’éviter tout dérapage – car, de toute évidence, les conditions permettant l’inscription d’une réforme en profondeur de la DGF ne sont pas réunies. Il eût été si simple d’annuler la réforme prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances et de la reporter à un texte spécifique !
Nous n’avons aucune visibilité sur les conséquences de cette réforme dans les prochaines années. La contribution des communes devant atteindre cette année 1 450 millions d’euros et celle des EPCI 621 millions d’euros, comment et sur qui sera reporté le différentiel de contribution ?
Nous avons toutes les raisons de penser que ce sont plutôt les villes petites et moyennes qui seront les grandes perdantes de la réforme – mais pas qu’elles. Il y aura aussi, bien entendu, des gagnants, puisque le montant global de la dotation restera inchangé. Or vous avez choisi de répartir ce montant en fonction du nombre d’habitants élevé à la puissance cinq, et non plus à la puissance deux, dans l’intention de protéger les grandes intercommunalités, qui sont pourtant déjà hyperfavorisées par l’actuelle DGF !
Mes chers collègues, en conclusion, cette réforme est inacceptable en l’état, car elle va à l’encontre des intérêts des collectivités territoriales et du peuple français dans son ensemble. Le groupe UDI votera donc contre les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance de cinq minutes.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.
La séance est reprise.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par les questions du groupe écologiste. La parole est à Mme Barbara Pompili.
Madame la ministre, en vue d’assurer une plus grande équité entre communes, il est nécessaire de réformer la dotation globale de fonctionnement. Nous apportons donc, avec mon collègue Paul Molac, tout notre soutien au Gouvernement ainsi qu’à Mme Pires Beaune, afin que l’on aboutisse au plus vite.
Il est prévu que la dotation forfaitaire comporte trois composantes. La première, la dotation de base, permettra un rééquilibrage bienvenu en faveur des communes de moins de 2 000 habitants, grâce à un montant unitaire par habitant. En revanche, nous sommes plus circonspects s’agissant des dotations de centralité et de ruralité.
La dotation de centralité sera distribuée entre les communes suivant un rapport de population amplifié. Si l’on en croit les simulations, cela engendrera de très fortes inégalités. Ainsi, Amiens, qui compte plus de 130 000 habitants, toucherait 30 euros par habitant quand Grandvilliers, dans l’Oise, qui en compte 3 200, toucherait 245 euros par résidant.
Curieusement, plus la ville-centre d’un EPCI est grande, donc plus elle supporte de charges au bénéfice de l’ensemble du territoire, moins elle touche de dotation de centralité par habitant. C’est difficilement compréhensible. Comptez-vous y remédier, madame la ministre ?
Concernant la dotation de ruralité, les grands bénéficiaires seront les stations de ski, comme Val d’Isère, ou les communes touristiques très étendues et comptant peu d’habitants, telles que Cassis, Arles ou Lacanau. Cela s’explique par le fait que cette dotation est attribuée aux communes dont la densité de population est inférieure à 75 % de la densité moyenne de l’ensemble des communes françaises. Retenir cet unique critère est à nos yeux assez peu représentatif de la ruralité et de ses difficultés, car la faible densité ne fait pas forcément la ruralité. Madame la ministre, comptez-vous intégrer dans le calcul de la dotation des critères relatifs aux espaces naturels et agricoles ou au taux d’équipement et de services, qui permettent également de définir le caractère rural d’un territoire ?
Madame Pompili, vous avez raison en ce qui concerne la superficie totale. C’est la raison pour laquelle nous ne nous en tenons pas aux seuls espaces agricoles, mais considérons également les zones NDs, c’est-à-dire les espaces remarquables au titre de la loi Littoral, les périmètres de protection des captages d’eau, les sites « Natura 2000 », les parcs, les cirques, c’est-à-dire tous les terrains qu’il faut, pour l’intérêt général, protéger de toute construction. En effet, les maires, qui visent à élargir leur base fiscale, tendent à construire des lotissements, parfois même alors que les bourgs-centres ne sont pas rénovés.
Cette réforme incite donc à préserver l’ensemble de ce que j’appelle les mètres carrés précieux, tant pour l’indépendance alimentaire que pour la protection de l’eau et l’avenir de la planète. En travaillant avec les établissements publics fonciers régionaux, qui sont des EPF d’État, nous sommes extrêmement attentifs à récupérer des friches, qui sont transformées soit en habitations, soit en ateliers, le cas échéant, et à stopper le bétonnage de nos espaces naturels et agricoles. Tel est l’objet du projet de réforme.
Madame la ministre, afin de relayer l’interrogation profonde des élus locaux quant à l’avenir des ressources financières des collectivités territoriales, je vous poserai quatre questions.
Où va la réforme des valeurs locatives, des bases servant de calcul à la taxe d’habitation et à la taxe foncière ?
Quelle sera la répartition des dotations entre communes et communautés, et le coefficient d’intégration fiscale perdurera-t-il ou sera-t-il remplacé ? Quels seront les impacts précis de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, notamment dans quelques années ? Une réforme plus globale des ressources des collectivités peut-elle intervenir ?
Toutes ces questions rendent incertaines les perspectives des collectivités locales et ont des effets délétères sur la confiance. Sans cette confiance, il est illusoire d’envisager une relance de l’activité ou d’amorcer les mutations nécessaires. La confiance envers l’État est nécessaire pour conduire les réformes indispensables, notamment celle de la DGF. Aussi faudra-t-il que nous disposions de toutes les informations utiles pour concrétiser cette réforme dans le projet de loi de finances pour 2016. Cette transparence peut permettre à la fois de corriger les effets pervers éventuels, de réformer la dotation et de briser certains fantasmes.
La confiance est nécessaire aussi à la relance de l’économie, par la dynamisation des projets publics, notamment les projets d’investissement. Sans visibilité sur les ressources, comment les élus pourraient-ils entreprendre ? La confiance est encore impérative pour permettre des changements en profondeur de notre modèle.
Je réitère donc mes questions, madame la ministre : où va la réforme des valeurs locatives ? Quelle sera la répartition des dotations entre communes et communautés ? Quels seront les impacts précis de la réforme de la DGF dans le temps ? Quel financement global des collectivités sera envisagé pour l’avenir ?
Je pourrais faire un long exposé sur l’histoire des valeurs locatives et leur non-révision. Nous nous sommes appuyés sur les travaux du sénateur François Marc au sujet des valeurs locatives immobilières pour nos premières simulations et nos premières applications. Ce travail, très intéressant, est néanmoins très difficile à lire, et les uns et les autres peuvent avoir du mal à se l’approprier. Nous avons fait des propositions pour les locaux professionnels, et amorcé la prise en compte de l’évolution des bases pour les locaux d’habitation ; les mêmes travaux sont conduits à la fois par le sénateur et par la Direction générale des finances publiques, la DGFIP. Pour être honnête, nous sommes dans l’incapacité d’appliquer immédiatement une révision des bases sans procéder à des simulations lourdes, importantes. C’est compliqué, c’est difficile.
J’ai toujours pensé qu’il fallait s’affranchir d’une stricte application des valeurs cadastrales dans les zones de forte tension immobilière et foncière ; j’y travaillerai en début d’année prochaine. Il faudra peut-être une loi spécifique. Vous avez raison, monsieur le député, il s’agit d’un sujet lourd, même si les communes nouvelles et, surtout, les EPCI permettent de l’alléger.
Nous poursuivons donc nos travaux sur ces sujets. Des expérimentations sur les mètres carrés immobiliers industriels ont été lancées dans cinq départements, à l’issue desquelles nous réitérerons le processus pour d’autres départements français. Je ne voudrais pas vous ôter tout espoir, mais sachez qu’en 1998, lorsque j’avais assisté à des travaux de ce type, aucune solution n’avait été trouvée pour le basculement entre l’année N et l’année N+1 ; tel est notre souci majeur. C’est pourquoi nous avons demandé qu’un maximum de travaux soient réalisés sur le sujet des harmonisations fiscales au sein des communes et des intercommunalités afin que nous puissions avancer ; l’Association des maires de France – AMF – et l’Association des communautés de France – ADCF – se saisiront probablement du sujet, mais nous n’avons aucun retour pour le moment.
Vous m’avez interrogée sur les impacts que pourrait avoir la réforme de la DGF dans quelques années, mais je suis incapable de vous le dire ; personne ne peut répondre à cette question. En revanche, nous conservons le coefficient d’intégration fiscale – CIF – comme élément de base de la mutualisation des services, laquelle ne peut être prise en compte de façon juste. Les projections qui peuvent être réalisées sur la base de l’article 58 du projet de loi de finances montrent que le CIF est un élément important. Nous rejoignons ici les propos de Mme Pompili : la centralité et la ruralité sont prises en compte. Avec le CIF, on tient compte du fait que certains ont avancé davantage sur l’intégration de leurs compétences.
Nous en venons à la question du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Hugues Fourage.
Je souhaite vous poser deux questions, madame la ministre.
La première porte sur le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, nous avons voté le principe de l’extension du bénéfice du FCTVA aux travaux d’entretien des bâtiments publics et de la voirie, donc à des dépenses relevant du fonctionnement. J’aurais aimé que vous nous précisiez si les sommes ainsi recouvrées pourront bien être affectées à la section de fonctionnement du budget des collectivités locales.
La seconde question concerne le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT. Vous avez annoncé que vous renonciez à ramener le taux de prélèvement de 1 % à 0,8 % et que vous proposiez un taux de 0,9 %.
En d’autres termes, le Gouvernement a renoncé à la moitié de la baisse !
En commission élargie, la commission des lois et la commission des finances n’ont pas été convaincues par votre argumentation et ont repoussé le principe d’une telle baisse. Les auditions que ma collègue Christine Pires Beaune et moi-même avons pu mener ont montré que cela ne représenterait pas une réelle économie pour les collectivités territoriales. Au contraire, les régions ne prenant pas en charge les frais de formation des apprentis, le CNFPT propose d’utiliser cette ressource pour développer l’apprentissage dans la fonction publique territoriale. Le Gouvernement pourrait-il garantir le maintien du taux de 1 % en échange de l’engagement, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens, du financement par le CNFPT de plusieurs milliers de places d’apprentis dans les collectivités territoriales ?
J’ajouterai que la réforme territoriale créera sans doute un besoin supplémentaire en termes de formation, et qu’il est donc extrêmement important que les cadres territoriaux, et plus largement l’ensemble de la fonction publique territoriale puissent être formés dans ce cadre.
S’agissant du FCTVA, tout d’abord, il est toujours imputé en section d’investissement, mais un vrai débat existe sur ce point entre l’État, les collectivités territoriales et les meilleurs observateurs de notre économie. Une collectivité territoriale ne peut pas investir si elle ne dispose pas d’une épargne nette, tandis que l’État n’a pas à s’en soucier et peut fonctionner et investir comme il le souhaite. Dans ces conditions, la construction du budget interroge donc également les membres d’un gouvernement.
Un de vos collègues, M. Pupponi, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, a affirmé que certaines collectivités locales n’appelaient plus les crédits d’investissement de l’ANRU parce qu’elles ne disposaient plus d’épargne nette. C’est donc un vrai sujet. Les règles du FCTVA restent inchangées cette année – ses remboursements vont à la section d’investissement même si de petits travaux d’entretien sont imputés en dépenses de fonctionnement – exception faite de la modification que vous avez évoquée, l’élargissement de l’assiette du Fonds aux dépenses d’entretien des bâtiments publics.
Sur le CNFPT, il y a moins matière à débattre, compte tenu de la présence d’un excédent budgétaire. D’environ 55 millions d’euros fin 2014, il passera à 66 millions d’euros en 2015 ; il augmente chaque année de 10 millions d’euros.
Le CNFPT propose de maintenir le taux de 1 % en contrepartie d’une offre de formation pour les apprentis, en particulier dans les CFA. L’idée est intéressante mais, d’une part, le CNFPT n’a pas de compétence dans ce domaine et, d’autre part, l’Association des régions de France perçoit déjà un financement pour assumer pleinement la formation des apprentis au sein des CFA. L’ouverture de deux lignes budgétaires pour une même dépense est exclue, nous avons déjà suffisamment de dépenses.
Je pense pour ma part qu’il faut laisser aux régions le financement des CFA. En revanche, le CNFPT aurait pu intervenir sur la prise en charge des apprentis en milieu public, mais cela reviendrait à ce qu’il verse une subvention à une commune parce qu’elle a pris des apprentis, ce qui est totalement inacceptable en termes d’orthodoxie budgétaire et en parfaite contradiction avec le principe constitutionnel de l’autonomie financière des collectivités locales.
Je peux comprendre l’argument visant à maintenir le taux de 1 % pour le CNFPT : il s’agit de conserver un fonds de roulement assez important pour envisager des dépenses dont je ne connais pas la nature. Toutefois, dans un contexte de baisse de la dépense publique, il est requis des opérateurs de fournir un effort similaire. Il s’agit en effet d’un prélèvement sur la masse salariale des collectivités territoriales. Ainsi que je le dis souvent, et je l’ai encore répété en commission tout à l’heure, cela reviendrait à verser une subvention à une association disposant d’un fonds de roulement important, ce que nous ne ferions pas.
Nous en venons à présent à la question du groupe Les Républicains. La parole est à M. Patrick Ollier.
Madame la ministre, vous avez déposé plusieurs amendements d’ajustement qui précisent les modalités de répartition de la DGF pour la métropole du Grand Paris – MGP – et la métropole d’Aix-Marseille-Provence à compter de 2016. Ces deux EPCI percevront une dotation de compensation et une dotation d’intercommunalité ; vous avez évoqué le sujet ce matin en commission des finances.
Pouvez-vous préciser le montant de la dotation de compensation de la MGP, dont le calcul devrait normalement tenir compte du problème des dotations de compensation des EPCI qui fusionnent, et à laquelle s’ajoutera la somme des compensations de la part salaires – CPS – perçues par les communes isolées ? Nous sommes en effet inquiets au sujet du financement de la future métropole. L’ordonnance fiscale et financière a été publiée voilà quelques jours seulement. Nous n’avons pas même un mois pour mettre tout cela au point, c’est un peu compliqué, notamment pour la préparation du budget.
Par ailleurs, au titre du parallélisme des formes, puisqu’une réforme de la dotation globale de fonctionnement est en cours, ne pourrait-on pas geler le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – afin de remettre également à plat ses règles de fonctionnement ? On pourrait ainsi harmoniser les systèmes de péréquation avec les systèmes de financement de l’État, ce qui serait logique et permettrait une meilleure clarté. Puisque vous prévoyez d’amender le contenu de la réforme de la DGF en avril, il serait cohérent de faire la même chose pour le FPIC. Je vous demande donc de le geler pour l’année 2016 à son niveau de 2015.
Comme je le disais aimablement en aparté au président de la commission des finances, geler le FPIC serait oublier la ferveur avec laquelle il l’avait défendu.
J’étais alors au Gouvernement et je l’ai fait voter, madame la ministre !
Permettez-moi de poursuivre, monsieur le député, car je risque ensuite de me voir couper la parole par le président.
La marche à franchir aurait pu être plus haute, mais nous retenons pour l’objectif de ressources du FPIC un montant intermédiaire. En effet, la réforme de la DGF étant reportée d’un an, la fonction de péréquation du fonds se trouve renforcée. On aurait pu poser le problème différemment si la réforme avait été engagée.
S’agissant de la MGP, son budget était très élevé la première année, vous l’avez d’ailleurs dénoncé. Puis le syndicat Paris Métropole nous a amenés à effectuer certaines modifications ; je ne m’arrêterai pas sur les aléas du débat. En 2016, la dotation d’intercommunalité de la MGP s’élèverait à 216 millions d’euros, soit un montant supérieur de 77 millions d’euros à la somme des dotations d’intercommunalité perçues en 2015 par les EPCI qui intègrent la MGP.
L’écart s’explique, comme pour chaque EPCI créé sur le territoire, par l’intégration des communes isolées. Ce coût pour les autres sera financé hors DGF, sur les variables d’ajustement, comme on l’a vu en commission cet après-midi. En 2016, la MGP devra établir son projet et commencer à exercer ses compétences de planification, notamment dans le domaine environnemental, qui, sans être le plus « budgétivore », est peut-être le plus urgent.
Dès lors que, au surplus, la discussion sur la péréquation interviendra au niveau des établissements publics territoriaux, les dotations d’intercommunalité – 77 millions et 56 millions d’euros –, leur seront garanties via les communes. Ces sommes sont non seulement bienvenues, mais financées.
J’appelle les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement no 728 .
La parole est à M. Joël Giraud, pour le soutenir.
Pour les dotations d’équipement des territoires ruraux, les DETR, les autorisations d’engagement restent dans ce PLF au même niveau qu’en 2015, mais pas les crédits de paiement, qui n’atteindraient que 666 millions d’euros, en baisse de 149 millions par rapport à l’an dernier.
Qu’on ne me dise pas, une fois encore, que cette différence entre crédits de paiement et autorisations d’engagement tient à une sous-consommation budgétaire : force est de constater qu’il s’agit d’une baisse. Les collectivités locales, lorsqu’elles présentent leurs programmes dans le cadre de la DETR, ont l’habitude de les trancher pour les faire coïncider à leurs engagements pluriannuels.
Je vous propose donc, avec cet amendement, de relever les crédits de paiement de la DETR de 149 millions d’euros, afin de les porter au même niveau que l’an dernier.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, je suggère à son auteur de le retirer : la consommation des crédits de la DETR en 2014, par exemple, révèle des niveaux de report très importants. Comme l’indique le rapport sur la présente mission, on continue de verser des crédits au titre de la DETR des exercices 2007 et 2008. Le rythme a été calqué sur ce que l’on a pu observer au cours des années précédentes ; mais si les crédits de paiement venaient effectivement à manquer, on pourrait toujours les abonder.
Même avis.
Au vu de ma modeste expérience départementale, il y a un vrai problème. Aux termes de la circulaire relative à la DETR, le délai de dépôt des dossiers est de huit jours ; après quoi il faut des mois pour avoir la réponse, laquelle n’arrive que progressivement. Il ne faut donc pas s’étonner de la sous-consommation des crédits par rapport aux autorisations d’engagement.
Le Gouvernement envisage-t-il de donner des instructions précises ? Dans mon département, le préfet a décidé de conditionner l’octroi de la DETR à la preuve que le dossier est prêt et que le programme pourra être engagé avant le 31 décembre de l’exercice concerné ; il demande, dans ce cadre, la signature des ordres de service.
Vous pouvez toujours augmenter la DETR pour la porter à 800 millions d’euros, madame la ministre, et même la majorer encore de 100 millions sur les autorisations d’engagement ; mais si les CP ne suivent pas, cela reste de l’affichage. À ma connaissance, ni le ministre de l’intérieur ni vous-même n’avez donné d’instructions précises quant au bon usage de la DETR.
Vous avez raison, monsieur de Courson, d’appeler notre attention sur cette question. Le Gouvernement publiera, fin janvier, une circulaire qui devrait permettre aux préfets de clarifier la démarche des collectivités et de l’inscrire dans un cadre précis. Comme l’indiquait Mme la rapporteure spéciale, on constate des surplus : c’est par exemple le cas dans trois départements où nous nous sommes rendus récemment, bien que tous ceux qui avaient pu consommer la DETR l’aient fait.
Le Gouvernement transmettra la circulaire de fin janvier aux présidents de groupe qui le souhaitent, ainsi qu’au président de la commission des finances, qui pourra ainsi la communiquer aux membres de celle-ci.
L’amendement no 728 n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sont adoptés.
Cet amendement de suppression est le premier d’une longue série : preuve que les députés sont nombreux, madame la ministre, à vous adresser, avec une certaine fermeté, la même demande. Il fut rédigé, en tout cas, avant que le Gouvernement n’enclenche la marche arrière, faisant enfin preuve d’un peu de bon sens. De fait, tout le monde le mettait en garde contre les risques de son projet ; or on a rarement raison seul contre tous : il semble que vous en ayez enfin pris conscience. Réformer la DGF tout en la diminuant dans des proportions insensées, c’était vraiment aller au-delà de ce qu’il est possible de demander aux collectivités territoriales.
Je maintiens néanmoins mon amendement de suppression, car le report n’est guère plus rassurant que le maintien. Je vous rappelle aussi que le Comité des finances locales, strictement paritaire au plan politique et présidé par un ancien ministre de François Mitterrand, vous demande solennellement de présenter un projet de loi dédié à la réforme de la DGF, en lieu et place d’une réforme subreptice, glissée dans un article du prochain PLF. C’est en effet le bon sens même, car ce ne serait plus Bercy, alors, qui piloterait cette réforme, mais le ministère de l’intérieur, le Sénat et l’Assemblée nationale : cela change tout, vous devriez finir par le comprendre.
J’ajoute que, dans sa rédaction actuelle, l’article 58 est très inquiétant ; il menacerait, Mme Pompili l’a rappelé tout à l’heure, des collectivités, en particulier les villes de taille moyenne.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 214 .
Je veux d’abord saluer le travail qui a été effectué, notamment par Mme Pires Beaune. La DGF doit être réformée, c’est une évidence ; elle l’a d’ailleurs été régulièrement, tous les dix ou quinze ans en moyenne. Une nouvelle réforme s’impose aujourd’hui car, Mme Pires Beaune l’a bien souligné dans son rapport, certaines inégalités deviennent insupportables, non pas tant, d’ailleurs, entre petites, moyennes et grandes communes qu’entre des communes de même catégorie, du fait du poids du passé. La DGF est en effet l’héritière d’une réforme par laquelle, au milieu des années soixante, la taxe locale fut remplacée par la TVA, moyennant une compensation alors baptisée « versement représentatif de la taxe sur les salaires », ou VRTS.
Je conteste cependant, à l’instar des associations d’élus locaux, le véhicule choisi, à savoir la loi de finances. Les réformes précédentes – notamment celle de 1993, Patrick Ollier s’en souvient – avaient fait l’objet de projets de loi spécifiques, lesquels présentent l’avantage d’être examinés au fil de la navette et non dans l’urgence : on peut ainsi prendre le temps de faire des simulations, exercice d’une grande complexité compte tenu du nombre de communes, 36 000, dans notre pays.
Facteur aggravant, relevé par M. Lamblin : l’inscription en loi de finances fait s’entrechoquer la réforme avec la baisse des dotations et la contribution des collectivités au redressement des finances publiques. Deux tiers des communes verront leur part de DGF augmenter, objectait-on ; mais ce discours a été battu en brèche par la baisse des dotations. Comme je l’ai dit depuis le début, cela me paraissait inexplicable.
Je me félicite du report de la réforme à l’année 2017. Il nous permettra de mettre à profit l’année 2016 pour affiner notre réponse aux problèmes que l’on a soulevés, notamment la prise en compte des nouveaux périmètres intercommunaux, car les modifications seront nombreuses en ce domaine. Il serait de bonne méthode que ce travail associe élus de la majorité et de l’opposition, comme ce fut le cas en commission des finances, où les débats sur ce thème furent consensuels et constructifs.
La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement no 229 .
Nous sommes d’accord pour réformer la DGF, mais pourquoi le faire dans une telle précipitation, dès lors que l’équilibre du budget n’est pas en cause ?
L’histoire de la DGF est complexe, même si je ne partage pas l’idée, avancée dans l’exposé des motifs, selon laquelle les différences entre les collectivités sont toujours injustifiées : elles peuvent être tout à fait justifiées, par exemple, par différentes charges liées à la centralité ou au tourisme, que la DGF prenait en compte lors de sa mise en oeuvre en 1991.
Outre le cadre peu judicieux de la loi de finances, le moment est mal choisi compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le périmètre des intercommunalités : si l’on peut faire quelques simulations approchantes pour les villes, elles sont quasiment impossibles pour lesdites intercommunalités.
Pourquoi ne pas engager cette réforme dans le cadre d’un projet de loi spécifique ? Cela permettrait un vrai travail de diagnostic, lequel mérite assurément d’être approfondi. Certaines idées me semblent avoir été affirmées un peu à la légère. Par exemple, les comparaisons sur les parts respectives de DGF attribuées aux collectivités ne tiennent pas toujours compte de la fiscalité, comme le rapport de Mme Pires Beaune préconise à fort juste titre de le faire : en ce domaine, les écarts sont en effet nettement plus grands que pour les versements de DGF. Le potentiel fiscal est totalement absent de la réforme envisagée ; or il varie selon un facteur de 1 à 3 entre les villes de 15 000 à 100 000 habitants, contre un facteur de 1 à 1,5 pour la DGF.
Il faut donc prendre en compte cette inégalité-là aussi ; faute de quoi la réforme ne pourra être ni juste, ni partagée et acceptée.
Le Gouvernement veut associer l’ensemble des parlementaires à l’élaboration de ce nouveau projet pour l’année à venir :…
…je m’en félicite, mais il sera important de tenir compte, je le répète, des observations du rapport quant aux inégalités de potentiel fiscal.
Je vous rappelle, chers collègues, que la présentation des amendements est limitée à deux minutes.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 710 .
Les orateurs précédents ayant tout dit sur le sujet, je me bornerai à faire miens, au nom de mon groupe, les arguments qu’ils ont développé – et si je compte bien, cette intervention aura duré moins de deux minutes, monsieur le président.
Sourires.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 714 .
Pour la dixième ou douzième fois, je rappelle que le gouvernement n’est pas sage.
Sourires.
La sagesse aurait été de suivre ce que le comité des finances locales vous a demandé à l’unanimité – moins l’abstention de Mme Pires Beaune : consacrer à ce sujet un projet de loi spécifique.
En effet, vous n’arriverez pas à mener de front la poursuite de la baisse de 10 % par an des dotations et la réforme de la DGF. Or les délais constitutionnels sont tels que nous n’avons pas le temps de travailler sérieusement sur cette affaire.
Vous n’avez pas voulu nous écouter. Et que s’est-il passé ? Est arrivé ce qui devait arriver, c’est-à-dire qu’au dernier moment le gouvernement a décidé du report de la réforme au 1er janvier 2017.
Mais, dans ces conditions, pourquoi n’allez-vous pas jusqu’au bout de votre démarche ? Pourquoi ne reportez-vous pas cette réforme et ne lui consacrez-vous pas un projet de loi spécifique ? Tous les courants politiques le demandent.
J’appelle l’attention de mes collègues sur votre amendement no 552 , qui prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, au plus tard avant le 30 juin 2016. En effet, si ce rapport est déposé comme d’habitude au dernier moment, c’est-à-dire à la toute fin du mois de juin 2016, que va-t-il se passer ? Il sera trop tard pour qu’un projet de loi spécifique puisse être déposé.
En effet, de quels délais disposerons-nous avant le dépôt du projet de loi de finances, au plus tard au mois de septembre ? Tout le monde sait que les arbitrages sont rendus tout début septembre, et nous n’allons pas travailler au mois d’août ! Nous ne disposerons donc même pas d’un délai d’un mois.
Ce n’est donc pas une bonne solution : si à tout le moins vous aviez prévu la date du 30 mars – nous aurons l’occasion d’aborder ce point tout à l’heure au moment de l’examen de votre amendement no 552 –, nous aurions pu nous en contenter, car alors tout serait tellement plus simple.
Quels sont les arguments en faveur du maintien de dispositions entrant en vigueur au 1er janvier 2017, dont vous dites vous-mêmes, dans l’amendement no 552 , qu’elles nécessiteront des adaptations ?
Vous arguez notamment qu’il faut que les principes figurent dans la loi : mais nous disposons du texte ! Si vous le repreniez dans un projet de loi spécifique, tout le monde serait heureux.
Non !
Mais si : vous seriez heureuse, madame la ministre, plutôt que de vous trouver, comme c’est le cas aujourd’hui, dans une situation infernale et épouvantable. Et encore, l’opposition a été très gentille à l’égard du gouvernement : si vos amis s’étaient trouvés dans l’opposition, que n’aurait-on entendu !
Conclusion pratique : commençons par annuler le dispositif prévu à l’article 58, puis le gouvernement déposera ses amendements portant sur 2016, et enfin nous débattrons – au cours de l’année 2016, mais pas en septembre, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017 – d’un projet de loi spécifique.
Sourires.
… mais il se trouve qu’aucun député ne peut s’inscrire pour intervenir sur un article rattaché. C’est ainsi : je ne disposais donc que de cette solution pour pouvoir le faire, comme je le souhaitais, sur l’article 58.
Tout d’abord, j’assure que les les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine veulent la réussite d’une réforme indispensable pour aboutir à plus de justice et d’équité : je crois que cette volonté est partagée sur tous les bancs.
Ensuite, ils saluent, une fois n’est pas coutume, la sagesse du gouvernement : il a d’abord lancé la réforme, à la suite du rapport de notre collègue Christine Pires-Beaune et du regretté sénateur Jean Germain, puis il a su, puisqu’elle était un peu précipitée, la retirer et s’orienter vers un report nécessaire. Se donner quelques mois de plus est en effet raisonnable.
Je rappelle que les simulations n’ont été communiquées que très tardivement, et qu’elles l’ont souvent été par un journal du soir. En outre, elles ne prennent pas en compte, ou imparfaitement, la dynamique de la réforme : nous ne savons donc rien de 2017, ni de 2018, ni de ses effets ultérieurs. Cela représente tout de même d’une difficulté.
En réalité, madame la ministre, le gros défaut de la réforme tient non pas au texte lui-même, mais bien au contexte, et notamment à la baisse massive, drastique et en fin de compte dramatique pour nombre de collectivités territoriales, des dotations : il n’y aura que des perdants.
Parmi les collectivités, certaines seront même perdantes-perdantes. La baisse de 12,5 milliards d’euros, véritable péché originel, rend très difficile la réforme de la DGF : n’oublions pas non plus, comme je l’ai indiqué la semaine dernière en commission élargie, les enseignements des simulations.
Dans mon département par exemple, parmi les quatre villes de plus de 10 000 habitants, les trois perdantes sont également les trois plus pauvres, et la seule gagnante est la commune qui en a le moins besoin.
Il y aura donc à coup sûr, dans les six premiers mois de 2016, des modifications à apporter au dispositif. Il faudra peut-être faire preuve de plus d’ambition encore, notamment en étudiant la possibilité de redonner aux collectivités non seulement une autonomie financière, mais peut-être, également, une autonomie fiscale. Nous pourrions ouvrir un tel débat car une telle autonomie est toujours préférable à des dotations qui sont toujours aléatoires.
Je conclus.
Les députés de mon groupe ne s’exprimeront aujourd’hui que peu de temps, et en une seule fois.
Certes, monsieur le président, mais certains ont disposé de plus de deux minutes.
Sourires.
Notre attention collective doit être décuplée s’agissant des petites villes, des villes moyennes ainsi que de leurs intercommunalités. En effet, dans nombre de territoires, elles constituent des lieux de résistance à la crise et fournissent, d’ores et déjà, le plus gros effort fiscal du fait des charges de centralité : il faut donc les préserver.
Tout a été dit : je serai donc rapide en insistant sur deux points, et d’abord la compatibilité entre la réforme de la DGF et les baisses substantielles des concours financiers de l’État aux collectivités locales. Cette question mériterait une réflexion plus approfondie : c’est pour cette raison que j’ai également plaidé pour le report complet de la réforme et pour le choix d’un projet de loi spécifique que Gilles Carrez a très bien défendu tout à l’heure. Nous avons procédé ainsi dans le passé.
Cette réforme est d’une importance telle qu’elle mérite des simulations sur lesquelles nous puissions travailler sérieusement, et dans des délais raisonnables, et non pas des simulations qui déboulent en plein débat budgétaire.
Mon second point porte, une nouvelle fois, sur la métropole du Grand Paris : l’articulation de la réforme, madame la ministre, avec la mise en place de cette métropole ne semble pas tout à fait assurée.
Je n’en donnerai qu’un exemple : les modalités de répartition interne de la dotation de centralité ne sont pas définies pour 2016 et cela pose problème. Gilles Carrez l’a également rappelé ce matin en commission des finances ; il s’agit d’un sujet important, sur lequel nous souhaiterions obtenir des réponses.
Madame la ministre, il aurait été préférable que vous déposiez effectivement un projet de loi spécifique : cela aurait évité toutes les discussions que nous avons et qui sont tout à fait inutiles. Cela nous aurait permis de débattre spécifiquement de ce sujet dans le cadre d’un tel projet de loi, tranquillement, au mois d’avril.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements de suppression ?
Deux amendements de suppression ont été examinés par la commission, et elle a bien évidemment donné un avis défavorable les concernant.
Je voudrais dire deux mots de la réforme, car je ne me suis pas encore exprimée sur le sujet. Est-elle utile et nécessaire ? Oui : tous les orateurs qui se sont exprimé n’ont pas dit autre chose. Nous sommes au moins d’accord sur ce point, ce qui n’est déjà pas mal.
Pourquoi est-elle à la fois utile et nécessaire ? Tout simplement parce qu’aujourd’hui deux communes placées dans la même situation – j’y insiste : dans une situation exactement identique en termes de revenu, de potentiel comme de population – ne reçoivent pas la même chose de l’État.
Monsieur le président Carrez, comme vous l’avez dit, vous avez réformé la DGF en 2004.
Mais vous l’avez fait non pas au moyen d’une loi spécifique comme vous nous l’avez dit en commission, mais dans le cadre de la loi de finances pour 2005.
Non, elle ne l’était pas moins, puisqu’à cette occasion quatre articles lui étaient consacrés et qu’ils ont permis de réduire les écarts entre les strates.
Je considère que ce qui était bon en 2005 l’est toujours aujourd’hui, en 2015. Je suis donc favorable à une réforme opérée dans le cadre de la loi de finances, tout simplement également – et cette deuxième raison devrait rallier Gilles Carrez à mon opinion – parce que, dans ce cadre, la commission des finances sera saisie au fond. Dans le cadre d’un projet de loi spécifique, cela n’aurait pas été le cas.
Or, en l’occurrence, nous traitons d’une question financière qui concerne au premier chef les collectivités locales : je maintiens qu’elle doit être examinée dans le cadre de la loi de finances.
Ensuite, sur la question de l’association des parlementaires, je crois rêver : au départ, le rapport devait être trans-partisan et rédigé par un sénateur de droite et un député de gauche.
Or nous avons attendu trois semaines que le groupe Les Républicains du Sénat veuille bien nous communiquer son refus, puis quinze jours de plus pour que le groupe UDI-UC décline notre proposition. Au final, effectivement, je me suis retrouvée avec notre regretté collègue Jean Germain à devoir porter ce rapport : or j’aurais préféré que ce travail soit effectivement trans-partisan.
Alors pourquoi voter cet article 58 pour 2017 ? Tout simplement pour que le travail qui a été effectué depuis un an constitue une base de référence et que nous avancions effectivement, dans les sept ou huit mois qui viennent, sur la base de ce qui a déjà été discuté. Vous avez tous reconnu, d’ailleurs, qu’il s’agissait d’un travail de fond.
L’avis de la commission est donc défavorable sur tous les amendements de suppression.
La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Sourires.
Justement, monsieur Poisson, elle a étudié et rejeté votre amendement. Je ne veux pas être plus long que la rapporteure spéciale, mais je crains que remettre en cause l’article 58 ne revienne à opérer une manoeuvre dilatoire : ceux qui s’y livrent ne chercheraient-ils à gagner un peu de temps pour éviter de faire une réforme que tout le monde s’accorde à trouver nécessaire ?
Justement : la méthode consiste à valider les principes : poursuivons donc notre travail.
Sur la méthode, il faut clore le débat : s’agissant du rapport Pires-Beaune-Germain, la première erreur est venue du Sénat, lorsque la majorité sénatoriale a refusé de s’y associer et de travailler au motif que, dans le cas contraire, elle se serait senti pieds et poings liés au moment du vote dudit rapport. Or ce n’est pas le cas : dans certains rapports parlementaires figurent en annexe une contribution d’un des co-rapporteurs faisant état de son désaccord sur telle ou telle orientation.
Tel a été le premier problème de méthode. En outre, la rapporteure spéciale a parlé de cinq semaines, mais nous avons en réalité perdu un peu plus de temps en raison du changement de majorité sénatoriale : il était bien normal que ce soit elle qui soit sollicitée pour déléguer l’un de ses représentants.
Ensuite, et je le dis de façon très conviviale, le comité des finances locales a, au mois de juillet, pratiqué l’obstruction.
En effet, avec mes collègues Christian Eckert et André Vallini, nous sommes présentés devant lui avec un projet accompagné de simulations : il s’agissait d’un document précis. Or le CFL a refusé d’examiner les conséquences possibles et probables de la réforme.
Nous avons, à ce moment-là, encore perdu du temps : or le CFL aurait bien été dans son rôle en regardant l’ensemble des simulations et en nous donnant son avis. Il y a donc eu, et c’est assez rare, une nette obstruction de la part du CFL : elle nous a donc conduit à travailler de façon différente.
En effet, cela nous a conduit à travailler en concertation notamment avec des élus, des associations d’élus locaux, des groupes politiques, des universitaires spécialistes des finances locales ainsi qu’avec les administrations concernées.
Entre le 31 mars et le 16 juillet, nous avons réussi – cette fois avec l’accord du président du CFL – à coordonner huit groupes de travail du CFL : trois scénarii, ainsi que leurs effets, exposés au travers de simulations sur l’échantillon généralement utilisé par le CFL, ont été présentés.
On nous a reproché de ne pas avoir pratiqué de simulations sur l’ensemble des communes : nous avons en effet préféré travailler sur cet échantillon que le CFL utilise de façon très classique. Cela nous a semblé normal et répondait, en outre, à la demande du CFL.
Le troisième scénario présenté le 16 juillet est aujourd’hui celui qui figure dans le projet de loi. Entre-temps, nous avons mis en oeuvre le dialogue national des territoires au sein duquel mes collègues et moi-même avons débattu.
À cette occasion, nous avons d’ailleurs regretté l’absence de certains présidents d’associations d’élus qui s’étaient fait représenter par leurs directeurs généraux.
Faire travailler tout le monde ensemble a donc constitué une difficulté alors qu’elle n’avait pas lieu d’être. Cette méthode nous est reprochée alors que, sans être irréprochable – personne ne l’est – elle était élaborée.
Face à un tel constat et à une telle injustice entre collectivités territoriales, il est toujours difficile de reporter l’examen d’un projet de loi. En effet, il faudra sans doute poursuivre la baisse des dotations : serons-nous demain dans une position meilleure qu’aujourd’hui ?
Non, car malheureusement nous aurons fait perdurer une année de plus ces injustices qui frappent les collectivités locales aussi bien que l’investissement, car on observe, cette année, que les autofinancements négatifs auraient pu être évités si la réforme avait été lancée.
Quoi qu’il en soit, s’agissant du projet de loi spécifique, il faut avoir en tête qu’il serait renvoyé au fond à la commission des lois, la commission des finances ne pouvant que s’en saisir pour avis.
En effet, ce n’est pas l’usage s’agissant de finances locales : en général la commission des finances est saisie au fond. En toute franchise, quand trouverons-nous une place pour examiner, entre aujourd’hui et le mois de juin, un tel projet de loi ?
Il faut en effet qu’au mois de juin nous puissions tous ensemble travailler en vue de mettre en place un dispositif nouveau, correspondant à celui de l’articleet poings liés58, et qui s’appliquera en 2017.
Je m’engage, comme je l’ai déjà dit, à ne pas attendre le rapport prévu en juin 2016 pour lancer le maximum de travaux préalables afin que la représentation nationale soit, autant que faire se peut, éclairée également en amont.
Cette méthode me semble beaucoup plus fructueuse qu’un projet de loi spécifique qui serait déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, puis, une fois donné l’avis de la commission des finances, modifié par la commission des lois. Il risquerait en effet de vous décevoir.
Je propose donc et nous proposons une méthode de travail qui, pour reprendre un mot à la mode, est au moins aussi inclusive du Parlement qu’une loi spécifique.
Je voudrais m’exprimer sur un certain nombre de points, tout en m’excusant de ne pouvoir rester ensuite parmi vous dans ce débat, parce que je dois défendre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale au Sénat : je devrais d’ailleurs y être en ce moment.
Monsieur Lamblin, j’ai entendu des affirmations fausses : vous parlez de Bercy, comme si Bercy faisait les simulations et refusait de les diffuser. Seule peut faire les simulations relatives à la DGF, parce qu’elle en a les moyens, la Direction générale des collectivités locales, qui dépend du ministère de l’intérieur. J’ai moi-même parfois pressé cette direction de nous fournir un certain nombre de données, ce qu’elle a fait dans la mesure de ses moyens. Ses services ont fourni un travail gigantesque ces derniers temps. Dire que nous n’avons pas fait les simulations ou que nous avons pratiqué la rétention d’information est quelque peu méprisant compte tenu du travail effectué.
Je n’ai pas dit que vous l’avez dit, monsieur Lamblin. Mais vous avez affirmé que c’était Bercy qui pilotait la réforme : ce n’est pas vrai. Nous la faisons ensemble.
Le président de la commission des finances, Mme la rapporteure générale, leurs homologues au Sénat ont disposé de simulations il y a déjà trois semaines. J’ai connu des délais beaucoup plus restreints pour des réformes aussi profondes : M. le président Carrez se souvient de celle de la taxe professionnelle.
Et il y a ce discours lancinant pour réclamer un texte spécifique… Qu’est-ce que cela changerait, pouvez-vous me l’expliquer ? Pourquoi un texte spécifique au lieu de quelques articles dans une loi de finances ? Est-ce que cela a un sens ?
Je ne vois qu’un inconvénient : la commission des lois serait saisie au fond, et sans doute au Sénat pour commencer, au lieu de la commission des finances.
Pensez aux gens qui nous regardent et qui se demandent de quoi il s’agit. Toutes les réformes des dotations aux collectivités locales ont été faites dans le cadre des lois de finances.
Avant J. C. peut-être ! Avant Jacques Chirac…
Soyons sérieux. Depuis 2007, je n’ai jamais vu que des textes financiers. Tous les ans, nous suspendons la séance pour faire des simulations, parce que même si nous approuvons les principes d’une réforme, elles mettent toujours quelque chose en relief.
Monsieur le président Carrez, vous avez parlé de gagnants et de perdants. Qui a prétendu que le gain ou la perte étaient estimés avant ou après la diminution de la contribution au redressement des finances publiques ? Je pense que tous les parlementaires ici présents ont compris que, pour les communes, la baisse avant la réforme était de 1,84 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, et qu’il suffisait de regarder la colonne retraçant les effets de la réforme pour savoir si le pourcentage était supérieur ou inférieur : on voit de la sorte si on est gagnant ou perdant.
Celui qui perdrait 1 % après la réforme serait gagnant, parce que sans elle il aurait perdu 1,84 %. Celui qui perdrait 2 % serait perdant. C’est très lisible, très simple. Tous les maires l’ont compris.
Nous n’avons jamais prétendu que tout le monde y gagnait.
Enfin, je voudrais lancer une réflexion sur le monde rural, car je n’ai entendu personne, pour l’instant, s’exprimer sur cette question.
Nous avons une DGF qui favorise aujourd’hui le monde urbain : il suffit de regarder les strates et les moyennes pour s’en rendre compte. Vous connaissez les écarts, les méthodes de calcul. Continuons comme cela et nous aurons un monde rural qui restera à l’écart.
Les bases qui ont été proposées rééquilibrent un peu la situation en faveur du monde rural, que tout le monde semble avoir quelque peu oublié. Enfin ! Nous avons du temps pour travailler.
Il ne sera pas facile d’aboutir avant ls mois de mai ou juin, puisque les nouvelles cartes sur lesquelles on se focalise ne seront connues qu’en mars. Nous verrons si nous sommes capables, avant la loi de finances, dans une loi de finances rectificative ou dans un autre texte, d’avancer un peu plus.
En tout cas, demander une loi spécifique n’a ni queue ni tête.
Ce qui n’a ni queue ni tête, monsieur le secrétaire d’État, c’est la manière dont vous traitez le sujet. Il ne faut pas rejeter la responsabilité sur l’opposition.
Je vous épargnerai un jeu de mot facile…
Ce serait bienvenu, cher monsieur, vous êtes fort aimable.
Je suis d’abord sensible à la manière dont vous traitez la commission des lois. Signifier que nous serions incapables d’examiner un texte et qu’il vaudrait mieux le confier à la commission des finances, cela nous fait plaisir ! Mais je vous assure : nous saurions trouver le magasin à calculettes, le cas échéant, pour faire des additions. Considérer comme un drame que la commission des lois soit saisie au fond plutôt que celle des finances, j’ose à peine dire que c’est puéril car ce serait mal élevé, mais en tout cas ce n’est pas à la hauteur des enjeux.
Par ailleurs, je rappelle que le recours à une commission spéciale est envisageable, comme on le fait pour les grands textes, et en l’espèce je suis désolé de vous dire que c’est sans doute la meilleure formule, compte tenu de l’imbrication des sujets concernant les commissions des lois et des finances.
Je ne peux pas reprocher à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances d’avoir une vision financière du sujet.
En effet, monsieur Baert ; mais on peut lui demander d’avoir tout de même une vision qui ne soit pas exagérément financière. Ainsi, j’ai du mal à comprendre ce que seraient « deux communes identiques »…
Je ne sais pas ce que c’est. Je connais des communes semblables, des communes qui se ressemblent, mais on ne peut prétendre qu’il existerait des communes identiques pour engager une réforme pareille.
Nous ne sommes pas réfractaires au principe même d’une réforme. Vous reviendrez sur la définition des critères, parce que le potentiel fiscal entre en ligne de compte, tout comme la logique d’investissement et certains éléments de calendrier.
Le secrétaire d’État au budget, que nous remercions de sa présence avant qu’il ne nous quitte pour aller au Sénat, vient de dire quelque chose de sensé : nous n’aurons pas le temps d’aboutir au 30 juin 2016. Il l’a dit : la carte des nouveaux périmètres intercommunaux ne sera connue qu’au 31 mars ! En outre, quand nous aurons la carte, nous ne connaîtrons pas encore l’éventail des compétences des intercommunalités.
Qu’apporterait une loi spécifique, monsieur le secrétaire d’État ? Des temps de parole différents, la possibilité de s’inscrire sur les articles et, en définitive, un débat plus nourri !
Un certain nombre d’inexactitudes ont été dites tout à l’heure.
Monsieur les secrétaire d’État, je suis ici depuis 22 ans et demi !
Sourires.
J’étais jeune parlementaire quand nous avons examiné une loi spécifique qui est devenue la loi dite Hoeffel. Je peux vous dire que nous avons passé des heures et des heures sur ce texte !
Qu’apporte donc une loi spécifique, monsieur le secrétaire d’État ? Si la réforme fait partie du projet de loi de finances, nous avons 40 jours pour l’examiner en première lecture et le Sénat, 20 jours. Comment faire les simulations alors ? Nous les avons eues au dernier moment. Comment voulez-vous réajuster les dispositions en en tenant compte ?
Le premier avantage d’un texte spécifique est que nous ne serions pas tenus par les délais constitutionnels. Dans cette affaire, si vous voulez un minimum de consensus, il faut nous laissez un minimum de temps.
Par ailleurs, madame la ministre, j’ai été très choqué – et le président Carrez aussi – de vous entendre dire que le CFL avait fait de l’obstruction. Non, madame la ministre : vous ne pouvez pas dire cela !
Je vous rappelle que le CFL, à l’époque du vote, était majoritairement composé de personnes proches de l’actuelle majorité et que son président est de votre famille politique. Mme Pires Beaune, qui en est membre, n’a pas voté contre la demande du CFL : elle s’est abstenue, tout comme M. Pupponi. C’était reconnaître, sans vouloir gêner le Gouvernement, qu’il fallait un texte spécifique.
Vous n’avez pas voulu écouter le CFL. La vraie question, qui est de nature politique, est de savoir pourquoi vous voulez absolument adopter un texte non applicable en 2016, que nous réviserons dans la loi de finances pour 2017 ou éventuellement dans un texte spécifique. Pourquoi êtes-vous si pressés ? Quant à moi, j’ai une hypothèse : comme la DGF baisse globalement de 10 %, vous voudriez pouvoir dire que deux tiers des communes bénéficieraient de la réforme, ce qui atténuerait les effets de cette baisse. Je ne vois pas d’autre explication. Mais cet argument tombe, puisque vous reportez la réforme d’un an. Il ne tient plus, mes chers collègues ! Votez donc ces amendements et nous gagnerons beaucoup de temps.
Madame Pires Beaune, vous rappeliez que vers 2003, nous avions réformé à travers des articles dans le projet de loi de finances de l’époque. Or cela n’a pas marché, puisque nous sommes tous à constater qu’il faut faire quelque chose. Dire que puisque nous l’avons fait, vous pouvez utiliser la même méthode, c’est ne pas tirer les leçons du passé, madame, permettez-moi de vous le dire.
Sourires.
Comme vient de le rappeler Charles de Courson, examiner un texte spécifique change beaucoup de choses en matière de délais et de temps imparti pour modifier le texte. Et comme l’a dit M. Poisson auparavant, cela évite de s’enfermer dans le domaine financier. En effet, pour réformer la DGF, il faut prendre une certaine hauteur et tenir compte de considérations qui ne sont pas exclusivement financières.
Nous avons donc intérêt à procéder par un texte spécifique, au lieu de ce que vous proposez !
In cauda venenum : ce n’est pas Bercy qui rédige la réforme, mais c’est tout de même Bercy qui la présente !
Il vise à conserver, dans cet article, les dispositions relatives à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ou DSU, à la dotation de solidarité rurale ou DSR et à la dotation nationale de péréquation ou DNP.
En effet, si la réforme de la dotation forfaitaire est largement contestée et si les simulations que nous avons pu avoir – difficilement il est vrai – ont démontré que le texte n’était pas équilibré, les dispositions relatives à la DSU, à la DSR et à la DNP recueillent un consensus général. Elles ont fait l’objet de larges débats, de simulations et elles améliorent sensiblement la péréquation verticale. Cet amendement prévoit donc le maintien d’une partie de l’article 58.
La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement no 618 .
Nous nous doutions bien que les amendements de suppression ne passeraient pas ; nous essayons donc de retirer de cet article ce qui nous semble particulièrement dangereux. En particulier, certaines dispositions sont dangereuses pour les villes moyennes. Cela a été dit tout à l’heure par Mme Pompili, qui a cité quelques exemples.
Tel quel, cet article 58 met en péril les finances des villes moyennes alors que, bien souvent, ce sont des villes-centre, évidemment, ou au coeur de territoires ruraux, et d’indispensables relais participant à l’équilibre et à l’aménagement territorial.
On ne le répétera jamais assez : la baisse insensée de la DGF qui est engagée assèche complètement nos capacités d’investissement – je dis « nos » parce que, vous l’aurez compris, je suis maire d’une ville moyenne. Or, nous engageons nos investissements au bénéfice des territoires ruraux qui nous environnent.
Si, à cette baisse de la DGF, s’ajoute la réforme de la péréquation telle que prévue en l’état, nous serons victimes d’une double peine, y compris les territoires qui entourent les villes moyennes lesquelles, je le répète, sont des villes relais absolument indispensables à l’équilibre territorial.
Avis défavorable à l’adoption de ces amendements, tout simplement parce que la réforme de la DGF forme un ensemble cohérent.
En ne réalisant que la péréquation, à quoi aboutiriez-vous ? Son recentrage exclurait par exemple d’un coup 10 000 communes de la dotation de solidarité rurale, la DSR. Forcément, elles seraient toutes perdantes. Or, dans le cadre d’une réforme globale, certaines auraient bénéficié d’un rééquilibrage via la dotation forfaitaire.
L’idée selon laquelle il ne faudrait conserver que la péréquation peut sembler séduisante – puisque cette dernière fonctionne – mais elle n’est pas cohérente et aboutirait, c’est un comble, à ce que les communes de montagne, de revitalisation rurale, d’outre-mer et dont la DGF, dans le système actuel, est faible – je songe par exemple à Lille ou à Strasbourg – ou celles, enfin, qui ne seraient plus éligibles à la DSU en raison du recentrage comme Tulle ou Lyon, soient perdantes.
Avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 205 est retiré.
La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement no 234 .
La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement no 204 .
La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement no 235 .
Je vous prie de bien vouloir retirer l’ensemble de ces amendements relatifs aux communes nouvelles au bénéfice d’amendements qui ont fait l’objet d’un consensus en commission des finances et que j’aurai l’occasion de présenter tout à l’heure.
Même avis.
Ces amendements sont-ils retirés ?
Les amendements n’étant pas retirés, je les mets aux voix.
L’amendement no 234 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour soutenir l’amendement no 1118 .
Cet amendement concerne les communes nouvelles.
Six mois après l’adoption de la loi issue des propositions de loi de Christine Pires Beaune et de Jacques Pélissard, le bilan est très encourageant.
Au 28 octobre 2015, 68 arrêtés portant création de communes nouvelles au 1er janvier prochain ont été pris par les préfets. Ils concernent 251 communes et 368 195 habitants.
Parmi ces communes nouvelles, huit seront issues d’une fusion à l’échelle de l’ensemble d’un EPCI.
D’après les enquêtes que nous avons demandé aux préfets de mener ou qui on été engagées par des associations d’élus – dont nous avons eu également des retours – on peut envisager que l’on comptera au 1er janvier prochain entre 100 et 200 communes nouvelles.
J’ajoute que ce mouvement très intéressant, bien sûr, s’explique par l’intérêt de la loi du mois de mars 2015, moins restrictive que celle de 2010 mais, aussi, par la loi NOTRe, qui a prévu l’agrandissement des périmètres des intercommunalités.
Les élus des petites communes se rendent donc bien compte que pour peser davantage, demain, au sein d’une intercommunalité agrandie, ils ont également intérêt à faire grandir leurs communes.
Nous pensons qu’il convient évidemment d’encourager un tel essor car l’avenir des communes repose dans les communes nouvelles, même si le mouvement varie d’un département à l’autre.
Toutefois, la prolongation de toutes les mesures d’incitations financières serait coûteuse pour les finances publiques puisqu’elles se feraient à enveloppe constante – c’est en effet dans l’enveloppe actuelle de la DGF que les bonus financiers, selon l’expression consacrée, seraient puisés.
Pour autant, je le répète, nous pensons qu’il faut encourager ce mouvement.
Nos propositions vont moins loin que la plupart des amendements des parlementaires que vous êtes, mesdames, messieurs. Nous pensons en effet qu’il convient de maintenir le bonus financier mais seulement en partie, en le restreignant à la non-contribution au redressement des finances publiques et ne plus parler de la majoration de 5 % de la DGF pendant trois ans.
Nous pensons également qu’il faut limiter dans le temps la possibilité d’obtenir le bonus financier dont je viens de parler, au 15 juin 2016. Cette possibilité serait donc prolongée de cinq mois et demi, ce qui nous paraît suffisant pour laisser le temps à toutes les manifestations d’intérêt qui ont eu lieu ici ou là de se concrétiser.
Cet amendement n’a pas été examiné en commission mais, compte tenu de ce que je viens de dire, nous demandons son retrait au profit de l’amendement portant article additionnel après l’article 58 qui, lui, a été adopté unanimement par la commission.
La date envisagée diffère cependant puisque nous proposons le 30 juin 2016 avec délibération au 31 mars.
Demande de retrait, donc. Cela revient à un avis défavorable.
La parole est à M. Charles de Courson.
J’appelle votre attention sur le problème suivant, mes chers collègues, et c’est ma première observation : il s’agit d’une enveloppe fermée. Toute disposition de ce type visant à une exemption à la contribution au redressement des finances publiques, la CRFP, est payée par les autres communes. Attention !
Deuxième observation : la DGF d’une commune nouvelle est-elle la somme des DGF des deux ou trois communes qui fusionnent ? Cela dépend.
La réforme tend à faire en sorte que tout le monde soit traité de la même façon. Elle n’est pas encore votée et l’on commence par des dérogations !
Je ne suis pas du tout d’accord avec l’amendement gouvernemental, pas du tout. Je pense que les communes nouvelles doivent être traitées comme les autres.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je rappelle que le dispositif, prévu pour un ou deux ans, est temporaire. Plutôt que de revenir au point de départ, commençons d’entrée de jeu et évitons les mariages d’argent ! Sont-ils d’ailleurs heureux, mes chers collègues ?
Oui !
Sourires
Sourires
Monsieur le secrétaire d’État, votre proposition concernant les délais va un peu dans le sens de ce que l’on demandait à Florac.
Personnellement, sans engager mon groupe, je trouve que votre amendement est plutôt intéressant.
Un mouvement indiscutable se déroule en milieu rural. Donnons-lui donc un peu de temps avec ce très intéressant report des délais.
Je tiens à conforter les propos de Mme la rapporteure spéciale.
Nous nous sommes très longuement réunis jeudi matin avec d’ailleurs de très nombreux collègues de la commission des lois. Nous avons décidé de ne pas modifier l’article 58, hors le fait qu’un amendement gouvernemental renvoie l’application de ce dernier au 1er janvier 2017.
En revanche, nous avons considéré que, sur un sujet sur lequel il nous paraissait possible d’obtenir un consensus – les communes nouvelles – nous essayerions d’adopter des amendements.
Au terme de cette longue discussion, à laquelle tous ont participé, je crois pouvoir dire que nous sommes parvenus à proposer des mesures unanimes que nous avons demandé à Mme Pires Beaune de rédiger de manière à ce qu’elles soient présentées cet après-midi en commission des finances – réunion à laquelle des collègues de la commission des lois ont d’ailleurs participé. Cet accord a été entériné dans l’après-midi.
Je demande donc à M. le secrétaire d’État de bien vouloir retirer son amendement. Les dispositions évoquées seront reprises mais, compte tenu de la méthode de travail que nous avons adoptée, sous la forme d’un article additionnel après l’article 58.
J’en profite pour vous rassurer, monsieur de Courson : nous n’avons pas voulu favoriser les mariages d’argent mais, avant tout, les mariages de raison. L’amendement de Mme Pires Beaune est peu coûteux, raisonnable, soutenable.
Sourires
Le Gouvernement retire évidemment son amendement mais je tiens tout de même à dire à M. de Courson qu’il est possible de se marier par amour…
Sourires
… et de se féliciter d’avoir un peu d’argent pour mieux démarrer dans cette vie nouvelle, comme les communes du même nom.
En outre, monsieur Morel-A-L’Huissier, la demande de délai dont vous avez fait état n’a pas été formulée par Florac mais par Ispagnac. Néanmoins, c’est partout en France que des élus nous demandent quelques mois parce qu’ils commencent à peine à découvrir cette loi et tous ses avantages en termes de souplesse, d’organisation, de communes déléguées, et pas seulement pour le bonus financier !
Les élus locaux, monsieur de Courson, sont assez responsables pour ne pas engager de fusion en raison du seul bonus financier. Je n’ai pas encore rencontré un seul exemple de commune nouvelle ou de projet de commune nouvelle qui soit seulement fondé sur ce dernier.
Enfin, tout cela est bien encadré, monsieur de Courson, puisque seules les communes nouvelles de 1 000 à 10 000 habitants et les intercommunalités qui se transforment en communes nouvelles de moins de 15 000 habitants bénéficieront de l’exemption de CRFP. Nous sommes loin des seuils de 20 000 ou 50 000 habitants proposés par certains parlementaires.
Tout cela est donc raisonnable et bien encadré. Et pour une fois que nous avons vraiment l’occasion de remédier à cet émiettement communal que nous déplorons tous depuis si longtemps, à ses inconvénients et au fait que 86 % des communes françaises comptent moins de 2 000 habitants et 50 %, plus de 19 000 communes, moins de 500 habitants !
Nous assistons à la naissance d’un mouvement considérable qui ne s’arrêtera plus. Autant donc l’encourager !
L’amendement no 1118 est retiré.
Je n’ai pas bien compris l’agencement de ces amendements mais je retire le mien au profit de celui qui sera présenté par Mme la rapporteure spéciale.
Favorable au report des délais, cet amendement disposait aussi que le double bénéfice des DGF doit cesser lorsque la commune nouvelle épouse le contour d’une intercommunalité – vous le savez, dans ces cas-là, s’ajoutaient aux DGF cumulées des communes la DGF intercommunale.
Je crois que l’amendement de Mme Pires Beaune reprend ce point – auquel cas je retire donc mon amendement : il est bon de pérenniser l’avantage financier et fiscal de la DGF communale mais il convient de supprimer celui qui est lié à la double bonification via l’intercommunalité.
L’amendement no 767 est retiré.
La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 596 .
Je retire cet amendement compte tenu de ce qui a été dit en commission des finances jeudi et cet après-midi.
Effectivement, monsieur de Courson, les communes nouvelles peuvent se marier par intérêt et par argent mais elles ne divorceront pas fiscalement, ce n’est pas possible.
L’amendement no 596 est retiré.
La parole est à Mme Estelle Grelier, pour soutenir l’amendement no 769 .
L’amendement no 769 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1121 rectifié .
Il est retiré.
L’amendement no 1121 rectifié est retiré.
Puisqu’un consensus s’est dégagé en commission des finances sur l’échéance du 30 juin 2016, notre groupe s’y ralliera. Je voudrais seulement faire une petite remarque au sujet du bonus financier. Pour avoir entendu un certain nombre d’élus locaux dans le cadre du travail que mène notre collègue Nicolas Sansu sur les dotations aux collectivités locales, je peux vous dire que nombre d’entre eux estiment qu’il faut en finir avec les bonus pour favoriser les rassemblements de communes.
L’attribution de bonus fonctionne quand il y a peu d’élus. Mais, puisque l’on veut généraliser et massifier le dispositif, cela suppose un grand nombre de candidats, d’élus, et donc de dépenses. Il y a là une contradiction, dont nous devons absolument sortir. Et nous devons faire très attention aux dépenses qu’occasionnent ces fusions. Je retire mon amendement.
L’amendement no 504 est retiré.
L’amendement no 681 est retiré.
La parole est à Mme Estelle Grelier, pour soutenir l’amendement no 589 .
L’amendement no 589 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 687 .
Cet amendement est défendu, mais j’aimerais surtout réagir à ce qui vient d’être dit. Je suis bien d’accord pour dire qu’il faut une prime, mais il serait bon de savoir qui la paie !
Les autres, ils ont un nom, et ce sont souvent les mêmes.
Il serait bon, lorsqu’on décide de voter une prime, et je le répète régulièrement au Gouvernement, que l’on sache qui la paie et quelles sont les communes concernées, pour que l’on vote en connaissance de cause, ce qui n’est pas le cas depuis de nombreuses années. Il serait bon qu’on y arrive un jour.
L’amendement no 687 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 688 .
L’amendement no 688 est retiré.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 616 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 615 et 614 . Ces trois amendements posent la question suivante : d’où sort ce montant de 75,72 euros par habitant ? Je précise que nous sommes favorables à l’idée de fixer une dotation de base qui soit la même pour tous.
On a voulu prendre une moyenne par rapport à la dotation forfaitaire. Mais si vous divisez cette dotation forfaitaire de 10,4 milliards par le nombre d’habitants concernés par la DGF, vous obtenez un résultat supérieur à 100 euros. Je vous demande donc : pourquoi 75,72 ?
Plus vous augmentez cette somme, et plus le système est égalitaire, puisque c’est une dotation par habitant : tout le monde est doté de la même façon. Je me suis battu pendant vingt-deux ans pour réduire l’écart entre les communes les mieux et les moins bien dotées : cet écart était de 1 à 3, et même un peu plus, en 1993, puisque c’est avec la loi Hoeffel que nous avons obtenu cet écart de 1 à 3. Dix ans plus tard, nous avons obtenu un écart de 1 à 2,5 et il est aujourd’hui de 1 à 2. Tel est l’esprit de ces trois amendements.
Ce qui serait intéressant, c’est que le Gouvernement ne se contente pas de répondre qu’il a pris le montant moyen dont bénéficient les communes de 1 000 habitants, mais qu’il nous dise pourquoi il ne veut pas augmenter cette somme de 75,72 euros pour aller dans le sens d’une plus grande justice.
Sur ces amendements, comme sur ceux qui vont suivre et qui ont trait à la DGF dans sa version de 2017 – puisque je vous rappelle que l’article 58 traite de la DGF qui aura cours en 2017, après que nous aurons travaillé à la modifier pendant huit mois – je me rallierai à la proposition qu’a faite le président Gilles Carrez en commission des finances. Pour gagner du temps, je vous demande donc le retrait de ces amendements, qui entrent déjà dans le détail de la mécanique de la future DGF.
Même avis. Monsieur de Courson, même si les calculs simples sont agréables, il faut bien faire la balance entre ceux qui sont bénéficiaires d’une somme comprise entre 75 et 90 euros, par exemple, et les autres. Les charges de centralité nous ont aussi beaucoup inquiétés. Je serai moi aussi défavorable à l’ensemble des amendements relatifs à cet article.
Je rappelle que la dotation actuelle est comprise entre 64,46 euros, au minimum, et 128,93 euros, soit le double, au maximum. Fixer le nouveau montant de la DGF à 75,72 euros, c’est ajouter 11 euros, soit 20 % seulement, au seuil minimum actuel. Avant de retirer mes amendements, madame la ministre, j’aurais aimé savoir si vous seriez ouverte à une évolution de cette somme.
J’ai dit clairement, monsieur de Courson, qu’une nouvelle période de travail s’ouvre à présent. Vous avez tous expliqué qu’il vous était impossible de prendre des décisions en l’absence de simulation, et si longtemps à l’avance. Mais c’est la même chose pour vous quand vous proposez de fixer la dotation à 90 euros : vous ne disposez pas davantage d’une simulation, et l’on n’a aucun élément pour débattre de ce montant. Il faut être cohérent. On va travailler, et on va voir.
La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement no 230 .
Cet amendement vise à corriger ce que nous ont révélé certaines simulations. Alors que le texte prévoit le versement d’une DGF de 75,72 euros par tête sur l’ensemble du territoire, cet amendement propose que la dotation soit pondérée suivant une fonction croissante de la population de la commune.
En effet, on se rend compte que les communes qui ont plus de 15 000 habitants, et jusqu’à 150 000 ou 200 000 habitants, sont fortement pénalisées par cette réforme. Elles sont soumises à une pression fiscale élevée et à des charges de centralité, car elles assument, en tant que communes centres, des services dont bénéficient les territoires qui les entourent. Or ces communes vont être pénalisées et subir une baisse assez forte de leur DGF. Tenir compte de l’importance de la ville centre nous semble indispensable pour arriver à une réforme équilibrée.
L’amendement no 230 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 620 .
« Ah ! » et sourires.
vous avez tous examiné en détail ce que l’on nous propose : la dotation de ruralité s’élève à 272 millions et la dotation de centralité, elle, à 2,3 milliards. La dotation de ruralité représente 20 euros par habitant ; la dotation de centralité, quant à elle, même si elle est comprise dans une fourchette qui ne semble pas considérable, est tout de même très supérieure à ces 20 euros. Et, par le jeu de la puissance 5 de la population, on obtient des dotations de centralité qui ne sont pas très différentes de celles dont bénéficient actuellement les plus grandes agglomérations. C’est un vrai problème.
Vous semble-t-il équilibré de distribuer 272 millions à 13 millions d’habitants, soit 20 % des Français, et de consacrer dix fois plus d’argent à la dotation de centralité ? Ce n’est pas mon idée de la justice. J’aimerais que les ministres s’expriment sur cette question : un tel écart dessine-t-il une France équilibrée ? Ma réponse est non. Il importe de rééquilibrer tout cela, dans le cadre des négociations qui interviendront l’année prochaine. Quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?
Défavorable.
Il est vrai, monsieur de Courson, que cette dotation de ruralité n’est que de 272 millions, mais le coeur de la réforme consiste à fixer pour chaque habitant de chaque commune, quelle que soit sa taille, le même montant de dotation de base – les 75,72 euros. Souvenez-vous : il y a vingt-trois ans, on avait un écart de 1 à 3. On l’a réduit ensuite de 1 à 2,5, puis on est passé de 1 à 2. Désormais, cet écart sera entièrement résorbé. C’est cela, le coeur de la réforme : il faut le prendre en considération. Cela explique, pour partie, le fait qu’il n’y ait que 272 millions au titre de la dotation de ruralité.
L’amendement no 620 est retiré.
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement no 619 .
Avec cet amendement, comme avec le précédent et l’amendement no 617 , que je défends en même temps, je voulais tester le Gouvernement. Mais j’ai du mal à connaître votre position, madame la ministre, car vous n’avez pas pris position.
Je veux bien retirer ces amendements, mais j’aimerais que vous me disiez que vous être prête à examiner la question. Il est rare que je ne sois pas d’accord avec le président de la commission des finances, mais, contrairement à ce qu’il dit, ce dispositif n’est pas équilibré : 20 euros d’un côté, et des dotations de centralité qui peuvent atteindre 60 ou 70 euros, ce n’est pas équilibré.
Je ne demande pas une dotation unique par habitant, mais 20 euros d’un côté, et deux, trois, sept fois plus de l’autre, ce n’est pas équitable.
Je reprends la parole, mais je me contenterai par la suite de donner un avis défavorable. Permettez-moi de prendre quelques exemples, monsieur de Courson : pour les communes de moins de 500 habitants, le montant de la DGF est compris entre 87 et 320 euros dans le département du Lot-et-Garonne, soit un rapport de 1 à 4 ; entre 39 et 688 euros dans le département du Puy-de-Dôme, et entre 51 et 944 euros dans le Jura. Nous ne faisons pas une réforme pour les ruraux ou pour les urbains : cette réforme doit garantir plus de justice pour tout le monde. Ceux qui sont mal traités aujourd’hui doivent l’être mieux demain.
Pour répondre à M. Poisson, lorsque je parlais de communes similaires, je songeais par exemple à deux communes que je connais bien, qui ont la même population, le même revenu moyen par habitant, le même potentiel fiscal et qui fournissent le même effort fiscal. Deux communes répondant de la même façon à ces quatre critères devraient recevoir la même dotation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur de Courson, nous avons déjà eu ce débat en commission : nous sommes en train de le refaire, alors que nous avons décidé, toujours en commission, de ne pas discuter d’amendements à l’article 58, puisque nous avons reporté la réforme et devons travailler plusieurs fois dessus.
Je vous rappelle que l’ancienne DSR s’élevait à 225 millions d’euros : elle atteint aujourd’hui 272 millions. Vous devez comparer les anciennes dotations avec les nouvelles, sinon votre raisonnement ne tient pas. Il faut également venir travailler en commission.
Je comprends votre raisonnement, madame la rapporteure, mais les deux villes que vous évoquez ont-elles toutes les deux un collège, une piscine, un gymnase, une salle des fêtes ou un stade ? Tout dépend évidemment du niveau d’équipements et des contraintes qui pèsent sur les villes. Or ces critères ne figurent pas dans les indicateurs que vous avez donnés. Vous ne pouvez donc pas faire des affirmations aussi abruptes. Nous ne sommes pas pour autant dans les charges de centralité.
J’aurais dû préciser que ces deux communes font partie de la même communauté d’agglomération et que les équipements structurants sont supportés par celle-ci. Les deux communes sont donc comparables.
Nous n’avons pas à juger de la qualité de la dépense. C’est la raison pour laquelle nous avons simplifié les systèmes, monsieur Poisson. Vous avez satisfaction : peut-être pourrions-nous interrompre ce débat.
J’ai bien compris la méthode qui est la nôtre ce soir.
Simplement, j’aimerais que le Gouvernement s’engage à porter une attention particulière dans les six prochains mois à la problématique de la suppression de la dotation superficiaire, eu égard à ses conséquences sur certaines communes de montagne, qui ne sont pas toutes des stations de sport d’hiver richissimes et qui se retrouveront dans une situation difficile. J’évoque de nouveau la commune de Valjouffrey en Isère : alors qu’elle a une superficie de 130 kilomètres carrés, sa dotation forfaitaire de base passe de 120 000 euros à 25 000 euros ! Le débat des six mois à venir devra prendre en compte les cas particuliers de communes, situées notamment en zone de montagne, et trouver une solution à leur problème. J’attends un engagement du Gouvernement en ce sens.
Dès que je l’aurai, je retirerai mes deux amendements.
Avis défavorable, d’autant que les communes de montagne ont été globalement gagnantes. Vous vous rappelez sans doute qu’elles ont bénéficié en sus d’une dotation spécifique « parcs naturels », dotation qui existe également pour les communes accueillant des parcs naturels marins.
Je demandais un engagement du Gouvernement sur le fait que la dotation superficiaire puisse être prise en compte dans la réforme dont nous allons débattre : mais j’ai l’impression que, durant les six prochains mois, nous n’allons pas étudier grand-chose !
Madame la ministre, je vous rappelle que votre réforme fait disparaître la dotation pour les parcs nationaux.
Non.
Nous n’allons pas reprendre le débat en entier. La dotation de ruralité, qui est une dotation par citoyen qui prend en compte, en sus, la densité de la population, favorise les communes qui ont des terres agricoles, des parcs, des zones NDs ou Natura 2000 ou encore des périmètres de captage. Comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, ces communes agissent dans l’intérêt général en préservant pour l’ensemble de la collectivité des mètres carrés précieux agricoles ou naturels. En plus, au terme, de très longues discussions avec les associations d’élus, les communes qui accueillent un parc naturel ou un parc naturel marin se voient appliquer un coefficient de 0,2 à leur rapport de sous-densité. C’est exactement ce que vous demandiez.
En revanche, si vous souhaitez mettre fin à ce mode de calcul, vous me ferez plaisir parce que cela me permettra de dégager des ressources pour d’autres communes.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 622 .
Cet amendement pose la question de la définition d’une commune rurale.
Le Gouvernement retient comme critère une densité de population inférieure à 75 % de la densité moyenne nationale. Or la moyenne nationale, hors Guyane, s’élève à 102 habitants au kilomètre carré. Une commune ayant 75 habitants au kilomètre carré est-elle une commune rurale ? Sur les 36 000 communes françaises, 26 000 sont considérées comme des communes rurales : ce n’est pas raisonnable.
Cet amendement d’appel vise à connaître la position du Gouvernement sur le sujet : est-il prêt, dans le cadre du débat qui se tiendra l’année prochaine, à abaisser le taux, de façon à concentrer les 272 millions de la dotation de ruralité sur les communes de faible densité, ce qui n’est pas le cas avec le taux actuel de 75 % ?
Dans le centre et le sud de la Marne, il y a quinze habitants au kilomètre carré, et en zone de montagne, il peut y en avoir moins de sept. Baisser ce taux permettrait d’aller au-delà de vingt euros par habitant, à enveloppe constante au moins dans un premier temps.
Défavorable. Sinon, il fallait discuter de la réforme. Or M. de Courson pense lui-même qu’il faut la reporter.
Je voulais simplement sonder les intentions du Gouvernement. S’il est ouvert au débat, je retire l’amendement.
L’amendement no 622 est retiré.
Ces trois amendements concernent le calcul de la dotation pour les communes accueillant un parc national.
Selon la rédaction actuelle de l’article 58, des communes qui ne seraient pas considérées comme bénéficiaires de la dotation de ruralité, le deviennent grâce au coefficient multiplicateur parce que leur territoire est en tout ou partie compris dans le coeur d’un parc national. Il est paradoxal de faire entrer des communes qui ne sont pas rurales dans la ruralité !
En revanche, les communes qui avaient une dotation pour parcs nationaux, que ceux-ci soient terrestres ou marins, bénéficiaient d’un calcul de la superficie de leur territoire situé au coeur du parc. L’incompréhension est aujourd’hui totale.
J’ai déjà évoqué l’exemple d’une commune située en Isère. Sur les 120 000 euros de DGF qu’elle percevait pour ses 130 kilomètres carrés, elle en recevait 70 000 au titre de sa superficie et 25 000 au titre des parcs : ils sont supprimés, puisqu’elle n’aura plus que 20 euros par habitant. Telle est la réalité !
Relisez la rédaction des alinéas de l’article relatifs aux parcs nationaux et les parcs naturels marins : le problème vous sautera aux yeux.
Je retire les trois amendements au profit du débat qui se tiendra durant les six prochains mois : il ne sert à rien de discuter de mesures qui ne seront pas applicables. Nous parlions, une autre fois, du surréalisme belge, qui est à la fois structuré et ludique. Le débat de ce soir est assez surréaliste, mais il n’a rein de structuré ni de ludique ! Prenez au moins en compte le pacte entre la nation et des communes qui ont délibéré pour adhérer à des chartes en sachant qu’elles recevraient une dotation supplémentaire au titre des parcs nationaux. Aujourd’hui les maires des 90 % de communes qui ont refusé d’adhérer au parc national de la Vanoise se frottent les mains en pensant que les communes qui ont adhéré aux chartes dans le cadre de la loi de 2006 se sont fait avoir.
Monsieur Giraud, votre passion est positive. Je prends l’engagement de prévoir un groupe spécifique sur les parcs. Nous pensons que la solution que nous avons adoptée répond à 100 % à vos voeux, mais nous avons peut-être tort : c’est pourquoi je m’engage à regarder de près vos critiques.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 625 .
C’est encore une fois un amendement d’appel.
Le Gouvernement propose de plafonner la dotation de ruralité à quatre fois le montant de la dotation de base. Une réduction à trois fois permettrait de dégager, à enveloppe constante, des financements pour d’autres communes.
Défavorable.
L’amendement no 625 est retiré.
La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement no 232 .
Cet amendement vise à rehausser le seuil d’éligibilité de la dotation de centralité afin d’introduire un meilleur équilibre entre les communes et de respecter un parallélisme des seuils d’éligibilité entre dotation de centralité et dotation de ruralité.
Défavorable.
L’amendement no 232 n’est pas adopté.
Nous avons pris acte du report de la réforme : nous avons six mois pour y travailler. Toutefois, ces débats à venir ne doivent pas empêcher d’enrichir la prise en compte des problématiques de centralité des petites villes. La première version de la réforme contenait des mesures qui allaient à l’encontre des objectifs que vous souhaitiez atteindre.
Le premier de ces objectifs est la lutte contre l’injustice. Je l’ai dit à Mme la rapporteure spéciale, en France, la première des injustices est l’injustice fiscale. C’est pourquoi je souhaite que la problématique fiscale soit davantage intégrée pour les bourgs centres. Les problématiques des coûts de centralité sont différentes selon que la commune est fortement intégrée à une communauté d’agglomération ou pas. La réforme prévoyait pour Château-Thierry une baisse de la DGF de 500 000 euros, sur laquelle pesaient, en sus, l’incertitude sur les quartiers prioritaires et sur l’exonération sur le foncier bâti de l’ordre de 300 000 euros : la situation est impossible.
Il faut prendre réellement en compte les dépenses de centralité des bourgs. La revalorisation devra intégrer le montant de la fiscalité des habitants, parce que c’est une source d’injustice très grande. Si vous comparez, en matière d’impôts locaux, les strates d’une commune de 500 habitants avec ceux d’une commune de 10 000 ou 15 000, vous verrez une grosse différence. Chacun connaît les chiffres : 297 euros pour les communes de moins de 500 habitants contre 549 euros – le double – pour les autres. Il faut intégrer ces éléments et revoir la dotation de centralité à la hausse.
Mes deux amendements vont partiellement dans le sens de celui de M. Krabal. Le rapport est, actuellement, de 1 à 3 puisque le montant attribué à chaque territoire va de 15 à 45 euros. C’est le même rapport que dans la loi Hoeffel de 1993. Je propose un rapport de 1 à 2. Les autres variables sont la fourchette et la puissance cinq de la population, laquelle donne l’impression qu’on resserre alors qu’on rouvre très fortement.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il prévu une fourchette de 1 à 3 : tel est le débat que ces deux amendements ont pour objet d’ouvrir.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Même avis.
Notre collègue Krabal a raison : dans la première version du texte qui nous a été soumise, et d’après les simulations qui nous ont été fournies, les villes-centres, en particulier celles de 10 000 à 30 000 habitants, et plus encore celles de 15 000 à 20 000 habitants, c’est-à-dire celles de la neuvième strate, étaient considérées comme perdantes ou, en tout cas, moins gagnantes que les autres à la réforme. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’exprime, depuis longtemps maintenant, des inquiétudes à ce sujet. La neuvième strate démographique, qui comprend les communes de 15 000 à 20 000 habitants, est la seule qui compterait moins de communes gagnantes à la réforme que de communes perdantes, toutes choses égales par ailleurs puisque nous ne tenons pas compte, dans ces calculs, de la contribution au redressement des finances publiques. En outre, cette neuvième strate aurait été l’une des trois seules, sur les quinze ou vingt strates existantes, dont le montant net de DGF versée à l’ensemble des communes qui la composent aurait baissé, de 7 à 8 millions d’euros, si ma mémoire est bonne.
Notre collègue Krabal propose de changer les modalités de répartition de la dotation entre les villes et l’ensemble intercommunal, en ramenant de 40 % à 30 % le plafond de dotation servie à l’intercommunalité. Cette proposition va dans le bon sens, dans la mesure où elle permet de mieux reconnaître les charges de « centralité » incombant aux villes, notamment celles de 10 000 à 30 000 habitants, et plus encore celles de 15 000 à 20 000 habitants, au sein de ces intercommunalités. Ces charges sont liées au rôle particulier de ces villes-centres en matière d’aménagement du territoire.
Nous avons entendu dire que tout cela sera examiné dans le cadre de la clause de revoyure ou, en tout cas, au cours de la période de six mois qui s’ouvre aujourd’hui. En écho et en défense de l’amendement de M. Krabal, j’espère que le Gouvernement pourra s’engager à étudier ce scénario alternatif.
Permettez-moi d’exprimer une réflexion au sujet de notre méthode de travail, monsieur le président. Je suis un peu surpris ! La commission des finances a trouvé un accord unanime sur l’article 58, et le Gouvernement semblait d’accord avec nous. En conséquence, je ne comprends pas pourquoi ce dernier n’a pas déposé, en accord avec la commission des finances, un amendement de rédaction globale de cet article. Cela nous éviterait de discuter aujourd’hui, pendant des heures, de ce qui va se passer en 2017.
Cette méthode de travail nous fait perdre un temps fou. C’est du temps perdu pour tout le monde, alors que nous avons beaucoup de choses à faire !
En effet, 80 % des dispositions dont nous discutons aujourd’hui doivent entrer en vigueur en 2017. La réforme ne s’appliquera pas en 2016. Madame la ministre, pourquoi n’avez-vous pas utilisé une méthode simple de travail parlementaire, dont tout le monde se sert, pour éviter de perdre du temps et nous permettre de discuter des choses qui doivent se passer tout de suite ?
Bien sûr que nous aurions pu agir ainsi, monsieur Ollier, mais les députés qui tenaient absolument à présenter des amendements auraient alors déposé des sous-amendements au nôtre ! Nous avons regardé qui avait l’intention de déposer des sous-amendements : nous aurions eu le même résultat.
Sur certains sujets, effectivement, la discussion est déjà quasi ouverte, comme le disait Olivier Dussopt tout à l’heure.
Si nous reportons la réforme, alors il faut aussi reporter la discussion, et tous ceux qui ont demandé le report de la réforme doivent retirer leurs amendements. Sinon, cela n’a pas de sens !
Retirez vos amendements !
Je le répète : il faut que tous ceux qui ont demandé le report de la réforme retirent leurs amendements.
Moi, je n’ai pas demandé le report de la réforme : j’ai donc le droit de défendre mes amendements !
L’amendement no 679 n’est pas adopté.
Puisque je n’ai obtenu aucune réponse du Gouvernement, je les maintiens.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 : suite de l’examen des crédits relatifs aux relations avec les collectivités territoriales.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly